Intervention de Denis Morin

Réunion du mardi 8 octobre 2019 à 17h15
Commission des affaires sociales

Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes :

M. Thomas Mesnier a, quant à lui, évoqué la question de l'ambulatoire et en particulier la réforme de la tarification d'urgence.

Rien ne concerne, dans le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale qui vous est présenté aujourd'hui, l'encombrement des urgences. Nous avons néanmoins travaillé sur ce sujet dans le cadre du rapport public annuel 2019. Nous y montrons que la réponse n'a pas été suffisante, même si toute une série de solutions ont été apportées au problème, tant concernant la gestion interne des services d'urgence, ce qui a débouché sur des progrès – très clairement, la création de postes de gestionnaires de lits constitue une innovation efficace pour assurer la fluidité du parcours de soins –, qu'en termes tarifaires. En la matière, la réforme engagée a une portée plus large que le simple financement des urgences : la tarification au parcours, longtemps restée dans les limbes, est ainsi appliquée à chaque fois que cela est possible. Enfin, il y a le succès du virage ambulatoire, dont il était question depuis une dizaine d'années en France – contre, il est vrai, quelque trente-cinq ans au Canada... Il est en tout cas heureux que nous ayons fini par nous y intéresser de près.

La solution réside dans la mise en place de ces instruments permettant de mieux structurer le premier recours et d'offrir à nos concitoyens, dans la majeure partie des territoires, une capacité de prise en charge d'actes simples, éventuellement au sein des hôpitaux de proximité – ce qui renvoie au thème du chapitre consacré aux actes et consultations externes – mais également, et c'est le plus fréquent, en ville. À cet égard, l'achèvement très positif des négociations conventionnelles concernant les communautés professionnelles territoriales de santé ainsi que le début du déploiement– dont la CNAM nous a confirmé qu'il était extrêmement encourageant – de ces nouveaux modes d'exercice sont des éléments très favorables.

Nous aurons réussi le virage ambulatoire lorsque nous observerons enfin une stabilisation de la fréquentation des urgences ainsi que le déploiement de prises en charge alternatives, à chaque fois que celles-ci sont justifiées.

Il me paraît difficile de continuer à répéter que 80 % de nos concitoyens se rendant aux urgences n'y ont pas leur place, puisque 80 % des accès à ces services ne donnent pas lieu à autre chose qu'à des actes médicaux simples et qu'ils ne sont évidemment pas suivis d'une hospitalisation. Qui peut leur en faire grief, en effet, si aucune autre solution ne s'offre à eux dans certains territoires ? Ils savent qu'il s'agit d'un lieu de soins ouvert en permanence, qui pratique généralement le tiers payant et où ils pourront rencontrer généralistes, spécialistes, urgentistes, et faire effectuer toute une série d'actes médicaux simples en biologie et en radiologie. Peu de structures de soins n'offrent aujourd'hui d'alternative à cette offre dans les territoires, l'hôpital restant assez présent y compris au centre même d'un certain nombre de déserts médicaux.

Il faut parier sur le déploiement de toutes ces actions menées depuis quelques années et qui ont été renforcées l'an dernier au profit du virage ambulatoire, et d'une prise en charge en ville à chaque fois que cela est possible, souhaitable et nécessaire afin de désengorger les urgences.

Aucune référence n'est faite sur la fusion entre le RSI et le régime général dans notre rapport, même si nous suivons évidemment ce sujet de très près, notamment sous l'angle de la certification des comptes. Il s'agit en effet d'un point de vigilance absolue pour le certificateur qu'est la Cour des comptes. Nous sommes plutôt rassurés sur les conditions de l'intégration du RSI. Nous avons prévu d'en dresser un bilan dans le prochain rapport : madame Catherine Fabre, vous me voyez donc désolé de ne pas pouvoir vous apporter dès aujourd'hui d'autres éléments de réponse. Nous suivons en outre très précisément les flux financiers correspondants, ce qui nous amène d'ailleurs à nous coordonner avec les commissaires aux comptes, ce qui est souhaitable, mais pas toujours facile.

Monsieur Perrut, je ne sais pas si la Cour a beaucoup de choses à dire sur les conditions d'application de la loi : peut-être le Conseil d'État en aurait-il davantage. Effectivement, nombre de décrets tardent à être pris, ce qui par définition nuit aux conditions de mise en oeuvre de la loi.

Le forfait accueil et traitement des urgences (ATU) constitue par ailleurs un sujet compliqué. L'ATU est une bonne chose car il faut, dans certains cas, pouvoir accéder rapidement à des traitements innovants, je pense par exemple à l'hépatite C. Dans d'autres cas, en revanche, il importe de ne pas trop se presser. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé doit aussi, précisément, se montrer vigilante quant aux conditions d'accès au marché d'un certain nombre de médicaments. Certains d'entre eux peuvent, en effet, avoir des effets pervers, indésirables, voire des effets indésirables graves. Il est donc très important qu'au moment de l'accès au marché, c'est-à-dire de l'attribution de l'autorisation de mise sur le marché, le régulateur ait été en mesure de vérifier, notamment en recourant à tous les essais cliniques souhaitables, la pertinence d'un médicament et de sa mise sur le marché.

Il faut par conséquent trouver un équilibre : le cas particulier de l'ATU est difficile, ce qui explique l'hésitation tant dans les conditions d'application de la loi que dans la prise de ses décrets d'application.

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