Intervention de Jeanine Dubié

Réunion du jeudi 10 octobre 2019 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

« Un point de rupture est franchi, la sécurité n'est plus assurée » : ce sont les mots des quelque 2 300 professionnels de santé qui ont signé à la fin du mois de septembre un appel pour des états généraux de l'hôpital public.

Chefs de service, médecins hospitaliers, internes, infirmiers, aides-soignants, tous alertent sur l'aggravation de leurs conditions de travail. Nous nous enfonçons dans une crise qui menace la survie de tout notre système de santé. Les hôpitaux ne parviennent plus à couvrir leurs charges d'exploitation courante, les urgences sont au bord de l'implosion et nos concitoyens sont confrontés à l'impasse de la désertification médicale. C'est peu dire que ce PLFSS était fort attendu par le secteur hospitalier, et plus largement par l'ensemble des acteurs de santé.

Mais la déception est à la hauteur des attentes. Vous présentez aujourd'hui un ONDAM à 2,3 %, alors que nous espérions voir se poursuivre la dynamique amorcée l'an dernier, avec un ONDAM à 2,5 %. Compte tenu du déficit du régime général, estimé à 5,1 milliards en 2020, la marge de manoeuvre paraît bien limitée. Le retour à l'équilibre des comptes, initialement prévu en 2020, est repoussé à 2023.

Certes, ce déficit est pour moitié dû aux mesures d'urgence que nous avons votées en pleine crise des « gilets jaunes ». Mais c'est le Gouvernement qui fait le choix de ne pas compenser la perte de recettes pour la sécurité sociale de 2,7 milliards d'euros. Nous le regrettons. Non, monsieur le ministre, la cotisation et l'impôt, ce n'est pas pareil !

Il serait exagéré de dire que la ministre Agnès Buzyn n'a rien fait. Je pense notamment à la revalorisation tarifaire, au dégel des réserves prudentielles et à la restitution partielle de la sous-exécution de l'ONDAM en 2019. Mais tout cela est insuffisant au regard des besoins, criants. Les établissements de santé, publics comme privés, s'unissent pour nous alerter sur leurs conditions de fonctionnement, et ce malgré les mesures prises. Les déficits des hôpitaux publics ont atteint 620 millions d'euros en 2018 et 25 % des établissements privés sont déficitaires. Il est urgent et essentiel de repenser le financement des établissements : les ressources doivent augmenter et la pluriannualité doit être instaurée pour une meilleure visibilité.

Par ailleurs, nous notons une inscription de 100 millions d'euros sur les hôpitaux de proximité, alors que l'ordonnance n'est toujours pas prête. N'est-ce pas trop ambitieux, ou décalé ?

Vous dites soutenir, avec ce texte, le pouvoir d'achat. La réindexation des pensions de moins de 2 000 euros sur l'inflation ne doit pas occulter la sous-indexation à 0,3 % pour les autres. Nous nous opposerons à l'indexation différenciée des prestations sociales. À la veille de la réforme du système de retraite, quel mauvais signal !

Pensez-vous que la mesure consistant à reconduire la prime exceptionnelle de 1 000 euros en la conditionnant à des accords d'intéressement soit pertinente ? Encore une fois, cette restriction se fera au détriment des salariés des petites entreprises. Un premier bilan de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) montre en effet que 29,8 % des entreprises de plus de 2 000 salariés ont versé une prime, contre 9,7 % des entreprises de moins de 10 salariés. Nous proposerons d'améliorer ce dispositif pour mieux en répartir le bénéfice.

Compte tenu du défi qu'elle représente, le Gouvernement était très attendu sur la dépendance. Il est difficile de se prononcer aujourd'hui, puisque les mesures concrètes ne seront présentées qu'à la fin de l'année, dans le projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie. Mais compte tenu des déficits, la proposition de Dominique Libault qui suggérait d'affecter une partie de la contribution pour le remboursement de la dette sociale au financement du risque dépendance nous semble largement compromise. Il est prévu de consacrer 15 millions d'euros au recrutement du personnel en EHPAD et de reconduire la dotation de 50 millions pour les SAAD. Il n'est pas certain que ces mesures soient à la hauteur des difficultés rencontrées.

Nous aurons l'occasion de revenir sur l'indemnisation du congé de proche aidant. Très attendu, ce dispositif mérite encore d'être amélioré, notamment dans sa durée.

Le tableau sombre que je dresse aujourd'hui ne doit pas faire oublier l'existence de mesures qui vont dans le bon sens. Je pense au forfait accompagnement post-cancer, au mécanisme de recouvrement des pensions alimentaires ou à l'effort de simplification et d'amélioration des relations avec l'administration. Les débats permettront, je l'espère, d'avancer sur certains sujets, mais en l'état, le texte nous paraît en deçà de nos attentes et de celles des Français. Le groupe Libertés et Territoires réserve sa position.

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