Intervention de Typhanie Degois

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 21h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaTyphanie Degois, rapporteure pour avis :

Afin de relever les défis majeurs du XXIe siècle, la France a le devoir de soutenir la recherche et les acteurs économiques dans les chantiers innovants qu'ils entreprennent. C'est le sens du programme d'investissements d'avenir, qui fêtera ses dix ans l'année prochaine.

À cette occasion, il apparaît nécessaire de dresser un premier bilan de ses réalisations : c'est pourquoi il a été choisi d'examiner cet avis budgétaire sous l'angle de l'évaluation du PIA. Depuis 2010, le programme a été doté de 57 milliards d'euros. De tels investissements méritent une évaluation complémentaire de celle du comité de surveillance des investissements d'avenir, qui rendra sous peu un travail exhaustif.

Pour ma part, je me concentrerai sur les crédits du PIA 3, c'est-à-dire 10 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement en 2017. Les premiers décaissements sont intervenus en 2018 et devraient se poursuivre au-delà de 2022. Ce travail a été l'occasion d'auditionner les acteurs incontournables du PIA, c'est-à-dire le secrétariat général pour l'investissement, les quatre opérateurs mais aussi les bénéficiaires – entreprises, universitaires, chercheurs.

Avant de revenir sur ces éléments, du point de vue de l'évolution des crédits budgétaires de la mission « Investissements d'avenir », l'année 2020 sera marquée par une accélération forte des décaissements pour les programmes 422 et 423, qui portent sur la valorisation de la recherche et le soutien à la modernisation des entreprises. En effet, au total, les crédits du PIA 3 atteindront en 2020 plus de 2 milliards d'euros, contre 1 milliard l'année précédente. Si ce chiffre global peut cacher des disparités entre les actions, il n'en demeure pas moins que la dynamique est indiscutable et relativement homogène. De fait, seule l'action relative aux démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition, au sein du programme 422, connaît une diminution budgétaire.

Le PIA fait l'objet d'avis favorables quant à ses effets. Depuis sa création, il a financé plus de 6 200 projets pour un montant de 46 milliards d'euros. L'ensemble des actions menées ont permis d'améliorer significativement la situation des entreprises technologiques. Depuis dix ans, le nombre de start-up en France n'a cessé de croître : elles sont aujourd'hui 10 000. Le taux d'innovation des entreprises, toutes tailles confondues, a suivi la même dynamique, avec une valeur de 56 %, ce qui est supérieur à la moyenne européenne.

De l'avis des acteurs auditionnés, les outils – aides à l'innovation, prêts – sont adaptés. Nous constatons que les appels à projets sont calibrés pour les PME, puisque 54 % des fonds décaissés l'ont été à destination des TPE et des PME. Un bémol sera toutefois apporté pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui, en raison de plafonnement de certaines aides, ne sont pas incitées à candidater au PIA. Cette problématique fait l'objet d'une recommandation dans le rapport.

Enfin, le PIA a été bénéfique pour l'économie française. Des données rassemblées par le Secrétariat général pour l'investissement le démontrent. Le programme d'investissements d'avenir a en effet produit des retours sur investissements positifs pour l'État, à hauteur de 209,4 millions d'euros pour 2018 ; ils devraient doubler pour l'exercice 2019. Le PIA a également un effet de levier significatif sur l'investissement privé, qui est de 1,09 avec 45,8 milliards d'euros de cofinancement pour les PIA 1 et 2.

Les outils du PIA ont donné satisfaction dans la majorité des cas ; lorsque les résultats n'étaient pas présents, il y a eu des modifications, voire des suppressions. Ainsi, les instituts pour la transition énergétique (ITE) ont facilité l'affirmation d'une ambition d'excellence dans le domaine de l'énergie. Toutefois, l'État a décidé de fermer quatre ITE qui n'étaient pas parvenus à trouver les relais industriels nécessaires. Ces bons résultats sont confirmés par les acteurs auditionnés, qui ont, dans leur majorité, salué l'utilité des outils mis en oeuvre par le PIA.

Les retours d'expérience ont toutefois permis de mettre en lumière des points à améliorer. Premièrement, les acteurs économiques ont encore du mal à identifier le bon opérateur du PIA lorsque les périmètres d'intervention de deux d'entre eux se chevauchent. La réorientation vers le bon guichet provoque parfois des pertes de temps dans l'avancement des projets.

Deuxièmement, les avances remboursables, qui sont un moyen de soutien à un projet innovant, peuvent dans certains cas ne pas correspondre à l'esprit même de l'innovation, qui induit du risque. Pour des projets d'envergure, comme ceux menés par EDF ou le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables), le risque est tel que si le projet ne marche pas, ils ne pourront tout simplement pas rembourser.

Troisièmement, le processus d'évaluation régulière, s'il a ses vertus, présente aussi des contraintes. De nombreux acteurs sont ainsi longuement revenus, lors des auditions, sur les conséquences négatives du gel des financements le temps de l'évaluation annuelle et sur le manque de prévisibilité pluriannuelle de leur financement. Certains ont même évoqué des problèmes de trésorerie liés au versement en retard du solde prévu, ce qui a pu paralyser l'avancement de projets importants. Enfin, le financement des entreprises en phase d'accélération reste problématique, comme le démontre d'ailleurs le récent rapport de M. Philippe Tibi sur le financement des entreprises technologiques françaises. Nous sommes encore trop dans le schéma d'innover en France, de financer aux États-Unis et de produire en Asie. Il est indispensable que le PIA accompagne les projets au-delà du démonstrateur, au risque, sinon, que la technologie soit finalement détenue à l'étranger. Nous recommandons de renforcer l'évaluation qualitative des outils de financement du PIA afin de nous assurer de leur bon calibrage et de leur accessibilité aux porteurs de projets.

Dans sa partie thématique, le rapport illustre de manière pratique le rôle du PIA dans deux secteurs stratégiques : l'énergie et la santé. Alors que le PIA est un succès dans le soutien à l'innovation énergétique, nous avons constaté des lacunes dans le domaine de la santé, plus particulièrement les méthodes substitutives à l'expérimentation animale.

Le secteur de l'énergie fait l'objet d'un soutien fort, dix-huit actions du PIA étant liées aux enjeux de l'énergie et du développement durable. Les plus importantes concernent les démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition, les instituts de transition énergétique ou encore des actions menées par le CEA. Au total, près de 7 milliards d'euros sont consacrés aux projets innovants dans l'énergie.

Ce soutien concerne à la fois l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables. Il s'agit de projets très concrets et utiles, comme le déploiement d'éoliennes flottantes par EDF, ou encore le développement de nouvelles générations de batteries lithium-ion, comme à l'INES (Institut national de l'énergie solaire) en Savoie, avec pour ambition de créer une véritable filière européenne dans ce domaine.

Au total, en matière d'énergies renouvelables, plus de 200 projets ont été déposés depuis 2011, 66 ont été soutenus pour un montant d'aides de 291 millions d'euros. Il apparaît néanmoins souhaitable que le soutien du PIA aux énergies renouvelables se renforce dans les prochaines années, afin d'inciter les entreprises françaises à innover dans ces secteurs d'avenir hautement compétitifs.

Concernant l'innovation dans la santé, le rapport constate l'existence d'un vivier dynamique d'entreprises et de projets se substituant aux expérimentations animales. En dépit des avantages importants que revêtent ces techniques, tant sur le plan académique qu'économique, elles ne font pas aujourd'hui l'objet de soutiens directs en France. Elles présentent pourtant un potentiel économique fort puisque ces méthodes mobilisent des technologies de pointe, comme la création d'organes à partir de cellules souches – la création d'un coeur artificiel aux États-Unis a été récemment médiatisée –, l'utilisation de la bioluminescence ou encore le traitement de données de recherche grâce à l'intelligence artificielle. Ces nouvelles méthodes, qui assurent davantage de compétitivité et une meilleure prévisibilité aux entreprises et laboratoires, reçoivent l'adhésion des acteurs.

Dans ce domaine, la France accuse un retard important par rapport à d'autres pays : le Royaume-Uni, le Danemark, l'Allemagne ou encore les États-Unis se sont déjà dotés de structures de recherche sur le sujet. Ils ont en effet compris que les méthodes alternatives aux expérimentations animales peuvent apporter des gains en matière d'efficacité scientifique et des opportunités économiques. Face à cette inertie, le programme d'investissements d'avenir doit jouer un rôle important pour soutenir les projets du secteur de la santé en France. C'est pourquoi le rapport fait quatre recommandations en ce sens, rejoignant en cela le travail réalisé il y a peu par l'OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques), notamment la création d'un centre de recherche sur les méthodes substitutives prenant la forme d'un « equipex » – équipement d'excellence.

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