Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des armées :

Je ne reviens pas sur les commentaires de M. Larsonneur, mais j'ai bien noté sur quels points le rapport pouvait être amélioré.

Une première question a porté sur le processus en cours au Yémen. J'espère que mes éléments de réponse pourront être utiles au président Faure et à M. Vallaud. Convaincus que ce n'est pas par l'action militaire que le conflit au Yémen sera résolu, nous appelons tous de nos voeux un processus politique. Malheureusement, la recherche de cette solution politique connaît beaucoup de heurts et de malheurs. Je ne répéterai pas ce que j'ai dit le 7 mai dernier, je compléterai plutôt mon propos d'alors pour tenir compte de ce qui s'est passé depuis.

Premièrement, nous constatons un début de retrait significatif des Émirats arabes unis. C'est un point important. Deuxièmement, le conseiller diplomatique du Président de la République est en ce moment même à Téhéran, pour une mission difficile, qui consiste notamment à demander aux Iraniens un geste de désescalade, en particulier sur le théâtre yéménite. L'Iran, vous le savez, exerce une influence sur les Houthis. Je ne peux malheureusement vous en dire plus, ne sachant quel pourrait être le résultat de ces démarches, mais, oui, il y a donc des éléments nouveaux : un belligérant se retire et, par ailleurs, la France continue d'être active sur le plan diplomatique, qu'il s'agisse de la tension générale entre l'Iran et les États-Unis, qui s'est exprimée lors d'un certain nombre d'incidents dans le golfe Arabo-Persique mais également de sa déclinaison très concrète au Yémen.

Lorsque je rencontre mon homologue émirien – je l'ai fait la semaine dernière –, je lui tiens un langage extrêmement clair : la poursuite de l'action militaire au Yémen est tout sauf un élément qui facilite une solution politique. Voilà ce que je dis à mon homologue. Cela suffira-t-il ? J'en doute, et ce serait me prêter beaucoup d'influence que de le croire, mais il est nécessaire d'être cohérent dans les positions que l'on défend sur le plan diplomatique.

On m'a indiqué que de nombreux points du rapport pourraient être précisés – cela renvoie aux recommandations de M. Larsonneur. Je pourrai le faire en séance mais nous le ferons surtout dans le cadre du prochain rapport.

S'agissant de la décision prise tout récemment par le tribunal administratif de Paris quant à l'éventuel non-respect par la France du traité sur le commerce des armes, je n'ai pas l'habitude de commenter des décisions de justice ni n'ai très envie de le faire ; je me limiterai donc à un commentaire a minima. Ce tribunal semble avoir estimé que la légalité des décisions qui sont prises en matière d'exportation ne pouvait être contestée au vu des dispositions du traité sur le commerce des armes et de la position commune. Ce à quoi je peux ajouter que, de toute façon, le Gouvernement instruit les demandes de licence avec beaucoup de vigilance et veille scrupuleusement au respect des réglementations, nationales ou internationales.

Que pourrait-on faire de mieux pour promouvoir les industries européennes ? Vous avez été plusieurs à me poser la question. La création du Fonds européen de défense est une étape extrêmement importante. Elle ne résoudra cependant pas tout, même si ledit Fonds est doté de 13 milliards d'euros, ce qui n'est pas encore complètement acquis ; il faudra donc d'abord sécuriser ses ressources. L'outil existe, les réglementations ont été adoptées par le Parlement européen, mais il nous faut maintenant mettre du carburant dans le moteur, autrement dit apporter des financements. Cet outil sera extrêmement utile pour constituer, solidifier, consolider une base industrielle et technologique de défense (BITD) à l'échelle européenne, mais, sans vouloir ne voir que le verre à moitié vide, au regard des investissements et de la force de frappe des Américains, le montant de 13 milliards d'euros reste modeste. Il faut donc aller plus loin.

J'applaudis des deux mains l'idée d'une préférence européenne. Le problème est que la plupart de nos partenaires y sont fondamentalement opposés. Je vous renvoie à un certain nombre de récents échanges de lettres, qui expriment une position qui n'est pas nouvelle de la part des États-Unis. Ceux-ci s'inquiètent – le terme est faible – de la montée en puissance de ces outils, parce qu'ils y voient une forme de montée en puissance de l'industrie européenne qui, à terme, si tout se passe comme nous le souhaitons, pourrait un jour concurrencer les industries américaines. Ils déploient donc une énergie considérable et emploient un ton tout à fait comminatoire, conséquence de la menace qu'ils perçoivent. Nous, Européens, devons d'abord tout faire pour que ce Fonds européen de défense existe le plus tôt possible. Il en existe une préfiguration dès cette année, dotée de 500 millions d'euros, dont des financements réservés à des projets importants de la France. Ensuite, il faudra passer à la vitesse supérieure et surtout convaincre sans arrêt, comme nous le faisons, nos partenaires européens, et aussi nos alliés de l'Alliance atlantique, que la montée en puissance des industries européennes n'est pas une mauvaise manière faite à l'Alliance atlantique ni une trahison de nos engagements résultant du traité de l'Atlantique nord. Là aussi, il va falloir faire oeuvre de pédagogie.

Une question a porté sur le lien entre la nécessité d'exporter et celle d'une dissuasion nucléaire parfaitement autonome. Au mois de mai, j'ai expliqué qu'en tant que puissance militaire, engagée dans de nombreuses opérations extérieures, dotée d'une capacité à entrer en premier, visant – c'est l'objectif de la loi de programmation militaire – un modèle d'armée complet et équilibré, et disposant enfin d'une force de dissuasion nucléaire, la France avait une responsabilité particulière. La France a donc une industrie performante, mais nous avons besoin d'une charge de travail suffisante pour maintenir nos compétences. Dans un certain nombre de domaines, nous l'avons – pas dans tous. Or il se trouve que nous savons gérer, développer et moderniser notre dissuasion en toute indépendance, sans avoir besoin de recourir au marché de l'exportation. C'est heureux ; sinon, nous serions en contradiction avec nos ambitions.

Évidemment, lorsqu'une entreprise telle que Naval Group vend des sous-marins en Inde, au Brésil ou, comme plus récemment, en Australie, cela permet à ses ingénieurs et ses techniciens d'entretenir leurs compétences, ce qui est très positif. Mais un sous-marin nucléaire lanceur d'engins, cela ne s'exporte pas, et cela ne s'exportera jamais. Pouvoir entretenir des compétences utiles pour la dissuasion nucléaire dans le cadre de contrats d'exportation qui ne mettent pas en jeu cette dissuasion, effectivement, c'est très positif et c'est très efficace.

Une question très technique m'a été posée sur les statistiques produites et le contrôle a posteriori. Les statistiques du tableau évoqué ne font pas de distinction en fonction de la gravité des manquements. La plupart d'entre eux, sinon la totalité, sont liés à des erreurs matérielles. Les dossiers sont extrêmement volumineux et les contrôles a posteriori sont des contrôles de conformité des informations qui devaient être fournies et qui l'ont été. Si les chiffres peuvent paraître élevés, il faudrait pouvoir vous donner des indications qui font défaut ; les écarts, systématiquement relevés, sont vraiment des manquements formels, de peu d'importance. Naturellement, s'il était révélé des écarts significatifs, nous passerions dans un autre registre.

J'en viens aux questions du président Faure. Je crois avoir répondu précisément au président Chassaigne à propos de la Libye ; je veux bien vous répéter, Monsieur Faure, ce que je lui ai dit, mais, en ce qui concerne l'objet plus particulier de votre question, il m'est très difficile d'aller au-delà lorsqu'il s'agit d'un détachement de renseignement à des fins de contre-terrorisme. Ce n'est pas nouveau, il en a toujours été ainsi, et ce n'est pas moi qui romprai le secret attaché à ces opérations.

Je reviendrai simplement sur une expression que vous avez utilisée parce que je la crois profondément inexacte. Vous avez dit que M. Haftar se baladait avec des missiles inutilisables… J'ai dit, dans ma réponse au président Chassaigne, que ces missiles étaient destinés à l'autoprotection d'un détachement français. M. Haftar ne se promène pas avec des missiles français utilisables ou inutilisables. J'ai dit, premièrement, que ces missiles étaient inutilisables au moment où ils ont été révélés et, deuxièmement, qu'ils étaient destinés à l'autoprotection d'un détachement français.

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