Intervention de Mathilde Panot

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Nous sommes dans une situation écologique critique. Si l'on ne change pas radicalement nos manières de produire et de consommer, la masse de nos déchets triplera dans le monde d'ici à 2100.

Nous croulons littéralement sous les déchets, car, chaque jour dans le monde, des tas de produits que personne ne peut réparer ou recycler totalement sont fabriqués, sans parler des 350 millions de tonnes de plastique, souvent à usage unique, qui se dispersent en millions de particules. Il y aura bientôt plus de plastique que de poissons en Méditerranée !

Nous croulons sous les déchets, car le modèle économique dont vous êtes partisane, madame la secrétaire d'État, a besoin de vendre toujours plus, y compris des produits dont personne n'a objectivement besoin. En 2014, Évian a inventé un nouveau format : la goutte d'eau de 20 centilitres – l'équivalent d'un verre d'eau. « Nous voulons développer des occasions de consommation qui n'existent pas aujourd'hui et aller dans des endroits où il n'y a pas d'offre », expliquait alors la directrice générale de Danone Eaux France. Résultat : un million de bouteilles en plastique sont produites chaque minute dans le monde ; 25 millions de bouteilles sont jetées quotidiennement en France, et moins de la moitié sont recyclées. Nous avons l'eau courante, des verres en verre, des gourdes, mais la priorité des industriels est de développer des « occasions de consommation » et de créer des besoins artificiels mortifères, à grand renfort de publicité. C'est là que nos visions du monde divergent et s'opposent.

Nous vivons sur une planète aux ressources finies. Toute personne sensée en conclurait que nous ne pouvons pas prendre plus à la planète que ce qu'elle peut reconstituer en un an, ni produire plus, y compris de déchets, que ce qu'elle peut supporter. L'urgence est à respecter les limites planétaires, au lieu de consommer trois planètes par an.

Vous pensez que tout déchet peut – doit – se transformer en nouveau débouché économique. Ainsi, vous visez l'objectif de 100 % de plastique recyclé d'ici au 1er janvier 2025. Nous pensons qu'un bon déchet est celui qui n'est pas produit. Comme le dit M. Paul Connet, fondateur du mouvement Zero waste : « si un objet ne peut être ni réparé, ni composté, ni recyclé, alors il n'aurait pas dû être produit. »

En France, les déchets sont la première dépense publique environnementale. Leur gestion, souvent déléguée à des entreprises transnationales, génère des coûts importants, supportés par les habitants qui payent de plus en plus d'impôts locaux. En outre, les déchets ne sont que rarement traités sur place. Les pays européens, dont la France, exportent plus de déchets que jamais vers la Chine mais aussi de nouvelles destinations – Inde, Malaisie, Vietnam ou Turquie. Réserves d'eau contaminées, récoltes perdues, maladies respiratoires, installation de mafias du plastique, ramasseurs de déchets précaires exposés, ces pays et leurs populations assument les coûts économiques, sociaux et environnementaux de notre pollution. La gestion actuelle des déchets a un coût international et constitue une mine d'or pour le secteur privé. Voilà le vrai visage de notre système basé sur le tout jetable !

Pour stopper ce déferlement continu des déchets, nous pensons qu'il faut empêcher la production d'objets inutiles et polluants en contraignant les entreprises. Vous pensez, tenant ainsi de l'écologie des petits pas, que les inciter suffit. Pire, vous culpabilisez les consommateurs. À lire les titres de votre projet de loi – « Renforcer l'information du consommateur », « Renforcer la lutte contre le gaspillage » –, on vous entend presque dire : « N'oubliez pas de ne pas jeter vos déchets par terre », « Surtout, ne vous trompez pas de couleur de poubelle » ! À l'inverse, nous tenons à marteler que les premiers responsables de la pollution sont les industriels et non les individus. L'obsolescence programmée des appareils électroménagers, le suremballage plastique des fruits et légumes sont-ils de la responsabilité des individus ? Non !

Devant l'urgence à sortir de l'ère du tout jetable, nous plaidons pour un État régulateur qui mette au pas les industriels, interdise l'obsolescence programmée et la publicité. Nous défendons un monde où chacun aurait le droit de ne pas être sollicité en permanence par des injonctions publicitaires à l'achat, à la consommation, à l'être par l'avoir.

Il y a quelques jours, je découvrais atterrée que vous parliez du zéro déchet comme d'une occasion pour les femmes de rester au foyer, de passer du temps avec leurs enfants « au lieu d'aller bosser pour avoir de l'argent ». J'insiste, l'urgence est de sortir de l'horizon vide de la surconsommation et de la surproduction, non pas de promouvoir des clichés d'un autre temps !

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