Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Réunion du vendredi 20 mars 2020 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je l'ai dit ce matin : à force de s'adapter aux circonstances, on finit par perdre le fil du raisonnement. Rendons-nous compte de ce que nous sommes en train de faire : parce qu'il y a un désaccord entre le Sénat et la majorité à l'Assemblée nationale, ce débat va retarder de quarante-huit heures la possibilité, pour le Président de la République ou plutôt pour le conseil des ministres, de déclarer l'état d'urgence sanitaire. Voilà la réalité ! Et quelle est l'origine du problème ? Le fait qu'on a décidé d'organiser un second tour sur les résultats du premier, hypothétiquement dans trois mois.

Les deux raisonnements qui ont été tenus peuvent s'entendre. Mme Batho a raison de demander à quoi sert de fixer une date tant qu'on ne sait pas si les élections pourront avoir lieu, et de souligner l'impact potentiel que cela aurait sur des élections qui se tiendraient dans six mois si le premier tour devait être recommencé. Vous allez figer la situation électorale alors que les listes qui auront fusionné ne seront peut-être pas ensemble le coup suivant. L'idée d'organiser le second tour dans trois mois sans qu'on sache s'il aura lieu et, partant, comment les listes doivent être déposées, me paraît lunaire ! Pire encore, M. Guerini a souligné, à juste titre, qu'on ne peut pas exclure le décès de candidats têtes de listes, seuls habilités à déposer celles-ci entre les deux tours. Qu'une telle éventualité intervienne avant le 31 mars, ou plus tard dans la seconde hypothèse, et la liste concernée ne pourra plus se présenter. On nous répète que le second tour aura lieu là où l'élection n'a pas été acquise au premier tour et qu'on pourra fusionner les listes. Que la date retenue soit le 31 mars ou qu'elle soit plus tardive, le problème est exactement le même ! C'est tout aussi incohérent et bizarre – pour rester poli.

Ce qui importe avant tout, c'est que les titres suivants du projet de loi soient adoptés rapidement et que l'état d'urgence sanitaire puisse être déclaré. Or, lors de la dernière Conférence des Présidents, le président de l'Assemblée nationale a envisagé que la commission mixte paritaire ne soit pas conclusive si l'on adopte l'amendement de la rapporteure. On retarde donc de quarante-huit heures la déclaration de l'état d'urgence sanitaire. Franchement, la raison voudrait qu'on n'empêche pas la commission mixte paritaire d'être conclusive. Si elle se tient demain matin, cela ne sera pas un drame national. Mais au moins faut-il ne pas créer un blocage politique, pour ne pas dire politicien – car il s'agit bien d'une préoccupation électorale et même électoraliste – en suivant un raisonnement qui ne me paraît tenable ni constitutionnellement ni démocratiquement. Je pense qu'il faut faire attention à cette question et je me permets de lancer un appel solennel. Quelle image aurions-nous ? Elle serait, cette fois, méritée…

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