Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 10h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Mes chers collègues, le sort de cette commission d'enquête vous appartient. Votre conscience individuelle est interrogée et la question est probablement plus morale que politique. J'imagine que la recherche de la vérité intéresse chacun d'entre vous. L'occasion vous est donnée de faire toute la lumière sur cette étude d'impact et de faire triompher la vérité. Dans quelques minutes, nous saurons si vous le souhaitez.

Pour compléter les propos de notre collègue et rapporteur Boris Vallaud, j'aimerais insister sur un précédent. Il élimine toute critique portant sur le contrôle de la qualité d'une étude d'impact, rédigé par le Gouvernement et ses services et montre qu'il ne saurait y avoir, comme je l'ai entendu, ni détournement de procédure ni irrecevabilité.

Ce précédent, c'est que cette assemblée a contrôlé en continu l'exercice par le Gouvernement d'un pouvoir régalien exceptionnel assis sur la loi du 3 avril 1955 qui fonde l'état d'urgence. À l'initiative du président de la commission des lois de l'époque, Jean-Jacques Urvoas, une majorité parlementaire a décidé de donner à la commission des lois la plénitude des pouvoirs d'une commission d'enquête pour contrôler et évaluer le Gouvernement dans la totalité de ses usages de la loi instaurant l'état d'urgence.

Alors que la France faisait face à la pire menace terroriste depuis la Seconde Guerre mondiale, la majorité parlementaire d'alors a armé le Parlement, pour ne rien céder au pouvoir exécutif, au moment où celui-ci s'attribuait des prérogatives exorbitantes du droit commun.

Le Parlement, et plus particulièrement la commission des lois de notre assemblée, a produit pendant toute la période de l'état d'urgence, les données statistiques et qualitatives les plus sincères, les plus exhaustives, les plus exactes sur les mesures prises. Cela a concerné les perquisitions, leur ciblage, leur déroulement, ses acteurs, les lieux, les horaires, le traitement des mineurs mais aussi le ciblage des personnes assignées à résidence.

Tous ces éléments ont été contrôlés sur pièces et sur place. Notre assemblée est allée chercher l'ensemble de ces données auprès des services concernés, alors même que l'administration centrale du ministère de l'intérieur ne procédait pas de manière aussi systématique à cette centralisation.

Pendant que le Gouvernement faisait usage des pouvoirs que lui confère cet état d'exception, notre assemblée a convoqué et entendu sous serment tous les acteurs de l'état d'urgence. Le Gouvernement a ainsi pu conduire sa mission de prévention et de sécurité. Il a également pu exercer sa faculté d'initiative législative en faisant proroger l'état d'urgence à plusieurs reprises.

À qui voulez-vous faire croire que le Parlement ne peut pas contrôler la qualité d'une étude d'impact ? Assumez votre forfaiture ! Assumez votre arbitraire ! Mais épargnez-nous ces faux arguments !

Non contents d'avoir applaudi debout le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, vous vous apprêtez à réduire les pouvoirs du Parlement, à vous asseoir sur les droits élémentaires de l'opposition et à dire que la démocratie ne s'impose pas à vous. Si cette majorité refuse au Parlement la création de cette commission d'enquête, alors la funeste démonstration sera faite.

Le groupe Socialistes et apparentés soutient pleinement la proposition de notre rapporteur. Il ne s'agit pas d'un soutien partisan mais du fruit d'une analyse juridique imparable construite par notre rapporteur, avec l'appui des administrateurs de notre commission, dont nous connaissons la valeur.

Mes chers collègues, pour une fois dans cette législature, tenez compte de l'histoire de nos institutions et de notre démocratie. Songez à ceux qui viendront après vous, dans cinq ans ou dans vingt ans. Imposer le fait majoritaire à la simple application de notre Constitution, serait le franchir le Rubicon pour nous conduire vers un terrain dont nous pourrions difficilement revenir. Quelles conséquences une telle jurisprudence pourrait avoir demain si le Rassemblement national venait au pouvoir, perspective que votre politique rend chaque jour plus plausible ? J'en appelle, au-delà des clivages partisans, à votre responsabilité morale devant notre Constitution.

Cette commission d'enquête n'a pas vocation à empêcher votre projet de réforme de notre système de retraite. Si vous êtes certains de la qualité de votre étude d'impact, alors cette création devrait être vue comme un moyen de renforcer votre projet de loi. Vous êtes face à l'histoire et elle finira tôt ou tard par en juger.

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