Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du mercredi 4 mars 2020 à 10h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Les démonstrations de nos collègues opposés à la création de la commission d'enquête sont à l'image de l'étude d'impact : très fragiles et truffées d'éléments de langage. En réalité, leurs motivations sont uniquement politiques alors qu'il nous est proposé de vérifier la sincérité, l'exhaustivité, l'exactitude de l'étude d'impact. C'est pourtant le fondement du travail législatif.

Plus que légitime, à nos yeux, ce travail est nécessaire pour faire la lumière sur les lacunes de cette étude d'impact et sur les conditions de sa réalisation. Cette étude a été beaucoup critiquée. Dans son avis, en indiquant que les documents doivent répondre aux exigences générales d'objectivité, de sincérité des travaux procédant à leur élaboration, le Conseil d'État a adressé un rappel à l'ordre au Gouvernement.

L'étude d'impact a aussi été critiquée par les organisations syndicales. Hier encore, François Hommeril, dirigeant de la CFE-CGC tweetait : « Je lance un appel. Est-ce qu'il existe une seule étude un peu sérieuse qui confirme les affirmations du Gouvernement sur son projet ? ».

Cette étude est carencée, orientée, trompeuse et une étude d'impact sérieuse nous a fait défaut dans les débats, car elle aurait délégitimé de nombreux arguments employés par le Gouvernement et la majorité pour justifier la réforme.

Par courrier en date du 27 janvier 2020, nous avons demandé au Président de l'Assemblée nationale le report de l'inscription des deux projets de loi au motif que cette étude d'impact méconnaissait les exigences posées par l'article 8 de la loi organique de 2009, qui découle elle-même de l'article 39 de la Constitution. Nous regrettons qu'il n'y ait pas été fait droit.

Pour nous, il n'existe aucun obstacle juridique à la création de cette commission d'enquête. La séparation des pouvoirs est parfaitement respectée. Des commissions d'enquête ont déjà mené leurs travaux sur des lois en cours de discussion.

Cette demande est précise, comme cela est imposé par l'article 137 du Règlement. Elle respecte l'article 138 puisqu'aucune précédente commission d'enquête n'a porté sur le même objet. Elle satisfait à l'article 139 qui précise qu'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ne peut être discutée lorsque des poursuites judiciaires sont en cours sur des faits ayant motivé le dépôt de la proposition.

Vous voudriez que tout cela n'intervienne qu'a posteriori, lorsqu'il sera trop tard. Nous pensons que le rôle du Parlement n'est pas d'obtempérer et de protéger le Gouvernement. Rejeter cette proposition reviendrait à nier les droits du Parlement et des minorités parlementaires. Les droits de l'opposition ne sauraient être réduits au nom de considérations politiques. Or ce droit de tirage est un droit fondamental, un outil essentiel pour contrôler l'action du Gouvernement ; en refuser l'exercice le rendrait partiel, soumis à votre volonté et à des contingences politiques. Cela ne serait pas acceptable.

À la suite de ce débat tronqué, le texte reviendra à l'Assemblée pour une lecture définitive. Cette commission d'enquête est bien nécessaire pour que nous disposions alors d'éléments supplémentaires pour fonder nos décisions.

Avec l'examen du projet sur les retraites, les conditions du travail parlementaire ont été dégradées. Nous avons eu le sentiment de légiférer à l'aveuglette puis, avec le recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, de pas légiférer du tout.

Si vous refusiez cette commission d'enquête, vous vous rendriez coupable d'un nouvel acte d'autoritarisme. Après la négation de la fonction législative du Parlement, ce serait la négation de sa fonction de contrôle de l'action du Gouvernement. Il faudrait y voir comme un aveu que le Gouvernement a quelque chose à cacher : s'il était irréprochable, vous n'auriez rien à craindre. Si vous décidiez de refuser la création de cette commission d'enquête, vous auriez au final coché toutes les cases d'un passage en force et d'une forfaiture.

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