Intervention de Elsa Faucillon

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, il y a énormément de chantiers, d'énergie et de moyens à mobiliser pour que l'école continue, comme le disait Condorcet, à former des citoyens qui ne s'en laissent pas conter, mais qui entendent qu'on leur rende des comptes.

Ces dernières années, les réformes néolibérales ont profondément creusé les inégalités et l'austérité a dégradé les conditions d'étude, avec un nombre moyen d'élèves par classe en hausse, un manque régulier de remplaçants – on voit l'inspection s'exercer au jonglage entre les zones d'intervention localisée, les ZIL, et les brigades départementales – et une médecine scolaire en berne. Après le quinquennat noir de Sarkozy, et ses 80 000 postes en moins, accompagnés de la suppression des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – , la promesse de François Hollande de 60 000 créations, déjà insuffisante, n'a même pas été tenue.

Aujourd'hui, le budget pour 2018, que vous défendez, est avant tout celui de l'impossible « théorème de Bercy » : vouloir faire mieux avec moins. Chaque idée, chaque mesure allant dans le bon sens – je vous rassure : elles ne seront pas trop nombreuses – se fait aux frais d'une autre. Comment pourrait-on s'en réjouir ? Il s'agit bel et bien d'une augmentation de façade pour ce budget de la mission « Enseignement scolaire ».

Pour commencer, vous annoncez la création de 4 000 postes dans le primaire. Or, ces postes seront financés au détriment des collèges et des lycées, qui subiront la suppression de 2 600 postes d'enseignants et de 200 postes de personnels administratifs.

Le dédoublement des classes de CP en REP+, réseaux dont le périmètre avait été réduit par votre prédécesseure, absorbe à lui seul 3 400 postes, au détriment des autres niveaux : de quoi inquiéter les enseignants du secondaire, mais aussi les parents, au vu de l'augmentation des effectifs à la rentrée 2018, notamment au collège, avec 30 000 nouveaux élèves. Conséquence : des classes de 30 élèves en collège et de 35 en lycée deviennent la norme. Un exemple : à Nanterre, le collège Paul Éluard, établissement situé en zone prioritaire, a fermé une classe de sixième pour cette rentrée et l'effectif des classes est passé de 21 à 31 élèves. Qu'en sera-t-il après le vote de votre budget ?

Vous dites que, pour parvenir à 100 % de réussite en primaire, le dédoublement des classes de CP en REP+ est la solution. À terme, les classes de CP et CE1 en REP et REP+ devront être dédoublées. Or, conformément à la logique du Gouvernement, qui souhaite sans cesse faire mieux avec moins de moyens, les élèves qui sont cette année en CP dédoublé se retrouveraient en CE1 ordinaire à la rentrée prochaine, faute de créations de postes suffisantes. J'espère que vous me direz le contraire, car l'efficacité des effectifs réduits suppose de la continuité, en particulier à ces âges.

Il en va de même pour les conséquences de la suppression des contrats aidés, dont 23 000 ont disparu des écoles et établissements à cette rentrée. Dans le seul département des Hauts-de-Seine, 300 n'ont pas été renouvelés dans le secteur de l'éducation nationale. Cela touche essentiellement le primaire – pourtant prioritaire, selon les annonces – , l'accompagnement des élèves handicapés et l'aide administrative pour les directeurs et directrices d'école. Depuis la loi d'inclusion, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est en hausse, et c'est normal. Encore aujourd'hui, la transformation des quelques contrats aidés en contrats d'accompagnant d'élèves en situation de handicap – AESH – est trop faible. Nous préconisons de donner aux AESH un statut de fonctionnaires de l'éducation nationale, afin de leur assurer une formation et une protection véritables.

Enfin, la suppression d'un peu plus de 2 100 postes d'enseignants stagiaires acte officiellement la crise du recrutement chez les enseignants. Pour le second degré, on passera de 14 450 postes mis au concours en 2017 à 11 000 en 2018. C'est un signal grave qui est ainsi envoyé aux enseignants et c'est un nouveau tournant de la politique éducative, qui aura pour effet de multiplier les recrutements de contractuels de plus en plus précaires. Embaucher ces personnels à la place d'agents titulaires, c'est introduire dans l'éducation nationale la logique d'abaissement du coût du travail et entamer une forme de défonctionnarisation, en instaurant par là-même l'idée que les difficultés du système éducatif ne seraient pas une question de moyens, mais de bonne gestion – et vous savez que c'est faux. Ainsi, la crise du recrutement ne peut que se poursuivre. Ajoutons à cela les annonces faites sur les contreparties demandées aux enseignants.

Monsieur le ministre, les enseignants, face à une crise de recrutement, n'attendent pas de vous des conseils sur leur manière d'enseigner, mais les moyens d'accomplir au mieux leurs missions. Ils demandent des mesures permettant la revalorisation de leur métier. Celle-ci est urgente, comme l'est le pré-recrutement.

Nous constatons une contradiction entre votre communication – certes de qualité – et l'austérité en quantité, qui est à l'origine d'une désorganisation totale de l'éducation nationale et de l'accroissement des inégalités. C'est pourquoi nous voterons contre ce budget.

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