Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du lundi 13 novembre 2017 à 22h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Santé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente – je me permets de vous saluer à l'occasion de votre première présidence de séance – , madame la ministre des solidarités et de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, la mission « Santé », qui porte sur les crédits de la politique de santé de l'État, est composée des programmes 183, « Protection maladie » – qui finance quasi exclusivement l'AME – , et 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

La première partie de mon rapport est consacrée aux crédits de la mission, tandis que la seconde partie se concentrer sur trois sujets précis. Le premier est la gestion hospitalière de la patientèle précaire, une mission mal encadrée et mal compensée. Les deux autres concernent la prévention : il s'agit, d'une part, de l'obésité et, d'autre part, de la sécurité sanitaire, avec notamment un premier bilan de l'expérimentation de la salle de consommation à moindre risque à Paris. J'ai voulu en particulier, au travers de ces deux derniers thèmes, appeler l'attention sur les importants besoins qui se font sentir en matière de prévention.

En ce qui concerne le programme 183, les crédits demandés s'élèvent à 932 millions d'euros. Concrètement, 109 millions d'euros sont ajoutés à l'AME de droit commun par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Cette augmentation n'est d'ailleurs pas corrélée à la diminution du nombre de bénéficiaires de l'AME enregistrée depuis le dernier trimestre 2016. Pourtant, madame la ministre, vous nous avez indiqué en commission élargie que le niveau des crédits pour 2018 se fondait sur le tendanciel des années précédentes. On peut donc être surpris de cette situation. Par ailleurs, à ce jour, aucune explication n'a pu être donnée de cette diminution des bénéficiaires de l'AME, une évolution contre-intuitive eu égard notamment à l'arrivée des nouveaux migrants.

En tout état de cause, les crédits affectés à l'AME ont augmenté de 40 % entre 2013 et 2017. Qui plus est, si la prise en charge de l'AME pour les soins urgents est financée par une dotation dédiée de 40 millions d'euros qui n'a pas été modifiée depuis 2008, le coût à la charge de la CNAMTS atteint quasiment le double. C'est donc environ 1 milliard d'euros qui est engagé pour financer l'AME.

On le sait, le sujet est sensible pour beaucoup de nos concitoyens ; il faudrait avoir le courage de se demander pourquoi. Or, même en commission élargie, ce sujet n'a pu être abordé avec sérénité, sans stigmatisation ni leçon de morale. Pourtant, une question doit être posée : celle des abus inhérents à un système aussi généreux et peu contrôlé.

Mme Touraine elle-même, qui était pourtant prompte à donner des leçons de morale, avait reconnu que des filières de patients venus d'ailleurs abusent de cette aide destinée aux ressortissants en situation irrégulière et précaire, allant jusqu'à admettre en 2014 devant les sénateurs que ces cas de fraude gonflaient – en partie – le nombre des bénéficiaires de cette aide.

À l'heure où l'on cherche, particulièrement dans le champ de la santé, à faire des économies un peu partout, cette somme considérable conduit beaucoup de nos concitoyens à s'interroger. Il y va d'un sentiment d'injustice et du consentement à l'impôt.

Il est faux de dire que le panier de soins est très restreint : seuls quelques soins tels que la PMA et les cures thermales en ont été retirés à la suite de la publication d'un rapport de l'IGAS qui avait montré l'existence de nombreux abus.

Nous proposons donc quelques mesures symboliques pour éviter ces derniers. La mise sous accord préalable de certains actes existe pour les assurés sociaux ; le PLFSS pour 2018 étend d'ailleurs ce dispositif. Pourquoi ne pas l'appliquer à certains soins coûteux de l'AME ? Ce qui est bon pour l'assuré social français ne le serait-il pas pour l'étranger en situation irrégulière ?

Certains demandent la suppression pure et simple de ce dispositif ; ce n'est pas ma position. Vous l'avez dit, madame la ministre : ce serait une faute. En revanche, je demande des modalités de contrôle et d'autorisation préalable. Je vous demande également un rapport : alors que, pour un tel mécanisme, nous avons besoin de transparence, les dernières données approfondies remontent à 2010, date du rapport le plus récent de l'IGAS.

Concernant le programme 204, on observe également une augmentation des crédits. Pourtant, l'Agence de biomédecine et l'École des hautes études en santé publique sont désormais financées par les crédits de l'assurance maladie. En réalité, cette croissance résulte uniquement de celle de la ligne budgétaire consacrée aux actions juridiques et contentieuses : elle s'explique par la dotation de 77,7 millions d'euros prévue pour financer le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, géré par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux – l'ONIAM.

En fait, le budget de l'AME augmente tandis que celui de la prévention diminue : c'est l'un de nos sujets de préoccupation. Finalement, la prévention demeure une variable d'ajustement. J'ai bien compris, madame la ministre, que toutes les mesures liées à la prévention ne relèvent pas de cette mission, mais nous ne pouvons que constater la baisse des dépenses liées à la prévention, corollaire de l'augmentation des dépenses liées à l'AME, alors que les besoins en matière de prévention sont considérables.

Pour l'ensemble de ces raisons, je suis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ».

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