Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du mardi 14 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, je commencerai en apportant un éclairage rapide sur les grandes lignes du budget de la mission « Culture » avant de vous présenter l'objet de mon rapport, la Cité du théâtre.

Madame la ministre, vous avez qualifié votre budget de consolidé. C'est effectivement le cas pour les crédits de la mission « Culture », qui s'élèvent à 2,9 milliards d'euros.

Il s'agit d'un effort méritoire si l'on considère les contraintes budgétaires auxquelles la France doit faire face. Il convient néanmoins de nuancer la portée de ce mérite au vu de la baisse du soutien de l'État à la culture depuis cinq ans. Cette diminution porte plus spécifiquement, cette année, sur la mission « Médias », la baisse de la dotation à l'audiovisuel public suscitant à juste titre l'inquiétude d'un nombre considérable d'acteurs du monde de la culture. Tous s'interrogent : la création sera-t-elle la grande sacrifiée dans cette affaire ? Vous le savez, madame la ministre, ce choix peut être lourd de conséquences : en avez-vous mesuré la portée ? Pouvez-vous nous donner un éclairage précis sur cette baisse annoncée de 36 millions d'euros ?

D'autres sujets d'inquiétude, déjà évoqués en commission élargie, demeurent, et il me paraît essentiel d'en rappeler ici quelques-uns : le financement des travaux du Grand Palais ou d'autres grands chantiers patrimoniaux que vient d'évoquer mon collègue Gilles Carrez, la baisse des autorisations d'engagement des crédits consacrés aux musées, la fin du mécanisme de soutien à la sécurisation des salles de spectacle, les incertitudes concernant le Pass culture, l'ouverture des bibliothèques le dimanche, le manque de reconnaissance des enseignants des écoles d'art régionales, ou encore la baisse des crédits alloués à la Philharmonie qui, à travers ses trente orchestres du Dispositif d'éducation musicale et orchestrale à vocation sociale – DÉMOS – , offre aux plus jeunes un accès à la musique. Enfin, madame la ministre, je veux ici regretter que l'amendement que j'ai déposé sur l'extension du crédit d'impôt pour le théâtre privé, tant attendu par les professionnels, n'ait pas été pris en compte. Chacun de ces sujets mérite, vous le comprendrez, des réponses concrètes de votre part.

J'en viens maintenant, mes chers collègues, à la Cité du théâtre, sujet que j'ai choisi d'étudier dans mon rapport. Elle s'installera en 2022, en lieu et place des ateliers Berthier, situés dans le dix-septième arrondissement de Paris. Un lieu historique et emblématique où, depuis plus d'un siècle, sont conçus les gigantesques décors de scène de l'Opéra. Historique donc, mais aussi résolument tourné vers l'avenir, puisque la future Cité du théâtre verra le jour au pied du nouveau tribunal de grande instance de Paris, au coeur d'un quartier en pleine transformation urbaine. En quelques mots, ce projet – ou devrais-je dire plutôt ces deux projets, puisque la Cité du théâtre n'est rendue possible que par l'achèvement des travaux de l'Opéra Bastille – a été initié à la toute fin du quinquennat précédent. Il consiste dans le regroupement de trois institutions majeures, intimement liées les unes aux autres : le Théâtre national de l'Odéon, la Comédie-Française et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique. La force du projet est de donner à chaque établissement ce dont il a besoin : une salle modulable pour la Comédie-Française, des locaux adaptés et sécurisés pour le Conservatoire, et des espaces et une salle rénovés pour l'Odéon. Une nouvelle institution, susceptible d'assurer le rayonnement du théâtre, non seulement en France mais au-delà de nos frontières, sera ainsi créée. Préalable indispensable, l'Opéra devra rapatrier ses ateliers à Bastille. Cette opération logistique colossale ne sera pas à somme nulle pour l'Opéra, puisqu'en contrepartie, l'État s'engage à réaliser la salle modulable qui aurait dû voir le jour en 1989. Trente ans après son ouverture, l'Opéra Bastille va enfin être achevé. Le projet est donc une double bonne nouvelle, à la fois pour le théâtre et pour l'art lyrique.

Reste bien sûr l'incontournable question du financement. L'opération est estimée à 145 millions d'euros – 86 millions pour la Cité du théâtre et 59 millions pour l'Opéra Bastille – , que l'État n'entend pas financer seul. Vous souhaitez recourir, selon votre propre expression, madame la ministre, à des « financements originaux », à hauteur de 10 millions d'euros, ce qui ne lève pas les incertitudes qui planent autour de l'équilibre financier du projet. Pouvez-vous nous assurer que le budget global est sanctuarisé ? Pouvez-vous nous éclairer sur le recours envisagé au mécénat ? Il est essentiel, vous le comprendrez, que vous puissiez nous répondre sur ces sujets.

J'insiste également sur un autre point crucial, celui de la concertation avec les collectivités territoriales. Le dialogue avec la Ville de Paris a été très mal engagé par votre prédécesseure. Des efforts doivent donc être faits pour que l'État, la Ville de Paris, la région Île-de-France et, bien évidemment, les communes riveraines travaillent ensemble, ce qui n'est manifestement pas le cas à l'heure actuelle.

Madame la ministre, mes chers collègues, nos trois plus prestigieuses institutions théâtrales ont décidé d'écrire leur avenir ensemble. C'est l'aboutissement d'une très longue histoire, mais c'est aussi le fruit d'une volonté commune pour donner vie à un rêve, celui de la Cité du théâtre qui rayonnera en France et à l'international. Sachons collectivement nous montrer à la hauteur d'une telle ambition pour la France. Je compte sur vous et vous remercie.

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