Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous remercier très sincèrement pour cette invitation. Il me semble essentiel en effet de faire de nos rencontres, à l'Assemblée nationale, un espace utile de dialogue. Au cours des prochaines semaines, je souhaite que nous puissions installer une méthode de travail qui nous permette de construire ensemble une vision aussi partagée que possible des textes. Compte tenu des contraintes particulières du calendrier législatif qui s'annonce et des attentes fortes exprimées par nos concitoyens, c'est une nécessité.

Parler de vision de l'enseignement supérieur, c'est dire, de manière très claire, qu'au-delà des difficultés rencontrées dans le cadre de la procédure d'affectation des futurs étudiants dans le premier cycle, l'enjeu est bien celui de la place que nous souhaitons donner à notre jeunesse et à l'enseignement supérieur dans notre pays.

Les principes qui nous guident sont simples. Je veux les rappeler devant vous aujourd'hui, car nos débats devront être construits sur une base claire, à partir de principes sur lesquels nous puissions nous entendre.

Le premier principe est le droit de tout bachelier à accéder à l'enseignement supérieur. C'est une boussole, un principe intangible : nous devons garantir à chaque lycéen de France qu'il pourra aller jusqu'au bout de ses projets. C'est une exigence politique et une nécessité sociale. Nous ne préparerons pas l'avenir en refermant les portes de l'enseignement supérieur devant une partie de notre jeunesse. Nous avons besoin de plus de diplômés et de plus de mobilité sociale : c'est notre ambition.

Le deuxième principe est le droit de tout bachelier à choisir la filière et l'établissement au sein duquel il veut poursuivre ses études. Là aussi, c'est un principe essentiel. Je suis opposée à toute forme de filiarisation qui réserverait tel cursus d'enseignement supérieur à tel ou tel bachelier. Le baccalauréat est et reste le seul passeport pour l'enseignement supérieur, pour tous les enseignements supérieurs.

Le troisième principe est que nous devons faire de ce droit une réalité. Pour ne pas nous contenter d'inscrire les bacheliers dans l'enseignement supérieur mais bien les accompagner vers la réussite, nous devons faire de la personnalisation des parcours la règle. Il ne suffit pas de dire qu'aucune filière n'est fermée par principe à un bachelier, il faut que nous lui donnions les moyens de la réussite. Or, à l'heure actuelle, c'est loin d'être le cas, avec 30 % de réussites, 30 % d'abandons et 30 % d'échecs en première année de licence, et des résultats particulièrement préoccupants pour les bacheliers technologiques et professionnels. C'est pour cela que chaque établissement proposera au bachelier qui souhaite rejoindre une formation un parcours adapté qui lui donnera toutes les chances de réaliser son projet.

Le quatrième principe, c'est que le dernier mot reste toujours au bachelier, à qui il reviendra de décider s'il accepte les propositions qui lui sont faites. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas : il fait des voeux, qu'il classe, mais c'est un algorithme qui décide in fine de son affectation. Le tirage au sort peut ainsi le conduire à obtenir son cinquième ou son dixième voeu, sans qu'il ait une vraie capacité d'infléchir les choses. Demain, les bacheliers auront toutes les cartes en main pour décider, sur la base des propositions qui leur seront faites par les établissements, laquelle ils retiendront, en toute connaissance de cause.

Le cinquième principe est que l'État accompagnera les plus fragiles. J'ai souhaité que les recteurs aient tous les leviers en main pour construire les bonnes solutions et mobiliser l'ensemble de nos formations. Bien sûr, nous allons améliorer l'orientation et l'information, mais nous sommes conscients que, pour faire bon usage de cette information, il faut être accompagné, notamment par sa famille ou par des proches, dans la construction de ses choix. Il faudra donc que les recteurs puissent, dès les résultats du bac, construire avec les bacheliers qui n'auraient pas reçu de propositions leur convenant, un projet adapté.

Avec ce plan Étudiants, notre volonté, c'est de passer des paroles aux actes, et d'agir de manière très concrète pour que les étudiants n'aient plus seulement la liberté d'accéder à l'enseignement supérieur mais qu'ils aient toutes les chances d'y réussir. Pour ce faire, nous agirons sur tous les leviers : les leviers pédagogiques, bien sûr, mais aussi les leviers économiques, en améliorant leurs conditions matérielles d'études. Ainsi pourrons-nous enfin sortir de la logique absurde et aveugle du tirage au sort et de la sélection par l'échec.

Si la rentrée universitaire 2017 a marqué les esprits, c'est précisément du fait des ratés du tirage au sort, lequel fut pour beaucoup d'étudiants et pour leurs familles synonymes de longues semaines d'attente et d'incompréhension. Pourtant, le recours au tirage au sort n'est pas une nouveauté. La nouveauté de cette année, ce fut l'ampleur du phénomène : avec 169 filières en tension au soir du premier tour, il suffisait de trois candidats de plus que le nombre de places proposées dans une filière pour que l'on ait recours au tirage au sort et que ce soit le hasard qui décide des études supérieures suivies par un bachelier. Au-delà de l'émotion, légitime, ressenties par les candidats et leurs familles sur l'ensemble du territoire, la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a mis en évidence les défauts juridiques de ce système d'affectation, qui ne prévoit aucune intervention humaine et remet le sort des bacheliers entre les mains d'un algorithme. Nous voulons donc « réhumaniser » les procédures d'affectation.

Pour sortir du tirage au sort, nous devons changer la loi, parce que la loi n'autorise aucun autre système lorsque des candidats qui ont la même situation de famille et qui résident dans la même académie ont fait un premier voeu identique. Pourtant, au cours des trois mois qui viennent de s'écouler, je n'ai pas rencontré une seule organisation ni une seule personne pour défendre le tirage au sort ou pour dire que le système actuel fonctionnait. Pas une seule. Les vingt-huit organisations consultées lors de cette concertation qui a nécessité cinquante–cinq réunions – cinquante-deux réunions bilatérales et trois réunions multilatérales – sont toutes tombées d'accord sur le fait que le système devait changer. C'est pourquoi le Gouvernement déposera, dans les prochaines semaines, un projet de loi sur le bureau de votre assemblée.

Au-delà du tirage au sort, la campagne 2017 d'APB aura également mis en évidence les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les bacheliers technologiques et professionnels. À chaque étape de la procédure, j'ai pu le constater : ce sont les premières victimes du système actuel. Lorsqu'ils candidatent dans des filières sélectives pensées pour eux, comme les brevets de technicien supérieur (BTS) et les diplômes universitaire de technologie (DUT), ils se heurtent de fait à la concurrence des bacheliers généraux ; lorsqu'ils candidatent à l'université, ils sont tirés au sort.

Là encore, ce n'est pas acceptable. Nous avons certes accompli, avec les rectorats et les universités, un travail considérable pour accompagner, au fil des mois, chaque bachelier, mais nous devons apporter des réponses réelles et efficaces à la situation de nos bacheliers technologiques et professionnels, pour leur garantir enfin, dans les faits, la capacité à poursuivre des études supérieures quand ils le souhaitent.

Ces constats sont largement partagés. Et c'est la raison pour laquelle la concertation que j'ai conduite a abouti à la formulation de propositions qui, si elles ne rallient pas l'intégralité des suffrages, ont une très large assise.

Ces propositions forment le plan Étudiants que je vous présente aujourd'hui. Il s'organise autour de quatre grands axes, auxquels correspondent chaque fois des décisions très concrètes. Avec ce plan Étudiants, nous proposons une réforme de l'orientation, une réforme de l'accueil dans l'enseignement supérieur, une réforme des formations du premier cycle, auxquelles s'ajoutent des mesures d'amélioration des conditions de vie étudiante.

Le premier axe consiste à accompagner mieux et plus tôt nos étudiants dans leurs choix d'orientation.

Je ne vous apprends rien, l'orientation se construit bien souvent au dernier moment, dans les dernières semaines de la procédure d'entrée dans l'enseignement supérieur. Redonner de la profondeur à ce choix est une nécessité absolue, si l'on souhaite que les bacheliers fassent des voeux éclairés.

C'est la raison pour laquelle nous allons ancrer l'orientation dans le temps scolaire – en commençant par celui de l'année de terminale. Deux semaines d'orientation seront sanctuarisées pendant le temps scolaire : la première, avant les vacances de Noël ; la seconde, avant les vacances d'hiver. Elles interviendront chaque fois avant le conseil de classe et seront, chaque fois que possible, organisées autour d'une collaboration étroite entre les lycées et les établissements d'enseignement supérieur, pour permettre des visites d'établissement et des échanges avec les enseignants du supérieur et les étudiants.

La seconde semaine d'orientation aura lieu en même temps que les journées d'information et les séquences « portes ouvertes » proposées par les établissements du supérieur. Nous sommes en train de recruter trois mille étudiants ambassadeurs pour accompagner les lycéens et dialoguer avec eux, sachant qu'au sein d'une même génération les questions sont généralement plus libres.

Nous voulons également rétablir l'égalité d'information entre les lycéens. En effet, quand l'information n'est pas organisée et correctement diffusée, quand on ne dit pas clairement les choses à chacun, ce sont les plus fragiles qui en pâtissent.

Or au quotidien, en plus du travail fait par les conseillers d'orientation, ce sont souvent les professeurs de terminale qui jouent un rôle déterminant en matière d'information. Reconnaître et conforter ce rôle est donc un axe prioritaire, ce qui, concrètement, va se traduire par la mise en place d'un deuxième professeur principal dans chaque classe de terminale, et ce dès ce mois-ci.

Enfin, pour que la formule « de bac moins 3 à bac plus 3 » ne reste pas qu'une formule, nous allons mettre en place sur chaque site des équipes pédagogiques mixtes composées de représentants de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, et pilotées par les recteurs, qui sont aussi les chanceliers des universités. Car il est essentiel que la continuité entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur s'incarne au travers des relations entre les formateurs.

Nous voulons, dans le secondaire, renforcer le rôle d'information et d'accompagnement joué par le conseil de classe. Celui-ci sera amené à donner un avis d'ensemble sur le projet et les voeux du lycéen, afin de l'éclairer et de discuter avec lui de la pertinence de ses choix. Cela sera le cas à la fin du premier trimestre, à destination du seul lycéen, puis à la fin du deuxième trimestre, afin de permettre aux équipes pédagogiques des universités de bénéficier de l'éclairage de leurs collègues de l'enseignement secondaire, qui connaissent parfaitement l'élève. En aucun cas cependant, ces avis ne seront prescriptifs.

Si nous avons retenu cette proposition, c'est qu'une expérimentation conduite dans certains lycées professionnels, où il avait été demandé aux conseils de classe de donner un avis sur l'entrée des bacheliers en BTS, nous a démontré que les équipes pédagogiques de BTS accueillaient plus volontiers les bacheliers professionnels recommandés par les conseils de classe que ceux qui n'avaient pas participé à cette expérimentation. J'insiste donc sur le fait qu'il s'agit de recommandations visant à mettre en valeur les qualités du lycéen et non de jugements négatifs.

L'objectif est, d'une part, de donner aux lycéens un maximum de clefs pour leur permettre de comprendre ce qu'exige la réalisation de leur projet et, d'autre part, de permettre aux universités de proposer, le cas échéant, aux futurs étudiants, un parcours de réussite personnalisé.

C'est le deuxième axe du plan Étudiants : faire de la personnalisation des parcours la règle.

Car si le baccalauréat reste évidemment le seul passeport pour l'entrée dans l'enseignement supérieur, nous savons néanmoins tous que les bacheliers ne se ressemblent pas, qu'ils ont chacun leur parcours, leur personnalité, leurs forces, leurs fragilités et leur tempérament.

Cette diversité, qui est une vraie richesse, véhicule aussi des inégalités dont il faut prendre conscience, et notamment des inégalités entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre ceux qui ont les codes et ceux qui ne les ont pas.

C'est la raison pour laquelle nous demanderons à l'ensemble des filières de définir au niveau national quels sont les attendus du premier cycle. Pour le dire autrement, lorsqu'un enseignant se retrouve face à ses étudiants au début de la première année de licence, il considère implicitement que ceux-ci maîtrisent un certain nombre de savoirs et de pratiques : nous souhaitons donc rendre cet implicite explicite. Je précise là encore qu'il ne s'agit en aucun cas d'expliciter pour décourager, car nous donnerons à ces futurs étudiants les moyens d'acquérir ou de conforter ces attendus par le parcours personnalisé qui leur sera offert. Nous souhaitons donc baliser la voie et accompagner chacun pour qu'il puisse atteindre ses objectifs.

Je veux être très claire : demain, ce sont toujours les bacheliers qui choisiront la filière de licence dans laquelle ils veulent poursuivre leurs études – parce que la motivation est toujours un facteur de réussite –, mais ce seront les équipes pédagogiques des universités qui lui proposeront la voie la plus adaptée, au sein de cette filière, pour réussir et aller jusqu'au bout de leur projet.

Je veux également répondre aux critiques que certains nous adressent : notre intention n'est pas de trier les étudiants et d'en refuser certains mais de les accepter en leur expliquant comment ils vont réussir.

Cela étant, reste le cas particulier des filières sous tension. Nous allons ouvrir dans ces filières, dès la rentrée 2018, des places supplémentaires et, sur la nouvelle plateforme d'affectation, les lycéens pourront choisir des voeux groupés, c'est-à-dire opter pour une discipline ou une filière, sans être totalement fixés sur le diplôme qu'ils veulent obtenir, à charge pour nous de leur proposer un panel de formations adaptées – on peut, par exemple, se former aux métiers du sport autrement que par une licence STAPS.

Si, malgré ces nouvelles mesures et malgré le fait que, non seulement les lycéens auront, s'ils en font la demande, la possibilité de commencer leurs études supérieures par une année de préparation mais qu'ils pourront également s'inscrire sur la plateforme pour une année de césure durant laquelle, tout en ayant le statut d'étudiant, ils pourront s'attacher à préciser leur projet, si, donc, certaines formations non sélectives offrent moins de places qu'il n'y a de demandes, le seul critère de sélection retenu sera celui de l'adéquation entre le projet, la motivation, le parcours scolaire du bachelier et les attentes de la formation demandée. En aucun cas il n'y aura de tirage au sort. C'est la seule manière de remettre de la justice et de l'humain dans le système.

En conséquence, la nouvelle plateforme d'affectation nationale a été profondément repensée. Les lycéens feront moins de voeux, mais ils seront formulés de façon éclairée.

Chaque formation choisie affichera son contenu, ses attendus, mais aussi les taux de réussite et d'insertion professionnelle, ainsi que le niveau minimum requis pour des débouchés professionnels – licence ou bac +5.

Je le disais à l'instant, les voeux groupés seront renforcés et pourront s'appliquer, là où cela a du sens, dans des champs disciplinaires élargis. Le traitement des voeux sera profondément transformé : toutes les demandes seront examinées par des équipes pédagogiques dans les établissements.

Pour les filières sélectives, rien n'est modifié : la réponse sera OUI, NON ou la liste d'attente – sachant que seront indiqués le rang du candidat sur la liste ainsi que celui du dernier admis de l'année précédente.

Pour les filières non sélectives, la réponse sera OUI ou OUI SI… Dans ce dernier cas, un accompagnement pourra être proposé par l'établissement, et l'acceptation de l'inscription entrainera acceptation de ces conditions pédagogiques.

Il n'y aura plus qu'une seule vague d'affectation, qui se déroulera en continu à compter de l'ouverture de la plateforme. Chaque candidat sera prévenu directement qu'une proposition lui est faite, de manière qu'il puisse l'accepter ou en attendre une meilleure.

Pour les candidats dont aucune demande n'aurait été acceptée, une commission d'accès à l'enseignement supérieur, placée sous le pilotage des recteurs, se réunira dès les résultats du bac proclamés et aura la charge de faire des propositions alternatives. Je vous rappelle que, contrairement à ce qui se passe dans le deuxième cycle, le recteur peut, dans le premier cycle, prononcer une affectation et inscrire un étudiant.

Le rôle régulateur de l'État s'incarnera ainsi au travers des recteurs et le droit d'accès à l'enseignement supérieur de tous les bacheliers sera bien garanti. Nous prenons l'engagement fort de leur soumettre une proposition la plus proche possible de leur voeu.

J'en viens maintenant au troisième axe de notre action, qui consiste à revoir l'organisation de nos formations de premier cycle.

Il s'agit de travailler sur l'ensemble du premier cycle, afin de proposer des formations adaptées aux choix et aux besoins spécifiques de chacun. Les universités seront donc dotées d'un directeur des études pour chaque grand champ disciplinaire, de manière à être à même de proposer aux étudiants des parcours adaptés à leurs profils. Dans tous les cas, le candidat sera bien inscrit administrativement dans la filière qu'il a demandée ; le directeur des études sera, quant à lui, garant de son inscription pédagogique et pourra la faire évoluer chaque semestre.

En effet, certains bacheliers, dont le niveau semblait plutôt faible à l'origine, se révèlent au cours du premier semestre universitaire parce que le mode de formation qu'ils trouvent à l'université est un mode de formation qui leur convient. Dans ce cas-là, le directeur des études peut estimer qu'il n'est pas nécessaire que leur formation comporte davantage de travaux dirigés (TD) que la formation classique et prendre alors la décision de les rebasculer sur le cursus classique de l'unité d'enseignement. À l'inverse, certains étudiants, apparemment dotés de toutes les capacité pour réussir vont, pour une raison ou pour une autre, avoir besoin d'un accompagnement : le directeur des études pourra alors leur proposer des TD supplémentaires, ou une unité de méthodologie, de manière à les aider à reprendre pied.

Le contrat de réussite pédagogique pourra ainsi évoluer au gré des besoins de l'étudiant. Notre premier objectif est d'éviter ainsi les réorientations sèches. Aujourd'hui, lorsqu'un étudiant s'est inscrit en licence de mathématiques mais prend conscience que cela ne lui convient pas du tout, il n'a d'autre solution que de finir malgré tout son année ou d'abandonner sa scolarité pour recommencer l'année suivante une autre licence. Nous souhaitons donc favoriser les parcours aussi pluridisciplinaires que possible dans les premières années, de manière que, même si l'on a initialement choisi l'option mathématiques comme majeure, on puisse néanmoins, au second semestre, changer pour une majeure de biologie et poursuivre sa formation sans redoubler ou se considérer en échec. Le sentiment d'échec est un sentiment délétère, et nous considérons qu'il vaut mieux qu'un étudiant réussisse les cinq unités d'enseignement qui était prévues par son directeur des études plutôt que d'être dans la situation de n'avoir réussi que cinq unités d'enseignement sur dix et d'avoir raté son année. Cela fait partie des choses qui peuvent modifier le rapport aux études.

Nous voulons en finir avec les parcours en tuyaux d'orgue. Ils pourront désormais être construits à la carte, accélérés ou accompagnés, ils pourront s'interrompre et se reprendre en valorisant les acquis – je pense notamment aux stages. Quant aux formations, elles pourront s'articuler avec le territoire, en lien avec le monde socio-économique et les collectivités, pour la formation notamment de personnels qualifiés dans des secteurs d'emploi en tension.

Enfin, en lien avec les organisations représentatives de personnels, nous travaillerons sur des pistes concrètes qui permettront de donner corps à la reconnaissance de l'activité de formation dans les carrières des enseignants-chercheurs. C'est un sujet qui a très longtemps été délaissé. Il est absolument nécessaire, selon moi, que les enseignants chercheurs soient évalués à la fois sur leurs activités de formation et leurs activités de recherche, et je suis déterminée à ouvrir ce chantier majeur.

J'en viens maintenant au quatrième axe, qui vise à prendre en compte les conditions de vie des étudiants pour réduire la précarité et favoriser l'autonomie.

Les conditions matérielles sont en effet une des clefs de la réussite ; c'est aussi une source majeure d'inégalités entre les étudiants, et l'échec en première année de licence n'est souvent que l'une des facettes de l'injustice sociale, car il est très différent, lorsque l'on est en situation d'échec, de pouvoir être soutenu, notamment matériellement, par sa famille, et d'avoir ainsi le temps de reprendre son projet de formation, ou d'être contraint de renoncer du fait du coût des études.

Or ces conditions matérielles n'ont pas été appréhendées au cours des dix ou vingt dernières années. Nous avons décidé de rendre 100 millions d'euros de pouvoir d'achat par an aux étudiants. C'est un engagement très fort du Gouvernement. Comment allons-nous procéder ? Nous allons commencer par faire passer les étudiants au régime général de la Sécurité sociale. Il est incompréhensible en effet que les étudiants soient finalement les seuls qui cotisent pour leur Sécurité sociale alors qu'en théorie ils ne travaillent pas, leur métier principal si je puis dire étant d'être étudiants. Cela sera plus juste et plus simple car cela évitera les allers-retours lorsqu'un étudiant prend par exemple un job pendant ses études. Cela garantira en outre beaucoup mieux les remboursements et la prise en charge de leur santé. Tous les étudiants seront affiliés au régime général de la Sécurité sociale, y compris les étudiants internationaux.

Les étudiants qui entreront à l'université en 2018, quel que soit le niveau d'études auquel ils s'inscriront, seront donc rattachés au régime général de la Sécurité sociale. Et tous les étudiants y basculeront en 2019, ce qui permettra d'assurer la transition avec les organisations qui jusqu'à présent géraient le régime de Sécurité sociale étudiante. La bascule dans le régime général se fera en deux temps, de manière à prendre en considération le transfert des personnels chargés actuellement de la Sécurité sociale étudiante vers les caisses d'assurance maladie.

Dès la rentrée de 2018, plus personne ne paiera les 217 euros afférents au régime de Sécurité sociale étudiants (RSSE). Nous avons souhaité remplacer cette cotisation par une nouvelle cotisation « vie étudiante », égale à environ la moitié de la précédente, qui sera perçue par les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). Il s'agit de développer sur les campus des centres de prévention à la santé, de centres de soins, des activités autour du bien-être, du sport et de la culture. Ainsi, les étudiants n'auront plus à se déplacer pour aller voir un médecin par exemple.

L'État prend donc en charge les 200 millions d'euros que représente la cotisation à la Sécurité sociale de l'ensemble des étudiants, il rend 100 millions d'euros aux étudiants et consacre 100 millions d'euros à la création des structures que je viens d'évoquer. Bien sûr, les étudiants boursiers seront exonérés de cette cotisation. Actuellement, les étudiants boursiers qui veulent bénéficier d'activités sportives ou culturelles au sein des universités doivent payer la cotisation facultative. Le fait de globaliser l'ensemble de ces cotisations nous permettra de les en dispenser aussi.

Nous allons également agir en faveur du logement puisque 60 000 nouveaux logements étudiants seront construits sur la durée du quinquennat. La caution locative pour les étudiants devient gratuite et nous prenons en charge la garantie pour les baux de courte durée, de manière que ceux qui doivent prendre une location pour effectuer un stage de six mois ne soient pas obligés d'avoir une garantie individuelle. Nous encourageons également la colocation intergénérationnelle en exonérant d'impôt les revenus liés à ces colocations.

Enfin, concernant les aides sociales directes aux étudiants, nous allons travailler avec les CROUS pour atteindre deux objectifs très concrets. Premièrement, le paiement à date des bourses. Actuellement, celles-ci sont en effet versées de manière variable. Dès la rentrée de 2018, nous aurons pris les mesures nécessaires pour que le versement ait lieu systématiquement le 5 de chaque mois. Deuxièmement, pour tous les boursiers dont le dossier complet aura été adressé avant le 24 août, le paiement de la première bourse de l'année universitaire se fera avant la fin du mois d'août, de manière que les étudiants puissent bénéficier de leur bourse dès la rentrée.

Plus globalement, nous allons engager les travaux nécessaires pour avancer en direction d'une aide globale d'autonomie. Il s'agit là d'une demande forte des organisations étudiantes. Cela suppose de travailler avec les collectivités qui sont impliquées en termes d'aide sociale, comme d'ailleurs de transport, de logement, etc. Notre objectif est de parvenir à instaurer cette aide globale d'autonomie en lien avec les collectivités.

Les acteurs, avec lesquels cette réforme a été coconstruite, se sont engagés à mettre en oeuvre leurs propositions dès la rentrée universitaire de 2018. Le Gouvernement souhaite que les moyens soient au rendez-vous afin de traduire cette priorité absolue qu'est la réussite des étudiants. C'est un investissement de plus de 1 milliard d'euros sur cinq ans dans l'enseignement supérieur et dans la vie étudiante qui est ainsi effectué : en plus des 100 millions d'euros de pouvoir d'achat rendus aux étudiants, 450 millions d'euros issus du Grand plan d'investissement permettront de réaliser les transformations pédagogiques du premier cycle que j'ai évoquées, et 500 millions d'euros de crédits budgétaires seront affectés à la création des places dans les filières en tension, dans les filières professionnelles et dans les filières technologiques, de manière à mieux accorder la demande des lycéens avec les capacités d'accueil des établissements. Ouvrir des places, cela signifie aussi recruter des enseignants et des enseignants-chercheurs et reconnaître l'engagement pédagogique afin d'améliorer l'accompagnement des étudiants durant ce premier cycle de l'enseignement supérieur.

Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les députés, c'est une ambition globale pour notre jeunesse qui est à l'oeuvre au sein de ce plan Étudiants. Cette ambition se matérialisera de deux façons : dans le projet de loi qui vous sera bientôt transmis – et je suis certaine que nous aurons l'occasion d'échanger sur ce sujet – mais aussi sous forme d'amendement, afin de commencer à concrétiser l'engagement du Gouvernement de manière budgétaire.

Je suis à présent disposée à répondre à vos questions. (Applaudissements.)

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