Intervention de Pierre-Yves Bournazel

Séance en hémicycle du lundi 1er février 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Bournazel :

L'État ne reconnaît aucun culte, l'État protège la foi, mais la foi n'est jamais au-dessus de la loi. L'État assure ainsi une protection à tous les citoyens sans aucune distinction. Il ne s'agit pas non plus d'entreprendre ce combat républicain à travers des cas particuliers ou une stigmatisation quelconque, mais d'établir ou de rétablir des principes et des lignes directrices.

À ce titre, je tiens à lever clairement toute ambiguïté : la République garantit aux musulmans de France de vivre leur foi en toute liberté, de partager leur culture et de s'épanouir dans notre société, comme tout citoyen d'une autre religion, comme tout citoyen athée ou agnostique. Nous devons combattre l'islamisme porteur d'un projet politique qui vise à imposer ses règles et sa vision du monde dans toutes les dimensions de la vie sociale. Cette distinction fondamentale entre la religion musulmane et l'islamisme, c'est précisément ce qu'applique ce projet de loi en protégeant le culte face au risque de l'idéologie radicale.

Ceux qui nourrissent l'ambiguïté attisent les tensions dans notre société, tandis que ceux qui entretiennent les amalgames refusent leur intégration. Faut-il rappeler que les musulmans sont les premières victimes de l'islamisme politique ? À travers ce projet de loi, le Gouvernement crée de nouveaux leviers de financement national dont pourront bénéficier leurs lieux de culte. C'est une étape importante qui s'inscrit en parallèle d'un contrôle plus strict des financements étrangers. Le message du ministre de l'intérieur, le message du garde des sceaux et de la ministre déléguée est un message de confiance et de responsabilité. Oui, ce texte est un texte de liberté.

Je voudrais à présent parler de l'école, monsieur le ministre de l'éducation. L'école est le creuset de la République, et c'est en son sein que se forment des esprits libres et éclairés. L'État ne reconnaît aucune religion. La laïcité s'exerce à l'école, l'école qui élève, qui permet de dépasser sa condition sociale pour atteindre sa vocation de femme ou d'homme. C'est le lieu de la liberté, le lieu de la fraternité et de l'égalité ; et, pour tenir cette promesse des Lumières, l'école doit rester le lieu de la laïcité.

L'école de la République est généreuse – oui, généreuse – , parce que sa vocation est de favoriser l'égalité des chances en accordant davantage à ceux qui ont moins de capital social ou culturel au départ : c'est le sens du dédoublement des classes que le Gouvernement a entrepris dès 2017, et cela fonctionne très bien, je le vois dans mon arrondissement de Paris, le 18e. Mais généreuse et juste ne signifie pas naïve. L'État doit être implacable face à ceux qui tentent de détruire le pacte républicain. C'est l'idée, monsieur le ministre Jean-Michel Blanquer, que vous défendez avec force et conviction.

Plus que jamais, la communauté éducative doit être soutenue par la société tout entière. Selon un sondage IFOP pour la fondation Jean-Jaurès, 44 % des enseignants déclarent s'autocensurer lorsqu'il s'agit d'évoquer en classe des questions de laïcité et de liberté d'expression. Dans le même temps, d'après une étude de l'Observatoire de la laïcité, 81 % des enseignants indiquent ne jamais avoir reçu de formation spécifique à la laïcité.

Une telle situation nous interpelle fortement. Ces enseignants, la République a le devoir de les aider, de les accompagner dans l'exercice de leur mission. Rendre obligatoire cette formation permettrait de pallier ce déficit et de donner davantage de cohérence, dans le déploiement d'un module de formation commun, à ces enjeux majeurs pour la transmission des principes républicains. Le groupe Agir ensemble se félicite que cette idée ait été reprise en commission à travers une proposition de la majorité. C'est une avancée importante. Toutefois, nous souhaitons insister sur le fait qu'il serait pertinent que cette formation obligatoire soit couplée à un volet dédié à la lutte contre les discriminations. Ce sont, selon nous, deux dimensions qui doivent aller ensemble.

C'est dans cette même logique de transformation en profondeur de la société que je propose, avec mon collègue Christophe Euzet, que les dirigeants et cadres associatifs suivent de manière obligatoire une formation à la laïcité et à la lutte contre les discriminations, évidemment lorsque leurs associations perçoivent une subvention publique. Il s'agit pour nous d'une condition complémentaire, qui doit aller de pair avec la signature du contrat d'engagement républicain. Les associations jouent un rôle majeur d'éducation, de solidarité, d'inclusion et d'animation auprès de la population. À travers leurs missions essentielles, elles assument ainsi une responsabilité éminente dans la transmission des principes de la République. Cette formation obligatoire constituera un levier décisif dans la mise en oeuvre opérationnelle du contrat d'engagement républicain, et ce pour plusieurs raisons : tout d'abord, pour doter les responsables associatifs d'outils afin de présenter le principe de laïcité ou savoir comment réagir lorsqu'ils sont confrontés à des situations complexes, pour détecter et signaler des comportements contraires au contrat d'engagement républicain, pour progresser efficacement dans la lutte contre les discriminations.

Par ailleurs, précisément parce que les associations culturelles ou sportives tiennent une place éminente dans la vie sociale, elles peuvent faire l'objet de dérives à travers un financement extérieur. À ce titre, il me semble utile d'étendre le contrôle des financements étrangers prévu par le projet de loi à destination des associations cultuelles aux associations régies par la loi de 1901. Il ne s'agit nullement de les stigmatiser, mais de prendre la mesure de phénomènes nouveaux de radicalisation qui ont pu à plusieurs reprises, ces dernières années, utiliser ce biais à vocation sociale, culturelle ou sportive pour le détourner en un outil de propagande politique. Notre devoir de législateur est d'anticiper ces situations potentielles en apportant une meilleure garantie de contrôle des influences extérieures.

Je souhaiterais dire également quelques mots sur l'importance de la langue française dans ce débat sur le renforcement des principes républicains. Maîtriser le français, c'est un projet d'adhésion à notre pays, un projet d'adhésion à ses valeurs, à ses principes, à son histoire. C'est dans la maîtrise de la langue que se joue la capacité à exprimer ses opinions, sa vision du monde, et à se comprendre entre citoyens. Remettre la langue française au coeur de notre identité est un projet de reconquête républicaine : une reconquête par l'école. Dans cette perspective, nous considérons que l'autorisation de l'instruction en famille doit être naturellement soumise à la maîtrise du français comme condition préalable. Comment pourrait-il en être autrement pour les défenseurs de l'égalité des chances que nous sommes ?

Il y a un lien intime entre la singularité de notre langue et la laïcité à la française. Les deux participent d'une même vocation universelle, elles sont l'une et l'autre une part de notre exception culturelle, elles structurent notre identité et façonnent notre pensée. Notre modèle de laïcité est regardé dans le monde, cette voix française est attendue dans de nombreux pays par des femmes et des hommes qui se reconnaissent dans cette conception des Lumières ; car notre modèle est en concurrence avec d'autres modèles, le modèle anglo-saxon et le modèle asiatique, dont l'influence respective est grandissante. Défendre notre modèle de laïcité avec fierté, ce n'est pas seulement défendre notre identité, c'est promouvoir une certaine idée de l'émancipation de l'individu qui place sa confiance dans le citoyen. Loin d'un repli sur soi, il correspond à une vision ouverte et libre des femmes et des hommes auxquels il s'adresse.

Avant de conclure, je veux souligner la qualité des débats et de l'écoute lors de nos échanges en commission spéciale. Car ce projet de loi ne se réduit pas à un projet contre des ennemis de la République : il s'inscrit dans une vision positive de ce que notre nation veut produire de commun.

Notre groupe, Agir ensemble, est fier de soutenir, au sein de la majorité présidentielle, ce texte qui est un bon texte, un texte déterminé et équilibré. Nous avons déposé une série d'amendements qui visent à l'enrichir de manière constructive. J'espère que, au-delà de la majorité, au-delà de la gauche, de la droite, du centre, dans la diversité de nos sensibilités politiques, nous penserons d'abord à la République et à la France ; j'espère que nous pourrons nous rassembler pour conforter nos principes républicains. Je veux le croire, pour la République et pour la France.

1 commentaire :

Le 09/02/2021 à 15:53, Laïc1 a dit :

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"L'État ne reconnaît aucun culte,"

Il ne cesse de les reconnaître, comment pourrait-il savoir sinon que la kippa est juive ou la croix chrétienne ? Sans parler du foulard qui est systématiquement islamique alors que des juives, des chrétiennes, des athées en portent.

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