Intervention de Joël Giraud

Réunion du mercredi 12 juillet 2017 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, Rapporteur général :

Les résultats du passé doivent éclairer l'avenir ! Il est donc logique que le débat d'orientation des finances publiques intervienne juste après l'adoption en première lecture du projet de loi de règlement par notre commission.

Ce débat a pour support un rapport du Gouvernement que nous avons reçu hier soir et qui nous a été présenté ce matin par les ministres. Il est éclairé par le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il est habituel que le rapporteur général présente également un rapport, non pas pour répéter ce qu'a dit le Gouvernement, mais pour apporter un éclairage complémentaire.

Mon rapport écrit sera publié lundi. Il vise à répondre à au moins quatre questions – et répondra sans doute à nombre d'autres que vous vous posez.

Première question : quelles sont les hypothèses retenues concernant l'évolution économique du pays ? On sait en effet que les résultats en matière de finances publiques sont étroitement dépendants du contexte macroéconomique.

Deuxième question : quelles sont les obligations de la France, quelles sont les normes de finances publiques que nous devons respecter pour nous conformer aux engagements européens ?

Troisième question : quels sont les objectifs que s'est fixés le Gouvernement et qui seront proposés au Parlement dans les prochaines lois de finances ? Nous pourrons ainsi vérifier si nos objectifs sont conformes à nos engagements.

Enfin, quatrième question, de loin la plus importante : quels sont les moyens qui sont envisagés pour atteindre ces objectifs, en recettes et en dépenses ?

Tout d'abord, je considère que les hypothèses retenues par le Gouvernement sont crédibles et prudentes. La prévision pour 2017 d'une croissance de 1,6 % est conforme à la prévision de l'INSEE. La croissance accélérerait très légèrement ensuite.

Le Gouvernement prévoit une croissance potentielle d'environ 1,3 % sur la période allant de 2017 à 2022. La Commission européenne ne prévoit sur la même période qu'une croissance de 1,1 %. Mais, contrairement à elle, le Gouvernement prend en considération les réformes structurelles envisagées, qui vont élever notre potentiel de croissance.

Il est tout à fait normal qu'en période de reprise, la croissance effective soit plus élevée que la croissance potentielle. Cela permettra de résorber le retard de croissance des années passées. Selon le Gouvernement, le retard sera rattrapé en 2020 : cette année-là, notre PIB effectif sera égal au PIB potentiel. Je sais que ce point va susciter des débats passionnés dans notre commission, car tout le monde n'est pas du même avis... Mais il s'agit d'une hypothèse à partir de laquelle les soldes conjoncturel et structurel seront calculés.

Quels sont ensuite les engagements européens de la France ?

Le premier, et le plus connu, est que le déficit public doit être inférieur à 3 % du PIB. Mais il existe également un critère de dette : celle-ci ne doit pas être supérieure à 60 % du PIB. Ce dernier critère est plus souple, car il est considéré comme respecté si la dette est en diminution suffisante selon des proportions prévues par les textes européens. Une règle transitoire est prévue jusqu'en 2020 en cas d'évolution positive du solde structurel.

Ces deux premiers critères constituent les fameux « critères de Maastricht ». Lorsqu'ils ne sont pas respectés, une procédure pour déficit excessif est ouverte à l'encontre du pays concerné. La France fait l'objet, cela a été rappelé, d'une telle procédure depuis 2009. Au plus fort de la crise, quinze pays de la zone euro ont fait l'objet d'une telle procédure ; nous ne sommes aujourd'hui plus que deux, la France et l'Espagne.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire est allé plus loin et a posé la règle de l'équilibre des comptes publics. Cet équilibre est réputé atteint lorsque le déficit structurel est inférieur à 0,5 % du PIB. Le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance prévoit que, tant que l'équilibre structurel n'est pas atteint, le déficit structurel doit baisser d'au moins 0,5 point de PIB par an.

Nous allons voir que les objectifs ne sont pas entièrement conformes à ces normes.

En effet, le Gouvernement prévoit une trajectoire ambitieuse de réduction du déficit public, puisque celui-ci serait de 0,5 % à la fin du quinquennat. Mais, dans un premier temps, il baisserait peu. Il augmenterait même légèrement en 2019, passant à 2,9 % du PIB sous l'effet de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales – soit 1,9 % à périmètre constant. En 2019, en effet, le coût du CICE sur les salaires versés en 2018 s'ajoutera au coût de la baisse des cotisations sociales décidées pour les salaires versés en 2019.

On observe également que le Gouvernement n'entend pas appliquer strictement et aveuglément la règle de l'ajustement structurel minimal de 0,5 point de PIB. On peut s'en féliciter car cela permettra de soutenir la croissance. Je suis sûr que notre ancienne rapporteure générale sera de cet avis, car c'est un sujet qu'elle a souvent abordé ces dernières années. Mais l'on pourrait aussi se demander aussi pourquoi cette règle est maintenue dans les textes européens.

S'agissant des moyens envisagés, le Gouvernement entend surtout agir sur le niveau de la dépense publique : le rétablissement des comptes publics ne doit pas se faire par un alourdissement des prélèvements obligatoires, mais doit, au contraire, être concomitant à un allégement des prélèvements obligatoires.

En ce qui concerne les dépenses, en 2017, le Gouvernement a prévu de respecter l'objectif de 3 % de déficit public grâce à des mesures de régulation en dépenses. Celles-ci s'élèvent à 4,47 milliards d'euros et prendront trois formes : un décret d'avance, pour 3 milliards d'euros, que nous analyserons la semaine prochaine ; un décret d'annulation de crédits de 274 millions d'euros ; des mesures de redressement additionnelles, à hauteur de 1,15 milliard d'euros, visant principalement les aides personnalisées au logement (APL) et la réduction du volume des contrats aidés au second semestre 2017.

Pour les années suivantes, le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux en termes d'évolution de la dépense publique. Ainsi, le ratio de dépense publique par rapport au PIB devrait baisser de 3 points de PIB d'ici à 2022 et passer de 56 % en 2017 à 53 % en 2022. Cela signifie que la dépense publique devra évoluer à un rythme plus faible que le taux de croissance du PIB.

Le taux de croissance de la dépense publique, en volume, sera nul lors des exercices 2018, 2019 et 2020. Cela représente un rythme inédit de maîtrise de la dépense publique, qui n'a quasiment jamais été observé au cours de la période récente. Le Gouvernement a indiqué que pour l'exercice 2018, cela se traduirait même par une baisse de la dépense en volume pour l'État et ses opérateurs. Certaines mesures d'économies ont d'ores et déjà été annoncées, telles que le gel du point d'indice de la fonction publique – ce qui représente 2 milliards d'euros – et le rétablissement du jour de carence pour la fonction publique – ce qui représente 400 millions d'euros. D'autres mesures d'économies sont prévues et seront échelonnées sur le quinquennat : suppression de 120 000 postes de fonctionnaires ; réorientation du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), dans le cadre d'une articulation avec le grand plan d'investissement programmé par le Gouvernement ; arrêt ou réorientation de projets d'infrastructures de transport ; ralentissement du recours aux contrats aidés. Ces différentes mesures n'ont pas encore été chiffrées.

Parallèlement, le Gouvernement s'est engagé à prendre diverses mesures de dépenses nouvelles, qui ne font pas encore l'objet de chiffrages précis et seront, pour certaines, mises en oeuvre au cours du quinquennat. On peut citer notamment les revalorisations de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), du minimum vieillesse et de la prime d'activité. Le grand plan d'investissement représentera un effort de 50 milliards d'euros.

Le Gouvernement oeuvrera en faveur de la construction de 15 000 places supplémentaires de prison sur le quinquennat et renforcera les moyens dédiés à l'effort de défense, qui devra atteindre 2 % du PIB d'ici à 2025.

Enfin, le Gouvernement a annoncé son intention de proposer au Parlement un important programme de baisse d'impôts. L'objectif est de faire baisser le taux des prélèvements obligatoires d'environ un point de PIB à la fin de la législature. Le taux de prélèvements obligatoires devrait ainsi passer de 44,6 % aujourd'hui à 43,5 % du PIB en 2022. Rappelons que le record avait été atteint en 2013 avec 44,8 % du PIB.

Le calendrier de mise en oeuvre de ces différentes mesures n'est pas entièrement détaillé dans le rapport du Gouvernement ; mais les ministres ont fourni des précisions ce matin en commission. Les prélèvements obligatoires baisseront de 11 milliards d'euros dès 2018, dont 7 milliards au titre des mesures prises sous la précédente législature – il s'agit essentiellement de la hausse du CICE, pour 4 milliards d'euros.

Le Gouvernement prévoit des mesures nouvelles de baisses d'impôt pour 7 milliards d'euros, et des mesures de hausse pour environ 3 milliards, soit au total une baisse nette de 4 milliards d'euros.

La réforme de la taxe d'habitation représenterait un allégement de fiscalité dès 2018 de 3 milliards d'euros. Je rappelle que le produit de la taxe d'habitation payée par les ménages atteint environ 19 milliards d'euros.

Le remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par une imposition sur la fortune immobilière permettra une baisse de la fiscalité sur les patrimoines financiers de 3 milliards d'euros. La création de la flat tax sur les revenus de l'épargne doit entraîner une baisse d'environ un milliard d'euros supplémentaire.

Le rapport contient aussi des indications sur les hausses envisagées. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) a pour objet de financer la suppression des cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance chômage, ce qui représente environ 18 milliards d'euros. Une hausse de la CSG de 1,7 point rapporterait environ 22 milliards d'euros, ce qui signifie qu'il resterait encore 4 milliards pour financer des mesures de compensation en faveur notamment des fonctionnaires et des indépendants, qui ne sont pas assujettis à ces cotisations salariales d'assurance maladie et chômage.

Parmi les hausses, il est aussi prévu un alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence. Actuellement, un litre de gazole est taxé à 53 centimes alors qu'un litre de sans plomb 98 est taxé à 65 centimes.

Il faut également mentionner la hausse des taxes sur le tabac. Actuellement, pour un prix de vente au détail de 7 euros, le droit de consommation représente environ 4,46 euros du prix d'un paquet de cigarette. Porter à 10 euros le prix d'un paquet de cigarettes supposerait donc d'augmenter de 67 % le droit de consommation sur les tabacs. La recette serait affectée à la sécurité sociale.

D'autres hausses, particulièrement appréciées de votre serviteur, pourraient porter sur les boissons sucrées. Mais elles ne figurent pas dans le rapport du Gouvernement.

Nous avons également obtenu des précisions sur le calendrier : s'agissant des ménages, les quatre principales mesures fiscales envisagées entreraient bien en vigueur des 2018, ou du moins en partie pour la taxe d'habitation ; il en va de même s'agissant des principales mesures fiscales à destination des entreprises, à l'exception de la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales, qui n'interviendrait qu'en 2019.

D'une manière générale, le rapport que je publierai lundi mentionnera une série de chiffres utiles au débat pour chacune des mesures fiscales envisagées.

Nous nous retrouverons en séance publique pour en débattre le 20 juillet.

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