Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • croatie
  • présidence
  • présidence croate
  • spatiale
  • élargissement

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 29 janvier 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 16 heures.

I. Audition de S. Exc. Filip Vučak, Ambassadeur de la République de Croatie, sur les priorités de la Présidence croate de l'Union européenne

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Nous recevons aujourd'hui l'Ambassadeur de Croatie, M. Filip Vucak, afin qu'il nous présente les priorités de la présidence croate de l'Union européenne.

Lors de la dernière COSAC, qui a réuni les présidents des commissions des affaires européennes à Zagreb le 20 janvier dernier, le Premier ministre croate, M. Andrej Plenkovitch, a fait part des priorités de cette présidence. J'ai souhaité que vous nous les présentiez directement et vous remercie de votre présence devant notre commission.

La présidence croate a lieu à un moment charnière, puisqu'elle doit nous permettre d'avancer sur la question particulièrement ardue et complexe du cadre financier pluriannuel, qui fera l'objet d'un sommet extraordinaire le 20 février prochain, ainsi que sur les relations futures avec le Royaume-Uni, pour lesquelles le calendrier de négociation est particulièrement contraint.

Enfin, lors de cette COSAC, nous avons pu mesurer l'engagement de la Croatie en faveur de la relance du processus d'élargissement. Notre pays souhaite au préalable une refonte de celui-ci et nous sommes particulièrement intéressés de vous entendre sur ces questions. Nous avons également discuté de la Conférence sur l'avenir de l'Europe et j'ai souligné le désir des parlementaires d'être fortement impliqués dans ce processus. Nous souhaitons que la Croatie porte cette voix. Sur tous ces sujets, M. l'Ambassadeur, vous avez la parole.

S. Exc. Filip Vučak, Ambassadeur de la République de Croatie. Je vous remercie de me recevoir, pour présenter les priorités de la présidence croate de l'Union européenne, avec mes conseillers en charge des affaires politiques et économiques. Nous avons commencé notre présidence dans un contexte difficile marqué par le Brexit mais également par d'autres problèmes internationaux appelant une réaction européenne, notamment ceux concernant l'Iran, la Chine ou Israël.

La Croatie est entrée dans l'Union européenne il y a un peu plus de six ans et demi et nous mesurons combien il est difficile de présider une organisation qui existe depuis plus de soixante ans. C'est un grand défi mais nous allons faire de notre mieux pour faire correctement notre travail et faire connaître nos priorités tout en portant celles de la région des Balkans occidentaux. Nous allons en effet mettre l'accent sur l'élargissement qui est une priorité de la Croatie. À ce titre, nous allons organiser à Zagreb, au début du mois de mai, une conférence rassemblant les États membres de l'Union mais également les pays de la région qui, pour nombre d'entre eux, sont candidats officiels à l'adhésion. Parmi ceux-ci, la Macédoine du Nord et l'Albanie, pour lesquels nous allons œuvrer en faveur de l'ouverture des négociations d'adhésion le plus rapidement possible.

En effet, depuis que le Conseil européen, en octobre dernier, à l'initiative de la France, des Pays-Bas et du Danemark, a refusé d'ouvrir les négociations d'adhésion avec ces deux pays, alors même qu'ils ont fait de nombreux efforts à cette fin, une certaine méfiance s'est installée dans la région, y compris dans des pays avec lesquels les négociations sont ouvertes, comme la Serbie et le Monténégro. Ils ne cachent pas leur mécontentement devant cette décision et se demandent s'ils doivent vraiment tout miser sur l'Union européenne ou s'ils ne devraient pas commencer à chercher une alternative.

Pour clarifier cette situation, la France a publié, quelques jours après la décision du Conseil européen, un « non-papier » sur la réforme du processus d'adhésion à l'Union européenne. S ‘il a le mérite d'exister, je crois qu'il a été rédigé à la hâte, sans réelle concertation, et n'a donc pas eu l'écho espéré parmi les autres États membres. Comme eux, j'attends maintenant les propositions du Commissaire chargé de l'élargissement, qui devraient être connues la semaine prochaine.

La Croatie est entrée dans l'Union le 1er juillet 2013 avec de grandes attentes. Malgré une certaine déception du fait de la fatigue évidente liée à l'élargissement, nous avons pleinement profité de cette nouvelle donne politique, de nouvelles expériences, de nouvelles connaissances. Elles ont changé profondément notre mode de vie et notre manière de penser. La Croatie d'aujourd'hui n'est plus ce qu'elle était avant son adhésion à l'Union, même si beaucoup de choses nous freinent encore pour montrer le véritable visage européen de la Croatie.

Aujourd'hui, je vais parler d'abord de la présidence croate du Conseil de l'Union européenne, avec nos priorités, puis je vais exposer les actions que la Croatie entend mener tout au long de sa présidence.

Diffusion du film de promotion de la présidence croate

Nos priorités s'articulent autour de quatre axes.

Le premier est « une Europe en développement », c'est-à-dire un développement équilibré et durable de l'Union européenne et de tous ses États membres. C'est une évidence que les niveaux de développement varient en Europe selon les régions et nous sommes conscients que la Croatie est l'un des pays les moins riches de l'Union européenne. À cause de la guerre, nous n'avons retrouvé qu'en 2004 notre PIB de 1991. Ceux qui visitent la Croatie n'ont pas véritablement l'impression que c'est le cas, parce que les visiteurs vont majoritairement à Zagreb et sur la côte adriatique. Malheureusement la Croatie n'est qu'à peine plus développée que la Bulgarie et la Roumanie. C'est dire que cette question du développement économique est importante pour nous.

La protection de l'environnement et la lutte contre le changement climatique constituent également une priorité, comme pour toutes les présidences qui nous ont précédé, de même que le renforcement de la compétitivité de l'économie européenne et du marché unique, le numérique et l'innovation. Bien qu'anciennes, il nous semble bénéfique que ces priorités se maintiennent d'une présidence à l'autre.

Le développement économique est inséparable, à nos yeux, du défi démographique que nous devons relever. En effet, ces dernières années, quinze États membres de l'Union ont vu leur population diminuer, à cause soit d'un faible taux de natalité soit d'une forte émigration. La Bulgarie et la Roumanie ont par exemple perdu presque 5 millions d'habitants et la Croatie près de 400 000, c'est-à-dire 10 % de sa population. Depuis que nous sommes entrés dans l'UE, 30 000 à 40 000 Croates, en majorité des jeunes, quittent tous les ans la Croatie pour chercher du travail dans d'autres pays européens plus développés. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose, étant donné que la liberté de circulation profitent à l'ensemble des citoyens européens.

Il ne faut cependant pas être pessimiste. Nous avons déjà eu ce problème dans le passé, par exemple au début du XXe siècle, lorsque 270 000 Croates ont quitté leur pays pour trouver du travail en Amérique du Sud, notamment en Argentine et au Brésil. Notre Premier ministre est cependant bien conscient de ce problème. À son initiative, une loi a été adoptée exonérant totalement d'impôt les jeunes jusqu'à l'âge de 25 ans s'ils restent travailler en Croatie et de 50% entre 25 et 30 ans. Il s'agit d'une mesure destinée à faire en sorte que les jeunes ne quittent pas la Croatie. L'émigration croate pour le travail concerne aujourd'hui principalement l'Allemagne, l'Autriche mais également l'Irlande, où les Croates, auparavant presque absents, sont aujourd'hui près de 30 000.

Notre deuxième axe s'intitule « une Europe qui regroupe » et met notamment l'accent sur un espace européen des transports, objectif qui est largement partagé par les États membres. Parmi les autres objectifs figurent la connectivité numérique, le marché intégré de l'énergie et le rapprochement des citoyens de l'Union. En effet, beaucoup de citoyens européens n'ont pas conscience de ce que leur apporte l'Union, ce qui est valable également pour les Croates.

Rassembler les citoyens de l'Union passe aussi par le sport, la culture et l'éducation. Le football représente beaucoup pour la Croatie, car nous avons eu beaucoup de succès dans ce sport ainsi que dans le tennis. C'est d'ailleurs probablement grâce au sport que la Croatie a acquis une notoriété mondiale.

Enfin, nous avons également l'ambition de promouvoir le patrimoine culturel. La culture est en effet extrêmement importante pour la Croatie, notamment parce qu'elle nous rattache à l'Europe. Vous avez certainement entendu parler de Rijeka qui sera la capitale européenne de la culture en 2020. Il s'agit de notre plus grand port, qui se trouve au nord de la mer Adriatique. C'est une ville qui a toujours été industrielle mais qui sera donc cette année capitale européenne de la culture. Près de 300 événements culturels seront organisés tout au long de l'année.

Le troisième axe de nos priorités concerne « une Europe qui protège ». Le renforcement de la sécurité intérieure est la priorité de toute présidence et sera aussi celle de la Croatie. La Croatie est en première ligne face aux à l'afflux de migrants en provenance de Bosnie-Herzégovine et, au-delà, de Grèce et de Bulgarie. C'est notre plus grand problème actuel. Contrairement à la Hongrie et à la Slovénie, nous n'avons pas installé de barrières à nos frontières. Les migrants peuvent donc entrer, mais la police exerce des contrôles rigoureux pour maîtriser l'immigration illégale. Grâce aux 6500 policiers déployés à la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, qui représentent un quart du total des forces de police croates, nous avons jusqu'à présent réussi à contrôler nos frontières, qui sont aussi celles de l'Union.

Enfin, le quatrième axe que nous allons suivre est « une Europe influente ». Dans deux jours nous ne serons plus que vingt-sept. Le Brexit rend d'autant plus nécessaire l'adhésion à terme des pays des Balkans occidentaux, à qui il faut redonner un espoir d'adhésion après la douche froide qu'a été la décision, en octobre dernier, de ne pas ouvrir les négociations avec la Macédoine et l'Albanie. La France a joué un rôle moteur dans cette décision, craignant probablement des flux migratoires incontrôlés. Pourtant, il faudra bien trouver une solution, notamment pour la Macédoine‑du‑Nord, d'ici le sommet de Zagreb, au mois de mai. La Macédoine du Nord a en effet des ambitions européennes plus anciennes encore que la Croatie, et rien n'a avancé malgré l'accord constitutionnel trouvé avec la Grèce sur le nom du pays.

Ces différents sujets seront abordés au cours de la conférence sur l'avenir de l'Europe. Elle doit s'ouvrir au début du mois de mai 2020, pour une durée de deux ans, et nous aimerions qu'elle se tienne à Dubrovnik.

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Je souhaite renouveler tous mes encouragements et mes félicitations à l'attention de la Présidence croate du Conseil de l'Union Européenne. En tant que présidente du groupe d'amitié France-Croatie, je mesure à quel point cette présidence représente l'engagement de la Croatie à faire de l'UE « Une Europe forte dans un monde de défis », comme le dit si bien le slogan qu'elle a choisi ; une Europe qui saura peser sur la scène internationale et répondre collectivement aux crises qu'elle traverse. Elle constitue aussi un défi pour l'ambition de la Croatie d'adhérer à l'espace Schengen et à la zone euro.

Je sais aussi quel chemin votre pays a parcouru depuis 1991, quel modèle il incarne pour d'autres États, et je suis convaincue du sérieux et de l'implication avec lequel la Présidence saura faire face aux négociations du cadre financier pluriannuel, aux conséquences du Brexit, mais aussi à la réforme du processus d'élargissement qui constitue l'une des priorités de la présidence.

La France a rejeté l'ouverture des négociations pour l'adhésion de la Macédoine‑du‑Nord et de l'Albanie. Elle a présenté un projet de réforme du processus d'adhésion actuellement en discussion. La proposition de la Commission européenne est imminente. Même s'il revient au Commissaire à l'élargissement de parvenir à un consensus entre États membres sur cette question, j'aurais souhaité connaître votre point de vue sur ce que pourrait être une solution de compromis. De quelle manière la présidence souhaite-t-elle porter ce changement de méthode pour permettre à la Macédoine‑du‑Nord et à l'Albanie d'entrer en négociation, dans l'optique du sommet UE‑Balkans occidentaux qui se tiendra à Zagreb, en mai ?

Enfin vous avez évoqué le déclin de la démographie et le départ des jeunes, qui peuvent être un frein au maintien de la dynamique de développement économique et social de la Croatie. En tant que députée de Bretagne qui est un territoire agricole mais aussi maritime, j'ai été très attentive à votre vidéo de présentation qui évoque le développement des activités agricoles et de pêche qu'il est nécessaire d'encourager pour permettre aux Croates et notamment aux jeunes de vivre et travailler au pays. J'ai assisté récemment aux débats sur les priorités de la présidence croate au Parlement européen, au cours desquels la ministre croate de l'agriculture, Marija Vučković, a déclaré qu'elle œuvrerait en ce sens. Pourriez‑vous, monsieur l'Ambassadeur, nous fournir des précisions sur ce qu'elle envisage ?

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Les Français sont divisés sur la question de l'adhésion de la Macédoine du Nord et de l'Albanie. Charles Michel, le président du Conseil, a indiqué à demi-mot le 9 janvier dernier à Zagreb que le cadre des négociations sur l'élargissement pourrait évoluer. Comment comprenez-vous ses propos ?

Ensuite, s'agissant de la PAC, quelle est la position croate ? Espérez-vous un accord pendant votre présidence ?

Enfin, vous avez indiqué que le Pacte vert européen figurait parmi les priorités de la présidence croate. Votre pays est connu pour la beauté de son littoral. En tant qu'ancien président du conservatoire du littoral, j'aimerais savoir si la préservation de votre littoral est l'une de vos préoccupations et comment vous traitez cette question.

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J'ai présenté l'année dernière, avec mon collègue Bernard Deflesselles, un rapport sur la politique spatiale européenne. Nous y avions souligné combien l'Europe spatiale s'était imposée comme un succès, avec des projets emblématiques comme la fusée Ariane, Galileo ou Copernicus. Si le succès de l'Europe spatiale est réel, il reste néanmoins fragile dans un paysage spatial mondial en mutation profonde. Nous avions souligné trois enjeux immédiats :

– Faire de l'Europe spatiale un jeu à somme positive entre l'ambition européenne et les ambitions nationales, ce qui implique de réformer la gouvernance publique ;

– Donner du sens et un horizon au spatial européen, qui ne peut plus être considéré et se considérer isolément des autres secteurs ;

– Être au cœur des coopérations internationales, tout en assumant enfin pleinement les enjeux de souveraineté qui sont propres à une puissance.

Je note ainsi avec grand intérêt que la présidence croate met en avant deux priorités en matière spatiale : l'avancement des négociations sur la régulation des programmes spatiaux européens et la contribution de l'espace aux emplois futurs.

Par ailleurs, M. Joseph Borrell, Haut Représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a déclaré la semaine dernière que l'espace était une question stratégique pour l'Union. La Commission et la Banque européenne d'investissement ont également annoncé un prêt conditionnel de 100 millions d'euros pour le nouveau programme de lanceur Ariane 6 et un premier programme capital-risque de 100 millions d'euros pour les PME du secteur spatial.

Monsieur l'Ambassadeur, pouvez-vous nous préciser les priorités et les ambitions de la présidence croate en matière spatiale, ainsi que l'état des négociations, notamment sur le règlement « Espace » et sur le budget de la politique spatiale à venir ?

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S'agissant de l'élargissement, je partage les interrogations de mes collègues. Quelles que soient les procédures retenues, les réserves sur l'élargissement transcendent les clivages politiques, car la pédagogie de l'élargissement n'a jamais été faite. Il faut davantage impliquer les Français pour qu'ils y adhèrent.

Ensuite, comme mon collègue Didier Quentin, je tiens à souligner l'attractivité touristique de votre pays. Êtes-vous confronté à la surconsommation touristique ? Dans ce cas, quelles mesures avez-vous prises pour lutter contre ce phénomène ?

Enfin, à quels résultats concrets jugerez-vous que votre présidence aura été réussie ?

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D'abord, je tiens à vous remercier d'avoir présenté le petit film, car on y apprend beaucoup de choses !

J'en viens à votre présidence, qui est marquée par deux actualités fortes. Premièrement, le départ du Royaume-Uni aura lieu vendredi. Comment les négociations pourront-elles parvenir à maintenir l'intégrité du marché unique et définir une relation équilibrée alors que les Britanniques menacent d'agir par la fiscalité pour faire pression dans les négociations.

La deuxième actualité est la poursuite des travaux sur le cadre financier pluriannuel. La Croatie plaide pour le maintien du niveau des fonds de cohésion. Différentes propositions ont été faites pour augmenter les ressources propres de l'Union européenne, notamment une taxe sur les services numériques, un renforcement de la part du revenu national brut alloué à l'Union européenne, ou des recettes assises sur les émissions nuisibles à l'environnement. Quelles sont vos propositions pour accroître le budget de l'Union européenne ? Ces recettes pourront-elles servir à financer les nouvelles priorités, comme l'environnement ?

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Je souhaiterais d'abord vous interroger sur le plan d'action en matière d'éducation au numérique. Le plan initial, annoncé en 2018, avait trois objectifs : améliorer l'enseignement du numérique, développer les compétences numériques, et améliorer l'éducation grâce à de meilleures techniques d'analyse de données. La Commission européenne estime qu'il manquera 500 000 personnes pour combler les besoins dans ce secteur. En France, il manquera 80 000 personnes. Comment la Croatie entend-elle prendre part au plan d'action en matière d'éducation au numérique ?

Ensuite, la présidence croate a annoncé vouloir renforcer l'information du consommateur. L'Allemagne souhaite un étiquetage européen sur le bien‑être animal permettant d'informer les consommateurs sur le mode d'élevage, les conditions de transport et d'abattage des animaux consommés. Il y a deux jours, les ministres de l'agriculture ont soutenu cette proposition. La présidence croate envisage-t-elle d'agir pour renforcer l'information du consommateur en la matière ?

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Parmi les priorités de la présidence croate, vous avez parlé d'une Europe influente, leader international, partenaire mondial.

La Croatie est connue pour son potentiel agricole. Votre vin n'a pas été taxé, mais votre fromage l'a été à hauteur de 25 % par les États‑Unis. Au total, 6,9 milliards d'euros d'exportations de l'Union européenne vers les États‑Unis sont aujourd'hui taxés. Que compte faire votre présidence pour mettre fin à l'escalade dans cette guerre commerciale ?

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Vingt principes ont été inclus dans le socle européen des droits sociaux lancé il y a deux ans, dont un accorde aux travailleurs le droit à un salaire équitable assurant un niveau de vie décent. Il garantit un salaire minimum ainsi que la sauvegarde de l'accès à l'emploi. L'harmonisation est essentielle à une union sociale, juste et inclusive. S'il est important de tenir compte des pratiques nationales et de l'autonomie des partenaires sociaux, les États membres doivent travailler ensemble à l'amélioration des conditions de travail.

Dans le cadre de l'avancement des travaux pour établir la base juridique pour l'établissement d'un tel socle, les responsables politiques, dont Angela Merkel, ont déclaré que l'Union devait examiner les moyens de disposer de salaires minimums comparables. La Chancelière allemande reconnaît par ailleurs l'importance d'œuvrer à l'égalité des conditions de travail dans l'ensemble de l'Union.

Toutefois, certains pays s'opposent à un mouvement vers une plus grande convergence, la France ayant été un fervent défenseur d'un salaire minimum européen. Quelle est selon la présidence croate la prochaine étape immédiate à franchir pour aller vers plus d'harmonisation ?

Par ailleurs, que proposez-vous pour concilier une Europe de plus en plus fracturée et la volonté d'aller vers une politique sociale plus convergente ?

S. Exc. Filip Vučak, Ambassadeur de la République de Croatie. Je ne suis pas spécialiste de tous les sujets qui ont été abordés, mais je vais essayer de répondre avec l'aide de mon conseiller aux affaires économiques.

Madame Tanguy, vous connaissez bien la Croatie, en tant que présidente du groupe d'amitié. Vous m'avez interrogé sur nos priorités concernant l'euro et l'espace Schengen. Je n'ai pas abordé ces sujets, car la présidence en exercice doit s'abstenir de mettre en avant les sujets qui la concernent au premier chef.

Nous cherchons les solutions pour devenir membres de la zone euro d'ici deux ou trois ans, peut-être un peu plus. Pour devenir membre de l'espace Schengen, nous avons déjà pratiquement rempli tous les critères. Cependant, compte tenu du contexte européen, je pense que nous allons encore attendre quelques années, comme la Bulgarie et la Roumanie.

Vous avez mentionné la réforme du processus d'adhésion à l'Union européenne. Le « non papier » présenté par la France après la décision de ne pas ouvrir les négociations avec la Macédoine du Nord et l'Albanie a été fait un peu à la hâte, je l'ai dit, quelques jours seulement après le Conseil européen. Nous attendons la décision de la Commission européenne dans quelques jours : y aura-t-il une proposition acceptable par tout le monde ? On verra. Nous sommes optimistes quant à la possibilité trouver une solution d'ici le mois de mai, au moins pour la Macédoine‑du‑Nord. Pour l'Albanie, nous verrons.

Pour les questions relatives à la pêche et à l'agriculture, je laisse la parole à mon conseiller aux affaires économiques.

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Davor Dujic, premier secrétaire de l'ambassade de République de la Croatie en France

L'absence d'accord sur le prochain cadre financier pluriannuel empêche d'avoir une visibilité financière pour la politique agricole commune, comme pour l'ensemble des autres politiques européennes. Vous avez évoqué le Conseil prévu en février, nous verrons si nous parviendrons à un accord, ce qui est notre objectif commun. Dans un contexte où un grand contributeur quitte l'Union européenne, le partage des ressources et des charges du budget européen entre les États membres va nécessairement être bouleversé.

Ainsi que notre Premier ministre l'a réaffirmé récemment dans un entretien sur France 24, la Croatie tient au plafond budgétaire de 1,114 % du RNB proposé par la Commission, alors que la présidence finlandaise avait fait une proposition alternative à 1,07 %.

Les enjeux concernant le Green deal et la PAC illustrent le caractère de plus en plus transversal des politiques européennes. Il faut se donner les moyens de ses ambitions. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne, en particulier au regard de leur mix énergétique. En France, la production d'électricité est à 70 % d'origine nucléaire, ce qui n'est pas le cas dans les autres États membres. En Croatie, cette part est de 17 %. Il sera peut-être plus facile d'atteindre la neutralité carbone avec une plus grande part de l'énergie provenant du nucléaire.

L'approche transversale, c'est également parler de neutralité carbone et d'agriculture verte. Nous soutenons la proposition de faire passer les subventions aux agriculteurs qui font de l'agriculture verte de 30 à 40 %, mais il faut se donner les moyens de le faire.

Vous connaissez les difficultés, voire la détresse, des agriculteurs. La réforme des retraites propose de leur garantir un minimum de retraite de 1 000 €. C'est un magnifique message pour les agriculteurs français.

Si l'on veut pousser les agriculteurs à se tourner vers l'agriculture verte, il faut les aider, il ne faut pas que l'approche de l'agriculture verte soit punitive.

Ce sont des enjeux fondamentaux pour tous les États membres. Il faut faire preuve de pragmatisme et conserver une période de flexibilité et d'adaptation pour que chaque État membre puisse progresser à son rythme. Il faut aussi se donner les moyens de cette ambition, d'où la nécessité de ne pas sacrifier la politique agricole dans le prochain budget européen.

En tant que présidence, nous regardons ce qui se passe dans les autres États membres, et utilisons aussi notre expérience. L'Ambassadeur parlait des problèmes démographiques qui se posent dans une quinzaine d'États membres. C'est un problème qui concerne aussi le secteur agricole, avec, dans de nombreux pays, des problèmes de renouvellement des générations d'agriculteurs. C'est un sujet qui touche aussi bien à l'agriculture qu'à la politique de cohésion.

La revitalisation des zones rurales est une priorité de la présidence croate. Dans certaines régions de Croatie, on ressent tragiquement la désertification des zones rurales et le problème de renouvellement de générations. À ces difficultés s'ajoute les départs vers d'autres États membres, bien que ces migrations fassent partie de l'essence même de l'histoire européenne.

La Croatie a pour projet d'organiser une conférence ministérielle pour chercher des instruments à même de promouvoir les petites exploitations familiales, en ayant une approche humaine. Comment aider les petites exploitations familiales à se développer, attirer les jeunes dans les territoires ruraux désertifiés, leur donner des services, lutter contre la fracture numérique dans les zones rurales ? Nous promouvons le concept de « villages intelligents », où les agriculteurs peuvent obtenir l'accès au numérique, aux services, à l'éducation.

Nous avons la même approche tournée vers l'humain pour la pêche. Nous avons pour priorité de revitaliser les zones côtières et les petites exploitations et d'aider les petits pêcheurs qui travaillent sur les îles afin d'éviter leur désertification.

S. Exc. Filip Vučak , Ambassadeur de la République de Croatie. Concernant l'élargissement, la France elle-même est divisée, comme d'ailleurs la plupart des pays européens. Nous comprenons cette hésitation ; mais on ne peut pas fermer la porte définitivement.

La Croatie est un pays de tourisme. L'an dernier 700 000 Français ont visité la Croatie sur 21 millions de touristes au total, ce qui fait presque cinq fois plus de touristes que d'habitants. La Croatie est relativement grande, ce qui lui permet tout juste d'absorber ce tourisme. Nous avons beaucoup de logements privés à louer, ils ont plus de succès que les hôtels et les campings. Nous allons essayer d'augmenter qualitativement le niveau de tourisme plutôt que la quantité de touristes.

Sur la politique spatiale européenne : je passe mon tour, car je ne suis pas capable de répondre sérieusement aux questions posées.

La Croatie n'est pas un grand pays, mais nous n'en avons pas moins des ambitions réelles. Nous aimerions à notre niveau laisser une trace, qu'on se souvienne de notre présidence. Nous allons nous montrer actifs même dans les domaines où nous sommes peu présents, par exemple en matière scientifique. Nous sommes conscients du déclin de l'influence européenne dans le monde, plus encore avec le Brexit : la Croatie fera de son mieux pour montrer que l'Europe doit être « réinventée ».

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Davor Dujic, Conseiller aux affaires économiques à l'ambassade de Croatie

. Une remarque finale sur l'importance de la politique de cohésion. La remise en cause de certains aspects de la politique de cohésion nous inquiète : la diminution du budget alloué à cette politique ; le passage à 30 % (contre 15 % aujourd'hui) du taux de cofinancement étatique ; enfin, le raccourcissement du calendrier de consommation des fonds, de N+3 à N+2. Nous avons connu un régime totalitaire, puis la guerre, notre économie a été ravagée, et c'est pourquoi cette politique de cohésion nous tient à cœur.

S. Exc. Filip Vučak , Ambassadeur de la République de Croatie. Au début du mois de mai, il y aura à Zagreb un sommet européen avec les pays candidats. Ce sera aussi le vingtième anniversaire d'un autre sommet, informel, organisé en 2000 à l'initiative du président Chirac. Ce sommet qui a également eu lieu à Zagreb a permis de réunir pour la première fois tous les pays des Balkans occidentaux et les pays de l'Union européenne. Cet évènement a eu un impact important en montrant que l'avenir des Balkans occidentaux était en Europe.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

À défaut d'observations formulées par ses membres, il est proposé à la Commission de prendre acte des textes suivants :

 Environnement dont santé environnementale

- Règlement de la commission rectifiant certaines versions linguistiques du règlement (UE) nº 1253/2014 portant mise en œuvre de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d'écoconception pour les unités de ventilation ( D064375/01- E 14548 ).

 Institutions

- Décision du Conseil européen portant nomination de deux membres du directoire de la Banque centrale européenne ( EUCO 36/19 – E 14518).

- Décision du Conseil portant nomination d'un membre du Comité des régions, proposé par la République de Pologne ( 14977/19- E 14541 ).

- Décision du Conseil portant nomination des membres et suppléants du Comité des régions pour la période allant du 26 janvier 2020 au 25 janvier 2025 ( 14986/19‑ E 14542 ).

 Pêche

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la répartition des possibilités de pêche au titre du protocole de mise en œuvre de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable entre l'Union européenne et la République des Seychelles ( COM(2020) 1 final- E 14535 ).

- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, du protocole visant à amender la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique ( COM(2020) 2 final- E 14536 ).

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable et de son protocole de mise en œuvre (2020-2026) entre l'Union européenne et la République des Seychelles ( COM(2020) 3 final- E 14537 ).

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (UE) 2018/1977 du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l'Union pour certains produits de la pêche pour la période 2019-2020 ( COM(2020) 5 final- E 14543 ).

 Transports, politique spatiale

- Directive (UE) de la Commission modifiant la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil relative au permis de conduire ( D065262/01- E 14544 ).

Il est enfin proposé à la Commission de prendre acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

 Politique agricole commune

- Règlement de la commission rectifiant la version en langue allemande du règlement (UE) nº 142/2011 portant application du règlement (CE) nº 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et portant application de la directive 97/78/CE du Conseil en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires effectués aux frontières en vertu de cette directive ( D064944/02- E 14517 ).

- Règlement de la commission modifiant le règlement (UE) n° 142/2011 en ce qui concerne l'utilisation des farines de viande et d'os comme combustible dans les installations de combustion ( D063960/03- E 14524 ).

 Politique étrangère et de sécurité commune(PESC)

- Décision du Conseil modifiant la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie ( 5075/20 LIMITE- E 14551 ).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 101/2011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie ( 5076/20 LIMITE- E 14552 ).

- Décision d'exécution du conseil mettant en œuvre la décision (PESC) 2017/1775 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Mali ( 5308/20 LIMITE- E 14553 ).

- Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision (PESC) 2017/1775 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Mali - Annexe ( 5308/20 ADD 1 LIMITE- E 14554 ).

- Règlement d'exécution du conseil mettant en œuvre l'article 12, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1770 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Mali ( 5309/20 LIMITE- E 14555 ).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 12, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1770 concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Mali - Annexe ( 5309/20 ADD 1 LIMITE – E 14556).

- Décision et règlement d'exécution du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie - réexamen ( 5337/20 LIMITE- E 14557 ).

- Décision et règlement d'exécution du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation au Mali - Transposition de l'ONU ( 5376/20 LIMITE‑ E 14558 ).

La séance est levée à 17 heures 50.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Typhanie Degois, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-Pierre Pont, M. Didier Quentin, M. Benoit Simian, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - Mme Yolaine de Courson, Mme Frédérique Dumas, Mme Nicole Le Peih, M. Joaquim Pueyo