Gouvernance de la sureté nucléaire et de la radioprotection – application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Texte n° 2305

Sous-Amendement N° 352 à l'amendement N° 331 (Rejeté)

(4 amendements identiques : 353 367 368 369 )

Publié le 11 mars 2024 par : M. Bourlanges, M. Berta, M. Bolo, Mme Morel.

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Texte de loi N° 2305

Article 1er (consulter les débats)

Après l’alinéa 6, insérer l’alinéa suivant :

« 3° bis Au premier alinéa de l’article L. 592‑1, les mots : « de sûreté nucléaire est une autorité administrative » sont remplacés par les mots : « indépendante de sûreté nucléaire et de radioprotection est une autorité publique » ; »

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à modifier l'article L592-1 du code de l'environnement afin que la nouvelle autorité AISNR dispose du statut d’API.

Doter l’AISNR du statut d’Autorité Publique Indépendante (API) plutôt que d’Autorité Administrative Indépendante (AAI) réduira fortement la complexité de l’intégration des activités aujourd’hui exercées au sein de l’IRSN, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), dans la future Autorité pour les raisons suivantes :

1. Une API dispose d’une personnalité morale, ce qui permet la réalisation d’activités commerciales, facilite la gestion des collaborations et la gestion du personnel :

  • L’API peut réaliser des prestations commerciales sur le marché concurrentiel, ce qu’une AAI, service de l’Etat, ne peut pas faire. Le statut d’API permet donc de garder l’activité de fabrication et d’exploitation des dosimètres à lecture différée dans un département dédié au sein de l’AISNR et maintient ainsi la capacité d’expertise dosimétrique globale (interne et externe) particulièrement nécessaire en situation accidentelle ;
  • L’API peut signer les accords de collaboration nécessitant une personnalité morale, notamment les accords relatifs aux projets de recherche financés par l’Europe, il n’est pas garanti qu’une AAI puisse signer des accords ni porter certains projets ;
  • L’API peut déposer et gérer des brevets en propres, une AAI n’a pas cette possibilité ;
  • L’API permet d’être l’employeur de l’ensemble des personnels de l’AISNR, avec il nous semble une égalité d’accès aux acquis sociaux, ce ne sera pas le cas pour une AAI. Rappelons que la réunion de l’ASN et de l’IRSN pour constituer l’AISNR dessine un ensemble d’environ 1750 salariés de droit privé issus de l’IRSN auxquels il faut ajouter 25 salariés mis à disposition, 390 fonctionnaires, 80 contractuels de droit public.

2. L’API peut employer des salariés de droit privé sans dérogation à la réglementation existante, contrairement à une AAI. A notre connaissance, aucune des AAI existantes n’emploie de salarié de droit privé. L’API peut, comme une AAI, accueillir des fonctionnaires en position normale d’activité. Il conviendra de modifier également la Circulaire FP n° 2179 du 28 janvier 2009 relative à la mise en œuvre du décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 (organisant les conditions d’exercice des fonctions, en position d’activité, dans les administrations de l’Etat).

3. Pour les ingénieurs de l’industrie et des mines, il suffit de compléter l’article 1 du Décret n°88-507 du 29 avril 1988 portant création et statut particulier du corps des ingénieurs de l'industrie et des mines afin d’y ajouter les API. Des évolutions similaires seraient nécessaires pour les autres corps représentés à l’ASN. (Article 16 de la loi sur le statut général des API et AAI : LOI n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (1) - Légifrance (legifrance.gouv.fr). « […] Toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante peut employer des fonctionnaires civils et militaires, des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats placés auprès d'elle dans une position conforme à leur statut et recruter des agents contractuels.

  • L’API dispose d’un comité social et économique (CSE) avec l’ensemble des prérogatives associées, une AAI dispose d’un comité social d’administration (CSA) aux prérogatives plus réduites,
  • L’API peut traiter les contentieux liés à l’emploi (prudhomme et sécurité sociale), pour une AAI, c’est l’Etat qui représente l’AAI.
  • L’HCERES, initialement AAI, a été transformé en API pour gagner en indépendance. La mise en œuvre opérationnelle été prévue sur 2 mois (source : https://www.hceres.fr/fr/marches-publics/prestations-dassistance-la-conception-et-la-mise-en-oeuvre-operationnelle-du-projet).

4. Une API dispose d’une autonomie financière et d’un budget propre, ce qui lui permet d’assurer un pilotage budgétaire de ses activités et de son patrimoine. Une AAI étant un service de l’Etat, son budget est intégré dans le budget de l’Etat :

  • L’AISNR devrait disposer d’un budget hors main-d’œuvre de l’ordre de 150 M€ (dont 25 M€ d’investissement), et entre 15 et 20 M€ de ressources propres ;
  • Le patrimoine de l’AISNR devrait recouvrir 87 bâtiments sur 9 sites + 10 implantations sur sites DREAL, dont 60 bâtiments à vocation technique pour les activités de recherche. Ceci exige une gestion du patrimoine dédiée, alors que le patrimoine d’une AAI est intégré dans le patrimoine de l’Etat.

5. Une API dispose d’une autonomie de gestion, ce qui n’est pas le cas d’une AAI. Ce statut d’API offre une plus grande souplesse de fonctionnement :

  • L’API peut se doter d’outils de gestion propre, permettant de gérer la très grande diversité et spécificité des activités transférées de l’IRSN : des flux financiers nombreux, des activités techniques comme l’exploitation de laboratoires d’analyse, des installations expérimentales classées pour la protection de l’environnement, une animalerie, etc.;
  • Une AAI n’a pas de système de gestion propre, il faudrait faire rentrer la gestion des activités actuelles de l’IRSN dans le système d’information de l’Etat, alors que l’adéquation aux besoins de gestion de ces activités n’a pas été étudiée. Il en résulte un risque opérationnel élevé concernant : la paie des salariés de droit privé, la passation des commandes, le paiement des fournisseurs, l’émission de factures... Il faudrait a minima développer et tester de nouvelles interfaces et de nouveaux paramétrages, ce qui parait impossible si la réforme doit prendre effet le 1er janvier 2025 ;
  • L’API peut reprendre les outils de gestion de l’IRSN moyennant quelques adaptations, ce qui demandera des temps de développement beaucoup plus courts et beaucoup moins coûteux, tout en assurant les prérogatives dévolues à une autorité.
  • L’API aura besoin de fonctions de gestion (paie, achat, finance, juridique, commercial, etc.) ce qui réduira l’impact social de la réforme, comparativement à l’adoption d’un statut d’AAI où ces fonctions seront reprises par les services de l’Etat, conduisant à des reclassements de salariés.

6. Plusieurs autorités sont des API :

  • Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ;
  • Autorité des marchés financiers (AMF) ;
  • Autorité de régulation des transports (anciennement Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières - ARAFER) ;
  • Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) qui a succédé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ;
  • Haute Autorité de santé (HAS) ;
  • Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) ;
  • Médiateur national de l’énergie.

7. La responsabilité du président et du collège d’une API est limitée :

  • L’exploitant nucléaire est le premier responsable en cas d'accident, l’Etat étant le second responsable lorsque le montant des dommages dépasse un certain plafond, la responsabilité de la nouvelle autorité ne serait engagée, d'après la jurisprudence, qu'en cas de manquement grave ;
  • Le risque de contentieux pour le président peut faire l'objet d'une assurance ;
  • L’Autorité des marchés financiers est une API et assume des responsabilités financières importantes.

Cet amendement est conforme avec l’avis du 30 mars 2023 de la commission nationale de déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (cnDAspe) saisie par le sénateur Daniel Salmon en vertu de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte.

Cet amendement a été travaillé avec les membres de l'intersyndicale de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

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