Intervention de Gabriel Amard

Réunion du mardi 15 novembre 2022 à 17h20
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Amard, rapporteur :

Tout en remerciant ceux de mes collègues qui ont assisté aux auditions, m'ont demandé plus d'informations ou ont déposé des amendements, je déplore que des amendements de suppression visent à empêcher tout débat sur le sujet que nous abordons aujourd'hui. Plusieurs personnalités politiques de premier plan, comme Édouard Philippe ou Aurélien Pradié, ont pourtant reconnu dans les médias que la question de l'accès à l'eau était fondamentale. Cette proposition de loi est une occasion d'en parler, et il ne s'agit pas là d'un coup de communication.

Trois jours sans eau, et nous sommes morts ! L'accès à l'eau est redevenu un enjeu primordial. D'une part, pour 500 000 de nos concitoyens qui n'ont pas accès à une eau potable gérée en toute sécurité et près de 900 000 d'entre eux qui n'ont qu'un accès limité à des installations sanitaires – c'est notamment le cas pour 300 000 sans-abri et 20 000 personnes qui vivent dans des bidonvilles –, sans compter les 10 millions de nos concitoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. D'autre part, les épisodes de sécheresse sont désormais plus longs, plus étendus et plus intenses, mettant en péril l'accès à l'eau pour les habitants – 117 communes ont ainsi été privées d'eau potable cet été – comme pour les agriculteurs et certaines industries. Il devient urgent de repenser entièrement les usages de l'eau.

Cette proposition de loi a donc deux objets : rendre concret l'accès inconditionnel à l'eau potable et permettre de réduire la consommation globale de l'eau potable dans une perspective de gestion plus raisonnée de la ressource. Pour ce faire, elle propose tout d'abord la généralisation des bonnes pratiques déjà appliquées en France, dans des collectivités de toute taille et de toute sensibilité, que la gestion de l'eau y soit publique ou déléguée à une entreprise privée.

La gratuité des mètres cubes d'eau vitaux existe déjà en France, par exemple à raison de 10 mètres cubes sur le territoire du bassin rennais, de 15 mètres cubes bientôt à Montpellier-Méditerranée, de 20 mètres cubes à Burlats, dans le Tarn, ou de 40 % de la facture d'eau à Limais, dans les Yvelines, soit 20 mètres cubes par personne et par an ou 55 litres par jour et par personne. De même, l'accès gratuit à des fontaines d'eau potable, à des toilettes publiques et à des bains-douches existe déjà dans de nombreuses communes moyennes et grandes de notre pays, même si la présence de ces équipements est parfois plus difficile dans de plus petites communes.

Cette proposition de loi est ambitieuse, mais elle prévoit d'accompagner les collectivités pour sa mise en œuvre. Je propose ainsi des pistes permettant de maintenir le principe de « l'eau paye l'eau ». C'est par la tarification progressive que la suppression de l'abonnement au compteur au domicile principal est financée, grâce à un lissage de son coût sur l'ensemble de l'eau consommée par les familles. La tarification différenciée selon les usages, qui vise plus particulièrement les usages économiques et les résidences secondaires, peut financer la gratuité des mètres cubes vitaux, comme le démontre l'exemple de la commune de Limay. Je propose également un financement par des recettes diverses.

La proposition de loi vise ensuite à appliquer concrètement et réellement un accès inconditionnel à l'eau, c'est-à-dire à concrétiser une forme de droit à l'eau. Comme l'air et le rayon de soleil, l'eau n'a pas de prix, même si son captage, sa potabilisation et sa distribution ont un coût.

Je travaille aussi à une proposition de loi constitutionnelle transpartisane visant à transposer dans la Charte de l'environnement le premier alinéa de la résolution des Nations unies de 2010 reconnaissant le droit humain à l'eau et à l'assainissement. La logique est ici différente de celle de la tarification sociale, qui propose d'aider les plus démunis par des dispositifs pour lesquels, malheureusement, on observe souvent un non-recours massif aux droits : l'accès aux 50 litres d'eau par jour et par personne, aux toilettes et aux bains-douches est offert à toutes et à tous, quelles que soient leurs ressources.

La proposition de loi écarte différents sujets, certes intéressants, mais qui mériteraient un texte beaucoup plus développé et plus de débats que n'en permet une seule réunion de commission. Ainsi, elle ne traite ni de la part « assainissement » de la facture, ni des enjeux de gestion publique ou privée, ni des usages de l'eau par des acteurs économiques disposant de forages autorisés par les préfectures et les agences de l'eau, comme la plupart des agriculteurs et de nombreuses usines. Ces usages se situant hors du périmètre de la distribution d'eau potable, plusieurs amendements qui s'y réfèrent se trouvent être sans objet dans le cadre de cette proposition de loi.

Cette dernière est, enfin, un moyen de discuter de la transposition de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive « eau potable », adoptée en décembre 2020 et dont la transposition doit intervenir en janvier prochain. Nous sommes ici plusieurs à demander que cette transposition ne se fasse pas par ordonnance, mais que la directive puisse faire l'objet d'un débat public.

Pour conclure, j'assume, comme l'indique le rapport, le principe de la perfectibilité de cette proposition de loi, à l'aune des auditions réalisées. Durant les trois dernières semaines, j'ai mené plus de vingt auditions et rencontres, sans compter les huit auditions que j'ai organisées le 19 septembre sous le haut patronage de Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement. Ces rencontres avec des collectivités et des associations d'élus, dont une délégation de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), de l'Association des maires de France (AMF), de France eau publique, réseau de gestionnaires publics dont j'ai été l'un des fondateurs en 2012, de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), des professionnels tels que ceux de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) et des associations humanitaires, que je remercie, ont suscité plusieurs propositions d'amendements utiles, que j'entends défendre.

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