Intervention de Gabriel Amard

Réunion du mardi 15 novembre 2022 à 17h20
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Amard, rapporteur :

Je remercie tous ceux qui souhaitent que nous avancions sur le sujet grâce à ce texte.

Dans notre proposition de loi, nous avons fait le choix de ne pas aborder toutes les questions relatives au grand cycle ni même au petit cycle de l'eau. En particulier, nous n'avons pas traité la question des investissements. Néanmoins, je souligne dans mon projet de rapport que la lutte contre les fuites et le renouvellement des réseaux, indispensables pour améliorer les rendements, doivent être un critère important des mécanismes de financement des autorités organisatrices et de leurs opérateurs. Sans effort en matière de renouvellement des réseaux, un tel financement n'est pas envisageable.

Quel est l'objet de cette proposition de loi ? Douze ans après le vote par la France d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaissant le droit à l'eau comme un droit fondamental, nous estimons qu'il est temps d'instituer en la matière un droit inconditionnel, autrement dit sans condition de ressources. Danielle Mitterrand aimait à le rappeler : « trois minutes sans air et nous sommes morts, trois jours sans eau et nous sommes morts ». Il s'agit donc de faire un pas de côté par rapport à l'arsenal juridique existant, notamment par rapport aux dispositifs qui permettent déjà de pratiquer la tarification sociale.

En d'autres termes, notre démarche diffère de celle des partisans de la tarification sociale. Je ne peux pas souscrire aux approches caritatives, certes généreuses, mais dont le résultat est que nombre de nos concitoyens ne bénéficient pas d'un accès satisfaisant à l'eau. Notre collègue Hubert Wulfranc l'a rappelé, la facture d'eau TTC de plus de 1 million de nos concitoyens est supérieure à 3 % de leurs ressources moyennes, alors même qu'il est admis que ce plafond ne devrait pas être dépassé. Plusieurs d'entre vous ont relevé à juste titre que, bien souvent, les dispositions existantes ne sont pas appliquées.

J'en viens aux effets sur les collectivités territoriales. Nous avons auditionné de nombreux élus locaux, dont vous trouverez la liste dans mon rapport. Les retours de dizaines, voire de centaines d'expériences, parfois longues de plusieurs années, montrent que la gratuité de 10, 15 ou 20 mètres cubes d'eau par personne et par an – cette dernière quantité est celle qui est gratuite à Limay – n'a que peu d'impact sur les autres usages, notamment professionnels. À aucun moment, les acteurs économiques n'ont été mis en difficulté. Par ailleurs, à la différence des particuliers – qui ont besoin d'eau, rappelons-le, pour vivre et rester en bonne santé –, les entreprises et les professionnels peuvent déduire leur facture d'eau du bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés. En outre, ils bénéficient la plupart du temps d'une tarification dégressive. La loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, dite Lema, à laquelle M. Taite a fait référence, n'a pas interdit la dégressivité tarifaire.

La même loi a rendu possible la tarification progressive, qui est donc une option, non une obligation. Compte tenu du contexte écologique, notre proposition de loi pose le principe de la progressivité obligatoire en fonction de la quantité d'eau consommée. Ainsi, après avoir fait un bilan social pour vérifier que cela ne pénaliserait pas des familles nombreuses, une collectivité pourra appliquer un tarif plus élevé aux usages de confort et de luxe. Je proposerai d'ailleurs, par mon amendement CD52, de substituer « consommations de confort et de luxe » à « mésusages », notion qui ne fait pas nécessairement consensus.

Pourquoi avons-nous retenu un seuil de 50 litres par jour et par personne ? Parce que c'est la quantité minimale préconisée par l'Organisation mondiale de la santé, laquelle a par ailleurs fixé à 15 litres par jour et par personne le plancher pour les situations d'urgence et les crises humanitaires. Nous vous proposons donc d'instaurer un droit inconditionnel à 50 litres d'eau par jour et par personne.

Pour ceux qui ont un toit, ce droit serait applicable au domicile principal, non dans les résidences secondaires. De la sorte, nous n'abandonnons pas les collectivités dans le financement de la gratuité. Dans toutes les expériences menées en France au cours des dernières années, les collectivités ont trouvé dans les autres usages, notamment professionnels, de quoi équilibrer leur budget annexe. Pour les collectivités où il n'y aurait pas suffisamment de résidences secondaires ou d'usages professionnels, nous proposons des mécanismes de financement complémentaires. Ainsi, je présenterai un amendement CD60 visant à instaurer une taxe sur les eaux en bouteille et les sodas, mesure demandée par la FP2E, qui regroupe les gestionnaires de réseau privés.

Pour ceux qui n'ont pas de toit ou sont dans l'espace public, nous proposons des dispositifs gratuits : des sanitaires publics dans toutes les communes et intercommunalités de plus de 3 500 habitants, des bains-douches et des fontaines d'eau potable dans toutes les communes et intercommunalités de plus de 10 000 habitants. L'AMRF ayant trouvé ce seuil injuste, je proposerai par mon amendement CD44 que chaque commune soit équipée d'au moins une fontaine d'eau potable.

Je termine en évoquant le phasage. La loi ne pouvant entrer en vigueur avant le 1er janvier 2024, l'année 2024 pourrait être mise à profit pour parvenir à un premier palier. Je suis moi-même à l'initiative d'un amendement CD52 qui prévoit que la gratuité devrait porter sur 30 litres par jour et par personne à compter du 1er janvier 2025, l'objectif des 50 litres devant être atteint le 1er janvier 2027.

À l'issue des nombreuses auditions que j'ai menées, j'ai déposé des amendements qui tendent à améliorer ou à enrichir le texte, répondant ainsi à certaines des préoccupations que vous avez exprimées dans vos interventions, qui se fondaient uniquement sur le texte initial.

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