Intervention de François Piquemal

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Piquemal :

Une personne à la rue qui meurt toutes les cinq heures en France, 300 000 sans-abri, dont 2 000 enfants, 4,1 millions de personnes mal logées, et voici la loi que vous nous proposez : un texte qui vise à légiférer sur un problème qui ne concerne que 0,005 % des logements recensés dans ce pays. L'observatoire des squats a identifié 170 cas en 2021, dont la majorité, vous l'avez signalé, ont été rapidement réglés.

À lire votre exposé des motifs, il s'agit finalement d'une proposition de loi « fait divers », une loi « CNews » : « La médiatisation constante des squats et litiges de loyers témoigne de la forte émotion […] ». Vous parlez de ressenti. Il y a un an, Mme Wargon, alors ministre déléguée au logement, présentait le premier bilan de l'observatoire du squat en citant comme principal enseignement que le squat n'est pas un phénomène massif en France : « […] on a compté 124 dossiers […] Cela reste 100 fois moins que le nombre de cambriolages. Donc il faut faire attention à ce qu'on n'ait pas d'instrumentalisation politique de ce sujet ». Le rôle du législateur devrait être de désamorcer ces polémiques, en rappelant le droit applicable, qui comprend déjà, vous l'avez dit, un ensemble de mesures, tant civiles que pénales, largement suffisantes.

Sur le fond, ce texte révèle une vision dangereuse de la société. Ses rédacteurs ont visiblement un problème avec la justice, que ce soit l'institution, qui souffre du manque de moyens, ou son principe, qui repose sur le droit à un procès équitable et sur le contradictoire. Tout est fait pour que les expulsions de personnes qui s'abritent dans des logements vides soient effectuées sans aucune procédure judiciaire. Les marchands de sommeil et les arnaqueurs peuvent applaudir : ils auront de bons prétextes pour mettre la pression sur leurs victimes. Puisque vous aimez bien les acronymes, vous pouvez d'ores et déjà parler de loi MDS, pour marchand de sommeil – ça ira plus vite.

Cette proposition de loi est aussi un texte anti-locataires, qui fait l'impasse sur les causes du mal-logement, sur les 3,1 millions de logements vacants, dont vous ne parlez jamais, ou encore sur les nombreux abus dont sont parfois victimes les occupants. Qu'il s'agisse de faux bail, de paiement en liquide sans bail écrit, donc sans impôt, ou encore d'expulsion illégale, les locataires éprouvent le plus grand mal à porter plainte et à obtenir justice lorsqu'ils en sont victimes.

Ces dispositions régressives, qui vont jusqu'à la pénalisation des locataires, sont inédites et en contradiction totale avec la politique gouvernementale, qui prônait le « logement d'abord ». Les expulsions locatives ont un coût économique et humain important. Les prévenir est bien moins coûteux, à tous égards.

Alors que les charges d'énergie ne cessent d'augmenter, que l'inflation est là, que les prix ne sont pas bloqués, que les salaires ne sont pas augmentés et qu'il n'y a pas de baisse des loyers, cette proposition de loi met en place le décor d'un désastre social.

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