Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 19h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges, président :

Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir. Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux ce soir, le vote en cours à l'hémicycle requérant la présence de commissaires qui auraient souhaité vous entendre.

Vous sortez à peine d'un débat en séance publique au Sénat et je salue la disponibilité dont vous faites preuve en vous présentant devant nous dès que possible.

Votre parcours est celui d'une diplomate aux remarquables activités professionnelles au service du Quai d'Orsay, doublées de responsabilités politiques, voire ministérielles, impressionnantes. Vous avez été la représentante permanente de la France auprès de l'UNESCO, de 2008 à 2010, et de l'OCDE, de 2014 à 2019. Vous étiez auparavant ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire en Italie, de 2012 à 2014, et au Royaume-Uni, de 2019 à mai dernier. Vous avez également exercé les fonctions de porte-parole du président Jacques Chirac de 1995 à 2004. Enfin, vous avez déjà assumé des responsabilités ministérielles, en tant que ministre déléguée aux affaires européennes, de juin 2005 à juin 2007. En un mot, nous avons face à nous une personnalité particulièrement qualifiée pour conduire la diplomatie française.

Depuis votre nomination, des sommets importants de dirigeants internationaux se sont tenus en Europe au cours des vingt derniers jours, constituant en cela une séquence – pour ne pas dire un « marathon » – diplomatique majeure.

Le Conseil européen des 23 et 24 juin derniers, ultime Conseil de la présidence française de l'Union européenne, a été marqué par la décision historique de conférer à l'Ukraine et à la Moldavie le statut, sous conditions, de candidats à l'adhésion. Vous avez également accompagné le Président de la République, en compagnie du chancelier allemand, du président du Conseil italien et du président de la Roumanie, à Kiev, le 16 juin dernier.

Le deuxième événement est le sommet du G7 au Château d'Elmau, en Bavière, qui s'est tenu du 26 au 28 juin. L'Allemagne assume actuellement la présidence de cette instance et cette réunion a été l'occasion pour ces chefs d'État et de gouvernement de faire le point sur les implications économiques et alimentaires de la guerre en Ukraine.

Enfin, les 29 et 30 juin, la capitale espagnole a accueilli le sommet des chefs d'État et de gouvernement des 30 membres de l'Alliance atlantique. Ce rendez-vous, prévu de longue date, visait à réorganiser l'OTAN, qui était jusque-là, si ce n'est « en mort cérébrale », selon les termes du Président de la République, du moins en coma profond. À Madrid, cette organisation a été tirée de son coma. Parmi l'ensemble des sujets évoqués, je citerai la décision novatrice et révolutionnaire d'accueillir favorablement l'adhésion en son sein de la Finlande et de la Suède.

Vous avez ainsi été particulièrement occupée.

Vous faites face à une situation dramatique, où se heurtent les enjeux les plus décisifs. S'il fallait les classer, le problème de l'Ukraine occuperait le premier rang. La situation en Ukraine soulève d'innombrables questions, parmi lesquelles la politique de sanctions, la nature du soutien que nous apportons à ce pays et à son effort de guerre, la politique des réfugiés, les conditions de l'adhésion à l'Union européenne, ou encore les réponses que nous pouvons apporter au défi alimentaire qui se pose à l'ensemble de la planète. Ces difficultés sont très graves.

J'ai évoqué la question de l'Alliance atlantique, qui fait aussi face à d'importants défis.

La situation est également difficile en Afrique. Elle se détériore notamment au Mali, où de nombreux massacres se déroulent dans un contexte marqué par les rapports entre l'autorité politique et les mercenaires de Wagner. Nous l'avons souvent répété, et M. Le Drian le soulignait constamment, notre présence en Afrique intervient en réponse à la demande de la communauté internationale et des États africains. Cette demande a-t-elle toujours cours ? Comment les États de l'Afrique de l'Ouest envisagent-ils la poursuite de l'action de la France et de l'Europe dans cette zone ?

Nous menons également une réflexion sur la dimension internationale de la transition climatique. Nous nous intéressons de très près à la politique climatique que nous poursuivons en France. Il est toutefois évident que ce que nous faisons n'est rien à côté de ce qui est entrepris dans le reste du monde. Face aux enjeux importants auxquels nous sommes confrontés, l'une des solutions que nous entendons apporter est l'institution d'un prélèvement carbone aux frontières de l'Union européenne. Au-delà de l'Europe, nous constatons le peu d'empressement de la Chine à se mettre en ordre de bataille contre le réchauffement climatique. Notre préoccupation pour ces enjeux se confronte aussi aux politiques menées en Inde, en Afrique, aux États-Unis ou encore en Amérique latine. Or nous avons le sentiment que le consensus international, même s'il s'est exprimé de façon positive à Glasgow, reste très fragile et pour le moins insuffisant.

Le développement de l'Union européenne soulève également divers enjeux. La présidence française s'est achevée. La plupart des observateurs considèrent qu'elle a été un succès. La France a fait un choix très clair. Cette présidence a été traversée par un événement imprévu – je pense évidemment à la guerre en Ukraine. Toutefois, il me semble que les États européens ont fait preuve d'une certaine solidarité, quoiqu'imparfaite, face à cette guerre.

Enfin, le dernier sujet d'importance est intérieur à votre ministère. La décision de supprimer le corps des diplomates dans votre administration ne va pas sans susciter des réserves, des inquiétudes ou encore des oppositions. Les diplomates – et en tant que diplomate éminente, vous êtes bien placée pour en parler – s'inquiètent d'une prise en compte insuffisante à l'avenir du professionnalisme de leur fonction. Beaucoup, dans votre administration et au sein de cette commission, considèrent que les diplomates exercent un métier particulier, qui n'est pas interchangeable. Des garanties sont attendues par les membres de votre administration. J'aimerais que vous nous disiez comment vous abordez cette décision pour apporter l'apaisement et la sérénité au sein de votre administration.

Ces sujets sont très vastes, et j'entends que vous ne pourrez les traiter de manière exhaustive. Nous ne serons toutefois pas sans nous revoir très régulièrement. Nous recevions et étions reçus très fréquemment par votre prédécesseur, M. Jean-Yves Le Drian, auquel je rends hommage et avec lequel nous avons toujours entretenu des relations cordiales et coopératives. Ces échanges réguliers me paraissent nécessaires en raison de la lourdeur de l'agenda auquel nous devons faire face.

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