Intervention de Thierry Alves

Réunion du mardi 24 janvier 2023 à 17h20
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Thierry Alves, directeur interrégional des services pénitentiaires Sud-Est – Marseille :

S'agissant des incidents relatés qui n'ont pas empêché la poursuite du placement en détention ordinaire, il faut savoir que lorsqu'un détenu sort de l'isolement pour aller en QSI, il se trouve déjà en détention ordinaire. Néanmoins, ce quartier constitue une étape intermédiaire avant que le détenu bénéficie de latitudes plus larges quant à ses faits et gestes au sein de l'établissement. Nous étions dans une progression du régime de détention. Suite à l'incident évoqué, la responsabilité de décider d'un changement du régime de détention ne m'appartenait pas. En effet, il me serait impossible de traiter les cas de 8 500 détenus sur le périmètre de la direction interrégionale. En revanche, des personnels qualifiés travaillent dans l'établissement et sont en mesure de déterminer si un incident doit donner lieu à une poursuite d'activité ou un changement de régime s'agissant de la prise en charge. De toute évidence, les incidents ont été traités, y compris sur le plan disciplinaire, mais ils n'ont pas entraîné un retour de l'intéressé au sein du quartier d'isolement, comme vous l'avez évoqué. Je pense qu'il a été considéré que ces incidents constituaient des événements de détention qui font malheureusement partie de la marche régulière d'un établissement pénitentiaire, même si je conçois qu'ils puissent sembler graves d'un point de vue extérieur.

Concernant les informations qui ont pu être relayées vers la hiérarchie, la réponse est dans la question : selon la personne qui a fait ces déclarations, ces informations ont été transmises aux gradés travaillant au sein de la maison centrale d'Arles. Je n'ai donc moi-même pas connaissance de l'information dont vous faites état, je vous le redis clairement.

Vous avez évoqué la volonté de ne pas faire de vagues : en tant que personnel pénitentiaire, quelle que soit la place qu'on occupe dans la hiérarchie, il est impossible de travailler avec telle conception du métier. La population pénale est de plus en plus complexe à gérer. L'engagement est au cœur de notre pratique professionnelle et se traduit dans le pilotage de la structure dont on a la charge. Quand on gère une structure de ce type, il faut savoir allier souplesse et fermeté, mais aussi être au plus près de la population pénale car nous avons des vies entre nos mains. Il est important de bien connaître la population pénale. Certains personnels de direction participent à des audiences avec des détenus. Ils assurent le lien avec l'extérieur et les relations familiales. Le pilotage recouvre donc des aspects liés au management, à la sécurité, à la préparation à la sortie. Notre travail comporte une forte charge émotionnelle et il est indispensable de faire preuve d'une certaine solidité, qui est attendue pour diriger un établissement pénitentiaire. Encore une fois, nous sommes une administration très mal connue et on ne peut pas imaginer les difficultés qui se posent lorsqu'on se trouve en dehors de l'établissement. Dans ma conception, notre métier ne peut s'exercer qu'avec humilité et engagement.

En ce qui concerne Yvan Colonna, vous avez émis l'hypothèse d'un empêchement volontaire d'un transfert vers la Corse. L'approche de la population pénale est identique pour tous les détenus. Je l'ai dit, je n'ai reçu aucune consigne. Nous sommes confrontés à des individus particulièrement dangereux, et d'autres qui le sont beaucoup moins. L'objectif n'est pas de rompre le lien familial ou d'encourager l'éloignement mais, au contraire, de faire en sorte que ces personnes soient incarcérées dans les meilleures conditions possibles pour la sécurité de tous.

Enfin, vous abordez le sujet sensible de la surveillance : trop de surveillance, selon vous, pourrait mettre à mal les personnels et les détenus. La gestion d'un établissement pénitentiaire repose sur un équilibre subtil entre la présence nécessaire et la latitude qui doit être laissée aux détenus, car l'objectif est bien la sortie de prison et le retour à la vie en collectivité. Or la gestion d'une maison centrale consiste précisément à gérer une vie en collectivité, ce qui implique de trouver les moyens adéquats pour que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions possibles.

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