Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du vendredi 22 juillet 2022 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Vous avez affirmé, monsieur le ministre, ne pas vouloir d'un « compromis qui s'achète à coups de milliards, d'un compromis qui se finance au détriment de nos finances publiques ». C'est beau, mais où est la la logique quand, dans le même temps, vous prévoyez une hausse des dépenses publiques de 60 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, sans aucune économie, dont 20 milliards au titre du seul PLFR dont nous entamons l'examen ?

L'ancienne majorité oublie qu'elle n'aura d'autre choix que d'accepter les propositions des groupes de l'opposition, désormais majoritaires, parce que les Français en ont décidé ainsi.

Votre projet de loi de finances rectificative présente quatre insuffisances.

Première insuffisance : où sont les mesures ciblées ? Les moyens budgétaires sont bien là, puisque le Haut Conseil des finances publiques estime à 35 milliards le coût des dispositifs relatifs au pouvoir d'achat. Mais soyons réalistes : les mesures générales coûtent cher, et elles ne sont ni efficaces économiquement, ni justes socialement – je me contente ici de relayer les analyses que les économistes vous ont exposées lors des Rencontres d'Aix-en-Provence, monsieur le ministre.

Lorsque les comptes publics sont dans le rouge – et ils le sont, avec un déficit structurel de 3,6 points du PIB, voire de 4,4 points d'après le Haut Conseil des finances publiques, et une dette de près de 112 points du PIB –, il faut dépenser efficacement, c'est-à-dire cibler en priorité les foyers les plus modestes et les territoires les plus exposés à l'inflation, en particulier les départements et régions d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer (DROM-COM), la Corse et les territoire ruraux. Certaines évolutions du projet de loi vont dans le bon sens, comme la nouvelle indemnité carburant pour les seuls travailleurs modestes. C'est un premier pas dans la bonne direction, mais il faut généraliser cette approche à l'ensemble des dispositifs. Nous avons eu vent d'une possible volonté du Gouvernement de renoncer à cette mesure, au profit d'une augmentation de 18 à 30 centimes de la remise carburant ; ce serait une erreur si, en contrepartie, vous abandonnez les aides ciblées. Prenons l'exemple de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. En dehors des 20 % de familles qui en sont déjà exonérées, elle profitera indifféremment aux Français, quels que soient leurs revenus. Une telle réforme aurait dû faire l'objet d'un projet de loi ad hoc, de sorte que nous engagions un débat démocratique sur l'indépendance du secteur public audiovisuel et son avenir. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s'interroge également sur le déblocage de l'indemnité carburant par la direction générale des finances publiques (DGFIP). Il est primordial que les aides ne soient pas des « usines à gaz » dont la complexité alimenterait le non-recours aux droits ouverts.

Deuxième insuffisance du PLFR : où figurent les adaptations et les modulations selon les territoires ? Qu'en est-il de la France rurale et des outre-mer ? Il n'en est fait mention nulle part dans le corps du texte, et il faut se plonger dans l'étude d'impact pour en trouver quelques traces. Comme toujours depuis cinq ans, le Gouvernement adopte une logique centralisatrice, qui manque sa cible parce qu'elle ne prend pas en considération les différences entre les territoires. Ce calibrage défaillant ne permet pas de répondre à la diversité des situations. Il faut être concret : dans les territoires ultramarins, les salaires sont plus bas que dans l'Hexagone, tandis que le prix des denrées alimentaires y est plus élevé – le panier moyen y est 60 % plus cher. À Mayotte, 77 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, soit cinq fois plus qu'en métropole. Nous pourrions dresser un constat similaire dans les territoires ruraux, mais aussi en Corse – le litre de carburant y est 10 centimes plus cher que sur le continent, entre autres exemples.

Notre groupe ne demande pas des passe-droits, mais des mesures plus équitables qui intègrent les réalités de terrain des Français. Dans la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, vous avez d'ailleurs accepté une modulation du taux de réévaluation des loyers de 3,5 % à 2,5 % dans les DROM-COM. Et dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, vous avez évoqué diverses possibilités d'adaptation à la diversité des territoires et des situations. Notre groupe y est favorable, et nous voterons les amendements qui iront en ce sens. Nous proposerons des mesures permettant de moduler les dispositifs pour tenir compte des fractures sociales et territoriales. Sans ces adaptations, vos dispositifs ne pourront qu'exacerber les tensions sociales, et ne permettront en rien de corriger les inégalités de niveaux de vie entre les territoires.

J'en viens à la troisième insuffisance du projet de loi : le manque de concertation avec les acteurs concernés, en particulier avec les collectivités territoriales. Afin de défendre les collectivités d'outre-mer et de l'Hexagone, notre groupe a fait adopter deux amendements en commission, demandant que l'État compense la charge financière de certaines de ses décisions, comme l'augmentation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique territoriale et le relèvement de 4 % du RSA.

Quatrième insuffisance : où sont les mécanismes de contrôle et les sanctions ?

Qu'en est-il, enfin, des ressources ? Certains, jusque dans la majorité, ont déposé des amendements visant à faire contribuer des secteurs qui bénéficient de la situation actuelle, comme l'énergie et le fret maritime.

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