Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Nous auditionnons aujourd'hui M. Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste, accompagné de Mme Juliette Le Borgne, procureure de la République adjointe. Eu égard à l'extrême gravité des faits survenus le 2 mars 2022 mais également aux dysfonctionnements graves, voire aux fautes lourdes, que la commission a commencé à mettre en lumière depuis le début de ses travaux tout autant qu'à l'histoire et à la personnalité de l'agresseur et de la victime, cette audition n'est pas anodine. Elle survient d'ailleurs à quelques jours de la commémoration des vingt-cinq ans de l'assassinat du préfet Claude Érignac et à quelques semaines des un an de l'agression mortelle ayant coûté la vie à Yvan Colonna. J'ai une pensée émue et sincère pour Claude Érignac et sa famille, comme pour la famille d'Yvan Colonna. Au-delà, j'élargis ma pensée à tous celles et ceux – dont certains que j'ai connus, de par mon engagement politique – qui ont perdu la vie de manière tragique dans le cadre de la relation politique conflictuelle qui existe depuis 60 ans entre la République et la Corse. Il nous revient à tous de mettre un terme à cette relation conflictuelle, en créant les conditions de la paix. Celles-ci passent par un travail de recherche, de vérité et de justice ouvert aussi par cette commission d'enquête. Dans un État de droit digne de ce nom, il ne peut y avoir de hiérarchie des victimes, des douleurs et des peines, ni de droit à la vengeance pour quiconque.

Hasard du calendrier, cette audition intervient également au lendemain de l'acceptation, par la chambre d'application des peines antiterroriste de la cour d'appel de Paris, du projet de semi-liberté porté par M. Alessandri, l'un des détenus du « commando Érignac », après vingt-quatre ans passés en détention. Nous saluons cette décision, qui nous semble résulter de la simple application du droit, basée sur le parcours carcéral et le projet de l'intéressé, en dehors de toute autre considération politique et symbolique.

Nous évoquerons avec vous ces aspects, eu égard aux avis réguliers émis en commission locale sur les détenus particulièrement signalés (DPS) mais également sur les demandes d'aménagement de peine. Nous avons noté, au cours de nos travaux, la gestion clémente dont a bénéficié M. Elong Abé.

Au-delà, l'Inspection générale de la justice (IGJ) a conduit une inspection de fonctionnement à la maison centrale d'Arles suite à l'agression mortelle de M. Colonna. Son rapport fait état d'éléments surprenants et j'en retiendrai un plus particulièrement. En juillet 2019, la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) Grand Ouest – Rennes avait initié une proposition d'orientation de M. Elong Abé en quartier d'évaluation de la radicalisation (QER). Elle s'appuyait sur les avis unanimes des professionnels de l'établissement d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, où M. Elong Abé était alors détenu. Certains de ces professionnels avaient même formulé « un avis très favorable à la demande d'orientation vers un QER […] en urgence ». Les magistrats du siège et du parquet, de leur côté, avaient émis des avis respectivement réservé et très réservé sur cette orientation. Au-delà de l'appréciation de fond, la régularité de ces avis semble douteuse, au moins en ce qui concerne le parquet. L'IGJ relève en effet que celui-ci n'avait pas de compétence en matière post-sentencielle pour émettre un avis sur une proposition d'affectation en QER. De tels avis sur une orientation en QER étaient-ils systématiques, ou courants ? En vertu de quoi étaient-ils émis ?

Nous nous intéresserons au lien étroit qu'entretient le parquet national antiterroriste (PNAT) avec les services de renseignement dans le cadre du suivi des terroristes islamistes (TIS) mais aussi à votre connaissance personnelle des filières djihadistes, en particulier sur le théâtre de guerre afghan.

Notre rapporteur vous a adressé un questionnaire pour vous permettre de préparer cette audition. Je vous remercie de bien vouloir transmettre ultérieurement à la commission les éléments de réponse écrits, ainsi que tout autre élément d'information que vous jugeriez pertinent.

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