Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 1er février 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Sans relancer le débat, vous avez compris, à travers la question de M. Colombani, que, par la force des choses, cette commission traite en miroir l'évolution de deux personnes, un agresseur et une victime, toutes les deux DPS mais dont l'histoire n'est pas la même. Nous avons tous – même ceux qui ne partagent pas nos idées autonomistes – revendiqué le fait qu'un rapprochement familial devait s'effectuer, eu égard aux caractéristiques intrinsèques du parcours carcéral de M. Colonna, d'ailleurs évoqué honnêtement par le directeur de l'administration pénitentiaire comme un parcours correct voire très correct. Il s'agit en soi d'un écart important avec ce qui vient d'être décrit de M. Elong Abé. Cela pose beaucoup de questions quant à la gestion des individus entre, d'un côté, l'obsession de la sortie et, de l'autre, la justification des critères de maintien du statut DPS pour des détenus comme M. Colonna, basée essentiellement sur leur situation pénale ou sur l'éventualité que, peut-être, ils pourraient s'évader, et ce alors que l'administration pénitentiaire estimait le risque d'évasion extrêmement mince concernant les trois détenus, MM. Alessandri, Ferrandi et Colonna. Nous avons vécu l'extrême circonspection, dans nos relations politiques avec les hautes sphères de l'État, concernant la gestion des détenus du « commando Érignac ». Je dois souligner l'honnêteté du directeur de l'administration pénitentiaire qui a exprimé, devant cette commission d'enquête, des éléments importants, sans sortir de son rôle. Celui-ci a expliqué que parmi les critères d'appréciation d'un statut DPS, deux concernent l'administration pénitentiaire. Pour les quatre restants, l'administration pénitentiaire n'intervient pas et lui-même a reconnu qu'ils étaient d'interprétation large.

Factuellement et en termes d'analyse, à la lumière des propos que nous avons entendus au cours de nos auditions, nous sommes interpelés par la différence entre, d'un côté, le traitement réservé à M. Elong Abé – on ne peut pas le mettre en QER, il faut le nommer auxiliaire pour préparer sa sortie, etc. – et, de l'autre, la gestion immuable aboutissant à la non-levée du statut DPS pour M. Colonna. Il aurait pu renouveler sa demande de levée tant qu'il voulait, on a bien compris que c'était sa situation pénale initiale qui conditionnait la décision, sans considération pour son parcours carcéral. Malheureusement, l'intéressé n'est plus là pour en parler. S'il avait bénéficié d'un rapprochement, l'acte qui lui a coûté la vie n'aurait très certainement pas eu lieu. CQFD, MM. Alessandri et Ferrandi ont ensuite été rapprochés, pour des raisons évidentes, et il ne me semble pas que la situation soit pire au centre de détention de Borgo les concernant. Nous ne pouvons que regretter cette absence de rapprochement concernant M. Colonna, car cela a, encore une fois, provoqué beaucoup de douleur. Toutefois je souhaite surtout regarder vers l'avenir, car nous sommes ici pour essayer de construire l'avenir et l'apaisement, dans une logique de compréhension et de recherche de justice et de vérité dans cette affaire.

Je reviendrai sur une dernière question précise. Vous avez évoqué le fait que vous ne disposiez pas d'informations issues des autorités américaines concernant M. Elong Abé et son comportement en Afghanistan. J'en déduis que vous n'étiez pas en possession de l'ensemble des données de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) obtenues des autorités américaines. Vous avez parlé de nouveaux outils législatifs pour le suivi des djihadistes. Néanmoins, des process très précis nous ont déjà été présentés, avec un suivi très rapproché : à l'entrée, des informations de la DGSI sur les djihadistes ; en détention, suivi par le SNRP ; à la sortie, suivi par la DGSI, y compris de ceux déjà référencés avec l'obsession de sortie. Les groupes d'évaluation départementaux (GED) décloisonnent également l'information territoriale sur chaque profil et se réunissent une fois par mois. Je vous pose une question très simple : ne disposiez-vous pas de l'ensemble des éléments de la DGSE et de la DGSI à propos des actions précises de M. Elong Abé en Afghanistan ?

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