Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mardi 7 février 2023 à 17h05
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Je ne sais pas si Yvan Colonna avait fait des demandes au cours de l'année civile 2016, puis 2017, mais je peux vous certifier que depuis le début, en particulier de 2011 à 2022, il n'a cessé de demander la levée de son statut de DPS.

Vous avez parlé d'un contentieux. Il y en a eu un, important, qui a aussi concerné votre gestion administrative, même si vous êtes arrivé en fin de période : la décision prise par le garde des Sceaux et contestée par Yvan Colonna de le maintenir au répertoire des DPS datait de 2012, mais le contentieux est allé jusqu'au Conseil d'État et a couru jusqu'en mars 2017. Le tribunal administratif de Toulon avait donné raison aux avocats d'Yvan Colonna et de sa famille, qui avaient présenté une demande d'annulation pour excès de pouvoir ; la cour administrative d'appel de Marseille l'avait suivi. C'est le Conseil d'État qui a donné raison à la Chancellerie, sur le fondement de la disposition qui confère au garde des Sceaux le pouvoir réglementaire en la matière : quels qu'aient été les moyens invoqués, le garde des Sceaux avait tout pouvoir de décider in fine, malgré les avis contraires, selon les critères de l'instruction ministérielle, de maintenir le statut de DPS.

Ce qui est intéressant dans ce contentieux, et qui interpelle quand on connaît le sujet – vous avez parlé de réunions politiques au sujet des détenus corses –, c'est que le tribunal administratif de Toulon, reprenant l'un des moyens développés par les avocats, parle d'une fausse réunion de la commission locale DPS à Toulon, et le Conseil d'État n'infirme pas ce point. Une puissante ingénierie est ainsi mise en œuvre par l'administration centrale fin 2011 pour produire de faux documents destinés à justifier l'avis de cette commission locale. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le tribunal administratif de Toulon, au sujet d'une fausse réunion du 13 décembre 2011, préalable à l'avis de la commission nationale qui a eu lieu le 14 décembre. Le Conseil d'État n'y revient pas puisqu'il ne s'agit que d'un avis. Mais on ne peut que s'interroger – d'autant qu'il y a eu d'autres contentieux ensuite – sur l'énergie ainsi consacrée à créer les conditions d'un avis de maintien alors que la réunion ne s'est pas tenue.

En ce qui concerne le rapprochement familial, Yvan Colonna avait deux enfants, il ne voyait plus sa mère depuis quinze ans et son plus jeune fils depuis trois ans. Nous sommes nombreux, juristes ou politiques, à estimer que 500 kilomètres de distance, d'une île qui plus est, et un coût de plusieurs centaines d'euros pour qu'un seul membre de la famille se rende en unité de vie familiale (UVF) empêchent le rapprochement familial d'être effectif. On peut maintenant le dire, puisque les choses se sont hélas finies comme on sait.

L'affaire d'Arles est grave. Il ne s'agit pas de deux détenus qui se seraient croisés au cours d'une promenade et dont l'un aurait donné un coup de couteau à l'autre. L'enchaînement des faits et la genèse du parcours de Franck Elong Abé forment un alignement de planètes allant jusqu'à faire dire à l'actuel directeur de l'administration pénitentiaire que la réalité a dépassé la fiction. Je ne reviens pas sur la vidéosurveillance ; selon l'Inspection générale de la justice (IGJ), même si l'agent avait appuyé sur le bouton censé correspondre à l'écran de la salle de sport, ce n'est pas celui-ci qui serait apparu. Les directeurs de l'établissement acquiescent en disant que Franck Elong Abé, en entrant dans la salle, ne regarde pas la caméra car il sait qu'il ne risque rien de ce côté.

Les commissions nationales DPS se réunissaient-elles de manière régulière, y compris sous votre administration ?

Ma seconde question est plus politique. Vous avez évoqué des réunions avec le Premier ministre sur ces sujets. Confirmez-vous que, dans ces réunions, il n'a jamais été fait référence au traumatisme de l'assassinat du préfet Claude Érignac ni à un engagement, pris devant les parties civiles, à faire preuve d'une extrême sévérité dans ce dossier ?

En novembre 2021, six groupes parlementaires signent une tribune dans Le Monde pour demander la levée du statut de DPS. Des discussions ont lieu entre la collectivité de Corse et le Premier ministre Jean Castex à ce sujet, y compris sur l'éventuel aménagement d'un quartier spécifique à Borgo pour résoudre le problème du rapprochement familial. Le 2 mars, Yvan Colonna est assassiné. Tout cela est essentiel.

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