Intervention de Sandra Regol

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Regol :

La lutte contre la récidive est primordiale, mais la dissuasion ne doit pas en être le principal instrument. Mes collègues ont rappelé nombre d'études prouvant que les peines plancher contribuaient à renforcer le phénomène de récidive. À l'étranger, l'étude de Thomas Gabor en 1987 et celle de Florence de Bruyn en 1997 confirment la contre-productivité de cette mesure, et en France l'étude de Sebastian Roché en 2007 va dans le même ce sens.

Vous distinguez les peines planchers des peines minimales, renvoyant à la logique du code pénal de 1810, lequel instaurait des minima et des maxima pour les condamnations, ce qui amenuisait le pouvoir du juge. Or, l'impératif pour la justice de répondre aux besoins d'individuation et de progressivité des peines implique de la doter de véritables outils pour limiter la récidive.

Le risque, en confondant communication et action, est de tomber dans une inaction condamnable qui nuit aux personnes que vous souhaitiez protéger. Ainsi votre proposition sert-elle tout juste à rappeler à votre base électorale votre constant positionnement à droite de l'échiquier politique – ce sur quoi je n'avais aucun doute. Néanmoins, cet hommage à l'erreur de Nicolas Sarkozy, qui a largement contribué à tuer la droite française, n'est pas la solution la plus raisonnable.

Je m'interroge donc sur le but de cette proposition de loi, puisque l'ensemble de la littérature scientifique insiste sur le fait que ces peines conduisent à l'aggravation de la récidive, au renforcement de la délinquance et à d'importants coûts pour l'État. Tout prouve, en dehors du dogme que vous soutenez, que cette proposition est dangereuse.

Dans l'exposé des motifs, vous mettez l'accent sur l'anticipation, mais celle-ci suppose plutôt de renforcer la police dans ses missions et la justice dans son action. Cela implique d'investir davantage dans l'investigation, mais aussi de renouer le lien entre les agents assermentés et la population, plutôt que de chercher à l'effrayer avec des peines alourdies – que personne, du reste, n'a jamais vraiment craintes. Entrer dans le système carcéral du XXIe siècle revient à mettre la police au service du public, en suivant l'exemple des pays européens qui n'incarcèrent pas massivement, mais où les chiffres de la récidive sont bien meilleurs que les nôtres.

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