La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 05.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

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Nous examinons ce matin deux propositions de loi (PPL). La première, relative au régime juridique des actions de groupe, reprend les principales propositions d'une mission d'information menée lors de la précédente législature. Mme Laurence Vichnievsky et M. Philippe Gosselin en étaient les corapporteurs, comme ils le sont de la proposition de loi que nous allons étudier. Ce texte, examiné par la commission des lois dans le cadre des semaines transpartisanes de l'Assemblée, le sera en séance publique le 8 mars prochain. J'ajoute qu'il a été soumis au Conseil d'État, dont l'avis a été transmis à tous les membres de la commission.

La Commission examine la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe (n° 639) (Mme Laurence Vichnievsky et M. Philippe Gosselin, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ZudSsO

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Comme l'a rappelé M. le président Houlié, cette proposition de loi met en œuvre les préconisations d'un rapport d'information qui, cosigné en 2020 par Philippe Gosselin et moi-même, avait été adopté à l'unanimité par cette même commission. Je tiens à souligner le travail que nous avons mené ensemble depuis le début de la précédente législature. Ce rapport établissait le bilan de la procédure d'action de groupe instaurée en 2014. Elle a d'abord concerné la consommation, puis, à partir de 2016, la santé, l'environnement, la protection des données personnelles et la lutte contre les discriminations. Elle a enfin été étendue aux locations immobilières dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite Elan, en 2018.

Avec seulement une petite trentaine d'actions de groupe répertoriées, ce bilan était et demeure décevant. Plusieurs raisons expliquent ce maigre résultat, à commencer par une trop grande complexité juridique. De fait, les actions de groupe reposent sur sept fondements législatifs et sur des procédures différentes, relativement à des points aussi importants que la qualité à agir ou le champ des préjudices indemnisables, lesquels peuvent couvrir non seulement le préjudice corporel mais aussi, parfois, le préjudice moral, qui obéissent chacun à un régime très différent.

Ce peu de succès s'explique aussi par l'étroitesse du champ matériel : les actions de groupe ne couvrent pas l'ensemble des droits subjectifs, ce qui a conduit à l'échec de plusieurs d'entre elles, notamment en matière d'immobilier, les juridictions ayant estimé qu'elles n'entraient pas dans les champs définis par les lois de 2014 et de 2016. Depuis, la loi Elan a permis de corriger cela.

Le petit nombre d'acteurs autorisés à intenter ce type d'actions explique également ce mauvais résultat. Seules seize associations sont agréées pour mener des actions de groupe, et certaines d'entre elles n'en ont pas toujours les moyens. Je précise cependant que le socle commun introduit en 2016 autorise d'autres associations à agir, notamment celles qui ont cinq ans d'ancienneté et dont l'objet comprend la défense des intérêts visée par l'action de groupe. Cependant cela ne concerne que quelques domaines – santé, environnement, protection des données personnelles, etc.

L'action de groupe est pourtant très utile à notre ordonnancement juridique. Elle est particulièrement adaptée lorsque de très nombreuses victimes subissent un préjudice peu important et d'un faible montant, ou quand elles sont dans un état de vulnérabilité qui ne leur permet pas d'entamer seules une action en justice. L'action de groupe permet alors de rééquilibrer le rapport de force avec le défendeur.

Alors que le droit européen encourage les actions de groupe, la France est très en retard par rapport à ses partenaires. Le Portugal, où nous nous sommes rendus, a par exemple inscrit cette procédure dans sa Constitution. Paradoxalement, ce retard s'explique par l'avance que la France avait naguère s'agissant de la protection des consommateurs, avance qui, plus largement, se manifestait dans la défense de toutes les parties faibles au contrat, que ce soit en droit des assurances, du travail ou de la concurrence. Cet avantage historique se transforme aujourd'hui en inconvénient, alors même que la finalité reste la même : rééquilibrer le rapport des forces en présence.

Il nous faut à présent rattraper notre retard. Pour ce faire, et c'est la philosophie de notre proposition de loi, il faut faciliter l'accès au juge.

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Bien qu'à nul autre pareil, le travail transpartisan, accompli en l'occurrence par Laurence Vichnievsky et moi-même, demeure méconnu et trop peu valorisé à l'extérieur de notre assemblée. De surcroît inscrit dans la continuité, il nous a permis de poser, au cours de la quinzième législature, les premières pierres d'un édifice qui nous paraît solide.

La class action peut faire peur. Beaucoup de nos concitoyens, des entreprises en particulier, craignent la transposition en France des pratiques américaines. Mais le modèle que nous suivons est celui d'actions de groupe applicables au droit continental. Notre culture, économique et historique – la tradition de défense des consommateurs en France a été rappelée –, est telle que nous n'avons pas envie de singer ce qui se fait aux États-Unis. Force est de constater que, malheureusement, l'action de groupe à la française ne fonctionne pas comme elle le devrait.

À la suite de dizaines d'auditions, de déplacements et du rapport déjà évoqué, nous avions formulé treize propositions dont le présent texte est en partie la mise en forme. Au risque de manquer de modestie, je dirai qu'il s'agit peut-être d'une nouvelle façon de travailler, qui consiste à ne plus laisser les rapports s'empiler, quelle que soit par ailleurs leur qualité, mais à les mettre sur la table. Ce sera le cas, notamment avec ce texte, au cours de la semaine transpartisane d'initiative parlementaire début mars.

Nous remercions la présidente de l'Assemblée, Mme Yaël Braun-Pivet, d'avoir été sensible à cette approche et d'avoir saisi le Conseil d'État sur la proposition de loi que nous vous présentons. Elle n'y était pas obligée, cette possibilité n'ayant été utilisée que quelques dizaines de fois depuis la réforme de 2008. L'avis du Conseil d'État, avec son précieux regard juridique, permet de conforter le travail parlementaire. Dès lors le rapport, si l'on veut établir un parallèle, peut être assimilé à ce qu'est une étude d'impact sur un projet de loi.

Les principales modifications apportées à la procédure de l'action de groupe se résument en deux points. Tout d'abord, notre texte harmonise les règles de procédure applicables aux actions de groupe afin de les inscrire dans un cadre unique. En deuxième lieu, il procède à un triple élargissement, d'abord de la qualité à agir, ensuite du champ matériel et enfin des préjudices indemnisables. Avec les dispositions actuelles, les préjudices indemnisables diffèrent en effet selon le secteur d'activité considéré. Nous proposons que l'ensemble de ces préjudices, qu'ils soient corporels, matériels ou moraux, soient désormais indemnisables, quel que soit le secteur concerné.

Nous élargissons également les champs d'application des actions de groupe. Si, auparavant, seuls cinq domaines étaient concernés – consommation, santé, environnement, protection des données et lutte contre les discriminations –, aucun domaine ne sera désormais exclu. L'ouverture aux actions de groupe est donc totale ; le champ d'application, quasiment universel, est celui du droit commun.

Nous enrichissons également la qualité à agir, puisque des associations ad hoc vont compléter les seize associations jusqu'à présent agréées pour entamer des actions de groupe. Pour éviter les dérives des class actions à l'américaine, la proposition de loi pose quelques conditions, comme le font également certains amendements. De même, elle n'élargit pas l'initiative des actions de groupe aux avocats, notre volonté ayant été de trouver un équilibre entre le droit continental et le droit anglo-saxon. Soulignons également que le texte renforce le rôle du ministère public, qui pourra se joindre aux actions de groupe.

Notre réflexion, qui s'est affinée depuis 2020, nous a conduits à la création d'un mécanisme nouveau, que l'on souhaite dissuasif : une sanction civile, prononcée par le juge en cas de comportement dolosif du défendeur. Cette sanction participe à la reconnaissance de l'ordre public économique en garantissant que le défendeur, s'il perd dans une action de groupe, ne conserve pas le profit réalisé grâce au manquement sanctionné. Avec une sanction modeste, des calculs d'opportunité pourraient être faits si, au regard du montant des sanctions, l'affaire restait fructueuse. Il ne s'agit pas d'assommer les entreprises, mais d'assainir certains comportements.

D'autre part, nous laissons au juge la possibilité de transférer à la charge de l'État tout ou partie des frais engagés par les associations lors de l'instruction, même lorsqu'elles sont perdantes. Il s'agit d'une sacrée nouveauté ! Bien sûr, pour éviter tout abus, cette prise en charge ne peut se faire que si le juge estime que l'action présente un caractère sérieux. Cette disposition a pour objectif de répondre aux problèmes de financement que rencontrent les associations. En effet, les seize associations agréées n'ont pas toutes été en mesure, tant s'en faut, d'intenter des actions de groupe, faute de moyens financiers. Cette approche est conforme à la directive européenne qui encourage les États membres à mettre en place des mécanismes de prise en charge des frais de procédure ou, à défaut, à réduire ces frais.

Enfin, la proposition de loi prévoit la spécialisation de tribunaux judiciaires, mesure approuvée par le Conseil d'État. Il s'agit d'aider les magistrats à s'adapter aux particularités des actions de groupe et de leur permettre de développer leur expertise. Ces procédures sont en effet complexes, à telle enseigne qu'il nous paraît impossible de les voir prises en charge par certaines juridictions – qu'il ne s'agit évidemment pas de dédaigner : notre but est simplement de parfaire le système –, sur l'ensemble du territoire.

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Nous avons, la semaine dernière, participé aux travaux de la section de l'intérieur, puis à la réunion de l'assemblée générale du Conseil d'État, après avoir échangé, dès le mois de janvier, avec le rapporteur de notre texte. C'est un exercice auquel je ne m'étais pas encore livrée. Ces échanges très riches et constructifs nous obligent et nous assurent une assise juridique beaucoup plus forte.

Nous vous présenterons des amendements de réécriture de la version initiale du texte, car il nous a fallu à la fois tenir compte des observations judicieuses du Conseil d'État et transposer la directive du 25 novembre 2020.

Le code de procédure civile étant de nature réglementaire – et relevant à ce titre du Gouvernement –, nous avons pensé, initialement, qu'il fallait insérer l'action de groupe au sein du code civil, pour des raisons d'accessibilité notamment. Mais le Conseil d'État – dont les recommandations, principalement légistiques, ne concernent pas le fond du texte – a estimé qu'une loi de procédure n'avait « pas vocation à prendre place dans le code civil ». Il nous a donc conseillé de réécrire notre texte sous la forme d'une loi-cadre, type de véhicule historiquement privilégié pour l'inscription dans notre droit des principes qui régissent les actions de groupe. Nous ralliant à l'avis du Conseil d'État, nous avons donc déposé des amendements de réécriture mais, pour la loyauté des débats – et grâce à la célérité des administrateurs –, l'avons fait dès samedi afin de permettre à chacun de les sous-amender car, s'ils sont adoptés, ils feront évidemment tomber les vôtres, chers collègues.

Les principales modifications concernent tout d'abord la publicité préalable. Les dispositions la concernant ont été supprimées, le Conseil d'État considérant qu'elles n'avaient pas de caractère normatif. Je précise toutefois que des mesures de publicité sont prévues après le jugement en responsabilité.

Concernant le registre des actions de groupe en cours que nous avons instauré, nous l'avions à l'origine confié au Conseil national des barreaux. Il s'agissait pour nous d'associer les avocats à ce texte, alors qu'ils réclament, de façon récurrente, la possibilité d'être partie au procès – ce que nous leur refusons pour éviter les dérives à l'américaine. Le Conseil d'État nous a toutefois rappelé que le Conseil national des barreaux n'avait pas ce genre de compétence ; aussi avons-nous finalement confié ce registre à la Chancellerie.

D'autre part, nous proposons d'introduire une disposition importante qui ne figurait pas dans le texte initial : l'obligation, pour les demandeurs, de fournir une attestation sur l'honneur qu'ils n'ont ni objectif lucratif ni intérêt économique à agir. Avec cette obligation, nous souhaitons nous prémunir contre les faux-nez, contre l'action d'acteurs malintentionnés qui souhaiteraient déstabiliser un concurrent. Il ne s'agit pas d'un document sans grande valeur, puisque les mentions irrégulières figurant sur cette attestation seraient passibles de sanctions pénales. Nous renversons, en quelque sorte, la charge de la preuve : le demandeur est présumé de bonne foi et c'est au défenseur de prouver qu'il ne l'est pas.

Si le Conseil d'État nous accompagne positivement pour ce qui est du triple objectif – action générale, procédure unifiée et élargissement de la qualité à agir –, il émet des réserves sur la sanction civile. Si nous pensons disposer d'arguments juridiques pour la maintenir, nous avons néanmoins remodelé le dispositif pour tenir compte des observations du Conseil d'État. Ainsi, seul le parquet a désormais la possibilité de requérir cette sanction, dont le champ a par ailleurs été précisé. Grâce à ces modifications, nous croyons pouvoir maintenir la mesure de sanction civile sans encourir le risque de l'inconstitutionnalité.

Pour ce qui est de la directive ici transposée – cela aurait dû être fait en décembre –, elle ne s'applique qu'aux actions de groupe transfrontières. En effet, les États membres restent libres d'établir leur propre régime juridique pour les actions nationales. Nous prévoyons des modalités spécifiques pour agir en dehors de nos frontières, en particulier une habilitation spéciale.

La spécialisation des tribunaux se fera quant à elle en toutes matières. Ainsi, il n'existera pas un tribunal spécialiste de l'environnement à Lyon ni un autre spécialiste de la santé Marseille. Cela n'aurait aucun sens. Nous avons donc prévu que chaque juridiction spécialisée pourrait agir dans tous les domaines.

Enfin, suivant en cela une suggestion du Conseil d'État, nous prévoyons une évaluation du dispositif. Nous l'avons prévue à quatre ans, compte tenu de la longueur des procédures, même si nous espérons que notre texte contribuera à réduire leur durée.

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La question des actions de groupe n'est pas simple. Si elle l'était, le rapport dont nous avons parlé n'aurait pas été établi et nous n'examinerions pas cette proposition de loi aujourd'hui.

Pour conclure, et pour rassurer les entreprises notamment, il ne s'agit pas, je le répète, de mettre en place une class action à l'américaine, procédure dont nous connaissons les excès. Le texte ne témoigne en effet d'aucune suspicion vis-à-vis des entreprises françaises, qui, globalement, sont plutôt vertueuses par rapport à celles d'autres pays. Cependant, il doit exister des dispositifs qui permettent d'assurer la protection et la défense des consommateurs, mais aussi, plus largement, des citoyens. Nous ne cherchons pas à « nous faire les entreprises », mais à élaborer un dispositif véritablement ouvert aux citoyens grâce à un régime universel.

Notre objectif est donc d'œuvrer à l'efficacité et d'aller dans le sens de la directive transposée, laquelle incite les États membres à faciliter la défense des consommateurs et des citoyens, à rééquilibrer les relations entre les faibles et les forts, même s'il ne faut pas considérer, je le répète, que ces derniers sont toujours hors des clous.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Notre commission examine ce matin la proposition de loi sur l'action de groupe. Le rapport d'information élaboré par les deux rapporteurs lors de la précédente législature sert de fondement à cette PPL.

C'est la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, qui a introduit l'action de groupe dans le droit français. Le bilan de cette loi reste néanmoins insatisfaisant puisque, à ce jour, seules trente-deux actions de groupe ont été intentées, dont six seulement ont donné des résultats positifs. Les actions de groupe sont des procédures lourdes et restrictives qu'il faut ouvrir davantage. C'est l'objectif, louable, de cette proposition de loi.

Cependant, quelques interrogations subsistent quant à la rédaction actuelle du texte, qui ouvre un champ d'action de groupe plus large et étend la capacité d'agir. Or cette double ouverture, en augmentant les actions de groupe, pourrait provoquer, comme le craint le Conseil d'État, un engorgement au sein des juridictions. Les deux rapporteurs ont ainsi déposé des amendements afin de suivre certaines recommandations du Conseil d'État. Cette volonté de parfaire la PPL doit guider nos travaux à venir.

Le Conseil d'État suggère également que cette proposition serve de véhicule pour transposer la directive de 2020, ce qui aurait déjà dû être chose faite.

Je souhaite appeler votre attention sur quelques points de vigilance. D'une part, une trop grande libéralisation pourrait entraîner des difficultés dans certaines catégories d'action telles que la santé ou l'éducation ; d'autre part, le choix de la compétence judiciaire pose question : si une action de groupe était intentée contre une personne morale de droit public, un problème de constitutionnalité pourrait se poser puisque la justice administrative est compétente en la matière.

Cette proposition de loi peut être une magnifique occasion d'améliorer la vie des Français. C'est ce qu'ils attendent, c'est ce qu'ils demandent. Il est donc essentiel que nous travaillions à l'émergence du meilleur cadre possible afin de leur donner les outils juridiques leur permettant de faire entendre collectivement leurs voix.

Le groupe Renaissance votera donc en faveur de ce texte.

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L'action de groupe permet à des consommateurs victimes d'un même préjudice de la part d'un professionnel de se regrouper et d'agir en justice, par le biais d'une association. Il s'agit donc de protéger nos concitoyens contre des entreprises qui, plus puissantes qu'eux, disposent de moyens financiers plus élevés et sont épaulées par des armées d'avocats.

Dès l'instauration des actions de groupe par la loi du 17 mars 2014, notre pays a cherché son propre modèle pour renforcer les droits des citoyens, sans tomber dans les dérives de class actions américaines. Force est de constater que cet équilibre n'a pas encore été trouvé. La mission d'information que vous avez dirigée a eu le mérite de faire le bilan de ces actions de groupe à la française et de proposer des améliorations concrètes, pour les rendre plus efficaces et réellement opérationnelles.

Le régime de l'action de groupe a déjà pu évoluer, notamment grâce à la loi du 18 novembre 2016, qui l'a étendue aux discriminations au travail, aux questions environnementales, au respect des données personnelles, puis aux préjudices subis dans le cadre de locations immobilières. Ces élargissements auraient dû provoquer une forte augmentation du nombre de ces actions et un renforcement des droits des consommateurs. Or, votre rapport d'information montre l'inverse : trente-deux actions de groupe seulement ont été intentées depuis 2014, dont vingt dans le domaine de la consommation ; et parmi elles, seules six ont prospéré – trois à la suite d'une déclaration de responsabilité du défendeur, et trois autres d'un accord amiable.

Un si faible taux de réussite nous oblige à parler d'échec et, par conséquent, à agir. Aujourd'hui, ce sont des centaines, parfois des milliers de nos concitoyens qui sont victimes de préjudices, sans jamais pouvoir en obtenir réparation en justice. C'est aussi un très mauvais signal envoyé à une infime minorité d'entreprises malintentionnées qui, conscientes de n'être pas menacées par ces actions, persévèrent sans remords dans leurs pratiques frauduleuses.

En matière de santé, de nombreuses affaires judiciaires, dont certaines sont devenues célèbres, révèlent l'étendue des dégâts et mettent en lumière la nécessité de disposer d'actions de groupe plus simples et plus efficaces. C'est le cas notamment de l'affaire du Mediator, qui a fait plus de 5 000 victimes, ou encore celle des implants mammaires PIP – Poly Implant Prothèse –, où l'on a pu dénombrer 1 700 plaignantes.

Les actions de groupe en matière de protection des données personnelles prendront de plus en plus d'importance au sein de notre système judiciaire, mais elles demeurent largement insuffisantes. Ainsi, seules deux actions ont été engagées à ce jour, contre Facebook et Google, pour non-respect du RGPD – règlement général sur la protection des données.

Une procédure d'action de groupe plus efficace permettrait de mieux rendre justice et de mieux réparer les préjudices subis.

Nous nous félicitons que des mesures aient été prises pour permettre aux plaignants d'obtenir une réparation de l'intégralité du préjudice et qu'un seuil de plaignants en association puisse suffire à lancer une action. Le seuil fixé par votre proposition initiale, à savoir cinquante personnes, nous paraissait déjà un peu élevé ; en le portant à cent, comme y tendent des amendements des rapporteurs, vous affaibliriez d'autant plus, malheureusement, la portée du texte.

Bien qu'il soit largement proposé de le modifier, à travers des amendements des rapporteurs et de certains autres – je pense par exemple à celui, déposé par nos soins, relatif au Conseil national des barreaux –, nous en proposerons d'autres encore pour ouvrir la discussion sur certains points, s'agissant notamment du montant minimal des sanctions prononcées, que nous voulons, après ajout des dommages et intérêts, au moins égal à celui des profits réalisés.

Pour préserver l'équilibre de l'action de groupe à la française, nous proposons également de faciliter l'intégration des collectivités locales. Enfin, nous veillerons à ce que ne puissent être intentées des actions de groupe qui pourraient avoir pour seul objectif de nuire à la réputation d'une entreprise.

Le groupe Rassemblement national votera donc en faveur de cette proposition de loi, qui va dans le sens d'un meilleur accès à la justice.

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L'action de groupe introduite par la loi de 2014 est une procédure de poursuite collective. Elle permet aux victimes d'un même préjudice, attribué au même professionnel, d'agir ensemble dans le cadre d'une procédure unique, par l'intermédiaire d'associations et sous réserve de remplir un certain nombre de conditions.

Ce dispositif a d'abord été introduit en matière de consommation, avec un encadrement très strict, s'agissant des associations bénéficiant de la qualité à agir et de la nature des préjudices indemnisables. Il a ensuite été étendu aux litiges en matière de santé, d'environnement, de protection des données personnelles, de discrimination au travail et de location de logements.

Une mission d'information a été mise en place pour suivre le déploiement de ce dispositif. Ses conclusions, présentées en juin 2020, ont été bien décevantes, avec trente-deux actions de groupe intentées depuis 2014, dont vingt dans le domaine de la consommation, pour six résultats positifs seulement.

Nous arrivons tous à la même conclusion : il faut améliorer l'efficacité des actions de groupe, jusqu'ici largement insuffisante. Pour cela, il paraît pertinent d'élargir le cadre légal de ces actions pour les rendre effectives et utiles aux justiciables.

Votre proposition de loi prévoit notamment l'unification des textes existants au sein d'un nouveau titre dans le code civil, mais aussi la réparation intégrale du préjudice, l'extension de la qualité à agir pour un certain nombre d'associations et l'allégement des charges du procès, qui incombent normalement au demandeur, afin de lever une partie des obstacles financiers qui entravent le développement des actions de groupe. Nous sommes en accord avec ces propositions, grâce auxquelles le recours à ce type d'actions peut être facilité.

Nous sommes en revanche défavorables à plusieurs amendements déposés par les rapporteurs eux-mêmes. En suivant l'avis restrictif du Conseil d'État, certains de ces amendements vident de sa substance une partie de la proposition de loi, au point qu'ils semblent avoir été rédigés par les entreprises. Vous voulez, par exemple, réduire la qualité à agir des associations en augmentant de cinquante à cent le seuil minimal de personnes physiques victimes, là où nous demandons de l'abaisser à vingt.

Vous désirez également faire de ces dispositions une loi ad hoc et ne plus les insérer dans le code civil, comme initialement prévu. Cela désarmerait le dispositif que vous aviez prévu d'insérer dans le code civil. Nous considérons qu'il faut agir en élargissant, en simplifiant et en facilitant la procédure d'action de groupe, afin d'en permettre le recours effectif dans les domaines concernés.

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Je tiens à féliciter les rapporteurs pour le travail de qualité qu'ils ont accompli. Au-delà de l'écume de certains débats qui font la une des quotidiens, il démontre que notre institution est capable de faire un travail de fond, qui parfois prend du temps, qui n'est pas immédiatement visible, mais qui touche aux grands équilibres de nos institutions et au quotidien des administrés. L'évolution du droit est forcément lente si l'on veut qu'elle soit sûre et efficace. Nous ne devons pas nous plaindre que cela ait pris du temps, mais au contraire nous réjouir que nos travaux ne restent pas empilés sur des étagères, qu'ils se concrétisent pour servir nos concitoyens.

Nous devons nous réjouir également de la saisine, pour avis et par avance, du Conseil d'État. Comme vous l'avez dit, madame la rapporteure, cette saisine, qui n'est pas si fréquente, constitue un vrai conseil juridique : les termes que vous avez choisis me paraissent à cet égard tout à fait appropriés, et la procédure pourrait faire école dès lors que nous disposons, au sein de nos institutions, de toute l'expertise souhaitable en matière de conseil.

Pour ce qui est du fond, il convient de rappeler que la concurrence – quand on y croit – n'est utile au consommateur que si la responsabilité des producteurs de biens et de services est effective et réelle. Cette responsabilité est assurée par la possibilité d'intenter une action de groupe ; c'est inséparable de la logique de concurrence et de libre-échange dans laquelle nous nous inscrivons.

Pour conclure, je dirai que votre proposition de loi a le mérite de proposer un dispositif simple. Je crois que nous devons nous en inspirer de façon générale : quand nous écrivons le droit, nous nous devons d'être simples, clairs et faciles à comprendre. Les subtilités et les complexités inextricables rendent forcément le droit inefficient.

Simplicité et robustesse, telles sont les clés du succès de votre proposition de loi.

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Au-delà d'être d'initiative parlementaire, le texte qui nous est soumis est surtout transpartisan. La défense des intérêts de la partie la plus vulnérable est l'affaire de tous ; elle peut, elle doit être commune et indépendante des sensibilités politiques. C'est animés de cet esprit que nous devons mener nos travaux.

Pour le groupe Démocrate, ce texte appelle deux développements. Sur la forme d'abord, nous tenons à saluer le travail que vous avez fourni, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, pour établir le rapport d'information qui donne naissance à cette proposition de loi attendue. Ce travail de longue haleine est considérable, en quantité comme en qualité.

Notre groupe souhaite également saluer l'initiative de la présidente de l'Assemblée nationale. En permettant la saisine pour avis du Conseil d'État, une telle initiative donne plus de force encore à ce travail d'initiative parlementaire ; elle porte à un haut degré d'expertise cette proposition de loi, dont certains amendements, issus de l'avis du Conseil d'État, ont permis d'affiner la rédaction. Vous en avez, en effet, suivi dans une large mesure les préconisations pour rédiger ces amendements.

Rappelons que l'action de groupe a été introduite en France par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Elle a ensuite été étendue aux litiges en matière de santé, d'environnement, de protection des données personnelles, de discrimination au travail et de location de logements. Or, et cela a déjà été dit, force est de constater que huit ans plus tard, le bilan est maigre, voire très décevant : seules trente-deux actions de groupe ont été engagées dans notre pays entre 2014 et 2022, et six seulement ont eu un résultat positif pour les demandeurs. Pourtant, le nombre des dommages susceptibles de justifier une telle action n'a pas diminué. Nous devons donc fournir une réponse et un cadre, comme le demande l'Union européenne.

Le rapport issu de votre mission d'information vous a permis d'établir un diagnostic fin et d'avancer des solutions claires et ambitieuses. Après une large concertation, votre proposition de loi en formalise les différentes préconisations. En amont, la réforme majeure est que toutes les procédures jusqu'à présent spécifiques aux domaines d'activité considérés seront regroupées dans une loi-cadre unique. Celle-ci, qui va du reste au-delà du regroupement des procédures existantes, affiche une vocation universelle. Le regroupement, dans un autre champ que le pénal, d'une pluralité de victimes est une nouvelle méthode de gestion des litiges.

Sur le fond, les principales recommandations sont l'extension de la qualité à agir à un plus grand nombre d'associations, l'ouverture de la procédure aux personnes morales de droits privé et public, la réparation de l'intégralité du préjudice subi, la suppression de l'état procédural de mise en demeure, la création d'une sanction civile en cas de comportement dolosif du professionnel et, enfin, l'allégement des charges du procès incombant normalement au demandeur. L'objectif de cette proposition de loi était d'améliorer et de simplifier les textes existants, plutôt que de renverser la table en s'inspirant du modèle américain des class actions.

Le souci des auteurs a été de faciliter l'accès à cette procédure sans risquer de déstabiliser les acteurs économiques de notre pays, en particulier les petites et moyennes entreprises. Les rapporteurs ont également écarté le système d' opt-out, qui suppose que l'adhésion d'une personne physique ou morale à une action de groupe déjà engagée, et susceptible de la concerner, est présumée acquise, sauf manifestation expresse d'un refus de sa part. L'adhésion volontaire à la procédure, clairement exprimée, reste la règle.

Cette proposition de loi, que le groupe Démocrate trouve équilibrée, devrait permettre à nombre de nos concitoyens de regrouper leurs forces autour d'une même cause, pour faire entendre leurs voix en justice.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons ce texte sans réserve et voterons les amendements des rapporteurs, qui s'inspirent de l'avis du Conseil d'État et nous semblent aller dans le bon sens.

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Ce texte est important, puisqu'il explore le vaste champ de la protection des intérêts des consommateurs, pour laquelle le dispositif actuel n'est pas satisfaisant. Comme vous l'avez dit, le bilan des lois de 2014 et de 2016 n'est pas probant, alors même que ces textes répondaient à une obligation, dictée par une directive de 2009, et à une volonté forte du législateur d'engager ces actions de groupe, qui n'existaient pas.

Si leur bilan n'est pas positif, c'est sans doute aussi parce que nous avons eu peur des dérives des class actions, de l'engorgement des tribunaux. Je m'aperçois d'ailleurs que cette crainte est toujours aussi présente, ce que le Conseil d'État n'a pas manqué de faire valoir. Nous devons à cet égard être vigilants.

Comme l'a dit Laurence Vichnievsky, le point le plus important est l'accès au juge. Notre priorité, en tant que législateurs, est de veiller à ce que cet accès soit préservé. J'ai à ce propos deux interrogations. La première concerne le registre confié à la Chancellerie, car les associations agréées sont mécontentes, notamment, du rythme de traitement de leurs dossiers d'agrément par la Chancellerie. Il faudra donc définir les conditions, non seulement de tenue du registre, mais aussi de gestion et de traitement des agréments.

Lors de l'élaboration des premiers textes, nous avions écarté les avocats pour ne pas judiciariser la procédure. Je ne suis la porte-parole d'aucun lobby, mais je m'interroge sur la nécessité ou non de trouver un moyen d'associer les avocats, dont le travail est tout de même de défendre les intérêts privés. Je ne m'en suis pas entretenue avec le Conseil national des barreaux et ne m'en fais donc pas ici la porte-parole. Mais je me demande s'il est judicieux de laisser les avocats de côté et de leur préférer des associations qui, peut-être, ne connaissent rien au droit, quand il s'agit de défendre les consommateurs. Je comprends les réserves exprimées, mais je me pose des questions quant à notre vision de la justice et à la suspicion qui entoure les uns et les autres. Cette frilosité s'illustre également par l'augmentation de cinquante à cent du nombre minimal de plaignants, mesure qui, bien que recommandée par le Conseil d'État, réduit d'autant la portée du dispositif. Nous ne devons pas avoir peur de la réalité, ni du chemin emprunté par le consommateur pour défendre ses intérêts. Cela fait trop longtemps qu'il ne peut faire entendre sa voix.

En toute hypothèse, notre groupe votera ce très bon texte.

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La proposition de loi que vous avez déposée vise à assouplir le régime de l'action de groupe dans le droit français. Née aux États-Unis, cette procédure permet aux victimes d'un même préjudice causé par un professionnel de se regrouper et d'agir collectivement en justice.

À l'heure actuelle, en France, seules les associations agréées et celles qui sont régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins, et dont l'objet statutaire comporte la défense d'intérêts auxquels il a été porté atteinte, peuvent intenter une telle action. Cette procédure a été introduite en France par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, dite loi Hamon. Initialement limité à la consommation, ce texte a depuis été étendu aux litiges en matière de santé publique, d'environnement, de discrimination au travail, de protection des données personnelles et de location de logements.

En dépit de cette extension, seules trente-deux actions de groupe ont été intentées depuis 2014. Pour ce qui est de la santé publique, par exemple, plusieurs préjudices collectifs ont fait l'objet d'actions conjointes de patients plutôt que d'actions de groupe. Je pense notamment à l'action menée contre le laboratoire Merck pour défaut d'information sur les effets secondaires du Levothyrox, à celles intentées contre le laboratoire Servier pour dissimulation volontaire du caractère anorexigène du Mediator et contre l'entreprise PIP, accusée d'avoir commercialisé des prothèses mammaires défectueuses.

Compte tenu du faible succès rencontré par les actions de groupe, votre initiative est nécessaire. Le groupe Horizons et apparentés partage votre constat : le régime juridique de l'action de groupe en vigueur, particulièrement rigide, constitue un frein à la réparation des préjudices subis et, plus généralement, au dédommagement des victimes collectives. Il est donc impératif de trouver une application effective, pertinente et protectrice du droit des consommateurs et des citoyens.

Vous proposez d'étendre le champ des associations ayant qualité à agir dans le cadre d'une action de groupe ; d'assurer une meilleure publicité des procédures engagés ; de créer une sanction civile indépendante des préjudices subis en cas de comportement dolosif du professionnel responsable du manquement ; de prévoir une compétence exclusive de tribunaux judiciaires spécialisés pour ce type d'action ; enfin, de supprimer tous les régimes spécifiques d'action de groupe au profit d'un régime unifié.

Vous avez depuis déposé des amendements pour prendre en compte les recommandations formulées dans l'avis du Conseil d'État. Nous saluons votre sagesse à ce sujet.

Cependant nous restons vigilants, tant sur l'universalité du champ d'application des actions de groupe que sur la hausse du niveau d'exigence pour la qualité à agir, qui, nous le craignons, risque de demeurer insuffisant.

Par ailleurs, même si le dispositif des sanctions civiles a été amendé, son principe même nous pose problème. En effet, nous ne souhaitons pas que le régime juridique de la responsabilité se rapproche, d'une manière ou d'une autre, de celui en vigueur outre-Atlantique.

Considérant qu'il est nécessaire de rendre le régime d'action de groupe plus flexible et plus lisible pour que les consommateurs et les victimes de manquements graves d'une même entreprise puissent agir efficacement, pour que cesse ce trouble et pour obtenir réparation du dommage subi, le groupe Horizons et apparentés ne s'opposera pas à une refonte intelligente et équilibrée de la procédure.

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On peut évaluer l'efficacité d'une procédure au nombre d'actions intentées chaque année et à leur issue. Le moins que l'on puisse dire est que l'action de groupe à la française n'est pas à l'origine de l'engorgement de nos juridictions. Peu utilisée, peu efficace, elle n'est pas parvenue à trouver sa place dans notre droit, et ce en raison de verrous procéduraux que les associations peinent à lever.

En 2014, le législateur avait voulu introduire les actions de groupe dans notre droit, mais il tenait absolument à éviter les dérives des class actions qui existent dans le droit anglo-saxon. Huit ans plus tard, nous ne déplorons effectivement aucune de ces dérives, mais aucun véritable progrès non plus.

Cette proposition de loi a le mérite de rendre la procédure plus claire et plus accessible. L'élargissement du nombre des demandeurs, la simplification de la procédure, la création de juridictions spécialisées sont des avancées que nous ne pouvons que saluer. Nous qui, au sein de cette même commission, nous sommes récemment prononcés en faveur de juridictions spécialisées pour les violences intrafamiliales, nous restons cohérents quant à notre vision de la justice. Sans doute peut-on regretter que les actions de groupe aient leurs juridictions spécialisées avant les enfants victimes de violence. Mais j'imagine que tout vient à point à qui sait attendre…

Vous l'aurez compris, nous sommes favorables aux actions de groupe. Notre seule interrogation, peut-être, porte sur le principe de l' opt-in, c'est-à-dire cette faculté pour les victimes de ne se manifester qu'à la fin d'une procédure pour obtenir indemnisation. Maria José Azar-Baud, maître de conférences à l'université de Paris-Saclay et fondatrice de l'Observatoire des actions de groupe et autres actions collectives, indique que dans les pays où ce principe est appliqué, moins de 5 % des victimes adhèrent à la procédure. Elle préconise de renverser la logique et d'adopter le système de l' opt-out, qui permet, d'emblée, d'intégrer les victimes potentielles à la procédure, à l'exception de celles qui se manifestent expressément pour ne pas l'être. L' opt-out est déjà en vigueur aux Pays-Bas et au Portugal, et il fonctionne. Du point de vue des victimes, il permettrait un plus grand nombre d'indemnisations. Il serait en outre dissuasif pour les professionnels malintentionnés qui, mécaniquement, s'exposeraient à des sanctions plus lourdes, proportionnelles au nombre de victimes potentielles.

Notre droit est vivant, et la pratique nous dira sûrement si des évolutions législatives sont encore nécessaires.

En l'état, le groupe GDR-NUPES est favorable à cette proposition de loi.

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Comme beaucoup de collègues l'ont dit, il y avait nécessité à améliorer le recours aux actions de groupe. Le groupe Écologiste votera donc ce texte qui simplifie le dispositif et, surtout, l'élargit. Nous sommes par nature – si je puis dire – sensibles à tout ce qui peut faciliter les actions en faveur de l'environnement et de la biodiversité notamment, mais aussi des consommateurs ou des victimes de discriminations.

Je partage les interrogations de Mme Untermaier pour ce qui est du rôle des avocats, mais je n'y reviens pas. Notre ligne de conduite, la boussole qui nous guidera pour l'étude des amendements est la suivante : nous soutiendrons tout ce qui facilite et améliore la procédure des actions de groupe ; nous serons en revanche très vigilants sur tous les points qui, au contraire, constitueraient un recul ou même un statu quo.

Puisque la loi Hamon marque le point de départ des actions de groupe, je me permets de rendre hommage à l'ancien ministre en la matière.

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Près de dix ans se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur des actions de groupe dans notre droit ; une trentaine de procédures seulement ont été intentées, parmi lesquelles six ont eu une issue favorable. Parallèlement, les consommateurs et les victimes se sentent toujours aussi délaissés par la justice. On ne peut donc que déplorer le bilan quelque peu décevant des actions de groupe à la française.

Le ressentiment est tel que le régime actuel entretient une défiance durable à l'encontre du système judiciaire. Je sais que les deux rapporteurs accomplissent un travail de fond sur la question, depuis plusieurs années. Je les remercie pour cette initiative parlementaire, que notre groupe soutiendra.

En l'état actuel, la procédure d'action de groupe n'est qu'une suite d'obstacles juridiques qui restreignent l'accès des consommateurs. Les critères appliqués aux associations et les délais de procédure sont autant de freins qui empêchent une véritable protection.

Par conséquent, notre groupe salue les assouplissements apportés par cette proposition de loi, notamment pour ce qui est de l'ouverture de l'intérêt à agir des associations. Nous sommes également favorables à la suppression de la mise en demeure préalable, qui avait été introduite en 2016. Cette étape additionnelle, superflue, ne faisait qu'alourdir la procédure et allonger des délais de jugement déjà excessifs.

Toutefois, nous souhaiterons obtenir quelques éclaircissements et garanties sur plusieurs sujets, à commencer par celui de l'application du texte dans le temps. Les rapporteurs ont fait le choix de n'appliquer cette nouvelle procédure qu'aux faits générateurs de responsabilité qui sont postérieurs à son entrée en vigueur. De prime abord, cela peut paraître justifié si l'on se réfère au principe de non-rétroactivité. Mais il est en réalité inutile et défavorable aux consommateurs. À deux reprises, en 2014 et en 2016, le législateur avait préféré une application immédiate, y compris pour les faits antérieurs à l'entrée en vigueur du texte. Le Conseil constitutionnel avait expressément validé cette décision. Pourquoi donc ne pas prévoir une application immédiate ? La rédaction actuelle ne va-t-elle pas faire coexister deux régimes distincts, au risque de rendre encore plus complexe le parcours des victimes ?

Ensuite, nous avons besoin d'éclaircissements s'agissant de votre volonté d'octroyer une compétence exclusive à certains tribunaux judiciaires. Quels seront ces tribunaux ? L'accès physique à la justice dans les territoires est une question importante ; il faut veiller à ne pas aggraver encore les fractures territoriales entre justifiables et juges. Aussi souhaitons-nous inscrire des garde-fous dans la loi pour éviter que les consommateurs des zones rurales, montagneuses et insulaires ne soient lésés.

Enfin, pour ce qui est de la mise en place d'une véritable sanction civile, notre groupe soutient la démarche des rapporteurs. L'amende actuelle de 50 000 euros est dérisoire et peu dissuasive. Nous comprenons le choix d'attribuer cette amende au Trésor public, mais pourquoi ne pas en attribuer au moins en partie à un fonds général dédié à des avances, à la prise en charge des frais de procès et des actions de groupe ? Il s'agit d'un point important, puisque ces frais sont un des nombreux freins au développement des actions de groupe, notamment pour les plus démunis.

Malgré ces quelques interrogations, notre groupe votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.

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Je ne reviendrai pas sur les interventions de nos collègues des groupes Les Républicains et Démocrate, c'est-à-dire les groupes auxquels Philippe Gosselin et moi-même appartenons respectivement. Ils ont salué notre travail – ce qui fait du bien – et n'ont formulé aucune réserve. Je me dois donc de me concentrer sur les interrogations des autres collègues.

Je voudrais ainsi rassurer Mme Chandler quant au risque que pourrait présenter le triple élargissement que nous proposons. Tout élargissement de la capacité d'agir comporte évidemment un risque judiciaire. Mais nous l'assumons, dès lors que l'accès élargi au juge est notre principal objectif. Là où cet accès est très large, comme au Portugal, tout se passe bien et l'on ne constate aucune embolie, notamment parce qu'il y a beaucoup de médiations. Nous espérons donc qu'avec notre texte, la médiation jouera son rôle, tout comme le caractère dissuasif de la nouvelle sanction civile.

D'autre part, il n'y aura pas de difficulté si une personne morale de droit public est mise en cause, dès lors que sont maintenus les deux socles juridictionnels, celui de l'ordre judiciaire et celui de l'ordre administratif.

S'agissant de l'augmentation du nombre de victimes de cinquante à cent, c'est nous, madame Untermaier, qui le proposons. Sur ce sujet, le Conseil d'État ne fait que nous suivre.

Je veux également rassurer nos collègues de la France insoumise : le nombre important de nos amendements résulte du changement de véhicule législatif. Nous avons en effet dû réécrire notre texte pour en faire une loi-cadre. Ces amendements de réécriture, purement légistiques, ne modifient donc pas le fond de notre proposition de loi, j'insiste sur ce point.

Pour ce qui est de l'avocat, il aura toute sa place, puisque c'est lui qui a en charge la défense de l'association. Simplement, nous ne souhaitons pas qu'il soit lui-même partie au procès.

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J'apporterai quelques précisions. L'action de groupe n'est et ne sera pas uniquement réservée aux personnes physiques et aux personnes morales de droit privé. Les collectivités locales sont clairement concernées ; les actions de groupe pourront donc se dérouler devant les juridictions administratives, sans aucune difficulté.

S'agissant de la sanction civile, il ne s'agit pas d'instaurer des dommages et intérêts punitifs. Ce n'est pas le système juridique français, ce n'est pas la tradition de notre pays. En cette matière, nous le rappelons, et pour éviter les dérapages, c'est le ministère public qui détient les clés.

Comme l'a souligné Mme K/Bidi, le droit est vivant. Nous avons constaté une forme d'inefficacité de l'action de groupe telle qu'elle existait. Notre proposition est donc d'en élargir l'accès. Nous avons également prévu une évaluation du dispositif dans quatre ans. Il s'agit d'une recommandation du Conseil d'État, mais nous l'aurions fait de toute façon, dans le cadre de nos missions, comme le prévoit l'article 24 de la Constitution : nous ne faisons pas que voter la loi, nous évaluons aussi les politiques publiques et contrôlons l'action du Gouvernement. Le rapport de 2020 était ainsi une évaluation des politiques publiques sur l'action de groupe, et il est vraisemblable que, au cours d'une future législature, ou à la fin de celle-ci, nous aurons l'occasion d'évaluer le présent texte, et peut-être d'y ajouter quelques éléments. Il nous paraissait donc important de prévoir une étape sans renverser la table, même si la sanction civile ici introduite est relativement nouvelle dans le droit français.

Pour ce qui est des avocats, il n'y a aucune défiance à leur endroit. Il y en a plusieurs dans cette assemblée et nous avons, par nos fonctions au sein de la commission des lois, des échanges réguliers avec la profession. Simplement, nous restons fidèles à la procédure française dans laquelle l'avocat n'est pas partie au procès, et ce pour éviter – au risque de le formuler maladroitement – un mélange des genres. Du reste, les avocats ont toute leur place dans le dispositif – ils en sont même un maillon essentiel –, de par leur rôle de soutien ou de conseil aux associations.

S'agissant de l'application de la loi dans le temps, monsieur Acquaviva, nous avons voulu éviter un télescopage. Cependant notre choix pourrait en effet se traduire par l'existence transitoire d'un double régime. C'est un point sur lequel nous pourrions nous pencher, comme y tend d'ailleurs un amendement de Mme Untermaier : peut-être y a-t-il lieu, effectivement, d'unifier dès à présent les régimes, car leur concomitance irait à l'encontre de ce que nous souhaitons.

Avant l'article 1er

Amendement CL23 de Mme Laurence Vichnievsky.

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Cet amendement vise, ainsi que les autres dont Philippe Gosselin et moi-même sommes cosignataires, à réécrire le texte dans le sens que nous avons indiqué.

La commission adopte l'amendement.

Article 1er (art. [nouveaux] 2053 à 2058-6 du code civil) : Unification du régime juridique de l'action de groupe devant le juge judiciaire

La commission adopte l'amendement CL24 de Mme Laurence Vichnievsky et l'article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Après l'article 1er

Amendement CL25 de Mme Laurence Vichnievsky, sous-amendements CL39 et C40 de M. Timothée Houssin, sous-amendements CL47, CL48 et CL49 de M. Jordan Guitton.

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Quand nous avons lu la proposition de loi, nous avons considéré que le seuil de cinquante personnes nécessaire pour lancer une action de groupe était trop élevé : le chiffre de vingt-cinq serait plus approprié. D'autres groupes partagent cette position ; l'un d'entre eux a même demandé que l'on descende à vingt, mais son amendement à l'article 1er est tombé et il n'a pas déposé de sous-amendement à l'amendement CL25.

Il n'est déjà pas facile, pour une victime, de trouver vingt-quatre autres personnes ayant subi le même préjudice et motivées pour lancer une action. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous souhaitez faire passer le seuil de cinquante à cent. Plus le seuil est élevé, plus on risque d'empêcher les victimes d'engager une action.

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Mes sous-amendements traitent des collectivités territoriales. Ils ont pour objet de fixer à deux, dans le meilleur des cas – et, à défaut, à trois ou quatre au lieu de cinq –, le nombre de collectivités nécessaire pour constituer une association ad hoc.

Depuis l'introduction de la procédure par la loi du 17 mars 2014, seules trente-deux actions de groupe ont été engagées, dont six ont connu une issue positive. Cela ne fonctionne pas. Nous proposons donc d'assouplir la procédure. Par ailleurs, permettre à deux collectivités concernées – par exemple une commune et l'intercommunalité dont elle fait partie – au lieu de cinq d'y participer contribuerait à défendre les collectivités.

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Comme toujours, se pose la question de l'effet de seuil. Après avoir auditionné plusieurs associations, des entreprises et des universitaires, il nous a semblé qu'il était préférable de fixer le seuil à cent personnes physiques. Certes, la portée de notre proposition de loi s'en trouve réduite dans un premier temps, mais les apports du texte sont déjà importants – extension de la qualité à agir, réparation de l'intégralité du préjudice, ou encore création d'un régime universel. Il en va de même pour les collectivités.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que les personnes qui nous écoutent pensent que l'action de groupe est la seule modalité possible quand des dommages touchent plusieurs personnes morales ou physiques. Les actions collectives fonctionnent très bien aussi, même si nous ne cherchons pas à les privilégier à tout prix.

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Les sous-amendements visent les associations ad hoc, et non les associations agréées ou celles soumises à une condition d'ancienneté. Il s'agit donc, par exemple, d'associations créées à la suite d'un accident sur un site Seveso ou d'un problème sanitaire. Certes, aucun dispositif n'est parfait, mais nous avons essayé, compte tenu des observations qui nous avaient été faites, de retenir un seuil permettant de s'assurer que ces associations soient suffisamment solides. En effet, même si nous essayons de simplifier et de raccourcir l'action de groupe, cette procédure est longue, complexe et parfois très coûteuse. Il faut que les associations ad hoc ayant qualité pour agir aient les reins solides. Dans la mesure où nous élargissons beaucoup le champ du dispositif, il faut que ces associations soient suffisamment fortes, d'où ce seuil de cent personnes.

Enfin, notre texte innove en ouvrant la possibilité à toutes les personnes morales d'agir. Les collectivités publiques ne sont pas seules concernées : certaines PME sous-traitantes peuvent être victimes de dommages de la part d'un donneur d'ordre. Toutefois, là encore, le cadre fixé doit être raisonnable.

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L'amendement CL25, qui vise à élargir la qualité pour agir, peut être lu à la lumière de l'amendement CL24, dont l'objet était d'instaurer l'universalité de l'action de groupe.

Dans son avis sur le texte, le Conseil d'État a clairement indiqué que les associations auxquelles la qualité pour agir serait ouverte devraient satisfaire à certaines exigences, notamment le sérieux, la bonne foi et l'indépendance. Or, si l'amendement CL25 vise à limiter la qualité à agir en portant à cent – contre cinquante dans le texte initial – le nombre minimal de personnes physiques requis pour constituer une association ad hoc, et en ajoutant le critère de déclaration régulière de l'association, le dispositif reste très large.

Le groupe Renaissance ne s'opposera pas à cet amendement : outre qu'il restreint le texte initial, il transpose une partie de la directive relative aux actions transfrontières. Toutefois, nous devrons travailler ensemble, d'ici à l'examen en séance, pour aboutir à une rédaction permettant de se conformer à l'avis du Conseil d'État et de répondre aux points de vigilance évoqués.

Il faut éviter également qu'un mauvais calibrage de l'intérêt à agir ait pour conséquence un accroissement de la charge des juridictions, auxquelles il revient d'apprécier la recevabilité des requêtes, au détriment du fond. Le texte pourrait à tout le moins reprendre certains des critères applicables aux actions de groupe transfrontières, que les amendements des rapporteurs visent par ailleurs à transposer.

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La disposition concernant les associations ad hoc était précisément, à nos yeux, le point le plus intéressant de la proposition de loi. Elle aurait été efficace pour les dossiers où il est difficile d'identifier de nombreuses victimes. En relevant le seuil à cent personnes, vous dénaturez le texte. Si j'ai bien compris vos propos, vous souhaitez fixer le seuil à cent personnes dans un premier temps, quitte à y revenir. Nous aurions fait exactement l'inverse : nous aurions opté pour un seuil assez bas, quitte à le relever s'il y avait trop de procédures. À cet égard, vos craintes nous laissent sceptiques : il n'y a eu que trente-deux actions de groupe depuis 2014, soit trois par an, et nous peinons à croire que des centaines d'autres seront engagées.

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Je partage l'avis des rapporteurs : le texte élargit déjà beaucoup les critères de recevabilité des actions de groupe, et il ne faudrait pas emboliser nos juridictions. C'est du reste ce qui ressort de l'avis du Conseil d'État. Cent personnes est donc un bon niveau pour le seuil.

En revanche, j'anticipe certaines difficultés liées au fait que les avocats ne puissent intenter directement une action de groupe. La question n'est pas de savoir si l'avocat serait partie au procès, car ce n'est jamais le cas, mais s'il est souhaitable que les justiciables puissent être représentés directement. J'imagine, par exemple, une affaire de pollution, dans le Tarn, concernant une centaine de riverains, sans qu'il existe d'association agréée ou d'association ad hoc. Ces personnes devraient trouver une association acceptant de les représenter pour être en mesure d'engager une action de groupe. Nous devons ouvrir une réflexion sur ce point.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements et adopte l'amendement.

Amendement CL26 de Mme Laurence Vichnievsky.

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Il s'agit, là encore, d'un amendement réécrivant largement le texte dans le sens que nous indiquions : notre première approche, qui consistait à intégrer l'action de groupe dans le code civil, n'était pas la bonne. Cela dit, le fond reste le même.

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L'amendement concerne l'attestation sur l'honneur. Cette disposition nouvelle est importante ; elle vise à prévenir les conflits d'intérêts.

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L'amendement tend à transposer les dispositions de la directive relative aux actions de groupe transfrontières, qui impose notamment un renforcement du contrôle des conflits d'intérêts. Nous saluons cette démarche utile, car les délais de transposition ont déjà été dépassés. Toutefois, au-delà d'une attestation sur l'honneur, il faudra probablement définir un niveau pertinent de contrôle par le juge de l'absence de conflit d'intérêts, conformément au critère de transparence mentionné dans l'avis du Conseil d'État, tout en veillant à l'efficacité du traitement au fond des procédures.

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L'attestation est un dispositif simple et efficace, même s'il faudra en effet permettre au juge de contrôler son respect. Cela dit, madame Chandler, je pressens chez vous la volonté de créer une sorte de registre ou d'assurer la publicité de certains éléments, ce qui alourdirait considérablement le processus. Il faut en rester au principe d'une attestation tout en nous assurant, en séance, que le législateur indique expressément ce que ce document doit contenir, pour éviter par exemple que les juges ne demandent aux personnes concernées de fournir des pièces supplémentaires, notamment une déclaration de revenus. Les procédures doivent être aussi fluides que possible.

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Prévoir une attestation est une bonne chose : c'est un premier élément d'objectivation. S'il faut en effet que l'on puisse se retourner contre les personnes qui contreviendraient à l'intention dont découle l'attestation, il serait bon de préciser le contenu du document – je ne résiste pas à l'envie de vous rappeler ce qui s'est produit la dernière fois qu'il a fallu remplir des attestations dans notre pays… Certaines attestations sont contre-productives. S'il est écrit, par exemple, qu'il faut aller dans un tribunal situé à moins de 1 kilomètre du domicile, cela peut poser quelques difficultés. Il importe également de préciser comment le contenu de l'attestation pourrait être opposé à la personne qui l'a remplie.

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Cette attestation est une très bonne chose. Contrairement à un avocat, une association n'a pas vocation à représenter une partie dans une procédure. Il faut donc trouver un moyen pour les personnes d'indiquer qu'elles approuvent la procédure.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL27 de Mme Laurence Vichnievsky.

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À travers cet amendement, nous poursuivons la réécriture du texte.

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L'attestation s'apparente à un mandat de représentation. Les avocats disposent d'un mandat ad litem. Les associations, quant à elles, n'exercent pas habituellement la représentation en justice : elles doivent donc, effectivement, demander un mandat. L'attestation permet de clarifier les choses et de s'assurer que les personnes représentées souhaitent vraiment l'être – à défaut de quoi il faudrait passer de l' opt in à l' opt out.

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L'objet de l'attestation n'est pas tant de fournir un mandat que de s'assurer que la personne n'est pas en situation de conflit d'intérêts, par exemple en étant financée par une entreprise concurrente qui aurait intérêt à susciter des actions indues par l'intermédiaire de tierces personnes – autrement dit, des hommes ou des femmes de paille.

Le contenu de l'attestation peut être précisé en séance, à condition de ne pas en faire une usine à gaz. L'idée est plutôt de faire de cette attestation un acte pénalement opposable qui engage son auteur, comme c'est le cas, du reste, pour d'autres attestations sur l'honneur – je pense, par exemple, à celles qui sont fournies aux caisses d'allocations familiales (CAF) ou à la Mutualité sociale agricole (MSA) pour le versement des prestations sociales.

La commission adopte l'amendement.

Avant l'article 2

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL28 de Mme Laurence Vichnievsky.

Article 2 (art. L. 211-9-2 du code de l'organisation judiciaire) : Spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d'actions de groupe

Amendement CL29 de Mme Laurence Vichnievsky.

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L'amendement CL29 est relatif à la spécialisation des juridictions. Nous avons complété la disposition pour tenir compte de l'une des observations du Conseil d'État. Les tribunaux judiciaires seront spécialisés et auront à connaître des actions de groupe « en toutes matières ». Nous souhaitons que certains juges soient familiarisés avec cette procédure technique et complexe, mais sans aller jusqu'à une spécialisation par matière.

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Cet amendement – comme le précédent, dont il est indissociable – vise à modifier la rédaction initiale s'agissant de la compétence juridictionnelle.

Si l'amendement vise à tenir compte de l'avis du Conseil d'État en ce qui concerne le risque de compétences spécialisées concurrentes, la rédaction retenue semble poser une difficulté juridique importante, car la spécialisation est intégrée directement dans la loi-cadre, et non plus dans le code de l'organisation judiciaire, comme les rapporteurs l'avaient envisagé initialement. Combinée aux amendements CL34 et CL36, cette réécriture semble conduire à la suppression de la compétence de la juridiction administrative, et par là même au transfert au juge judiciaire d'un contentieux portant sur l'engagement de la responsabilité de la puissance publique, en méconnaissance des exigences constitutionnelles relatives à la compétence du juge administratif.

Nous sommes favorables, s'agissant des actions de groupe relevant des juridictions de l'ordre judiciaire, à la compétence spécialisée des tribunaux judiciaires, mais nous suggérons, à ce stade, d'en rester à la rédaction initiale et de se fixer pour objectif de parvenir, d'ici à la séance, à une rédaction satisfaisante.

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Notre intention n'est pas du tout de dessaisir le tribunal administratif. Au titre II, nous prévoyons explicitement sa compétence. Toutefois, si une maladresse de rédaction risque de susciter un problème d'interprétation, nous sommes tout à fait disposés à préciser le texte.

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La rédaction proposée répond à votre souhait, madame Chandler : si des personnes publiques sont mises en cause, notamment les collectivités, par exemple dans le cadre d'un marché public, la juridiction administrative est obligatoirement saisie – je parle sous le contrôle de Cécile Untermaier, ancienne magistrate administrative. Si toutefois il apparaît nécessaire d'ajouter une précision d'ici à l'examen en séance, nous le ferons.

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Il semble clair que la spécialisation concerne les tribunaux judiciaires et non les tribunaux administratifs.

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Il est important que l'on puisse réécrire l'article 2 en adoptant l'amendement et que l'on ne reste pas sur la rédaction intiale, car l'article doit préciser que la spécialisation est géographique et non par matière. C'est l'un des points importants de la réforme. Il me paraît clair qu'il n'y a pas d'exclusivité des tribunaux judiciaires : les tribunaux administratifs entrent bien dans le champ de la disposition. Toutefois, si vous souhaitez préciser le texte, nous le ferons en séance.

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Il ressort de nos débats que la spécialisation est géographique et non par matière, comme je le supposais. Quelle déclinaison territoriale envisagez-vous ? Le tribunal judiciaire compétent sera-t-il celui de la ville où est installée la cour d'appel ?

Bien entendu, je suis attaché à la proximité – y compris géographique – s'agissant de l'accès à la justice, mais votre choix est-il commandé par une question de moyens, ou bien existe-t-il une raison de fond ?

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Notre proposition de loi consiste précisément à faciliter l'accès au juge, ce qui suppose aussi la proximité. Cela dit, il y va aussi de l'objectif de bonne administration de la justice. Les actions de groupe sont des procédures qui requièrent, sur le plan technique, une certaine formation des juges. Tous ceux qui ont eu à en traiter vous diront que cela ne se passe pas comme une procédure classique, ni même comme une procédure collective, avec un arrêt pilote, comme il en existe dans certaines juridictions. Il faudra identifier les juridictions ayant, notamment, des effectifs suffisants pour assumer cette spécialisation.

Vous savez aussi bien que moi, monsieur Bernalicis, que la déclinaison territoriale relève du domaine réglementaire.

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Cela dit, j'avais imaginé que les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) pourraient en être chargées, car elles disposent déjà d'une structure administrative et géographique adéquate. Il ne s'agit là que d'une idée personnelle, qui n'a pas du tout été validée par les services judiciaires.

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Le choix n'est pas commandé par une question de moyens. Pour le reste, en effet, il reviendra à la justice de s'organiser.

La commission adopte l'amendement et l'article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, l'amendement CL21 de M. Jean-Félix Acquaviva tombe.

Après l'article 2

Amendement CL30 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendements CL44, CL45 et CL42 de M. Timothée Houssin.

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L'amendement vise à insérer une section contenant diverses dispositions.

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Il nous paraît préférable de porter à un an le délai de prescription, lequel recommence à courir une fois que le jugement est définitif.

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Nous avons repris le délai qui figurait dans le socle commun de 2016, et il ne nous paraît pas utile de le modifier.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements et adopte l'amendement.

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL31 de Mme Laurence Vichnievsky.

Amendement CL32 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendement CL41 de M. Timothée Houssin.

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L'amendement CL32 est relatif à la sanction civile que nous entendons créer.

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Le sous-amendement vise à préciser que le montant de la sanction est au moins égal, après ajout des dommages et intérêts octroyés, aux profits réalisés par l'auteur du dommage. Les fautes visées ont été commises en vue d'obtenir un gain ou une économie. Il convient donc d'éviter que l'opération soit à somme positive pour son auteur.

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Vous souhaitez introduire une sorte de plancher pour la sanction. Nous considérons que les deux critères que nous avons conservés suffisent ; en imposer davantage reviendrait à contraindre trop le juge dans l'appréciation du montant de la sanction.

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Certes, mais garantissez-vous que ces critères empêcheront toujours qu'une entreprise, malgré la sanction financière, tire un bénéfice de son action frauduleuse ? Il s'agit, je le rappelle, de dommages infligés volontairement.

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C'est au juge d'apprécier le montant de la sanction au vu du cas d'espèce dont il est saisi et du préjudice occasionné. Il tient compte, pour cela, de nombreux critères.

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Compte tenu de la possibilité que d'autres sanctions viennent s'ajouter, il faut prendre garde de ne pas enfreindre la règle non bis in idem. Le niveau de l'ensemble doit rester acceptable. La rédaction que vous proposez, monsieur Houssin, pourrait briser l'équilibre, mais l'esprit de la disposition est bien le même : nous entendons éviter l'enrichissement indu et, ce faisant, décourager les fautes dolosives. Nous sommes donc d'accord sur le fond, mais, pour des raisons juridiques, nous préférons ne pas faire droit à votre demande, en tout cas à ce stade. Nous pourrions éventuellement y revenir d'ici à l'examen en séance, même si cela me paraît difficile, car nous risquerions de déséquilibrer le dispositif.

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Les rapporteurs souhaitent faire évoluer le régime de cette amende par rapport à leur proposition initiale. L'amendement vise à introduire le dispositif dans le code civil, conformément au principe d'égalité, à limiter au ministère public la faculté de solliciter la sanction et à préciser la faute et le manquement, de manière à satisfaire au principe de légalité.

Toutefois, le Conseil d'État émettait d'autres réserves, auxquelles nous devons être vigilants. Il indiquait ainsi qu'il ne lui était pas possible de mesurer avec précision la proportionnalité de la sanction. Le cumul de sanctions juridictionnelles à l'intérieur du même ordre soulève aussi des questions et met en cause les exigences conventionnelles tenant à l'accessibilité et à la prévisibilité du droit des sanctions. Le Conseil d'État soulignait, enfin, l'absence d'évaluation approfondie des effets et des conséquences de la disposition dans chacun des domaines concernés, ainsi que le fait que cette sanction ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une réforme plus globale.

À ce stade, nous ne soutiendrons donc pas l'amendement CL32, sans que cela emporte d'incidences sur la cohérence globale du texte et sur sa réorganisation en loi-cadre souhaitée par les rapporteurs.

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La sanction civile semble indispensable au groupe Démocrate. Or, à travers cet amendement qui prend en compte de l'avis du Conseil d'État, les rapporteurs proposent une rédaction adéquate, permettant de s'assurer que la sanction est proportionnée.

Même si nous sommes d'accord sur le fond, monsieur Houssin, votre sous-amendement risquerait de fragiliser la validité juridique de la sanction civile. Nous vous proposons donc de le retirer. Nous pourrions essayer de trouver une solution d'ici à la discussion en séance, même si le chemin est très étroit.

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Au bénéfice des réponses qui m'ont été données, je retire mon amendement. Nous verrons ce que vous proposerez en séance.

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La sanction civile représente une avancée très importante : ce dispositif n'avait été proposé ni en 2014, ni en 2016. C'est un outil de prévention : une entreprise saura que, si elle se comporte mal, elle encourra une sanction. Mon groupe votera sans réserve l'amendement CL30.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL33 de Mme Laurence Vichnievsky.

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Cet amendement vise à transposer la directive relative aux actions transfrontières ; nous établissons les critères permettant d'habiliter des entités françaises à les exercer.

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La directive aurait dû être transposée depuis très longtemps, et il a fallu, pour ce faire, passer par une proposition de loi. Cela illustre le fait que notre pays a un problème avec la transposition des directives. Il serait bon que le Gouvernement établisse une liste des textes qui doivent être transposés, en précisant la date limite, et qu'il nous propose un calendrier prévisionnel.

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Si les retards en matière de transposition ne concernaient que les actions transfrontières, cela se saurait…

La commission adopte l'amendement.

Puis, elle adopte l'amendement de coordination CL34 de Mme Laurence Vichnievsky.

Avant l'article 3

La commission adopte l'amendement rédactionnel CL35 de Mme Laurence Vichnievsky.

Article 3 (chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation, art. L. 142-3-1 du code de l'environnement, chapitre XI du titre VII du livre VII du code de justice administrative, art. L. 1143-1 à L. 1143-13 du code de la santé publique, section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail, art. 37 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 10 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et art. 60 à 83 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) : Suppression des régimes spécifiques d'actions de groupe

Amendement CL36 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendement CL46 de Mme Cécile Untermaier.

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Il s'agit ici de l'entrée en vigueur du texte. Au départ, nous avions fixé une date précise : janvier 2024. Puis, notamment en raison de la création de la sanction civile, qui revêt un caractère punitif, nous avons proposé que le texte soit « applicable aux seules actions dont le fait générateur […] est postérieur à sa publication ». À mes yeux, la sanction civile ne saurait être d'application immédiate, en raison de son caractère punitif. Pour les autres dispositions, qui relèvent de la procédure civile, cela se discute. C'est l'objet du sous-amendement de Cécile Untermaier.

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L'action de groupe est une procédure importante, dont il faut élargir le bénéfice le plus rapidement possible. Ce qui compte, ce n'est pas le fait générateur, c'est la date de promulgation de la loi : les dispositions du texte s'appliqueront pour toutes les actions de groupe intentées postérieurement à ce moment. Si nous suivions les rapporteurs, il ne serait pas possible d'intenter une action de groupe, dans les conditions définies par le texte, en cas de fait générateur antérieur à la promulgation de la loi.

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Compte tenu de ces échanges et des interrogations que nous avions eues nous-mêmes, nous sommes favorables à la rédaction proposée par Mme Untermaier. Cela permettra peut-être de simplifier le dispositif.

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Le sous-amendement nous semble effectivement répondre aux questions soulevées par plusieurs collègues. Si l'on comprend les raisons qui ont conduit les rapporteurs à retenir le fait générateur, force est de constater que cela risquerait de retarder beaucoup l'entrée en vigueur effective du texte, alors même que l'objectif est de protéger nos concitoyens. Nous sommes donc favorables à l'amendement sous-amendé.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.

En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 4 (Art. L. 77-10-1, L. 77-10-3 à L. 77-10-14, L. 77-10-16, L. 77-10-17, L. 77-10-20, L. 77-10-25 et L. 77-10-26 du code de justice administrative) : Unification du régime juridique de l'action de groupe devant le juge administratif

Amendement CL37 de Mme Laurence Vichnievsky.

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Les amendements CL37 et CL38, visant respectivement à la suppression des articles 4 et 5, sont de cohérence avec la réécriture de la proposition de loi.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 4 est supprimé et les amendements CL7 de M. Timothée Houssin, CL13, CL14 et CL15 de M. Jordan Guitton tombent.

Article 5 : Entrée en vigueur de la loi

Suivant l'avis des rapporteurs, la commission adopte l'amendement CL38 de Mme Laurence Vichnievsky.

En conséquence, l'article 5 est supprimé et les amendements CL1 de Mme Cécile Untermaier et CL22 de M. Jean-Félix Acquaviva tombent.

Article 6 : Création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs

La commission adopte l'article 6 non modifié.

Puis, elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

La réunion, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 10.

Puis, la Commission examine la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive (n° 740 2e rectifié) (Mme Naïma Moutchou, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ZudSsO

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Dans la continuité des travaux que nous menons depuis plusieurs années pour une justice plus efficace, plus juste et qui protège mieux, j'ai souhaité, avec mon groupe, m'emparer du problème de la récidive, qui malheureusement demeure d'actualité en dépit des politiques publiques menées depuis plus de vingt ans – je salue à cet égard les efforts du Gouvernement, de la Chancellerie en particulier, et de la majorité, pour augmenter les budgets.

Les chiffres en témoignent, nos concitoyens en sont conscients : le phénomène de la récidive progresse chaque année. Plus de 40 % des condamnés sont des récidivistes ou des réitérants. La proportion des seuls récidivistes a augmenté de 8 points en trois ans seulement, de 2018 à 2021. L'un des visages de la récidive sur lesquels nous avons souhaité mettre l'accent, ce sont les violences commises contre ceux qui sont les garants de la vie en société, représentent la République et permettent la vie en commun.

Ces violences, malheureusement, se propagent. Nos forces de l'ordre sont des cibles, ce qui est insupportable. Plus récemment, et de façon inquiétante, les pompiers, les personnels de santé, les enseignants et les chauffeurs de bus, bref les agents publics dans leur ensemble, le sont devenus, victimes eux aussi de la remise en cause de l'autorité dans notre société.

C'est pour compléter les précédentes réformes et apporter une réponse aux défis que nous constatons ensemble que le présent texte de loi vous est présenté. Il procède, par le biais de mesures complémentaires, d'une approche globale de la récidive, pour apporter une solution d'ensemble à un problème dont je ne nie pas la complexité.

Le tout répressif de 2007 n'a pas donné les résultats escomptés. Le seul accompagnement de 2014 a montré ses limites. Il faut donc agir sur ces deux leviers pour répondre efficacement à la récidive : dissuader et sanctionner, mais aussi accompagner et prévenir. Telle est l'ambition du texte, pour éviter les écueils sur lesquels se sont échouées les tentatives de réponses faites en 2007 et en 2014.

S'agissant de la dissuasion, l'article 1er prévoit une peine minimale sciemment ajustée. Elle s'applique aux faits commis en état de récidive légale, est d'un an d'emprisonnement et concerne les violences volontaires délictuelles commises contre les dépositaires de l'autorité publique et les agents chargés d'une mission de service public. Le juge dispose de la faculté de déroger à ce minimum d'un an en fonction des circonstances de l'espèce.

À en juger par les amendements à l'article 1er, certains diront que ses dispositions sont exorbitantes, d'autres qu'elles sont insuffisantes. J'y vois, modestement, la preuve de leur caractère équilibré.

Concernant le procès en excès, l'article 1er ne fait pas renaître de leurs cendres les fameuses « peines plancher » de 2007. Je rappelle que la réforme dite « Dati-Sarkozy » s'appliquait peu ou prou à tous les crimes et à tous les délits, soit quelques milliers d'infractions par an, et qu'elle prévoyait des planchers très élevés. Tout cela n'a globalement pas fonctionné. Je n'en souhaite pas le rétablissement.

Dire que les dispositions que je propose et celles de 2007 sont comparables est une erreur de lecture. J'introduis une peine minimale sur un sujet particulier : le respect de l'autorité. J'ai fait le choix de dire, de façon assumée, que la récidive doit être mieux sanctionnée, et j'ai fait le choix du calibrage. Les unes et les autres ne jouent pas dans la même cour.

L'article 1er ne bride pas le juge. Il l'accompagne dans le plus strict respect de la Constitution et du principe d'individualisation des peines, comme l'atteste l'abondante jurisprudence constitutionnelle sur ce point.

À l'accusation de manque d'ambition, je réponds que le ciblage est cohérent et pertinent, et que la durée minimale proposée sera effective et utile. Elle n'est pas démesurée et s'avère parfaitement dosée, compte tenu des peines prononcées, qui sont en moyenne de huit mois.

Il n'y a donc ni automatisme, ni laxisme, mais un équilibre qui nous paraît utile, d'autant que l'article 1er n'est qu'un aspect de la réponse que nous vous proposons, une mesure parmi d'autres qui, elles, ciblent l'accompagnement et s'appuient notamment sur les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).

L'article 3 prévoit la présence des SPIP en juridiction, sous forme de permanence. J'ai eu connaissance des réticences ou des inquiétudes de certains syndicats, mais les auditions que j'ai menées ont conforté ma conviction de l'intérêt d'une telle mesure. Elle n'a pas l'effet que certains redoutent, celui de placer les SPIP sous l'autorité des juridictions : les SPIP conserveront leur organisation et leur identité.

Je rappelle, à toutes fins utiles, que cette mesure est directement issue des travaux des États généraux de la Justice ; elle est donc le fruit de mois de concertation et d'échanges. Par ailleurs, il s'agit d'une expérimentation, qui n'a rien d'obligatoire, ni de systématique : elle nous permettra de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, afin que nous puissions, bien éclairés, déterminer les suites à lui donner.

L'article 4 s'inscrit dans la logique du renforcement de l'accompagnement des condamnés, en rendant obligatoire l'organisation, pour les personnes bénéficiant d'une libération sous contrainte, d'un programme visant à prévenir la récidive. Obligatoire ne veut pas dire uniforme. Les SPIP seront chargés d'établir ces programmes de façon adaptée aux besoins de chacun ; c'est donc bien un accompagnement sur mesure qui est proposé.

Ces trois mesures – dissuasion, accompagnement et suivi individualisé – permettront d'apporter une première réponse à la question de la récidive.

Pour poser les jalons d'une réflexion encore plus large, nécessaire pour mieux appréhender la récidive en tant que phénomène, l'article 5 complète le dispositif en prévoyant l'organisation d'une conférence de consensus, inspirée de celle organisée par Christiane Taubira en 2012, dont notre collègue Roger Vicot était membre. Fondée sur une démarche pluridisciplinaire, associant des personnes qualifiées issues d'horizons variés et complémentaires, elle permettra d'avoir un débat plus objectif et moins politisé, ainsi qu'une actualisation des connaissances, et fera émerger des propositions consensuelles.

L'article 2 systématise l'information des maires sur les suites données aux infractions commises dans la commune. Cet outil améliore l'information des élus, qui sont chargés de la sécurité locale. Il reprend un amendement du groupe Démocrate adopté en 2021 et une proposition issue des travaux de la mission flash sur les entraves opposées à l'exercice des pouvoirs de police des élus municipaux que Philippe Gosselin et moi-même avions conduite.

En résumé, nous proposons un dispositif ciblé, mesuré, juridiquement robuste, permettant d'accompagner des mesures sur la probation en plaçant les SPIP au cœur de la lutte contre la récidive. L'article 1er ne peut pas être considéré isolément. Il est le fruit d'une démarche globale, qui appréhende la récidive dans son ensemble, pour atteindre un objectif essentiel à nos yeux : améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le sujet de la lutte contre la récidive, essentiel, constitue un axe fondamental des politiques pénales et pénitentiaires que nous menons depuis 2017, avec le soutien collectif de notre majorité. Des textes sur lesquels nous avons beaucoup travaillé avec certains membres du groupe Horizons et apparentés l'illustrent, notamment la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, dont vous étiez rapporteure, madame Moutchou ; elle a permis de réprimer, par des peines plus sévères, les violences commises contre les forces de sécurité intérieure (FSI). Je citerai aussi, parmi les dispositions que nous avons soutenues ensemble depuis 2017, le renforcement du quantum de la peine en cas de violences volontaires contre les FSI, le renforcement des sanctions applicables au refus d'obtempérer et la limitation de la durée des réductions de peine pour les auteurs de violences graves contre les personnes investies d'un mandat électif public.

Les moyens de la lutte contre la récidive nous semblent devoir être appréciés à la lumière de leur efficacité : telle est la ligne directrice que nous suivons depuis 2017, et tel est l'état d'esprit dans lequel nous abordons l'examen de la proposition de loi de notre collègue Naïma Moutchou.

Nous disposons d'ores et déjà d'un bilan très clair de l'article 1er, le mécanisme des peines plancher ayant été en vigueur pendant sept ans, de 2007 à 2014, certes dans un champ d'application plus large mais avec le même régime juridique, qu'il s'agisse de la condition de récidive légale, de la faculté de décision contraire motivée du juge ou de sa faculté de prononcer une peine autre que l'emprisonnement. Ce bilan, qui figure notamment dans l'étude d'impact de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales ainsi que dans plusieurs rapports parlementaires, indique clairement que le dispositif n'a pas fonctionné.

L'application des peines plancher est allée diminuant, pour atteindre 37 % en 2013 s'agissant de la peine minimale d'un an d'emprisonnement prévue dans la présente proposition de loi. Par ailleurs, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007 n'a pas entraîné un recours plus important aux peines d'emprisonnement, ce recours étant resté proche de 94 % avant comme après son entrée en vigueur. Surtout, comme l'indiquent les données de l'Insee et du ministère de la justice, la part des récidivistes n'a pas diminué de 2007 à 2014, alors même qu'elle est en baisse, couplée à celle des réitérants, en 2021.

Quant au champ retenu à l'article 1er, son opportunité ne nous semble pas évidente, dès lors que les délits sanctionnés de cinq ans d'emprisonnement, s'ils sont commis en état de récidive, sont punis d'une peine moyenne d'emprisonnement de 14,2 mois, soit plus que le minimum de douze mois prévu dans le texte. Par ailleurs, 93 % de ces délits sont sanctionnés par une peine d'emprisonnement.

Pour ces raisons, motivé exclusivement par le souci de l'efficacité de la réponse pénale et à la lumière de ce bilan défavorable, notre groupe ne soutiendra pas l'article 1er. Indépendamment des réserves qu'appellent les autres dispositions, la ligne directrice du groupe Renaissance consistera, conformément au caractère global et insécable que les auteurs du texte confèrent aux dispositions de leur proposition de loi, à ne pas en rédiger, contre leur volonté, une version dénaturée ou vidée de sa substance. Notre position est donc globalement défavorable au texte.

La fermeté à l'égard de la délinquance ciblant les représentants de l'autorité est importante. Nous n'en avons jamais manqué. Toutefois, le caractère primordial de la politique pénitentiaire de réinsertion, par le recrutement massif de conseillers SPIP, par la formation professionnelle et par le travail que nous avons récemment mené pour créer le contrat d'emploi pénitentiaire, nous semble tout aussi nécessaire pour lutter contre la récidive et la prévenir.

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Madame la rapporteure, de prime abord, le titre de votre texte est enthousiasmant. On nous promet de lutter contre la récidive, ce que nous réclamons depuis de nombreuses années. Dans la niche parlementaire du groupe Horizons et apparentés, autrement dit de la pseudo-droite de la Macronie, on peut espérer un texte ambitieux, suivant une ligne politique claire et susceptible de rassembler une majorité pour lutter activement contre la récidive, comme promis par le titre.

Malheureusement, une fois lu celui-ci, on découvre rapidement le contenu de votre proposition de loi. Soyons clairs : elle va dans le bon sens, mais la promesse du titre n'est pas satisfaite. On comprend très vite que le groupe Horizons et apparentés a pour but de communiquer auprès de l'aile droite de la Macronie, sans froisser l'aile gauche, qui gère réellement les questions de justice, par le biais du symbolique Éric Dupond-Moretti. On est dans le fameux « en même temps » macroniste : vous communiquez auprès du public sur un texte de lutte contre la récidive, alors qu'il ne prévoit de lutter que contre une minorité restreinte de cas, et, en même temps, le Gouvernement continuera de mener sa politique laxiste.

À la lecture du titre, on oublie un instant que, par définition, la ligne d'horizon est une ligne abstraite, qui recule au fur et à mesure que l'on avance, et surtout que l'on n'atteint jamais. Finalement, si ce texte peu ambitieux est présenté dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Horizons et apparentés, c'est peut-être qu'il n'y a même pas de consensus dans la minorité présidentielle en faveur d'un renforcement des peines en cas de récidive. C'est aussi ce que suggèrent les propos de M. Darmanin sur les peines plancher.

Ce texte ne lutte pas réellement contre la récidive. Il lutte uniquement, chose qui n'est certes pas sans importance, contre certaines récidives qui font partie des plus graves et des plus symboliques : les récidives d'agressions sur nos compatriotes les plus exposés que sont les élus, les membres des forces de l'ordre, les pompiers, les fonctionnaires et les enseignants.

Certes, ce renforcement est une avancée, mais nous aurions voulu protéger tous les Français contre les récidivistes, à l'heure où 40 % des personnes condamnées sont en état de récidive ou de réitération. Nous aurions voulu protéger davantage Sihem, retrouvée morte le mois dernier dans un chemin. Le casier judiciaire du principal suspect, qui a avoué les faits, compte quatorze condamnations. Nous aurions voulu davantage protéger Céleste, 15 ans, violée et tuée à Nantes par un récidiviste, condamné à dix-huit ans de prison pour neuf viols et quatre agressions, et sorti après seulement treize ans.

Des familles lambda, sans titre, sans pouvoir, frappées par les drames de la récidive, il y en a des centaines en France. Elles sont les grandes oubliées de votre proposition de loi. C'est aussi pour elles que nous voulons légiférer.

Nous proposerons donc, par voie d'amendement, de rétablir les vraies peines plancher. Nous refusons les aménagements de peine pour les agressions physiques et demandons l'alourdissement des peines encourues en cas de récidive. Nos amendements visant à rétablir la double peine ont été considérés comme des cavaliers législatifs, et pour cause : pour lutter contre la récidive, vous ne prévoyez aucune disposition facilitant l'expulsion des délinquants étrangers, qui représentent pourtant près de 20 % des condamnés.

Vous ne faites rien non plus pour lutter contre le phénomène de la réitération, qui consiste, pour un délinquant, à commettre de nouveaux crimes ou délits ne répondant pas aux critères de la récidive légale, au motif qu'ils sont différents des précédents. Pourtant, ces délinquants réitérants pourrissent la vie des Français.

Cette proposition de loi nous semble très insuffisante ; aussi proposerons-nous des pistes pour la renforcer. En l'état, nous la soutiendrons, fidèles à notre volonté de voter toute proposition allant dans l'intérêt des Français. Le renforcement des sanctions contre les récidivistes en matière d'agression des dépositaires de l'autorité publique va de soi. Il devrait faire la quasi-unanimité des élus de la République, à l'exception de quelques hurluberlus d'extrême-gauche qui considèrent que la police tue. Je rappelle que 81 % des Français estiment que la justice de ce pays est trop laxiste et invite chacun à garder ce chiffre à l'esprit lors de l'examen des amendements.

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Qui, en 2023, peut encore céder aux sirènes du populisme pénal ? Le Rassemblement national, comme nous venons de le voir ; les Républicains, comme nous le verrons peut-être. Dans ce texte, c'est une députée de la minorité présidentielle qui l'affirme : certains, dans ce pays, pensent que la justice est laxiste. Qu'ils m'expliquent, dans ce cas, pourquoi nos maisons d'arrêts sont occupées en moyenne à 142 % de leur capacité maximale !

Madame la rapporteure, j'ai cru comprendre que votre proposition de loi faisait grincer les dents au sein même de votre intergroupe politique. Le délinquant rationnel que vous tirez de l' homo economicus n'existe que dans votre tête. Dites-moi, s'il vous plaît, qui sort son code pénal pour vérifier le quantum de la peine encourue avant de commettre une infraction ! Je me permets de vous donner la réponse : absolument personne.

Je dois rappeler aux nostalgiques du sarkozysme que les peines plancher introduites en 2008 n'ont jamais eu aucun effet sur la récidive, ni sur le passage à l'acte en général. Elles ont seulement augmenté la durée d'enfermement des personnes écrouées. Pour faire face à l'engorgement des prisons, une loi sur les aménagements de peine fut promptement adoptée un an plus tard.

En 2014, ces peines plancher furent enfin abolies. Elles fragilisaient le principe constitutionnel d'individualisation des peines, que notre Déclaration de 1789 protège. Dans un État de droit, la peine et ses modalités d'exécution doivent correspondre au degré de gravité des faits sanctionnés et être adaptées à la situation du condamné.

Au mépris de l'avis des organisations syndicales de la filière insertion et probation, vous organisez le grand retour des SPIP dans les tribunaux en phase post-sentencielle. Avec quels moyens ? Avec quel argent ? Dans quels locaux ? On ne le sait pas. Ce n'est pas la création, à l'article 6, d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs, en guise de gage, qui nous donnera le détail budgétaire de cette mesure.

Vous proposez de convoquer le condamné immédiatement après la fin de son procès. Vous allez saboter dès le départ son adhésion à tout programme de réinsertion. Vous ne tenez pas compte des heures tardives auxquelles s'achèvent les audiences, surtout s'agissant des comparutions immédiates. Vous allez envoyer les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation au casse-pipe.

Par son automaticité, le texte casse la logique de l'individualisation des peines. Dans ce contexte, vous ne vous donnez ni les effectifs, ni les moyens, ni le temps pour prévenir la récidive, en fixant des objectifs irréalisables à l'administration.

Au bout du compte, que reste-t-il ? Des propositions surréalistes, incohérentes et contradictoires, qui illustrent l'incompétence de ceux qui les ont rédigées. Difficile de traiter d'un sujet aussi sérieux si votre vision est obstruée par des œillères dogmatiques ! Car c'est bien cela, votre problème : vous vivez dans une réalité parallèle et refusez d'affronter le réel, qui vous est insupportable – celui d'une densité carcérale hallucinante qui n'en finit plus d'augmenter, celui d'un manque d'accès, en prison, au travail, à la formation professionnelle, à la santé, à la culture, à l'hygiène et à l'intimité, celui du taux de suicide des détenus et des conditions de travail toujours plus insupportables des surveillants, qui doivent supporter les défaillances de nos politiques publiques en matière de santé mentale !

Vous voulez vraiment lutter contre la récidive ? Commencez par introduire un mécanisme de régulation carcérale, que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) appelle de ses vœux ! Luttez contre les conditions de détention indignes dans nos prisons !

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La proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, présentée par notre collègue Naïma Moutchou, a notamment pour objet de créer une peine minimale d'un an d'emprisonnement pour les violences délictuelles commises en état de récidive légale ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) à l'encontre des personnes dépositaires de l'autorité publique et des personnes chargées d'une mission de service public. Elle prévoit que le juge peut déroger à ce seuil minimal par une décision spécialement motivée, ce qui fait litière de certaines critiques formulées à l'encontre de la proposition de loi.

Malheureusement, le sujet de la récidive est terriblement d'actualité, et pour cause : le bilan régalien d'Emmanuel Macron est particulièrement mauvais. Cet avis n'est pas uniquement le mien et celui de nombreux Français : les chiffres du ministère de la justice le disent.

Ainsi, 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Le taux de récidive a explosé : la proportion de récidivistes, en matière délictuelle, a augmenté de 8 points depuis 2018. Il est donc primordial que le législateur s'empare de ce sujet pour prendre les mesures adéquates, face à une délinquance qui explose et que sanctionnent des peines qui demeurent dérisoires. Pour étayer mes propos, je précise que la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance, en 2022, sont en hausse.

Par ailleurs, nos forces de l'ordre sont de plus en plus prises pour cible. On dénombre chaque jour plus de 100 actes de violence contre les dépositaires de l'autorité publique, soit une augmentation de 21 % en trois ans. Pour ne rien arranger, Emmanuel Macron a délibérément employé, en décembre 2020, pour faire plaisir à certains, l'expression « violences policières » pour désigner des bavures individuelles. En utilisant cette expression, typique d'une extrême gauche qui dit chaque jour son désaveu des forces de l'ordre, le Président de la République a abandonné celles et ceux qui risquent chaque jour leur vie pour protéger les nôtres.

Quant au nombre de délinquants et de criminels derrière les barreaux, il diminue. À l'heure actuelle, on dénombre moins d'individus incarcérés que lorsque Christiane Taubira était garde des Sceaux. La France est le deuxième pays de l'Union européenne en nombre d'agressions et le dix-septième en nombre de personnes incarcérées.

Face à ces problèmes, quelle réponse apportons-nous à nos concitoyens ? Aucune. La loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a abrogé toutes les mesures adoptées par la droite républicaine en 2007. La loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007 prévoyait une peine minimale dès la première récidive pour les crimes et délits passibles d'au moins trois ans d'emprisonnement. De fait, la peine était d'au moins un tiers de la peine maximale prévue et le juge pouvait, lors de la première récidive, prononcer une peine inférieure à condition de la motiver spécialement.

Si la présente proposition de loi va dans le bon sens, elle sera bien moins efficace que celle qu'a fait voter Rachida Dati, car elle restreint le rétablissement des peines planchers aux violences commises contre les personnes dépositaires de l'autorité publique.

L'article 2 rend systématique l'information des maires par les parquets sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire communal par la police et la gendarmerie nationales, ce qui est une très bonne chose. L'article 3 instaure une expérimentation, pendant trois ans et dans au moins cinq départements, consistant à organiser des permanences de SPIP au sein des tribunaux judiciaires. L'article 4 généralise le suivi de programmes de prise en charge à la sortie de prison des condamnés bénéficiant d'une libération sous contrainte.

Les peines minimales assurent un juste équilibre entre deux exigences majeures : la répression accrue des actes commis en récidive et le respect des principes fondamentaux de notre droit pénal. La possibilité offerte au juge d'y déroger garantit le plein respect des principes de nécessité et d'individualisation des peines, qui ont une valeur constitutionnelle.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de loi, qui va dans le sens de ce que nous proposons depuis 2017 chaque fois qu'un texte de loi relatif à la sécurité intérieure, notamment la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés et le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, est examiné.

Nous avons mis ce sujet sur la table et sommes heureux que nos collègues du groupe Horizons et apparentés fassent de même. Nous espérons que nos amendements visant à rétablir les peines minimales de prison, telles qu'elles ont été instaurées par Rachida Dati en 2007, seront adoptés, pour que nous puissions réellement mieux lutter contre la récidive.

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En rejetant le droit de grâce et en instaurant le système des peines fixes, les révolutionnaires souhaitaient rompre avec l'absolue liberté des parlements d'Ancien régime. La détermination légale de la peine et le rôle réduit accordé aux juges étaient synonymes de rempart contre l'arbitraire. De nos jours, l'individualisation du judiciaire, longtemps redoutée, est heureusement réhabilitée.

Madame la rapporteure, la peine minimale, également appelée peine plancher, que votre proposition de loi tend à réintroduire dans le cas de la récidive légale, va à l'encontre de ce mouvement d'individualisation judiciaire et du principe fondamental de notre droit qu'est l'individualisation des peines. Certes, la possibilité d'y déroger reste ouverte, mais elle porte fortement atteinte à ce principe, d'autant que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 2 mars 2018, a jugé que le principe de l'individualisation des peines impose la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine. Cette réforme prétorienne est révélatrice de ce mouvement d'individualisation. Le Conseil constitutionnel pourrait censurer les peines plancher.

Outre cet obstacle constitutionnel, il me semble nécessaire de rappeler le bilan plus que mitigé des peines plancher, qui a justifié leur abrogation. En pratique, les dérogations ont été nombreuses, jusqu'à devenir majoritaires dans les décisions des juges, hostiles à ces sanctions quasi-automatiques portant atteinte à leur office.

Face à cette réticence, la ministre de la justice de l'époque avait enjoint aux procureurs de requérir systématiquement les peines plancher à l'audience et d'interjeter appel si elles n'étaient pas prononcées par le juge, sans effet. En 2012, la Chancellerie a démontré que, dans 60 % des cas où le juge pouvait prononcer une peine minimale, il a fait usage de la possibilité d'y déroger. Quant à la mise en œuvre des peines plancher, elle n'a fait que renforcer la surpopulation carcérale, ce qui constitue un risque majeur à prendre en considération.

Il faut bien constater que la récidive renvoie le système pénal à son échec, ce qui en fait un sujet central pour notre société. Le groupe Démocrate vous rejoint sur un point : il est primordial de lutter contre la récidive. C'est ce à quoi nous nous sommes attelés dans la précédente législature, notamment dans ses dernières années, au cours desquelles nous avons centré la politique pénale sur la lutte contre la récidive. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire visent toutes deux à mieux préparer la sortie de prison et à favoriser l'insertion. Tel sera aussi le cas de la loi de programmation de la justice issue des États généraux de la Justice, que nous examinerons au printemps.

Par ailleurs, je crois fermement que nous devons écouter les acteurs du monde judiciaire, directement concernés par votre proposition de loi. Conseil national des barreaux, Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation (CNDPIP), SPIP : tous montrent leur opposition au retour des peines plancher, en raison de leur inefficacité.

Le groupe Démocrate réaffirme qu'il est de notre devoir de protéger ceux qui nous protègent. La loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a durci la répression en cas de violences volontaires sur les FSI. La question n'est pas tant de réintroduire les peines plancher pour leur offrir une meilleure protection, et ainsi ajouter au millefeuille législatif, que d'assurer une meilleure application des textes en vigueur.

Le groupe Démocrate ne votera pas pour le texte.

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Proposition de loi pour lutter contre la récidive et pour une justice plus efficace, avez-vous dit, madame la rapporteure.

Premièrement, vous partez de certains postulats, notamment de l'idée que les peines plancher sont efficaces dans la lutte contre la récidive. Vous avez évoqué la conférence de consensus de 2013 sur la prévention de la récidive. Aujourd'hui, nous savons à peu près tout sur la récidive. La seule bibliographie fournie à l'issue de la conférence de consensus fait 140 pages et prouve, par le biais de multiples études internationales, que les peines plancher ne fonctionnent pas dans la lutte contre la récidive. Depuis lors, d'autres études ont complété cette bibliographie. Toutes vont dans le même sens.

Vous partez d'un autre postulat, qui est aussi un constat et figure dans l'exposé des motifs : l'une des causes de la récidive est la surpopulation carcérale. Vous avez parfaitement raison, mais votre proposition de loi, même si elle vise des cas précis, aura pour effet d'envoyer davantage de gens en prison. Votre texte contredit l'exposé des motifs.

Deuxièmement, même si la peine plancher n'est pas automatique, même si le juge peut y déroger, elle fait en sorte que le juge cesse d'être le seul à apprécier les conditions dans lesquelles le délit a été commis et la personnalité de l'individu. Elle contredit donc le principe d'individualisation des peines, qui est un élément fondamental de notre droit.

Par ailleurs, je suis surpris que vous teniez si peu compte de l'avis des premiers concernés que sont les professionnels de la justice. Vous proposez l'expérimentation de la présence des SPIP dans les juridictions. On expérimente beaucoup, dans ce gouvernement ; on expérimente la réforme de la police judiciaire, la vidéosurveillance et l'intelligence artificielle en prévision des Jeux olympiques et paralympiques, et on sait presque d'avance que les expérimentations entreront dans le droit commun. La notion même d'expérimentation est donc suspecte.

En outre, pourquoi ne pas écouter ce que disent les professionnels de cette proposition d'expérimentation ? « Il nous semble donc urgent de ne pas retenir un tel article, qui aura pour conséquence de mobiliser les SPIP sur l'intervention chronophage et coûteuse en ressources humaines, sans aucun lien avec leur mission initiale de milieu ouvert, ni aucune plus-value en termes de lutte contre la récidive », dit la CNDPIP. Prenez appui sur l'avis de ceux qui font et qui sont sur le terrain au lieu de présenter une proposition de loi allant totalement à l'encontre des intérêts des professionnels et de la prévention de la récidive qu'elle prétend servir !

S'agissant de la conférence de consensus, vous faites les choses à l'envers. La conférence de consensus sert à faire le point sur un sujet, à tirer des conclusions et à faire des propositions. Vous, au contraire, vous faites une proposition de loi avant de réunir une conférence de consensus pour faire le point. Tout cela est monté à l'envers.

Nous ne soutiendrons pas la proposition de loi.

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Il est alarmant que, en 2019, 40 % des personnes condamnées se soient trouvées en état de récidive ou de réitération. Malgré un constat partagé et une volonté transpartisane de lutter efficacement contre fléau, la récidive ne recule pas et alimente au sein de l'opinion publique un manque de confiance dans l'institution judiciaire, prenant source dans un sentiment d'inefficacité de la justice et d'impunité des délinquants.

Notre groupe a donc souhaité poser les principes d'une vision à la fois ferme et équilibrée. En nous interrogeant sur la manière de lutter efficacement contre la récidive, nous avons constaté un cruel manque de moyens humains et financiers. Depuis l'augmentation inédite de 40 % de son budget en 2017, le ministère de la justice est pleinement investi dans la prévention de la récidive, en particulier celle des détenus. La prise en charge différenciée selon les profils et les besoins des prisonniers, assurée par le programme immobilier pénitentiaire, se trouvera renforcée par l'ouverture prochaine d'établissements et de structures d'accompagnement vers la sortie. Cette politique ambitieuse reçoit le soutien plein et entier du groupe Horizons et apparentés.

Nous soutenons la réponse en quatre temps proposée par la rapporteure Moutchou, qui cherche à sanctionner, informer, accompagner et anticiper. Nous assumons pleinement qu'il faille faire preuve de fermeté à l'égard de ceux qui attaquent les symboles de notre République, commettent des délits et portent préjudice à l'ensemble du corps social, à savoir les auteurs récidivistes de violences commises sur les personnes dépositaires de l'autorité publique – magistrats, chauffeurs de bus, enseignants, personnels soignant et élus. À ce titre, il semble nécessaire d'instaurer une peine minimale à l'encontre de délits ciblés envers les symboles de la République, les institutions et les personnes consacrant leur vie professionnelle à l'intérêt général.

Il ne s'agit cependant pas d'un retour à une généralisation des peines plancher, puisque nous proposons un dispositif ciblé, proportionné et justifié par la nécessité de lutter avec toute notre énergie contre la récidive de violences à l'encontre de personnes exerçant une mission de service publique au sens large.

Cette fermeté ne saurait être conçue sans un accompagnement immédiat, appuyé et individualisé des personnes condamnées. À la suite de la recommandation du comité des États généraux de la Justice, nous proposons donc, à titre d'expérimentation, l'organisation de permanences de SPIP dans plusieurs juridictions. Une prise en charge immédiate à la sortie de l'audience participera sans nul doute d'un meilleur accompagnement des condamnés.

Puisque la lutte contre la récidive implique une réinsertion efficace, ce texte propose de rendre obligatoires les programmes de prise en charge dans le cadre de la libération sous contrainte. L'identification de programmes adaptés au profil du bénéficiaire reste à la discrétion des SPIP, dans le cadre de la personnalisation des peines qui est indispensable à l'efficacité de la sanction.

Comme le souligne Mme la rapporteure, mener avec justesse le combat contre la récidive implique l'appréhension de ses ressorts et des dispositifs mis en place, ce qui est l'objectif de la conférence de consensus sur la prévention et la récidive ici proposée, dix ans après celle qu'avait ouverte Mme Taubira. Elle permettra l'identification des principes fondamentaux de ce débat, ainsi que la valorisation de l'approche scientifique. Cette conférence, qui comptait parmi ses membres deux élus locaux, démontrant leur importance dans la chaîne pénale, nous a convaincus de la nécessité d'améliorer la fluidité du dialogue entre les parquets et les maires en systématisant l'information sur les suites judiciaires données aux infractions ayant causé un trouble à l'ordre public commises dans leur commune. Le maire étant l'élu qui se trouve au plus près des réalités du terrain et des victimes, son rôle doit être facilité, quelle que soit la taille de la commune.

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La lutte contre la récidive est primordiale, mais la dissuasion ne doit pas en être le principal instrument. Mes collègues ont rappelé nombre d'études prouvant que les peines plancher contribuaient à renforcer le phénomène de récidive. À l'étranger, l'étude de Thomas Gabor en 1987 et celle de Florence de Bruyn en 1997 confirment la contre-productivité de cette mesure, et en France l'étude de Sebastian Roché en 2007 va dans le même ce sens.

Vous distinguez les peines planchers des peines minimales, renvoyant à la logique du code pénal de 1810, lequel instaurait des minima et des maxima pour les condamnations, ce qui amenuisait le pouvoir du juge. Or, l'impératif pour la justice de répondre aux besoins d'individuation et de progressivité des peines implique de la doter de véritables outils pour limiter la récidive.

Le risque, en confondant communication et action, est de tomber dans une inaction condamnable qui nuit aux personnes que vous souhaitiez protéger. Ainsi votre proposition sert-elle tout juste à rappeler à votre base électorale votre constant positionnement à droite de l'échiquier politique – ce sur quoi je n'avais aucun doute. Néanmoins, cet hommage à l'erreur de Nicolas Sarkozy, qui a largement contribué à tuer la droite française, n'est pas la solution la plus raisonnable.

Je m'interroge donc sur le but de cette proposition de loi, puisque l'ensemble de la littérature scientifique insiste sur le fait que ces peines conduisent à l'aggravation de la récidive, au renforcement de la délinquance et à d'importants coûts pour l'État. Tout prouve, en dehors du dogme que vous soutenez, que cette proposition est dangereuse.

Dans l'exposé des motifs, vous mettez l'accent sur l'anticipation, mais celle-ci suppose plutôt de renforcer la police dans ses missions et la justice dans son action. Cela implique d'investir davantage dans l'investigation, mais aussi de renouer le lien entre les agents assermentés et la population, plutôt que de chercher à l'effrayer avec des peines alourdies – que personne, du reste, n'a jamais vraiment craintes. Entrer dans le système carcéral du XXIe siècle revient à mettre la police au service du public, en suivant l'exemple des pays européens qui n'incarcèrent pas massivement, mais où les chiffres de la récidive sont bien meilleurs que les nôtres.

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J'ai été choquée, et même attristée lorsque j'ai pris connaissance du titre de votre proposition de loi et de son premier article, d'autant que je ne m'attendais pas à ce que vous souteniez un texte s'attachant à lutter contre la récidive tout en prônant le retour aux peines plancher, dont on connaît la dureté et l'inefficacité. L'axe de votre proposition de loi ne sera pas de sanctionner, d'informer, d'accompagner et d'anticiper, mais de soutenir le populisme pénal, permettant à l'extrême droite de proposer des mesures à la fois sécuritaires et dangereuses, quoique inefficaces et accroissant même la récidive.

Votre proposition de loi comporte un angle mort important, celui des peines alternatives, dans un contexte où les sorties sèches représentent dans notre pays environ 80 % des sorties de prison et livrent les anciens détenus à eux-mêmes, sans ressources ni liens sociaux. Une systématisation des programmes de prise en charge des condamnés bénéficiant d'une libération sous contrainte est certes prévue, mais elle n'en précise aucunement les contours, bien que l'efficacité de la liberté conditionnelle dépende de son insertion au sein d'un parcours de retour progressif à la liberté amorcé lorsque le condamné est encore écroué.

Votre proposition de loi reste muette sur le manque criant de moyens humains et financiers dédiés à la justice pénitentiaire, et ce malgré le rapport d'octobre 2022 de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice, lequel confirme que, à PIB comparable, la France fait partie des pays qui investissent le moins dans le système judiciaire. Vous abordez en outre la question des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP), qui ont avant tout besoin de moyens budgétaires, matériels et humains. En 2016, ils n'étaient que 2 300 pour suivre les 165 000 personnes en milieu ouvert et les 11 000 personnes sous bracelet électronique.

Veiller à l'efficacité du travail des CPIP implique une vigilance quant à leur recrutement – les juristes étant plus nombreux que les assistants sociaux parmi les reçus au concours – ainsi qu'un retour à l'essence de cette profession qui valoriserait leur expertise.

L'objectif poursuivi par l'article 2 se heurte d'autre part à une impossibilité technique, du moins au regard de cette sorte de course à l'inflation carcérale à laquelle nous devrions tourner le dos.

Votre proposition me semble dangereuse dans une période comme la nôtre ; aussi notre groupe s'y opposera-t-il.

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Ce texte remet sur la table un sujet qui avait autrefois divisé notre assemblée et suscité l'opposition de presque tous les professionnels du droit. Nous saluons donc l'audace de la rapporteure, même si de nombreux membres de notre groupe ne partagent pas sa vision de la lutte contre la récidive. Bien que les peines plancher répondent à la volonté d'encadrer plus strictement le quantum des peines, elles impliquent d'une certaine manière une méfiance quant à la capacité de notre justice à individualiser les peines.

Notre groupe émet pour le moment plusieurs réserves. Tout d'abord, le rétablissement des peines plancher constituerait un bouleversement juridique. Il ne pourrait se faire sans consultation, et même approbation, des magistrats et des avocats, qui pour l'instant s'y opposent farouchement.

En outre, n'est-il pas surprenant de demander une évaluation de l'état de la récidive par une conférence de consensus tout en modifiant d'ores et déjà les règles ? Pourquoi n'attendons-nous pas les conclusions de ladite conférence pour légiférer s'il en est besoin ? En 2013, cette instance avait conclu à l'inefficacité et à l'inutilité des peines plancher. Nous partageons, à ce stade, cette position, puisque les chiffres publiés par le ministère de la justice pour la période allant de 2007 à 2014, pendant laquelle des peines planchers existaient, ne montrent pas de résultats probants en matière de récidive. Pour le délit de vol, par exemple, le taux de récidive légale est passé de 13,9 % en 2007 à 18,5 % en 2014 : sept ans après l'instauration de peines minimales, il avait ainsi progressé de près de 5 points.

Vous avez choisi d'instituer des peines minimales spécifiques pour les récidives de violences contre les dépositaires de l'autorité publique. Disposez-vous de statistiques qui montreraient que, pour ces faits, les juges prononcent des peines inférieures à un an d'emprisonnement ?

Nous n'avons pas d'objection de principe quant aux dispositions relatives aux SPIP et à la création de permanences au sein des tribunaux judiciaires. Toutefois, quels moyens avez-vous prévus pour faire fonctionner ces permanences ? À moyens constants, cette innovation ne constituerait en effet pour les SPIP qu'une contrainte supplémentaire, ce qui serait contre-productif.

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J'ai entendu quelques caricatures, mais je me réjouis au moins de constater que nous partageons tous le même objectif de lutte contre la récidive.

Madame Abadie, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) elle-même a reconnu une erreur dans les statistiques publiées en 2022. La part des réitérants parmi les personnes condamnées est en réalité passée de 41,3 % en 2020 à 41,8 % en 2021, tandis que celle des récidivistes légaux, qui nous intéresse davantage, est passée de 14,5 % à 15,5 %. On constate donc bien une progression du phénomène de récidive.

Madame Taurinya, vous avez évoqué de nombreux sujets qui n'ont pas forcément de lien avec le texte. La surpopulation carcérale dans les maisons d'arrêt concerne essentiellement les détenus provisoires, et non les personnes condamnées. Je comprends que vous dénonciez cette densité de population en prison, mais votre groupe n'a pas voté les mesures proposées en matière de « bloc peines » ou de peines alternatives à l'emprisonnement. Vous vous plaignez de la lenteur de la justice, mais votre groupe n'a pas non plus voté l'augmentation inédite des crédits alloués au ministère de la justice. Nous n'avions pas vu une telle hausse depuis vingt-cinq ans ! Il fallait bien rattraper le retard lié au sous-investissement dans ce domaine depuis plusieurs décennies.

Je parlerai de manière un peu triviale. J'ai appris à vous connaître : en matière de sécurité, vous considérez que deux et deux font cinq. Que deux et deux fassent quatre vous dérange, parce que cela heurte vos convictions. La réalité vous blesse car elle va à l'encontre de ce que vous pensez. Quant à moi, j'assume de regarder les choses en face : l'idéologie en politique a ses limites et peut même être particulièrement dangereuse. Mon objectif n'est pas de m'inscrire dans une case ou dans une autre : je préfère être proche des faits et apporter aux problèmes des réponses efficaces. Je vous le redirai donc à chaque fois, madame Taurinya : deux et deux font quatre.

Monsieur Houssin, je considère votre procès en mollesse comme un bon indicateur du bien-fondé de ma proposition de loi. Mon objectif n'est pas de tomber dans les slogans : je l'ai dit, je ne ferai pas de populisme pénal. Vous nous accusez de ne rien faire pour combattre la réitération, mais notre texte vise à lutter contre la récidive. Du reste, vous n'avez pas déposé d'amendements portant sur la réitération.

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Ils auraient été considérés comme des cavaliers.

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Je n'en sais rien, mais vous auriez au moins pu les déposer.

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En tout état de cause, ce n'est pas l'objet du texte.

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Pourquoi n'avez-vous pas saisi l'occasion de votre niche parlementaire pour aborder le sujet de la réitération ? Chacun ses choix politiques !

Monsieur Balanant, vous craignez que l'instauration de peines plancher remette en cause le principe d'individualisation des peines. Le Conseil constitutionnel a dit le contraire en 2007, en 2011 et en 2018, dès lors que le législateur prévoit certaines garanties : que ces peines planchers sanctionnent des infractions graves, que le juge puisse intervenir à titre dérogatoire et que le sursis soit toujours possible. C'est exactement ce que prévoit ce texte. Du reste, il ne s'agit pas de restaurer le dispositif de 2007 : je propose un dispositif infiniment moins étendu, qui se limite à une infraction. Ce n'est certainement pas cela qui va changer la donne !

Monsieur Vicot, le bilan que vous dénoncez porte sur le dispositif global des peines plancher, celui de 2007 – on avait alors lancé un filet très large, qui couvrait quasiment tous les crimes et délits du code pénal, soit plusieurs milliers d'infractions. Je le répète : je prévois, pour ma part, un dispositif beaucoup plus modeste, ciblé, calibré et fonctionnel. D'ailleurs, quand on regarde dans le détail ce qui n'a pas fonctionné dans le dispositif de 2007, on s'aperçoit que la mesure n'a pas été concluante pour les crimes, mais que les résultats sont plus mitigés s'agissant des délits.

Il est important que ce dispositif de sanctions aille de pair avec des mesures d'accompagnement. Je ne comprends pas les critiques selon lesquelles la peine ne serait pas individualisée. C'est faux, puisque le juge peut reprendre la main, s'il le souhaite, en fonction des circonstances. Mais surtout, des membres de votre groupe ont proposé, pas plus tard que la semaine dernière, lors de l'examen d'une proposition de loi de Mme Santiago, que l'on puisse imposer au juge une suspension de l'autorité parentale en cas de poursuite dans des dossiers de violences commises à l'encontre d'enfants. Je ne mets pas ces deux dispositifs sur le même plan, mais ils participent du même esprit puisqu'ils dépossèdent tous deux le juge de son office. Nous avons tous voté ici des peines complémentaires obligatoires. Mme Bergé et M. Houlié proposent même d'imposer le prononcé d'une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité en cas de violences conjugales.

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Si, monsieur le président, cela participe du même esprit. La critique consistant à considérer que notre proposition de loi n'est pas conforme à la Constitution et que le juge doit toujours avoir la possibilité de choisir n'est donc pas très cohérente. Les interdictions de territoire, de permis de conduire, de gestion et les inéligibilités obligatoires prononcées pour plusieurs années sont susceptibles de poser beaucoup de problèmes et de porter davantage préjudice aux personnes condamnées qu'une peine minimale d'un an d'emprisonnement, qui peut d'ailleurs être aménagée et à laquelle il est possible de déroger.

Les SPIP de Paris et du Val-d'Oise, que j'ai auditionnés, ne sont pas opposés par principe aux dispositions relatives aux dispositifs d'accompagnement ; ils s'interrogent en revanche sur leurs conditions d'application. Je les ai rassurés en leur expliquant qu'il ne s'agissait pas de revenir à ce qui se faisait il y a très longtemps, à l'époque où les SPIP n'existaient pas. J'en reparlerai lorsque nous examinerons un amendement que vous avez déposé à ce sujet et qui me semble intéressant.

Madame Regol, je n'ai pas voulu rendre hommage à qui que ce soit. Je respecte tous ceux qui ont été président de la République, et je ne veux pas engager un débat qui nous conduirait à comparer le bilan des uns et des autres. Je refuse d'être mise dans une case. Ce qui m'intéresse, c'est d'essayer de faire ce qui me paraît utile et efficace pour nos concitoyens.

Vous avez beaucoup insisté sur les études visant à dresser un bilan des peines plancher. Si l'on regarde les choses dans le détail, ce bilan est plus mitigé qu'il n'y paraît. Je ne parle pas des mesures mises en œuvre à l'étranger, qui ne sont pas comparables, mais des analyses menées sur le dispositif français. On ne peut nous reprocher un quelconque dogmatisme, puisque nous disons qu'il faut non seulement sanctionner mais aussi accompagner les personnes condamnées en vue de leur réinsertion.

Madame Faucillon, ne soyez pas triste pour moi : je vais très bien. En revanche, je suis triste – et j'espère que nous le sommes tous – pour toutes les victimes d'infractions, en particulier pour nos agents publics. Vous n'attendiez pas cela de moi : je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. Est-ce parce que je suis avocate, ce qui ferait de moi une femme de gauche ? Est-ce parce que je porte le nom qui est le mien ? (Protestations parmi les députés des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) C'est ce que j'ai entendu dans les couloirs. Je trouve cela risible. J'espère que vous entendrez mes arguments de fond.

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Ce n'est pas possible ! Je demande un droit de réponse !

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Je n'ai pas dit que c'étaient vos propos, mais que j'avais entendu cela dans les couloirs.

S'agissant des moyens, je vous invite à soutenir les efforts considérables réalisés dans ce domaine – par le Gouvernement et la majorité, certes, mais il ne faut pas être sectaire. Vous devriez voter les budgets que nous présentons, puisque nous mettons plus d'argent sur la table afin de corriger un certain nombre de dysfonctionnements et de rendre la justice plus rapide et plus efficace.

Monsieur Acquaviva, la loi Taubira, qui a supprimé les peines planchers, n'a pas permis d'agir contre la récidive, ni de lutter contre la surpopulation carcérale.

Enfin, monsieur Boucard, monsieur Pradal, je vous remercie pour vos propos raisonnables et raisonnés.

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Les peines planchers ne sont pas comparables à la peine d'inéligibilité complémentaire issue de la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique, peine à laquelle le juge peut déroger. Ce n'est évidemment pas du tout la même chose.

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Vous avez raison, madame la rapporteure, la suppression des peines plancher n'a pas entraîné une diminution significative de la récidive, ni des durées d'incarcération et des quantums de peine prononcés par les magistrats. Les peines plancher ont eu un effet cliquet et rendu difficile tout retour en arrière. Il conviendrait plutôt d'interdire par la loi le prononcé de peines de prison pour un certain nombre d'infractions et de ne maintenir que les peines de probation – c'est une piste qui permettrait de lutter à la fois contre la récidive et contre la surpopulation carcérale.

Selon les statistiques européennes, la France est l'un des derniers pays en matière de surpopulation carcérale ; elle se situe dans le milieu du classement s'agissant du taux d'incarcération par habitant, mais l'Allemagne et les Pays-Bas affichent un taux deux fois inférieur, et les pays du Nord un taux presque trois fois inférieur, sans être pour autant à feu et à sang. Nous détenons aussi le triste record du plus fort taux de suicide des personnes incarcérées. Je vous invite donc à réfléchir avant d'alourdir les quantums de peine.

Certes, la mesure que vous proposez s'applique à un périmètre restreint, mais elle s'inscrit dans la course à l'échalote à laquelle se livre la majorité en voulant sans cesse alourdir les peines d'emprisonnement et supprimer les réductions de peine susceptibles d'être prononcées pour tel ou tel type d'infractions, notamment à l'encontre de personnes dépositaires de l'autorité publique. Il ne faut toucher au droit pénal que d'une main tremblante. Il convient plutôt de plancher sur des mécanismes de régulation carcérale, par exemple.

Je reviendrai sur les SPIP, car c'est une mauvaise idée que de les faire intervenir à la sortie du tribunal.

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Je reviendrai de manière un peu plus détaillée sur le bilan de l'application de ces fameuses peines plancher lors de l'examen des amendements. Je continue de dire que le dispositif que je propose n'est pas comparable à celui de 2007 : il ne s'inscrit pas dans le même esprit et ne concerne pas le même volume d'infractions. En revanche, j'assume de dire que certains délits doivent être sanctionnés.

Je vous rejoins s'agissant des peines de probation. Je ne suis d'ailleurs pas défavorable à un système de régulation qui réglerait le problème de la surpopulation carcérale. À ce sujet, j'attends les conclusions de la mission d'information menée par Mmes Faucillon et Abadie.

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Je soutiens cette proposition de loi. Je n'ai pas beaucoup entendu parler des victimes, à savoir des agents chargés d'une mission de service public – le gardien de HLM, l'assistante présente à l'accueil de la caisse d'allocations familiales (CAF), l'agent chargé du relevé des compteurs d'eau, le maire lui-même, son adjoint, ou encore la secrétaire de mairie – souvent agressés par les mêmes personnes. J'observe d'ailleurs que les statistiques produites par le ministère de la justice n'individualisent pas les actes de violence commis contre des personnes détentrices d'une autorité publique. J'invite donc les membres de la commission des Lois à faire en sorte que les agents chargés d'une mission de service public, ces garants du fonctionnement de nos institutions aujourd'hui si contestées, soient bien protégés, ou à tout le moins qu'ils aient le sentiment que nous les protégeons et que nous nous occupons d'eux.

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Madame la rapporteure, les propos que vous avez tenus à l'encontre de ma collègue Elsa Faucillon ne sont pas acceptables dans notre commission.

Vous avez répondu à ma collègue Andrée Taurinya que nous, les Insoumis, disions que deux et deux font cinq. Vous avez ainsi fait référence au livre 1984, de George Orwell : « La liberté, c'est la liberté de dire que deux et deux font quatre » même quand le parti veut nous faire croire autre chose. Or beaucoup de gens voient dans le macronisme un mouvement qui nous fait avancer vers une forme d'État qui ressemble de plus en plus à celui de 1984. Ce dernier cherche à faire admettre au héros du roman que deux et deux peuvent faire cinq, ou trois, ou n'importe quel résultat tant que le pouvoir politique a décidé qu'il fallait que deux et deux ne fassent pas quatre. Nous ne cessons de constater que vous refusez toute critique, toute contestation, et que tout discours ne correspondant pas à la vérité officielle du parti est pour vous impossible à entendre. Plus nous avançons, plus nous avons l'impression d'être avec vous, les macronistes, dans le monde de 1984.

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C'est vraiment mal me connaître ! Depuis plus de cinq ans, dans cette assemblée, je fais partie des députés ouverts à la critique et capables de changer d'avis quand ils sont convaincus par l'opinion des autres. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Je n'ai pas peur de confronter mes convictions et mes idées à la réalité – c'est une différence entre vous et moi.

Avant l'article 1er

Amendements CL16, CL19, CL20, CL21, CL23 et CL24 de M. Yoann Gillet.

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Les Français expriment à juste titre leur ras-le-bol et leur exaspération face à l'incapacité des gouvernements successifs à enrayer l'insécurité, un phénomène connu de tous, mais nié par des élus déconnectés de la population – nos collègues d'extrême gauche ici présents en sont le parfait exemple.

L'un des facteurs favorisant et amplifiant l'insécurité dans notre pays est la récidive. Selon les statistiques officielles communiquées par le ministère de la justice, 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Pour y remédier efficacement, la solution la plus pertinente est de sanctionner plus fermement la récidive. Les amendements que nous proposons aujourd'hui visent donc à renforcer les mesures pénales prévues. Nous devons aller plus loin : il faut plus de fermeté, plus d'efficacité. C'est ce que réclament les Français, que nous représentons. Notre code pénal a besoin d'être modifié. En durcissant les sanctions prévues contre les récidivistes, nous lutterons plus efficacement contre la délinquance et la criminalité. Les Français n'en peuvent plus de l'insécurité qui gangrène notre pays, et l'Assemblée nationale doit agir rapidement pour répondre à la détresse de nos concitoyens.

Vous l'aurez compris : si l'objectif affiché de la présente proposition de loi est salutaire, ses dispositions sont nettement insuffisantes. En tant qu'opposition ferme et constructive, les députés du Rassemblement national donnent à notre assemblée l'opportunité d'agir pour améliorer le quotidien des Français et ainsi répondre à leurs attentes.

Vous me permettrez, madame la rapporteure, de vous apporter mon soutien devant les propos entendus ici et là à votre égard. Ils sont effectivement déplacés, hors de propos.

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Avis défavorable. Je ne souhaite pas revenir sur les équilibres de la récidive – le problème n'est pas là. Je préférerais au contraire que nous nous concentrions sur les dispositions du texte.

Vos amendements ne permettent pas d'instaurer un système équilibré. J'observe par exemple dans votre amendement CL16 une incohérence totale avec le reste de l'article 132-9 du code pénal et avec vos autres amendements. Cohabiteraient en effet une récidive constituée si un délit, quel qu'il soit, était commis dans les dix ans, et une autre récidive exigeant qu'un délit puni d'une peine minimale soit commis dans les cinq ans. Comment savoir quelle hypothèse prendre en compte ? La première serait incompatible avec la seconde ! Je rappelle que le dispositif de récidive légale pour tous les délits est prévu à l'article 132-10 du code pénal, sans seuil de peine, sous réserve que la seconde infraction soit un délit identique ou assimilé.

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Je viens de vous envoyer par mail un document produit par des scientifiques ayant compilé 116 études sur la question de la récidive et, plus précisément, sur la corrélation entre l'échelle des peines et l'évolution du taux de récidive. Pour résumer, les peines plancher, cela ne marche pas, c'est contre-productif et cela ne fait qu'allonger la durée d'incarcération. D'ailleurs, tous les autres pays européens font le contraire ! Je ne dirai pas que cette disposition est idéologique, car j'aime les idées, mais plutôt qu'elle est dogmatique, ou bornée.

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Les députés de mon groupe voteront évidemment contre ces amendements qui vont dans le sens de l'inflation pénale, à rebours des chiffres mis en avant par les sciences humaines. Empreints d'idéologie, ils s'inscrivent dans votre logique sécuritaire et xénophobe.

Madame la rapporteure, mon propos s'appuyait uniquement sur ma connaissance politique de votre personne, puisque nous étions toutes les deux députées lors de la précédente législature. Je constate en revanche que ce n'est pas moi, mais vous qui êtes ici soutenue par le Rassemblement national.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL26 de M. Yoann Gillet et CL45 de M. Ian Boucard (discussion commune).

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L'amendement CL45 vise à restaurer les peines plancher créées en 2007 par Nicolas Sarkozy et Rachida Dati. Alors que nous sommes unanimes à souligner leur utilité et leurs effets positifs, je regrette qu'elles aient été supprimées par dogmatisme par le gouvernement socialiste nommé par M. Hollande. Beaucoup de choses ont été dites sur l'explosion de la délinquance dans notre pays et le laxisme judiciaire ressenti par nos concitoyens : il convient donc de rétablir un dispositif réclamé par nombre d'entre eux. Un alinéa permet évidemment au juge de déroger à ces peines plancher si les circonstances l'exigent.

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Je ne souhaite pas rétablir les peines plancher de 2007. Globalement, ce système n'a pas fonctionné, bien que les études dressent un bilan plus nuancé concernant les délits.

En matière criminelle, les peines plancher n'ont eu aucun effet réel : comme l'a relevé notre ancien collègue Dominique Raimbourg, ces planchers étaient plus bas que les peines prononcées par les cours d'assises. Rétablir un dispositif dont l'échec paraît manifeste ne me semble donc pas très judicieux.

S'agissant des délits, en revanche, l'effet des peines plancher est un peu différent. La durée moyenne des peines correctionnelles prononcées en présence d'un état de récidive est passée de neuf mois pour la période 2004-2006 à quinze mois pour la période 2008-2010, soit une hausse de 73 %. Quant au taux de peines minimales prononcées, il a également connu une augmentation significative, passant de 8,4 % en 2004 à 40,7 % en 2010. Si Dominique Raimbourg relevait une hausse du taux de personnes condamnées en état de récidive légale entre 2008 et 2010 en matière délictuelle, on a observé une baisse de ce taux entre 2011 et 2012, puis une stabilisation jusqu'en 2014, avant un nouvel accroissement à compter de 2015, la première année suivant l'abrogation des peines plancher. Depuis lors, la hausse a été continue et le taux de condamnation en état de récidive a même atteint 15,5 % en 2021. Je vous invite à regarder les graphiques présentés à la page 10 du document faisant état de l'avancement de mes travaux.

L'amendement CL26 ne rétablit que partiellement le dispositif voté en 2007, puisqu'il ne prévoit pas la possibilité, pour le juge, de déroger aux planchers en fonction des circonstances. Or, cette faculté est l'un des éléments – sans doute même l'élément clé – qui a permis au dispositif de 2007 d'être jugé conforme à la Constitution.

Encore une fois, le dispositif proposé à l'article 1er me paraît mieux calibré. Le champ des infractions est ciblé, cohérent, et permet d'améliorer la protection des policiers, des gendarmes, des magistrats, des élus, des enseignants, des médecins… Par ailleurs, la peine minimale d'un an que nous prévoyons est proportionnée, suffisamment dissuasive – le dispositif sera bien utile et effectif, la durée moyenne des peines prononcées pour les infractions ciblées étant de huit mois – sans pour autant être excessive afin de ne pas priver d'effet le dispositif et de ne pas forcer la main du juge, que nous préférons accompagner.

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Je regrette, madame la rapporteure, que vous n'approuviez pas ces amendements, qui permettraient de mieux concrétiser le titre de votre loi en évitant de restreindre le champ de la lutte contre la récidive. Ils visent en effet à limiter le recours à l'aménagement de peine et à fixer des seuils stricts de privation de liberté pour les crimes commis en état de récidive légale, quelles que soient les victimes de ces crimes.

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N'oublions pas ce qui a été fait en 2007 et les années suivantes, lorsque Rachida Dati était ministre de la justice. Aujourd'hui, le président Sarkozy pourrait vous recommander de ne pas refaire les mêmes bêtises que lui.

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Merci, madame la rapporteure, d'avoir cité des chiffres expliquant pourquoi l'extrême gauche est opposée aux peines plancher, dont le principe est précisément une aggravation des peines. La droite républicaine assume sa volonté d'avoir une justice moins laxiste : nous avons là une différence idéologique – qui s'exprime aussi, du reste, entre les groupes de la majorité relative de l'Assemblée nationale.

Monsieur le président de la commission des Lois, le dispositif permettant au juge de ne pas automatiser l'inéligibilité qui figure dans votre proposition de loi est quasiment identique à celui qu'a proposé Mme la rapporteure – et je tiens à la soutenir sur ce point.

Le seul problème que pourrait poser l'instauration de peines plancher tient au fait que le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses de création de places de prison. De fait, l'allongement des peines de prison et l'application de peines plus sévères se traduiront par une augmentation du nombre de détenus. Le Gouvernement nous a promis 15 000 places de prison et le ministre de la justice a réitéré plusieurs fois cette promesse devant les députés mais, au bout de six ans, 2 000 places seulement ont été construites : il en manque donc 13 000.

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Monsieur Boucard, je le répéterai autant de fois qu'il le faudra, une peine complémentaire à une peine principale n'est pas la même chose qu'une peine minimale en cas de récidive légale reconnue par le juge, ce sont deux choses différentes.

La commission rejette successivement les amendements CL26 et CL45.

Article 1er (art. 132-19-1 du code pénal) : Peine minimale pour les violences commises en état de récidive légale visant les dépositaires de l'autorité publique et les personnes chargées d'une mission de service public

Amendements de suppression CL11 de Mme Sandra Regol, CL12 de M. Roger Vicot, CL37 de Mme Elsa Faucillon et CL51 Mme Andrée Taurinya.

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L'amendement CL11 vise à la suppression des peines plancher instaurées par Nicolas Sarkozy. Nous n'aurons jamais autant parlé, dans notre commission, de Nicolas Sarkozy et de Rachida Dati – je souligne toutefois que cette dernière s'est faite toute seule, sans les privilèges hérités de M. Sarkozy, ce qui lui vaut de ma part plus d'intérêt et un sentiment de sororité. Si je comprends bien, le pitch est aujourd'hui le suivant : « Si tu reviens, j'annule tout. »

La justification du texte repose sur l'idée qu'une répression plus stricte de la récidive serait dissuasive, idée que nous avons combattue, étude contre étude, en nous fondant sur l'ensemble de la littérature scientifique, qui la dément, et montre même que cette répression ne fait qu'aggraver la récidive. Sans fondement scientifique, votre position relève de la croyance. Pour le groupe Écologiste-NUPES, votre mea culpa et l'étude réalisée sur les erreurs de Sarkozy et Dati visent surtout à masquer une absence de réelle politique publique de prévention et de réflexion globale sur une réforme du système pénal, pourtant de plus en plus nécessaire, et à taire les demandes de moyens qui s'expriment. Il faut donc supprimer l'article 1er, qui est contre-productif et dangereux.

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Il s'agit là d'une question de principe, qui porte sur l'intérêt, l'efficacité, la légitimité et la pertinence des peines plancher. Pour de nombreuses raisons, fondées notamment sur des arguments scientifiques, l'amendement CL12 tend à la suppression de l'article 1er.

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Nous étions déjà opposés pour des raisons idéologiques aux peines plancher lorsqu'elles ont été instaurées, mais nous constatons depuis lors qu'elles ne permettent pas d'atteindre l'objectif que vous affichez dans le titre de votre proposition de loi. Nous ne trouvons pas de littérature prouvant l'efficacité des peines plancher contre la récidive – nous trouvons même plutôt l'inverse. C'est la raison pour laquelle nous demandons, avec l'amendement CL37, la suppression de l'article 1er.

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La littérature scientifique indique – comme vous l'avez du reste fait vous-même, madame la rapporteure, dans différents rapports – que les peines plancher n'ont pas eu d'impact en matière criminelle, mais en matière délictuelle, en accroissant la durée des peines prononcées. Depuis lors, il n'y a pas vraiment eu de retour en arrière, sinon durant une brève phase où il a été suggéré, avec une intention politique affichée, de prononcer des peines moins lourdes, après quoi le naturel est revenu au galop, avec même une tendance à la hausse.

Or les seuls outils qui permettent réellement de prévenir la récidive sont les peines alternatives à l'incarcération, les peines de probation, en particulier lorsqu'elles sont autonomes. Ainsi, la contrainte pénale instaurée par Christiane Taubira pour les multirécidivistes, qui avait pour objet de prendre en charge ces derniers à l'extérieur au lieu de les incarcérer, a produit de très bons résultats, mais a concerné une trop petite partie de son public cible.

On en revient ainsi à la question des moyens : quand on consacre des moyens suffisants aux alternatives à la détention, les résultats sont visibles en termes de prévention de la récidive. Il faut en effet toujours s'interroger sur les causes du passage à l'acte. De fait, une vision mécaniste telle que celle qui préside à votre proposition de peines plancher conduirait à recommander que toutes les personnes détenues trouvent une compagne ou un compagnon, puisque c'est là le principal facteur de désistance ! Ce n'est sans doute pas votre proposition, mais il y a du travail à faire en la matière.

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Gardons-nous des idées reçues. D'abord, l'article 1er ne rétablit pas les peines plancher – vous comparez des choux et des carottes ! Je le répète : les peines plancher prévues par les mesures Dati et Sarkozy en 2007 concernaient quasiment tous les crimes et délits du code pénal, avec des planchers élevés qui s'échelonnaient de un à quinze ans. L'article 1er, quant à lui, prévoit une peine minimale d'une année, sans échelon : ce n'est pas comparable. Il vise en outre des infractions précises : les violences volontaires et délictuelles commises contre les dépositaires de l'autorité publique et les personnes chargées d'une mission de service public. Il a été choisi de viser les atteintes à la société, à la République et à notre vie en commun, et de leur affecter une peine minimale. C'est une réflexion tout à fait différente.

Ce dispositif n'a rien à voir avec les conclusions de la conférence de consensus de 2013, qui analysait les peines plancher dans leur globalité et dans leur volume. Du reste, cette conférence a abouti à l'abrogation des peines planchers en 2014 et le taux de condamnations en situation de récidive a significativement augmenté à partir de 2015.

Voilà donc les deux jambes sur lesquelles repose cette proposition de loi : dissuasion et sanction ciblée d'une part, accompagnement et prise en charge de l'autre.

Le principe d'une peine minimale d'un an me paraît tout à fait proportionné avec l'individualisation des peines.

On peut, certes, pour des raisons philosophiques, refuser d'introduire dans le droit des peines minimales au motif qu'on dépossède ainsi le magistrat. Cependant, personne n'a proposé de supprimer le plancher criminel qui existe depuis 1994 et auquel le juge ne peut déroger. Cette mesure est en quelque sorte entrée dans les mœurs. Les peines complémentaires obligatoires participent du même esprit. Il ne s'agit pas, cependant, d'interdire au juge d'intervenir : il peut toujours le faire.

Du reste, ce dispositif ne concernera que quelques dossiers. Il ne s'agit pas de bouleverser la politique pénale, et je n'en aurais d'ailleurs pas les moyens, mais les quelques infractions visées sont essentielles. Il n'est pas normal de s'en prendre une deuxième fois à un policier, à un enseignant, à un chauffeur de bus, à un agent de l'administration pénitentiaire ou à une personne travaillant dans une école. Nous répondons à ces situations par un dispositif de sanctions, que nous assumons, et par des dispositifs d'accompagnement dont je note qu'ils ne suscitent guère de commentaires de votre part.

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Comme vous l'avez compris, nous sommes opposés à ces peines plancher et au texte que vous proposez. Le sujet est néanmoins important, car la récidive est une triple peine : une peine pour la société, qui constate son échec à réinsérer un individu, une nouvelle peine pour les victimes, anciennes et nouvelles, et une peine supplémentaire pour l'auteur, qui tombe dans la spirale de la délinquance.

Si nous ne parvenons pas à régler la question de la récidive – laquelle, d'ailleurs, est en augmentation –, c'est aussi parce que notre réponse pénale est de plus en plus forte et efficace, ce qui doit nous inquiéter. Il importe que nous puissions avoir un débat serein sur cette question et notre groupe votera donc, malgré notre opposition au texte, contre les amendements de suppression.

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Nous n'allons, bien entendu, pas voter la suppression de l'article 1er, car cela reviendrait pratiquement à supprimer la proposition de loi, dont il renferme l'essentiel. Nous verrons, d'ailleurs, ce que voteront certains macronistes car, dans la discussion générale, le groupe Renaissance laissait entendre qu'il n'était pas favorable à cet article.

Alors que, voilà quelques semaines, notre commission adoptait à l'unanimité des textes consacrés à la protection de nos élus, il serait contradictoire de refuser aujourd'hui d'appliquer des peines minimales en cas de récidive de faits de violence commis sur des personnes détentrices de l'autorité publique.

En outre, la suppression de l'article 1er contribuerait potentiellement à une culture de l'excuse, à une individualisation outrancière des peines qui placerait certaines personnes au-dessus des lois. Mme Taurinya nous objectait tout à l'heure qu'un délinquant ne se promène pas avec la loi sous le bras pour savoir si, en fonction de l'évolution des dispositions applicables, il va commettre un crime ou un délit ; mais des délinquants ou futurs délinquants savent, par le biais de leur entourage ou des médias, que certains récidivistes n'ont pas été fortement punis. Le refus de sanctionner fortement la récidive contribue ainsi au sentiment d'impunité, qui nourrit à son tour la délinquance.

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Face au sentiment d'insécurité qui a été évoqué, il nous revient d'objectiver aujourd'hui le travail de la justice. Le terme de « laxisme » a été employé lors de l'examen des amendements précédents, mais il est de notre responsabilité de rappeler que 2 400 condamnations ont été prononcées en 2002, contre 350 000 en 2021, à quoi s'ajoutent 50 000 comparutions immédiates. Rappelons aussi que la durée moyenne d'une peine d'emprisonnement était de 5,8 mois en 1982, contre 10,7 mois en 2021. On ne peut pas donc taxer notre justice de laxisme – ni en 2017, ni avant, ni après, à en juger par la courbe ascendante des peines.

Notre groupe est, il est vrai, partagé pour ce qui concerne ces amendements de suppression. Dans la discussion générale, nous avons fait part de notre intention de voter contre l'article 1er, compte tenu du bilan que nous faisons des peines plancher. Cependant, par respect du travail de la rapporteure, que nous créditons d'une réelle volonté de débattre hors de toute idéologie, nous recommandons l'abstention sur ces amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.

Après l'article 1er

Amendement CL61 de M. Christophe Naegelen.

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Face à la hausse du nombre d'agressions contre les élus, il est devenu nécessaire de prévoir un quantum de peine équivalent à celui prévu pour d'autres titulaires de l'autorité publique. Cet amendement, qui reprend en partie la rédaction de l'article 15 de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, ou Lopmi, issue de la navette parlementaire, tend à rétablir ces dispositions afin d'assurer une répression plus stricte des violences à l'encontre des élus.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL83 de M. Romain Baubry.

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Cet amendement tend à introduire une peine minimale de prison ferme d'un an pour les violences commises à l'égard de ceux qui nous protègent et de ceux qui servent notre pays. Les hommes et femmes qui composent nos forces de sécurité publique sont confrontés chaque jour à l'ensauvagement de notre société. Durant sa carrière, pas un seul gendarme ou policier n'a été exonéré de violences verbales ou physiques. Ce sont aussi nos pompiers, médecins, soignants et enseignants, pourtant chargés d'une mission noble, qui sont trop régulièrement la cible de cette violence décomplexée. Il faut maintenant accompagner d'actes forts les beaux discours et, enfin, protéger ceux qui nous protègent.

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Avis défavorable. D'abord, cet amendement vise aussi bien les récidivistes que les primodélinquants, pour lesquels je ne souhaite pas instaurer de peines minimales. La tentative qui en a été faite en 2011 n'a pas fonctionné, il faut le dire sans aucune ambiguïté. Par ailleurs, vous excluez toute dérogation possible et prévoyez même le mandat de dépôt, ce qui ne laisse aucune possibilité de prononcer une autre peine qu'un an d'emprisonnement ; c'est manifestement contraire au principe d'individualisation des peines. Enfin, vous visez toutes les violences, y compris criminelles. Or, en matière criminelle, les peines planchers n'ont absolument pas eu d'effet.

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La question posée est intéressante. En effet nous ne parvenons pas à apporter de réponse face à la recrudescence des violences visant les forces de l'ordre, qu'il s'agisse des policiers, des gendarmes ou des gardiens de prison. Nous avons aggravé les peines et je regrette, à cet égard, que l'article 1er, qui proposait une solution intéressante, ait été rejeté avant même que nous ayons pu en discuter. Il y a là une contradiction : alors que la majorité prétend défendre les forces de l'ordre, nous ne pouvons même pas discuter de la proposition de loi.

Si nous voulons protéger efficacement nos policiers et nos gendarmes, ceux qui veulent les agresser doivent savoir que ces actes sont lourdement condamnés. À titre personnel, je voterai donc en faveur de cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 (art. L. 132-3 du code de la sécurité intérieure) : Renforcement de l'information des maires en matière de lutte contre la délinquance

Amendements de suppression CL52 de Mme Andrée Taurinya et CL76 de Mme Elsa Faucillon.

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Nous ne comprenons pas l'intérêt de ce transfert systématique aux maires des décisions judiciaires, qui existe d'ailleurs déjà depuis la loi relative au séparatisme, qui le rend systématique sur demande du maire. Faire des listes et des fichiers peut être nocif.

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Le lien entre cette transmission et la récidive est, tout d'abord, assez difficile à percevoir. En deuxième lieu, la mesure me semble inapplicable avec les moyens dont disposent les parquets. En troisième lieu, nous craignons pour le secret de l'instruction – et les quelques cabinets de mairie que j'ai pu consulter m'ont confirmé ces doutes.

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Le dispositif proposé ne devrait pas susciter de nouvelles inquiétudes s'agissant de fiches, de listes ou d'une violation du secret de l'instruction, car le maire peut déjà demander les informations visées.

Les élus locaux sont au cœur de la sécurité publique dans leur territoire, et participent à la lutte contre la récidive – ils le disent et l'assument eux-mêmes. Cette disposition, sur laquelle nous avions travaillé à l'époque avec M. Philippe Gosselin, trouve toute sa place ici.

La lutte contre la récidive doit être globale si nous voulons qu'elle produise des résultats. Dans un tel dispositif, les maires ont leur place et il faut les accompagner. Il n'est donc pas déraisonnable de passer d'une information sur demande à une information systématique. Les maires ne sont pas toujours informés de ce qui se passe chez eux, ce qui est très dérangeant et ne contribue pas à améliorer la prévention de la récidive. Avis défavorable.

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Cette mesure me paraît très utile. En tant qu'ancien élu local et ancien maire, je sais toute l'importance du rôle des maires pour la détection de certains signaux faibles. Ceux qui ont eu la chance de mettre en œuvre des stratégies territoriales de prévention de la délinquance ou des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) puissants savent que c'est en mettant en commun les moyens de l'éducation nationale, de la justice et de la police, les pouvoirs de police du maire et, plus généralement, les pouvoirs dont disposent ces derniers, en particulier en matière d'action sociale, que l'on parvient à assurer le plus efficacement un accompagnement propre à prévenir la récidive.

Il ne s'agit nullement de permettre aux maires de créer des fichiers. Un maire tordu pourrait, compte tenu des demandes qu'il est déjà en droit d'adresser au parquet, obtenir de telles informations, mais les maires ne sont pas tordus et les parquets, avec raison, résisteraient.

L'idée est que le flux soit systématique et qu'il soit traité, afin de faire émerger des processus et des suivis individuels propres à permettre l'apaisement – car les maires ont souvent pour obsession d'assurer la paix dans leur commune. La communication systématique de cette information sera un élément supplémentaire dans la boîte à outils dont disposent les maires, au plus près du terrain et des victimes, et donc au plus près de la prévention de la récidive.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL92 de Mme Naïma Moutchou, CL17 de M. Yoann Gillet et CL68 de M. Timothée Houssin.

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L'amendement CL92 tend à renforcer l'information des élus locaux, ce qui améliorera leur action dans le domaine de la sécurité publique et resserrera les liens entre le parquet et les élus, chose que nous cherchons à faire depuis plusieurs années au sein de la commission des Lois et qui se situe, du reste, dans la droite ligne des préconisations et des circulaires de M. le garde des Sceaux. Il s'agit de rendre systématique l'information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents municipaux – agents de police municipale et gardes champêtres. Cette proposition est, elle aussi, issue du rapport Gosselin-Moutchou.

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Les amendements CL17 et CL68, identiques au précédent, visent à étendre le caractère systématique de l'information des maires aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipales et les gardes champêtres. Je remercie Mme la rapporteure d'avoir repris cette disposition.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis, elle rejette l'article 2.

Article 3 : Expérimentation des permanences de services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) au sein des tribunaux judiciaires

Amendements de suppression CL32 de Mme Angélique Ranc, CL38 de Mme Elsa Faucillon, CL88 de M. Romain Baubry et CL13 de M. Roger Vicot.

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Si la proposition de loi démontre une véritable utilité en prenant en compte la nécessité de faire évoluer le cadre législatif en matière de récidive, l'article 3 doit toutefois être supprimé, car il n'apporte pas de moyens concrets ou de procédures novatrices pour l'action des agents des services d'insertion pénitentiaire.

Les délais de prise en charge des individus condamnés sont déjà relativement courts : le condamné est convoqué sous quarante-cinq jours devant les agents du service, tandis qu'un détenu ayant droit à une sortie sous sursis probatoire se retrouve devant un agent entre huit jours et un mois après sa sortie. Surtout, ce dispositif expérimental imposera le transfert d'agents de SPIP d'autres départements dans ces départements-tests, puisque le Gouvernement ne pourra pas créer d'ici là les postes nécessaires pour tenir ces permanences : cela nous a notamment été expliqué lors de la table ronde que nous avons tenue avec les représentants des SPIP, qui ne voyaient pas d'un bon œil ce dispositif.

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L'amendement CL38 vise également à la suppression de l'article 3, qui n'ajoute pas de plus-value à l'existant et passe à côté des revendications en termes de moyens humains et financiers exprimées par de nombreux travailleurs des SPIP, dont la CGT insertion probation. L'installation des SPIP dans les tribunaux judiciaires méconnaît également le cœur de métier de ces services.

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Pour les mêmes raisons que celles que vient d'exposer Mme Faucillon, l'amendement CL13 vise lui aussi à supprimer l'article 3. Appuyons-nous, comme je l'ai dit dans la discussion générale, sur l'avis des professionnels présents sur le terrain, qui expliquent que la mesure serait à la fois inefficace, chronophage, coûteuse et sans lien avec les missions initiales des SPIP.

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L'article 3 institue des permanences de SPIP au sein des tribunaux judiciaires, afin de garantir la prise en charge immédiate des condamnés à l'issue de l'audience.

Cette mesure va pousser les juges correctionnels à opter pour d'autres peines que l'emprisonnement. La prise en charge immédiate des condamnés à l'issue de l'audience nécessitera la réquisition de personnel de nuit, puisque les audiences pénales finissent souvent tard ; il faudra aussi de nouveaux locaux et du matériel pour les SPIP. Cette mesure sera donc coûteuse. Par ailleurs, la présence du justiciable n'est pas obligatoire au moment du prononcé de la peine et, s'il comparaît libre, il peut quitter les lieux avant la décision finale : dès lors, on voit mal l'utilité du dispositif.

Le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap) estime qu'il est inopportun et contre-productif de réexpliquer au condamné la mesure de justice dont il fait l'objet. Le président de la conférence nationale des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation nous informe également que le délai actuel est utile, puisqu'il permet à la juridiction de transmettre toutes les pièces nécessaires au SPIP et de vérifier, après quelques jours, que la personne condamnée a bien compris sa peine.

Les textes de 2011, renforcés par la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019, ont déjà permis de réduire le délai de prise en charge par les SPIP, en prévoyant la transmission directe des mesures au SPIP par le bureau de l'exécution des peines (BEX) et la convocation devant le SPIP des sortants de détention ayant un sursis probatoire.

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Pour moi, la présence des SPIP en juridiction est une vraie plus-value dans la lutte contre la récidive.

Je rappelle qu'il existait autrefois des services d'insertion en milieu ouvert dans les juridictions : c'étaient les comités de probation et d'assistance aux libérés (CPAL). Ils ont disparu avec la création des SPIP, pour des raisons d'organisation hiérarchique et à cause d'une insuffisante prise en compte de l'échelon départemental en matière d'aide sociale. Avec cette proposition de loi, nous éviterons ces écueils.

Cette mesure ne sort pas du chapeau, elle n'a pas été élaborée en catimini dans le dos des SPIP : recommandée par le groupe de travail sur la récidive des États généraux de la Justice, elle est le fruit de mois de travaux et d'échanges.

Il s'agit d'abord de garantir une prise en charge immédiate des condamnés, dans leur intérêt et dans celui de la société. Il s'agit ensuite de renforcer les liens entre les SPIP et les juges – aussi bien les juges correctionnels que les juges de l'application des peines (JAP) – et de fluidifier l'information : les personnes condamnées comprendront mieux le parcours pénal, ainsi que le sens de la peine et de la sanction.

Je l'ai dit, on évitera les écueils du passé. Il n'y aura pas de double tutelle ; les SPIP conserveront leur identité et leurs spécificités. L'audition des SPIP de Paris et du Val-d'Oise m'a confirmé l'intérêt de cette expérimentation. On évitera que de trop nombreuses personnes n'honorent pas leur premier rendez-vous, ce qui retarde toute la chaîne pénale, et qu'un délai trop long, nuisible au condamné et à son état, ne s'écoule jusqu'à l'audience. Si vous voulez améliorer l'accompagnement des condamnés et favoriser leur réinsertion, alors il faut voter cette mesure, fruit d'un travail inédit de concertation.

Je rappelle enfin qu'il s'agit d'une expérimentation, qu'elle concernera les SPIP volontaires, et que si elle se solde par un échec, elle ne sera pas généralisée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 3 est supprimé et les amendements CL93 de Mme Naïma Moutchou, CL53 de Mme Andrée Taurinya, CL7 de M. Thibaut François et CL94 de Mme Naïma Moutchou tombent.

Article 4 (art. 720 du code de procédure pénale) : Systématisation des programmes de prise en charge aux fins de prévention de la récidive dans le cadre de la libération sous contrainte

Amendement de suppression CL39 de Mme Elsa Faucillon.

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Je suis très étonnée que vous proposiez de supprimer cet article, qui généralise les programmes d'accompagnement des détenus bénéficiant d'une libération sous contrainte. Chacun sait que ce sont les personnes condamnées à une courte peine qui risquent le plus de récidiver. Il importe donc de les aider à retrouver une vie sociale – grâce à un logement, un emploi, des soins, etc. Avis très défavorable.

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Votre argumentaire est assez tautologique : au fond, vous proposez que les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation fassent leur travail.

On a l'impression que cet article n'a été introduit que pour vous permettre de dire que votre texte est équilibré. Vous réintroduisez des peines plancher mais, dans le même temps, vous mettez l'accent sur l'accompagnement en milieu ouvert et à la sortie de prison. C'est exactement ce qu'avait fait Rachida Dati avec la loi pénitentiaire de 2009. Mais, maintenant que votre article 1er a été supprimé, j'imagine que vous ne tenez plus tellement à celui-ci.

Ou bien peut-être était-ce une façon de marquer votre opposition à la libération sous contrainte automatique ? Elle laisse peu de place aux conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, puisqu'il suffit, pour qu'elle soit prononcée, que le détenu ait un hébergement, ce qui n'est pas suffisant pour prévenir la récidive.

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Je suis très défavorable à cet amendement. Les SPIP ne cessent de nous alerter sur leur manque de moyens. Or il est essentiel, pour lutter contre la récidive, d'accompagner les condamnés après leur libération. Rendre cet accompagnement obligatoire en l'inscrivant dans la loi est donc une très bonne chose.

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Monsieur Bernalicis, je ne cherche pas à faire de l'eau tiède, mais à proposer un texte cohérent. Les SPIP que j'ai auditionnés trouvent que c'est une très bonne idée ; les magistrats et les avocats aussi. Je comprendrais que vous me disiez que les SPIP vont manquer de moyens matériels pour remplir cette mission, mais on ne peut pas dire qu'ils sont défavorables à cet article. Ils ont envie de continuer à accompagner les détenus et demandent d'ailleurs la création de postes d'agents de programme.

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Je voudrais nuancer un peu les choses : le SPIP de l'Isère est contre cette disposition, tout comme la CNDPIP.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL34 de M. Jordan Guitton.

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À la fin de l'année dernière s'est tenu à Marseille le procès de l'affaire Tatoo, une affaire tentaculaire de trafic de cocaïne entre l'Amérique du Sud, la France et l'Italie, dans laquelle de nombreux prévenus étaient des multirécidivistes. C'est aussi un multirécidiviste scandaleusement remis en liberté qui a tiré sur une députée de l'Aube.

Vous dites vouloir lutter contre la récidive, mais cela ne doit pas être qu'un slogan. Nous proposons de modifier l'article 720 du code de procédure pénale pour supprimer l'obligation d'examen d'une possible libération sous contrainte par le JAP pour les peines privatives de liberté de trois à cinq ans lorsque la durée accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restante. La majorité des peines doivent être exécutées pleinement ; la libération sous contrainte doit rester l'exception, pas le principe.

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Les amendements CL34, CL35 et CL36 visent à réduire le champ de la libération sous contrainte et à en exclure un grand nombre de personnes qui y sont éligibles. Permettez-moi de faire une réponse commune.

La libération sous contraire est un dispositif éprouvé. Nous l'avons étendu en 2019 et en 2021, mais je rappelle que, dès l'origine, en 2014, le plafond de la peine d'emprisonnement était fixé à cinq ans et la durée de la peine restant à faire à un tiers. Or le dispositif fonctionne.

Les sorties sèches, sans aménagement, accroissent le risque de récidive. Vos amendements auraient donc un effet contre-productif – et ils remettraient en cause l'économie générale des récentes réformes, qu'il faudrait peut-être commencer par évaluer. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL35 de M. Jordan Guitton.

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Pour lutter efficacement contre la délinquance et la récidive, qui sont en hausse constante, il est nécessaire que la norme reste l'exécution des peines et que la liberté sous contrainte reste l'exception. La justice française doit appliquer fermement les peines : 82 % des Français considèrent qu'elle est laxiste. Nous proposons donc que l'obligation d'examen d'une possible libération sous contrainte par le juge d'application des peines ne concerne que les condamnés ayant effectué au moins les trois quarts de leur peine.

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En participant à certaines activités, les détenus peuvent « se racheter » – pour reprendre votre terminologie. Cet amendement aurait pour effet de les dissuader de participer aux activités proposées en prison, qui sont justement un outil de sociabilisation et de réinsertion.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL30 de M. Timothée Houssin.

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Il s'agit de renverser le principe selon lequel l'octroi de la libération sous contrainte est automatique, sauf décision contraire du juge. Nous proposons de préciser que le JAP ne peut octroyer la libération sous contrainte que s'il constate, par ordonnance spécialement motivée, que la personne condamnée présente des garanties sérieuses d'insertion ou de réinsertion.

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Je suis convaincue que ce n'est pas en faisant preuve de plus de fermeté en matière d'aménagement de peine que l'on va éviter la récidive. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement CL66 de M. Timothée Houssin.

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Certaines condamnations ne semblent pas compatibles avec la libération sous contrainte : nous proposons de l'exclure pour les personnes ayant été condamnées pour des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

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Avis défavorable. J'ajoute qu'avec votre dispositif, une personne ayant frappé quelqu'un ne pourrait pas bénéficier de la libération sous contrainte, mais un meurtrier condamné à cinq ans de prison, ou moins, pourrait en bénéficier. Cela risque de créer des incohérences. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CL62 de M. Philippe Schreck.

Amendement CL36 de M. Jordan Guitton.

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Pour répondre à Jean-François Coulomme, un individu qui est en prison purge une peine pour un acte qu'il a commis par le passé ; peu importe son attitude en prison. Il a été condamné, il a fait une victime, il doit purger sa peine. Si nous nous opposons à ce qu'il soit libéré plus tôt, c'est parce qu'il a été jugé au nom du peuple français. Il faut éviter que la réduction de peine soit automatique et, a minima, réduire le reliquat de peine. Nous proposons de modifier l'article 720 du code de procédure pénale en ce sens, en ramenant ce reliquat de trois à deux mois.

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Je rappelle que la libération sous contrainte est une exécution de la peine. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL64 et CL65 de M. Timothée Houssin.

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Madame la rapporteure, vous disiez que notre amendement CL66 allait créer des incohérences. Ces deux amendements vont les balayer, puisque nous proposons d'exclure de la libération sous contrainte les personnes condamnées pour des atteintes à la personne, telles que les meurtres, les violences, les viols ou les agressions sexuelles.

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L'amendement ne vise pas les meurtres. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL14 de M. Roger Vicot.

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La CNDPIP s'est dite favorable au dispositif introduit par l'article 4, à condition qu'il soit évalué avant d'être généralisé. Nous proposons donc de réécrire l'alinéa 2 de la manière suivante : « À titre expérimental, dans au moins cinq départements et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, la libération sous contrainte est obligatoirement assortie d'un programme de prise en charge de la personne condamnée visant à prévenir tout acte de récidive et à la réinsérer, tel que défini par le service pénitentiaire d'insertion et de probation qui l'accompagne. Les départements concernés sont déterminés par arrêté du ministre de la justice. Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation. »

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Je n'ai rien contre l'idée de commencer par une expérimentation, même si elle me semble moins justifiée que celle que je proposais à l'article 3. Je m'en remets à la sagesse de la commission. Si cet amendement est adopté, il fera tomber mon amendement CL95, qui proposait une modification rédactionnelle. Il me paraîtrait utile de l'intégrer à votre amendement en vue de la séance.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, les amendements CL95 de Mme Naïma Moutchou, CL80 de Mme Julie Lechanteux et CL8 de M. Thibaut François tombent.

Puis, la commission rejette l'article 4.

Article 5 : Organisation d'une conférence de consensus sur la lutte contre la récidive

Amendement CL15 de M. Roger Vicot.

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Il aurait semblé plus logique de réunir la conférence de consensus avant de déposer cette proposition de loi.

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Je ne crois pas que nous mettions la charrue avant les bœufs en déposant cette proposition de loi. Elle comporte des mesures qui, quoique ambitieuses, restent assez ciblées, et qui ont fait l'objet d'études préalables. La conférence de consensus permettra d'enrichir notre réflexion pour l'avenir.

Dans votre exposé sommaire, vous appelez aussi au respect du pluralisme, et ce sera le cas. Vous demandez, enfin, qu'il soit tenu compte des conclusions de la conférence de consensus qui s'est réunie en 2012-2013, mais dix ans ont passé depuis. Les choses ont évolué et il importe d'avoir un regard neuf.

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Il est cocasse que cet amendement, qui prône le pluralisme, vienne du groupe Socialistes et apparentés. La conférence de consensus qui s'est réunie en 2012 a été organisée par Mme Taubira et elle n'a pas été un exemple de pluralisme.

La commission adopte l'amendement.

Amendement CL55 de Mme Andrée Taurinya.

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La prison ne doit pas être un outil de vengeance sociale ; elle doit permettre la déconstruction et la reconstruction des individus qui passent entre ses murs et qui ont vocation à retourner dans la société. Une proportion non négligeable de détenus est en prison pour des délits liés à leur statut social, à la pauvreté : je pense à nombre de ceux qui sont condamnés pour trafic de cannabis.

La France insoumise est favorable à la dépénalisation du cannabis : ce serait un moyen de désengorger les prisons et les tribunaux. Nous pensons que la lutte contre la récidive doit passer par la déflation pénale et la décroissance carcérale.

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Il est évident que la situation des établissements pénitentiaires doit être prise en compte, mais votre amendement aurait pour effet de réduire le champ de la conférence de consensus. Si j'ai fait le choix d'une formulation large, c'est précisément pour embrasser tous les facteurs de la récidive.

Il est certain que si les délits ne sont plus des délits, la récidive va diminuer, mais ce ne serait qu'un artifice comptable. Avis défavorable.

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Si le législateur veut qu'il y ait moins d'incarcérations, il doit le dire clairement. Pour notre part, nous pensons qu'il faut changer l'échelle des peines. Nous estimons que certains délits ne devraient plus donner lieu à des peines d'emprisonnement : cela ne veut pas dire qu'ils ne doivent pas être sanctionnés, mais que des peines alternatives à la prison peuvent avoir de bien meilleurs effets pour lutter contre la récidive. C'est la direction politique qu'il faudrait donner à la conférence de consensus. Il faut aller plus loin, en nous inspirant de ce qu'ont fait nos voisins européens.

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Notre collègue Jean-François Coulomme a parlé de vengeance. La prison n'est pas l'instrument d'une vengeance ; elle est une sanction. Elle doit amener la personne condamnée à réfléchir et elle rappelle aussi à la société ce qui attend ceux qui ne respectent pas la loi. Il faut commencer par sanctionner les coupables, puis veiller à ce que leur retour dans la société se fasse le mieux possible, afin d'éviter la récidive. Cet amendement, à mon sens, renforcerait le sentiment d'impunité.

La commission rejette l'amendement.

Amendements CL96 de Mme Naïma Moutchou, CL57 de Mme Andrée Taurinya, CL85 de M. Romain Baubry, CL69 et CL70 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

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Mon amendement CL96 vise à préciser la composition du comité d'organisation de la conférence de consensus et le rôle de ce comité. Celui-ci préparera la tenue de la conférence et sélectionnera le jury de consensus, selon des modalités similaires à celles de la conférence de consensus de 2012-2013.

La liste que je vous propose n'étant pas exhaustive, vos amendements sont satisfaits, dans leur principe, et je vous invite à les retirer. L'amendement CL59 propose de mentionner les parlementaires. Il est d'usage de préciser qu'ils doivent être issus des deux chambres, et de l'opposition comme de la majorité. L'amendement CL18, qui entend favoriser la représentation des élus locaux, plafonne leur nombre et fait référence à un double collège : je n'y suis pas favorable. L'amendement CL57 propose de mentionner les psychiatres et les psychologues, qui sont déjà inclus parmi les chercheurs, les universitaires et les professionnels du monde judiciaire et pénitentiaire. Enfin, les amendements CL85, CL 69 et CL70, qui ajoutent la mention des forces de l'ordre et des victimes, sont également satisfaits. Je vous invite à retirer tous ces amendements et à voter le CL96.

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Il est essentiel que les représentants de la sécurité publique participent à la conférence de consensus : ils sont les premiers acteurs de la chaîne pénale en matière de récidive, puisqu'ils sont directement confrontés à la réalité de la délinquance. Il en va de même des associations d'aide aux victimes, qui sont trop souvent oubliées alors qu'elles jouent un rôle important dans le conseil et dans l'exercice des droits des justiciables.

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Il nous semble pertinent d'ajouter à la liste que vous proposez les représentants des forces de l'ordre et les associations de victimes.

La commission adopte l'amendement CL96.

Puis, elle rejette successivement les amendements CL57, CL85, CL69 et CL70.

Amendement CL56 de Mme Andrée Taurinya.

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Il nous semble important que la conférence de consensus évalue à quel point la comparution immédiate et la détention provisoire – qui sont de grandes pourvoyeuses de peines d'emprisonnement – favorisent la récidive. La comparution immédiate ne permet pas l'individualisation des peines, qui est pourtant consubstantielle à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

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Avis défavorable. L'individualisation des peines est un principe que personne ne méconnaît. Cibler précisément la comparution immédiate et la détention provisoire, c'est restreindre le champ de la conférence de consensus, qui doit aborder tous les aspects de la question – sociaux, sociologiques, criminologiques, etc.

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Tout le monde reconnaît que la comparution immédiate est la plus grande pourvoyeuse de peines de prison, notamment de peines courtes. On a tendance à dire qu'on ne peut pas faire autrement, que ce serait pire si ces affaires passaient en correctionnelle, parce que cela prendrait plus de temps. Vérifions que la comparution immédiate permet vraiment d'individualiser la peine. Il se peut qu'on arrive à la conclusion que la déflation pénale est la seule piste sérieuse.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement CL77 de M. Philippe Schreck.

Amendement CL78 de M. Philippe Schreck.

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Le ministère de la justice a indiqué, dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2023, ne plus procéder à l'évaluation de la récidive au prétexte que 2018 étant la dernière année pour laquelle les données définitives sont disponibles, 2016 est la dernière année pour laquelle le taux de récidive à deux ans peut être évalué. Or, la performance des différents régimes de peine et des mesures d'aménagement de peine doit impérativement être évaluée si l'on veut statuer sur leur pertinence et rendre notre politique pénale plus efficiente, tant du point de vue des finances publiques que du devoir de sécurité de l'État envers nos concitoyens.

Un indicateur de performance de la récidive doit donc être créé ; il a un caractère stratégique. Il devra considérer le taux de récidive par an jusqu'à cinq ans pour chacun des régimes de peine, sans exception, et permettre de mesurer dans le temps l'évolution de chacun des taux de récidive, en tenant compte des réformes judiciaires et des mesures d'aménagement de peine.

La certitude de la peine est le meilleur moyen de lutter contre la récidive : c'est pourquoi les peines plancher sont une nécessité.

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Avis défavorable. La modification des indicateurs ne peut se faire qu'en loi de finances. Du reste, le ministère de la justice publie déjà un certain nombre de statistiques. Il convient sans doute de les compléter et ce sera aussi l'objet de la conférence de consensus. Elle doit permettre de définir la méthode la mieux à même d'appréhender la récidive.

La commission rejette l'amendement.

Puis, elle rejette l'article 5.

Après l'article 5

Amendement CL86 de M. Romain Baubry.

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Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la récidive en matière d'infraction à la législation sur les stupéfiants. Il s'agirait notamment de déterminer si le risque de récidive baisse lorsque le magistrat prononce une interdiction de séjour dans le territoire communal ou départemental.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.

Article 6 : Création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs

La commission rejette l'article 6.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.

La séance est levée à 13 heures 35.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Jean-François Coulomme, Mme Edwige Diaz, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Marie Guévenoux, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, Mme Marietta Karamanli, Mme Emeline K/Bidi, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Julie Lechanteux, Mme Gisèle Lelouis, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Philippe Pradal, M. Aurélien Pradié, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, Mme Laurence Vichnievsky, M. Roger Vicot

Excusés. - Mme Pascale Bordes, M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Davy Rimane

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, M. François Jolivet, M. Philippe Schreck