Intervention de Pascale Bordes

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Bordes :

Depuis quelques années, nous assistons à un accroissement exponentiel du partage d'informations personnelles en ligne. Cependant, le développement des usages du numérique par les enfants ou à leur encontre doit nous inviter à une vigilance particulière, car il repousse sans cesse les frontières de la vie privée des enfants. La facilité qu'offre internet pour diffuser des informations est la porte ouverte à un certain nombre de dérives, malheureusement consécutives à la grande souplesse de communication qui le caractérise. Lorsque l'image de l'enfant est publiée sur un réseau social, elle sort ipso facto de la sphère privée. Sa diffusion numérique peut avoir des conséquences dramatiques, qui vont du cyberharcèlement à la prédation sexuelle.

Nombre de parents qui diffusent ainsi les images de leur enfant ne pensent pas systématiquement à mal, ni aux conséquences potentiellement dramatiques d'une telle diffusion. Or, dans le cyberespace, ces photographies, vidéos et renseignements personnels peuvent être visionnés à l'infini et à l'insu des enfants. Ce phénomène de sharenting, c'est-à-dire de parents qui partagent en ligne, de façon régulière ou habituelle, des photos, vidéos et autres renseignements sur leurs enfants, n'est pas sans conséquence sur les droits de l'enfant, dont le droit à la vie privée, qui doit être protégé avant tout par les parents.

La volonté des parents de partager sur les réseaux sociaux des moments de la vie de leurs enfants, sachant que ces mêmes parents ont l'obligation de protéger leur vie privée, peut susciter à terme des contentieux entre parents et jeunes majeurs dont les photos d'enfance et les détails privés ont été publiés des années auparavant. En tant que cotitulaires de l'autorité parentale, les parents ont certes le droit de publier des photos ou des vidéos de leurs enfants, mais ils devraient absolument éviter de compromettre l'image, l'intérêt, la sécurité et la vie privée de ces derniers ; ils devraient avant tout rechercher l'intérêt supérieur de l'enfant.

À ce sujet, un travail doit impérativement être entrepris afin que chacun sache exactement ce que recoupe la notion d'autorité parentale et, partant, d'autorité parentale conjointe. Force est de constater que bon nombre de parents ne savent pas ce qu'est l'autorité parentale, qu'ils confondent souvent avec la notion de résidence habituelle de l'enfant, à tel point que certains parents séparés estiment parfois que l'autre parent n'a aucun droit car l'enfant ne vit pas au quotidien avec lui.

À défaut d'entreprendre cette tâche de vulgarisation de la notion d'autorité parentale, l'autorité parentale conjointe, dont il est fait état dans cette proposition de loi, restera un concept. Par ailleurs, les juges aux affaires familiales (JAF), à qui l'on demande déjà de trancher un grand nombre de différends parentaux ou familiaux, devront s'attaquer en outre à la délicate question de la publication de vidéos d'enfants. Je crains, monsieur le garde des sceaux, qu'il ne faille prévoir une petite ligne budgétaire supplémentaire pour le recrutement de nouveaux JAF, mais je n'ai rien dit.

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