Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00

La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Studer et plusieurs de ses collègues visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants (758, 908).

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La parole est à M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Le droit à l'image, en particulier celui des enfants, n'a jamais présenté une importance aussi grande qu'aujourd'hui dans notre société. L'avènement des réseaux sociaux a bouleversé son exercice, comme le montrent les chiffres suivants : plus d'un internaute sur deux prend une photographie dans le but de la partager en ligne ; plus de 300 millions d'images sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux – rien que sur Facebook, le réseau social de notre génération,…

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

De la vôtre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…plus de 70 milliards de photos sont publiées annuellement ; à 13 ans, âge à partir duquel l'enfant a le droit, avec l'autorisation de ses parents, de s'inscrire sur un ou plusieurs réseaux sociaux – je salue le travail mené la semaine dernière par Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons, et l'ensemble de la majorité sur la question de la majorité numérique, une vraie avancée –, il apparaît déjà sur 1 300 photographies publiées en ligne, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches ; un tiers des enfants ont une existence numérique avant même d'être nés, par la diffusion de leur échographie.

Ces chiffres colossaux et quelque peu déroutants – ils le seraient plus encore si j'avais commencé mon propos en évoquant le « caca Nutella challenge », le « cheese challenge » ou la police des enfants – révèlent des enfants exposés non seulement parce qu'ils utilisent les réseaux sociaux sans toujours en mesurer les dangers, mais aussi parce que leurs parents appartiennent de plus en plus à une génération qui a connu ce phénomène dès l'adolescence.

Le droit à l'image des enfants occupe une place singulière dans le droit civil français car ce sont les parents, et non l'intéressé lui-même, qui consentent ou non à ce que l'image de leur enfant soit publiée ou diffusée. Ainsi, tout journaliste souhaitant filmer le visage d'un enfant doit auparavant avoir recueilli le consentement de ses parents sous peine de poursuites pénales. Mais que reste-t-il de cette règle à l'heure où des mineurs utilisent seuls les réseaux sociaux et où leurs parents publient des photos d'eux sans leur avoir demandé leur avis, puisque rien ne les y oblige, sur des plateformes dont ils ne mesurent pas toujours l'audience ?

La diffusion de photographies de famille sur les réseaux sociaux – le « sharenting » – n'obéit pas à un cadre juridique précis et présente plusieurs risques, leur détournement et leur mésusage pouvant avoir de graves conséquences pour l'enfant au présent comme au futur : usurpation d'identité, chantage, cyberharcèlement, pédopornographie, etc. Encore un chiffre, mes chers collègues : 50 % des images circulant sur les réseaux pédopornographiques ont été initialement publiées par des parents sans aucune mauvaise intention.

Qui aujourd'hui est capable de prévoir ce que deviendront les images publiées, et si ce qui est acceptable à notre époque le sera encore dans quelques années ? De surcroît, les progrès des nouvelles technologies de reconnaissance faciale pourraient permettre de faire ressurgir en quelques clics toutes les photos oubliées, avec les conséquences que l'on peut imaginer sur la réputation et l'intimité des personnes concernées : je pense bien sûr aux photos impliquant la nudité, mais aussi aux nouvelles tendances telles que les vlogs – abréviation de « blogs vidéo » –, sur lesquels des familles publient des vidéos de leur vie quotidienne, ou encore aux « pranks », ces canulars consistant à jouer de la crédulité des enfants pour les effrayer ou les ridiculiser, ce qui peut faire rire au premier abord – et encore… – mais peut aussi dissimuler ce que l'on appelle désormais des violences éducatives ordinaires.

Au-delà de la somme des données personnelles ainsi partagées, il faut rappeler que le droit à l'image de l'enfant ne concerne pas seulement son visage mais aussi tout son environnement, du surnom de son doudou à ses habitudes, à son adresse, à ses caractéristiques physiques et morales, à sa santé.

Il me paraissait donc urgent de rappeler que les titulaires de l'autorité parentale ont la responsabilité de protéger leur enfant en contrôlant l'usage qu'il fait de son image, tout en respectant sa vie privée à travers leurs propres comportements numériques. Voilà ce qui implique aujourd'hui une modification du droit existant.

Cette actualisation à l'aune de l'émergence des nouvelles technologies préoccupe le législateur depuis de nombreuses années : il est intervenu à plusieurs reprises pour favoriser la protection des mineurs sur internet – la semaine dernière encore, comme je l'ai rappelé. Ainsi, dès 2016, il a amélioré le droit à l'oubli pour les plus jeunes ; en 2020, il a proposé une protection juridique spécifique pour les enfants influenceurs et permis aux mineurs de demander l'effacement des images les concernant sans l'accord de leurs parents ; en 2022, il a renforcé le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet tout en développant une nouvelle plateforme de prévention, jeprotegemonenfant.gouv.fr, sur laquelle nous devrons prévoir un espace dédié à l'exercice du droit à l'image.

La présente proposition de loi n'est pas une initiative isolée : elle s'inscrit aux côtés de deux autres propositions de loi, l'une concernant la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, déposée par Caroline Janvier, et l'autre concernant l'instauration d'une majorité numérique, déposée par Laurent Marcangeli. Ces trois propositions de loi constituent le pendant législatif d'une stratégie de grande ampleur engagée depuis le début de l'année par le Gouvernement pour mieux protéger nos enfants sur internet.

La question du droit à l'image des enfants présente une certaine complexité juridique puisqu'elle se trouve à l'intersection entre la liberté d'expression des parents et l'intérêt supérieur de l'enfant. Il faut donc être très précis lorsqu'on fait évoluer le cadre d'exercice de l'autorité parentale. Dans la majorité des cas, les intentions des parents sont bonnes. C'est pourquoi le texte que je propose vise avant tout à sensibiliser et à responsabiliser ces derniers, afin que la sanction n'intervienne qu'en dernier recours. Mais le législateur doit tout de même tracer des lignes rouges et élaborer des mesures juridiques contraignantes pour les cas où les parents portent atteinte aux droits de leur enfant, poussés par la rémunération de la viralité ou par les injonctions au narcissisme des réseaux sociaux.

Cette proposition de loi s'adresse aussi aux mineurs qui, trop souvent, n'ont pas conscience de leurs droits et pensent que leurs parents disposent d'un droit absolu sur leur image. Certes, ce sont bien les parents qui exercent le droit à l'image pour le compte de leur enfant et expriment ainsi son consentement ; mais si le droit, en l'état, protège bien les mineurs contre les atteintes à leur vie privée venant de l'extérieur de sa famille, il n'encadre pas clairement l'intervention des parents dans la vie privée de l'enfant ni l'usage que ceux-ci peuvent faire de son image. Le présent texte complète donc les dispositions du code civil afin de moderniser la définition de l'exercice de l'autorité parentale et de la mettre à jour au vu des nouveaux défis auxquels sont confrontés les parents.

Les quatre articles du texte énoncent des principes et définissent des règles et des limites relatives à l'exercice, par les parents, du droit à l'image de leur enfant, et créent des outils juridiques contraignants qui élargissent les moyens dont dispose le juge pour, au besoin, le protéger.

L'article 1er introduit la notion de vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale, à l'article 371-1 du code civil, afin de souligner l'importance que les parents doivent accorder à cet enjeu, auquel ils doivent veiller tout comme à la sécurité, à la santé et à la moralité de leur enfant. Être parent au XXIe siècle implique d'avoir conscience de l'impératif de protection de la vie privée.

L'article 2 rétablit l'article 372-1 du code civil pour rappeler que le droit à l'image de l'enfant est exercé en commun par les parents dans le respect de la vie privée de ce dernier, qui doit être associé aux décisions concernant son image selon son âge et son degré de maturité, comme l'exige la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989. Le message est très clair : demandez à votre enfant s'il accepte de partager des photos de lui sur les réseaux sociaux et, s'il n'a pas l'âge d'exprimer un consentement éclairé, abstenez-vous. Car ces images peuvent faire l'objet de véritables mésusages dont nous redoutons tous aujourd'hui la portée.

L'article 3 complète l'article 373-2-6 du code civil pour prévoir une mesure spécifique d'interdiction de publication à l'encontre d'un parent qui diffuse des photos de son enfant contre l'avis de l'autre parent. Cette mesure pourrait être prononcée par le juge et compléterait des dispositions spécifiques déjà existantes. Le droit à l'image des enfants n'est pas un acte usuel.

Enfin, l'article 4 complète l'article 377 du code civil qui fixe les conditions dans lesquelles l'autorité parentale peut faire l'objet d'une délégation totale ou partielle. Actuellement, la délégation forcée a lieu en cas de désintérêt pour l'enfant, de crimes d'un parent sur l'autre parent ou d'impossibilité d'exercer toute ou partie de l'autorité parentale : il serait aussi dorénavant prévu qu'une délégation partielle pourrait être prononcée lorsque la diffusion de l'image de l'enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale. Le juge pourra ainsi se saisir de ce nouvel outil. À la suite des débats en commission – je veux, à ce propos, remercier les députés de chacun des groupes pour les interventions équilibrées et constructives qui ont été les leurs –, certains se sont inquiétés du caractère disproportionné de cette mesure et je vous proposerai une nouvelle rédaction afin de ne permettre que la délégation du seul droit à l'image – à moins bien sûr que les critères de délégation totale ne soient remplis.

L'élaboration de cette proposition de loi est le fruit de la recherche d'un point d'équilibre entre la liberté d'expression des parents et l'intérêt supérieur des enfants, entre l'importance de la sensibilisation et la nécessité de tracer des lignes rouges, entre la pédagogie et la répression. C'est ainsi que notre droit pourra faire évoluer les comportements et les mentalités tout en régulant juridiquement notre société de l'image et du numérique.

Permettez-moi pour conclure, monsieur le président, de remercier celles et ceux qui m'ont accompagné, pour certains depuis six ans, dans ce travail sur la protection du droit à l'image des enfants – je pense en premier lieu à mon collaborateur parlementaire Quentin Ehrmann-Curat. Monsieur le ministre de la justice, madame la secrétaire d'État chargée de l'enfance, je vous remercie pour votre soutien et j'y associe, pour leur qualité et leur engagement, les fonctionnaires du ministère de la justice et les membres de vos cabinets respectifs, qui m'ont particulièrement aidé. Et bien sûr, comme d'habitude, j'adresse aussi mes remerciements à l'administrateur François Joly et, à travers lui, à toutes les personnes qui font fonctionner cette belle maison qu'est l'Assemblée nationale.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

« Cette femme n'était ni une victime ni un bourreau, elle appartenait à son époque. Une époque où il était normal d'être filmé avant même d'être né. […] Et si la vie privée n'était plus qu'un concept dépassé, périmé, ou pire, une illusion ? » Dans son dernier roman, Les Enfants sont rois, Delphine de Vigan traite remarquablement de la surexposition des enfants sur les réseaux sociaux par certains parents. Protéger la vie privée, notamment l'image des enfants, voilà précisément l'objet de la présente proposition de loi présentée avec conviction par M. Bruno Studer, que je tiens ici à remercier chaleureusement pour son engagement en faveur de cette cause majeure pour le Président de la République et la Première ministre. Son initiative complète le texte important présenté par le président Marcangeli et adopté à l'unanimité jeudi dernier. Toute la majorité est engagée aux côtés de mes collègues Charlotte Caubel, Jean-Noël Barrot et de moi-même sur ces questions. Je salue l'appui des députés Sarah Tanzilli, Guillaume Gouffier Valente, Mathilde Desjonquères et Naïma Moutchou, tout comme celui de la délégation aux droits de l'enfant et de sa présidente Perrine Goulet. Cet engagement dépasse les clivages partisans et je veux ici remercier la mobilisation des oppositions sur ces questions, notamment celle du député Iordanoff.

Car oui, le développement d'internet et des réseaux sociaux invite à repenser les moyens de protection pour faire face aux nouvelles dérives qui mettent à mal la vie privée et l'image des plus jeunes. Le constat partagé par tous nous impose d'agir : l'exposition des mineurs par leurs parents sur internet devient un phénomène massif porteur de risques, dont on n'a pas encore fini de mesurer l'ampleur.

Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur : avant ses 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur le compte de ses parents ou de ses proches sur 1 300 photographies publiées en ligne. Dans le même temps, les parents d'enfants âgés entre 0 et 13 ans partagent en moyenne 71 photos et 29 vidéos par an sur les réseaux sociaux. Un cinquième des parents ont des profils Facebook, réseau qui n'est pas de toutes les générations ,

Sourires

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

et la moitié d'entre eux partagent des photos avec des amis virtuels qu'ils ne connaissent pas vraiment.

Avec cette vitesse de diffusion, d'ici 2030, les informations partagées en ligne par les parents seront la première cause d'usurpation d'identité pour leurs enfants. Or les images des enfants sont des données personnelles sensibles, qui soulèvent des enjeux de pédocriminalité, d'identité numérique, d'exploitation commerciale ou encore de harcèlement. S'agissant de la pédocriminalité, je partage le constat alarmant des auteurs de la présente proposition de loi : en 2020, 50 % des images qui s'échangent sur les sites pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents.

Parallèlement, les données personnelles des enfants mises en ligne par leurs parents posent la question du droit à l'oubli et de l'identité numérique. Sur le long terme, les contenus publiés, même en toute bonne foi, par leurs parents, pourraient porter préjudice aux enfants et compromettre par exemple leur crédibilité lors d'une candidature scolaire ou professionnelle. Selon la directrice de l'association e-Enfance, les enfants devenus jeunes adultes ne sont pas libres de constituer leur propre identité numérique : ils ne partent pas de zéro. En effet, un quart des enfants nés avant 2015 possédaient déjà une identité numérique avant leur naissance.

La société du « tout-image » dans laquelle nous vivons incite chacun à mettre en scène sa vie réelle ou fantasmée. Pour cela, les parents n'hésitent pas à commettre des intrusions quotidiennes dans la vie privée de leur enfant, à des fins tant commerciales que récréatives. On ne compte plus les vidéos postées sur les réseaux sociaux, parfois de manière quasi professionnelle, dans lesquelles les enfants sont exposés à l'initiative malheureuse de leurs parents. La mise en scène de la vie des enfants peut même aller jusqu'à l'humiliation, comme le montre l'exemple particulièrement révoltant du cheese challenge. Récemment la publication de vidéos de punitions a été qualifiée par les tribunaux américains d'actes de maltraitance aggravée justifiant le retrait de la garde de l'enfant. Enfin, je n'oublie pas que, dans certains cas, les contenus mis en ligne par les parents peuvent alimenter une vague de haine et de cyberharcèlement.

Face à ces risques, et dans l'intérêt supérieur de l'enfant, il est nécessaire de cadrer les conditions d'exercice par les parents de leur autorité parentale en matière de vie privée et de droit à l'image de leurs enfants. Pendant la minorité de l'enfant, ce sont en effet les parents qui sont chargés de la protection de sa vie privée et de son droit à l'image.

Je veux ici rappeler la loi « enfants influenceurs » – loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne –, dont vous étiez déjà à l'origine, monsieur le rapporteur. Elle a constitué une première étape importante dans la protection de l'exercice du droit à l'image des enfants exposés sur les réseaux sociaux. Cependant, les risques induits par la diffusion d'images de mineurs s'étendent bien au-delà du monde des influenceurs.

C'est pourquoi la présente proposition de loi prétend aller plus loin. Dans une démarche pédagogique, sans bouleverser l'état du droit, elle prévoit des mesures graduées permettant de s'assurer de la bonne utilisation par les parents de l'image de l'enfant.

L'article 1er modifie l'article 371-1 du code civil afin d'introduire la notion de « vie privée de l'enfant » dans la définition de l'autorité parentale. Pour rappel, l'article 371-1 indique ceci : « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs » ; elle vise à protéger l'enfant « dans le respect dû à sa personne ». Or, parmi les droits de la personnalité de l'enfant figure, bien sûr, celui au respect de la vie privée, lequel inclut le droit à l'image. Cet article du code civil, qui définit de manière large l'autorité parentale, se verrait ainsi précisé d'une mention relative à la vie privée du mineur. Il s'agit pour vous, monsieur le rapporteur, d'un moyen pour mettre en exergue cette notion importante, de lui donner davantage de visibilité.

L'article 2 permet d'ailleurs d'atteindre cet objectif : il prévoit de réintroduire l'article 372-1 du code civil afin de préciser que le droit à l'image de l'enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. Le texte renvoie à l'article 9 du code civil, lequel dispose que « [c]hacun a droit au respect de sa vie privée ». Je suis favorable à l'article 2, qui pose le cadre dans lequel les parents exercent le droit à l'image de leur enfant, ce qui me semble particulièrement important à la lumière des innombrables dérives observées, que je viens d'évoquer.

L'article 3 passe au cran supérieur, si je puis dire. En cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur, il prévoit que le juge aux affaires familiales peut, en référé, interdire à l'un des parents de publier ou de diffuser tout contenu lorsque l'autre parent n'a pas donné son autorisation. Cet article est important car il rappelle que chaque parent ne peut mettre en ligne, en dehors du cercle familial, une photo, un film ou un enregistrement audio qui concerne la vie privée de l'enfant sans l'accord de l'autre parent. Il confie également au juge la mission d'arbitrer les éventuels différends entre les titulaires de l'autorité parentale.

L'intervention du juge ne concernera que les actes non usuels, c'est-à-dire les actes qui sont en rupture avec le passé de l'enfant, ceux qui engagent de façon déterminante son avenir, ou encore ceux qui ont une incidence sur ses droits fondamentaux. Cette différence entre actes usuels et actes non usuels est appréciée au cas par cas par les juges. Je suis donc favorable à l'article 3. Je veux d'ailleurs saluer le travail de la commission : il a permis de préciser que le contenu visé est bien sûr celui qui est relatif à l'enfant.

Enfin, l'article 4 – le dernier de cette proposition de loi – concerne les cas les plus graves, qui ne correspondent pas pour autant à une situation de danger nécessitant l'intervention du juge des enfants. Cette disposition ouvre la voie à une délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale dans les situations où le comportement des parents entre en conflit avec l'intérêt de l'enfant. Ce nouveau cas de délégation de l'exercice de l'autorité parentale concernera les situations qui ne relèvent pas de la compétence du juge des enfants, mais où les parents exercent leur droit à l'image d'une manière particulièrement attentatoire à la dignité ou à l'intégrité morale de leurs enfants. L'exercice du droit à l'image de l'enfant pourra alors être confié à un tiers soucieux de son intérêt.

Face à une exposition accrue des enfants sur internet et à des risques internes provenant du foyer familial, il est indispensable de repenser la notion de « droit à l'image » des enfants et de responsabiliser davantage leurs parents. Je me réjouis donc des débats qui s'annoncent cet après-midi. Vous l'aurez compris, mesdames et messieurs les députés : je soutiendrai cette proposition de loi avec force et conviction.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR ainsi que sur les bancs des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enfance.

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Les droits de l'enfant ne sont pas toujours une évidence dans le monde réel. Malheureusement, ils demeurent aussi trop souvent virtuels dans le monde numérique. Permettez-moi de faire part de mon expérience personnelle, non pas de ministre, mais de mère. Pour chaque activité de mes enfants mineurs, la colonie de vacances, le lycée ou le club sportif me demandent de signer une autorisation d'exploitation de leur droit à l'image. Dans le même temps, ma famille, mes amis, les amis de mes enfants, voire moi-même – j'ose l'avouer devant votre assemblée –, publions de temps en temps, ou régulièrement, des photographies d'eux. Est-ce nier quoi que ce soit ? Non. Mes enfants ont-ils donné leur avis ? Non plus.

Monsieur le rapporteur, dès 2020, vous faisiez adopter votre proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Vous avez eu cette intuition, et vous savez combien je vous en remercie au nom de nos enfants. Le monde numérique est une chance pour nos enfants si et seulement si, comme le monde physique, il est régi par le droit, ce qui inclut la protection des droits des enfants.

À vrai dire, je vous suis doublement reconnaissante car, aujourd'hui, cette question est fondamentale et vous la traitez de la meilleure des manières en l'insérant au cœur de notre droit national, le code civil, et en l'intégrant à l'une des notions les plus essentielles de notre droit, l'autorité parentale, celle-là même que l'article 371-1 du code civil définit comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant ». Des droits et des devoirs : tout est là.

Voici comment je résumerais l'enjeu de la proposition de loi qui est examinée aujourd'hui : le numérique, en particulier les réseaux sociaux, donne aux parents l'impression, ou plutôt l'illusion que leurs droits y sont infinis : le droit d'être fier de ses enfants, qui est tout à fait positif, mais aussi, malheureusement, celui de se moquer d'eux, de jouer avec leur image et même – pardonnez-moi la trivialité de l'expression – de gagner de l'argent sur leur dos. Dans le monde réel, le travail est partiellement interdit aux enfants ; en ligne, des bébés de quelques mois sont à la tâche, tous les jours, sur leur chaise haute ou leur tapis de jeu.

Nous parlons d'« autorité parentale ». Monsieur le garde des sceaux, je pense que nous devrions faire évoluer ce terme vers celui de « responsabilité parentale », car trop de parents oublient parfois ce qu'il implique vraiment comme devoirs fondamentaux : protéger ses enfants de toute forme de risques et de violences ; garantir leur vie privée, maintenant et pour toute leur vie, car internet ne connaît pas l'oubli.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Vous avez été concret : soyons-le, nous aussi ! Nous avons évoqué le fait que chaque enfant de 13 ans a 1 300 images de lui qui circulent sur internet ; il s'agit de photos généralement publiées par les parents eux-mêmes et partagées avec une large communauté. Le garde des sceaux vient de le rappeler, 50 % des images d'enfants retrouvées sur les ordinateurs des pédocriminels sont des images du quotidien détournées en images pédopornographiques – je vous laisse imaginer l'image d'un enfant mangeant une glace sur la plage, par exemple. Cela signifie que l'image et l'identité de nos enfants peuvent être détournées et utilisées à des fins illicites.

Si beaucoup de parents sont imprudents, certains abusent. Je suis effarée par le nombre de parents influenceurs qui utilisent l'image de leurs enfants pour obtenir toujours plus de likes et d'abonnés. Exposer son enfant sur les réseaux sociaux, surtout quand il n'a pas l'âge de prendre des décisions de façon autonome, est une prise de risque réelle, qui contrevient parfois clairement à l'intérêt supérieur de l'enfant. Aucun enfant ne peut se réjouir, à l'adolescence, de retrouver des photos, parfois ridicules, de son premier anniversaire ou de sa première baignade. Aucun enfant n'est protégé lorsque son image est détournée pour tromper des mineurs et assouvir les désirs de pédophiles. Aucun enfant n'est à l'abri de négligences quand ses parents l'utilisent comme un objet de communication.

Grâce à votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, les abus pourront être sanctionnés, et les différends entre les parents, tranchés. Bien évidemment, si j'en appelle comme vous à la responsabilité des parents, je n'oublie pas une autre responsabilité, celle des pouvoirs publics. Nous le savons, face à la révolution des usages numériques et des réseaux sociaux, il nous faut accompagner les parents et les investir dans la responsabilité parentale en créant des outils pratiques pour les soutenir au quotidien.

Le Parlement a pris ses responsabilités. Au cours de la législature précédente, à l'initiative d'Erwan Balanant, vous avez rendu obligatoire l'installation par défaut du contrôle parental sur tous les appareils numériques. La semaine dernière, vous avez adopté la proposition de loi de Laurent Marcangeli instaurant une majorité numérique, fixée à 15 ans. Aujourd'hui, vous aurez à vous prononcer sur deux nouveaux textes : la présente proposition de loi et celle de Caroline Janvier.

À la demande expresse du Président de la République et de la Première ministre, le Gouvernement s'est mis lui aussi à la tâche. En effet, de nombreux parents ont besoin de formation et de sensibilisation pour exercer pleinement leur responsabilité. Aujourd'hui encore, 40 % d'entre eux ne savent pas comment faire.

En février dernier, nous avons lancé une campagne nationale de prévention consacrée à la parentalité numérique, afin de redonner confiance aux parents dans leur rôle et leur rappeler cette règle simple : vous apprenez à vos enfants à nager ; apprenez-leur à surfer sur le net. Nous avons remis en visibilité jeprotegemonenfant.gouv.fr, site commun du Gouvernement et des institutions publiques qui comprend de nombreuses informations utiles pour les parents. Avec les associations partenaires – l'Union nationale des associations familiales (Unaf), l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation (Open), e-Enfance –, nous renforcerons la formation des parents et les temps d'échange dédiés aux bonnes pratiques, grâce au déploiement, partout sur le territoire, des ateliers « Parents, parlons numérique ! », déploiement qui s'intensifiera en 2023.

En adoptant la présente proposition de loi, vous redonnerez du sens à l'autorité parentale, au sein d'une société où le numérique est devenu l'un des piliers de la vie en communauté ; vous serez cohérents avec les principes qui ont guidé vos votes en 2020, 2022 et 2023, en particulier jeudi dernier, lorsque vous avez adopté la proposition de loi du président Marcangeli ; vous contribuerez à la défense d'une cause qui, plus que toute autre, nous rassemble et vous rassemble dans cet hémicycle : la protection de nos enfants.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et LIOT.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Pascale Bordes.

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Depuis quelques années, nous assistons à un accroissement exponentiel du partage d'informations personnelles en ligne. Cependant, le développement des usages du numérique par les enfants ou à leur encontre doit nous inviter à une vigilance particulière, car il repousse sans cesse les frontières de la vie privée des enfants. La facilité qu'offre internet pour diffuser des informations est la porte ouverte à un certain nombre de dérives, malheureusement consécutives à la grande souplesse de communication qui le caractérise. Lorsque l'image de l'enfant est publiée sur un réseau social, elle sort ipso facto de la sphère privée. Sa diffusion numérique peut avoir des conséquences dramatiques, qui vont du cyberharcèlement à la prédation sexuelle.

Nombre de parents qui diffusent ainsi les images de leur enfant ne pensent pas systématiquement à mal, ni aux conséquences potentiellement dramatiques d'une telle diffusion. Or, dans le cyberespace, ces photographies, vidéos et renseignements personnels peuvent être visionnés à l'infini et à l'insu des enfants. Ce phénomène de sharenting, c'est-à-dire de parents qui partagent en ligne, de façon régulière ou habituelle, des photos, vidéos et autres renseignements sur leurs enfants, n'est pas sans conséquence sur les droits de l'enfant, dont le droit à la vie privée, qui doit être protégé avant tout par les parents.

La volonté des parents de partager sur les réseaux sociaux des moments de la vie de leurs enfants, sachant que ces mêmes parents ont l'obligation de protéger leur vie privée, peut susciter à terme des contentieux entre parents et jeunes majeurs dont les photos d'enfance et les détails privés ont été publiés des années auparavant. En tant que cotitulaires de l'autorité parentale, les parents ont certes le droit de publier des photos ou des vidéos de leurs enfants, mais ils devraient absolument éviter de compromettre l'image, l'intérêt, la sécurité et la vie privée de ces derniers ; ils devraient avant tout rechercher l'intérêt supérieur de l'enfant.

À ce sujet, un travail doit impérativement être entrepris afin que chacun sache exactement ce que recoupe la notion d'autorité parentale et, partant, d'autorité parentale conjointe. Force est de constater que bon nombre de parents ne savent pas ce qu'est l'autorité parentale, qu'ils confondent souvent avec la notion de résidence habituelle de l'enfant, à tel point que certains parents séparés estiment parfois que l'autre parent n'a aucun droit car l'enfant ne vit pas au quotidien avec lui.

À défaut d'entreprendre cette tâche de vulgarisation de la notion d'autorité parentale, l'autorité parentale conjointe, dont il est fait état dans cette proposition de loi, restera un concept. Par ailleurs, les juges aux affaires familiales (JAF), à qui l'on demande déjà de trancher un grand nombre de différends parentaux ou familiaux, devront s'attaquer en outre à la délicate question de la publication de vidéos d'enfants. Je crains, monsieur le garde des sceaux, qu'il ne faille prévoir une petite ligne budgétaire supplémentaire pour le recrutement de nouveaux JAF, mais je n'ai rien dit.

M. le rapporteur sourit.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il faudra voter le budget !

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S'agissant de la possibilité d'associer l'enfant à l'exercice de son droit à l'image dès que sa capacité de discernement le permet, les parents devraient privilégier l'écoute et l'obtention de l'avis de leur enfant quant aux limites à ne pas franchir. Ils favoriseraient ainsi le sentiment d'autonomie de l'enfant et, surtout – j'y insiste –, le développement d'une estime de soi positive, absolument nécessaire à son plein épanouissement. En ce sens, le rétablissement d'un article 372-1 du code civil me paraît une bonne chose, même si cette disposition, consacrée spécifiquement au droit à l'image des enfants, fait double emploi avec la nouvelle version proposée pour l'article 371-1 du même code.

Néanmoins, face à la banalisation du sharenting, face aux dérives de certains parents qui semblent pris d'une frénésie absolue de publication et face à ceux qui se livrent à des mises en scène allant jusqu'à l'humiliation – vous avez évoqué, monsieur le garde des sceaux, le cheese challenge, viral sur TikTok –, il est malheureusement nécessaire de faire acte de redondance afin de préciser les choses clairement et une fois pour toutes, de façon que nul n'ignore que les enfants ont un droit à l'image et un droit à la vie privée. Face à l'ampleur de ce phénomène et aux conséquences potentiellement dramatiques de la diffusion inconsidérée d'images d'enfants par leurs parents, nous, législateurs, nous devons protéger les enfants par tout moyen. L'intérêt supérieur des enfants s'accommodera de cette rédaction.

S'il est in fine adopté, le présent texte ne réglera bien évidemment pas tous les problèmes ; il ne rendra pas à certains parents l'intelligence du cœur qui leur manque tant, mais il aura au moins le mérite de rappeler à tous que l'enfant est non pas un objet, mais une personne, et qu'à ce titre, s'il a des obligations, il a également et surtout des droits, dont le droit au respect de son image et le droit à la vie privée, fondamental pour sa propre construction.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Une fois n'est pas coutume, nous sommes d'accord. Je veux saluer le travail et les efforts accomplis par M. le rapporteur pour aboutir à un texte consensuel et sérieux. Je vous annonce donc que nous retirons l'amendement de suppression de l'article 4 et que nous voterons en faveur du texte.

Néanmoins, dans un souci de clarté, je tiens à dire que cette loi est d'abord un pansement sur un vide juridique. Or, dans le domaine du numérique, le vide juridique est la règle, plutôt que l'exception. Certains diront : où est le problème ? Un espace aussi immense de liberté est une bouffée d'air pour chacun d'entre nous, un espace de curiosité et de création, de rencontre et de démocratie. Ils auront raison ! En tant que parlementaires et législateurs, nous devons éviter la fièvre réglementaire et nous garder de céder à la peur du vide, surtout quand il s'agit de la liberté de chacun de s'exprimer et de se construire. Nous devons accompagner, pour que tout le monde puisse profiter de la liberté nouvelle offerte par le monde virtuel, et non la subir.

Si internet était un ciel où nous pouvions voler sans effort, le but de la loi serait non pas d'installer des feux rouges à chaque nuage, mais d'ajouter des cours de vol à l'école et d'installer des trampolines pour rattraper ceux qui tombent. Voilà à quoi sert cette proposition de loi. En instituant les deux parents comme responsables de la vie privée en ligne de leur enfant, nous rendrons possible un vrai rebond, à savoir un travail judiciaire quand un enfant subit l'emprise, le harcèlement ou la violence en ligne.

L'identité virtuelle d'un enfant est la partie de la vie privée qui est la plus exposée en ligne, non seulement par lui-même, bien sûr, mais aussi par ses proches, en particulier ses parents. Il est normal que tout le monde puisse publier à sa guise des photos et des vidéos montrant sa vie et celle de ses enfants. Cependant, les pires dérives partent souvent de là, car toute action publiée en ligne laisse des traces, potentiellement préjudiciables dans le temps pour la vie personnelle ou professionnelle. C'est pourquoi a été institué en 2016 un droit à l'oubli, qui permet d'obtenir l'effacement de certaines données personnelles, notamment des mineurs. Toutefois, il n'existe aucun moyen de contrôler la diffusion d'informations ou d'images, ni leur réappropriation ou interprétation par des tiers.

Dans l'exposé des motifs, vous rappelez ce chiffre sinistre : « 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux ». Ce qui est de nature numérique peut rapidement avoir des conséquences néfastes sur le réel, parfois de façon complètement imprévisible. Le cyberharcèlement qui existe depuis la naissance d'internet a déjà brisé de nombreuses vies.

Parents comme enfants doivent être formés et informés pour pouvoir défendre au mieux leurs droits. Nous avions déposé des amendements tendant à faciliter l'accès à de telles formations ; nous regrettons qu'ils aient été jugés irrecevables. Nous aurions pu en outre faciliter l'accès aux recours, notamment devant la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ou la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos). En effet, si les parents portent la responsabilité de protéger la vie privée de leurs enfants, il revient à l'État de leur fournir les outils à cette fin.

Toutefois, soyons lucides : aujourd'hui, nos lois ne peuvent pas aller plus loin car, s'agissant d'internet et des plateformes, les règlements européens priment sur les législations nationales. De WhatsApp à LinkedIn, de TikTok à Tinder, nos vies professionnelles, intimes et familiales, tout passe par des entreprises qui obéissent avant tout à une logique de profit. On parle même d'une « économie de l'influence », qui a vu le jour au cours de la dernière décennie avec l'avènement des réseaux sociaux.

Je prends un exemple parmi d'autres, celui de YouTube, qui est plus strict que son concurrent TikTok. La première phrase du règlement de la communauté YouTube relatif à la sécurité des enfants indique : « YouTube interdit les contenus qui portent atteinte au bien-être émotionnel et physique des mineurs. » Cela peut sembler aller dans le bon sens, mais, dans la pratique, la limite apparaît vite. YouTube prohibe toute vidéo montrant des enfants se mettant en danger, par exemple avec du feu ou des pétards, mais autorise dans le même temps la monétisation de vidéos montrant des enfants qui se gavent de bonbons, pour faire du placement de produits.

En l'espèce, ce n'est pas l'enfant qui est le créateur de la vidéo ; ce sont bel et bien les parents, qui utilisent leur enfant sur leur chaîne d'influenceur, souvent contre son bien-être. C'est aussi le cas dans la pratique du sharenting. Il naît ainsi un conflit d'intérêts entre le rôle de garant de l'intégrité et de la vie privée de l'enfant et le gain financier, social ou émotionnel tiré de l'exploitation de son image. L'enfant peut dès lors ressentir un conflit de loyauté, voire une dissonance cognitive entre ses aspirations propres et la volonté de ses parents. Qui plus est, l'identité virtuelle amène un autre risque, car le fichier de la photo comporte des métadonnées telles que la date et le lieu, déterminé par géolocalisation. Si une photo prise chez vous tombe dans les mains de personnes malveillantes, vous pouvez être sûr qu'elles disposent également de l'adresse de votre domicile.

Grâce à la présente proposition de loi, qui énonce clairement la responsabilité des parents, vous permettrez de réparer les pots cassés, mais vous n'empêcherez aucunement de telles pratiques – il faut en avoir conscience. Seules des contraintes fortes comme celles qui sont proposées dans le Digital Services Act (DSA) en cours de discussion au niveau européen pourront les faire évoluer, sachant qu'elles sont mises en avant par les plateformes. Si vous pensez que les amendes sur le chiffre d'affaires ne sont pas utiles, les plateformes, elles, les prennent au sérieux. Puisqu'il est question de l'Union européenne, parlons du modèle allemand, que vous aimez beaucoup. L'Office fédéral de la justice, installé à Bonn, peut condamner à une amende allant jusqu'à 5 millions d'euros les personnes physiques qui ne respectent pas les restrictions imposées en Allemagne aux réseaux sociaux, le montant pouvant atteindre 50 millions pour les personnes morales.

Je sais, collègues, que vous avez déjà beaucoup travaillé sur la protection des enfants en ligne, et nous soutenons votre travail, mais écoutez notre message, qui est simple : responsabiliser les parents, c'est bien ; responsabiliser les plateformes quant à leurs pratiques commerciales, c'est mieux.

Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES et Écolo – NUPES.

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Ce texte vise à garantir la sécurité des enfants dans un monde où le numérique est désormais omniprésent : 300 millions de photographies sont diffusées chaque jour sur les réseaux sociaux et plus d'un internaute sur deux prend une photo avant tout dans le but de la partager en ligne, sur Facebook ou Instagram. Consacré par l'article 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant ainsi que par la directive SMA – services de médias audiovisuels – et le règlement DMA – Digital Markets Act – de l'Union européenne, le droit à l'image des enfants doit être renforcé par une meilleure régulation du numérique. Les enfants sont malheureusement surexposés sur les réseaux sociaux, et ce dès leur plus jeune âge, à travers les comptes de leurs parents ou leurs propres comptes. Sans aboutir forcément à des situations dramatiques, ces images peuvent ultérieurement porter préjudice à l'enfant car rien ne disparaît réellement de la toile. Par ailleurs, les photos et vidéos finissent parfois sur des sites pédopornographiques : 50 % des images diffusées sur ces sites ont initialement été prises par les parents. On estime qu'un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant qu'il n'atteigne l'âge de 13 ans, sur ses comptes propres ou sur ceux de ses parents et de ses proches.

La publication, sur les comptes des parents, de contenus relatifs à leurs enfants constitue ainsi aujourd'hui l'un des principaux risques d'atteinte à la vie privée des mineurs, pour deux raisons. D'une part, il est difficile de contrôler la diffusion de son image quand on est mineur ; d'autre part, un conflit d'intérêts est susceptible de survenir dans la gestion du droit à l'image des enfants par leurs parents. Les parents, titulaires de l'autorité parentale, sont pourtant les garants et les protecteurs du droit à l'image de leur enfant. Il est important de le leur rappeler. En effet, avec l'essor des réseaux sociaux et l'économie d'influence qui en résulte, de nombreux parents exploitent l'image de leurs enfants et, partant, les surexposent sur Internet. Cette exploitation donne parfois lieu à des séquences humiliantes, dégradantes ou néfastes pour l'enfant. Comme le soulignent la Défenseure des droits et le Défenseur des enfants dans leur rapport annuel sur la protection des droits des enfants : « les violations du droit à l'image des enfants, composante du droit au respect de leur vie privée, restent en pratique communément admises ». Ce texte privilégie donc l'impératif de l'intimité face à la tentation de la viralité afin de protéger la vie privée de l'enfant.

Dans la continuité de la loi « enfants influenceurs » de 2020, qui ne concerne qu'une infime partie des enfants exposés, la proposition de loi vise à protéger la vie privée des enfants de manière pédagogique par quatre articles modifiant le code civil. L'article 1er introduit la notion de vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale. L'article 2 énonce que le droit à l'image de l'enfant mineur est exercé par les deux parents conjointement. L'article 3 explicite les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur. Enfin, l'article 4 ouvre la voie à une délégation forcée de l'autorité parentale dans les situations où l'intérêt des parents entre en conflit avec celui de l'enfant dans l'exercice du droit à l'image de ce dernier.

Si nous partageons la volonté de mieux protéger les enfants, nous estimons que cette proposition de loi est superfétatoire. En effet, toutes les dispositions qu'elle contient sont déjà comprises dans la définition de l'autorité parentale mentionnée à l'article 371-1 du code civil. L'autorité parentale y est définie comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques. » « Intérêt de l'enfant », « le protéger dans sa sécurité et sa moralité », « respect dû à sa personne »… Tout y est déjà. Par ailleurs, la circulaire du 19 avril 2017 relative à la protection judiciaire de l'enfant dresse la liste des droits du titulaire de l'autorité parentale, en particulier celui d'être informé des choix importants relatifs à la vie de l'enfant et celui de surveiller son éducation. Ces deux textes garantissent qu'au titulaire de l'autorité parentale reviennent l'ensemble des droits et des obligations des parents envers leurs enfants.

Toutefois, nous ne nous opposerons pas à cette proposition de loi qui permettra de sensibiliser les parents aux dangers auxquels ils exposent leurs enfants en diffusant leur image sur les réseaux sociaux.

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La révolution numérique et l'avènement d'internet et des réseaux sociaux ont transformé nos modes de vie et de communication en bouleversant les frontières entre ce qui relève de la sphère privée et ce qui tombe dans la sphère publique. Un phénomène très préoccupant tend à se généraliser ces dernières années : le sharenting. Ce terme apparu en 2013 dans le Wall Street Journal désigne une pratique consistant, pour les parents, à partager régulièrement des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Ces pratiques emportent de lourdes conséquences. Ainsi, à l'âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet. Or 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Comme vous l'avez très justement rappelé, monsieur le rapporteur, le respect de la vie privée des enfants s'impose comme une condition de leur sécurité, de leur bien-être et de leur épanouissement. Il est de notre devoir de nous en assurer. Face à la multiplication des outils offerts par internet et à leur complexité d'utilisation, il est fondamental de renforcer notre arsenal législatif. C'est pourquoi je tiens à saluer cette initiative qui s'ancre dans un écosystème législatif en faveur de la protection des enfants, pour lequel M. le garde des sceaux et Mme la ministre œuvrent, je le sais, avec force et détermination.

Il nous faut aller plus loin. Jusqu'à présent, le législateur s'est assuré de protéger au mieux les mineurs des différents dangers de l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux ; les pratiques évoluant, il nous incombe de trouver les leviers permettant de responsabiliser les parents dans l'exercice du droit à l'image de leur enfant. La Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié en novembre dernier son rapport annuel sur les droits des enfants : parmi les points abordés, l'exposition des mineurs sur les réseaux sociaux, notamment par leurs parents, qu'il s'agisse d'images, de vidéos ou de textes.

Si les mécanismes existants peuvent apparaître insuffisants, la mise en place de sanctions mesurées reste un impératif. Les mesures encourues doivent être proportionnées à la gravité des actes. Nous devons éviter de sanctionner trop lourdement les actes qui relèveraient d'un manque de connaissance du droit à l'image de l'enfant et des conséquences du partage de leur image sur internet et les réseaux sociaux. En revanche, lorsqu'il y a une intention de porter gravement atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de l'enfant, la sanction encourue peut être lourde, à condition d'être précédée de mesures d'accompagnement. En effet, si la diffusion d'images sexualisées, voire violentes, peut justifier des sanctions, la diffusion de photos d'un enfant dans son quotidien ne pourrait être réduite à une défaillance et faire l'objet d'une sanction répressive. Ces situations appellent généralement des mesures éducatives. En effet, la prévention, la pédagogie et l'accompagnement des parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant sont des préalables dont nous ne pouvons faire l'économie. Les familles ont besoin d'un accompagnement individualisé.

Comme le recommande le Conseil de l'Europe, il est nécessaire de mettre en place une justice adaptée aux mineurs afin d'améliorer l'accès, la prise en charge et la participation de ces derniers aux procédures judiciaires. Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies insiste, de son côté, sur la nécessité d'établir l'intérêt de l'enfant en consultation avec lui afin qu'il soit un véritable acteur de sa vie.

Pour tous les enjeux que je viens d'évoquer, il est nécessaire de nous accorder sur un texte opérant afin que nous, législateurs, continuions de garantir à l'ensemble des mineurs une protection suffisante sur internet. Notre groupe accompagnera votre démarche, monsieur le rapporteur, car elle vise à la préservation des seuls intérêts de l'enfant.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.

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La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui est intéressante, bien qu'elle ne réponde qu'à une partie des attentes. Intéressante, car son objet – garantir le respect du droit à l'image des enfants – épouse des préoccupations bien réelles, identifiées non seulement par les spécialistes mais aussi par les familles, parents et jeunes compris. Elle est malgré tout, me semble-t-il, un peu en décalage par rapport aux attentes globales car elle ne vise qu'à préciser certains points de droit déjà largement acquis, sans s'inscrire dans une véritable politique publique à l'intention des familles et des jeunes, qui chercherait à les informer, à les prévenir et à leur apprendre à utiliser les réseaux sociaux de façon rationnelle et raisonnable. Je pense, entre autres, à l'éducation au droit au corps, dont le texte ne parle pas de façon explicite, alors que l'image est en quelque sorte le prolongement non physique du corps ; la protection du corps des enfants pourrait y être posée comme telle.

Je note aussi que les constats, y compris officiels, vont dans le sens d'une interrogation sur la formation et sur l'éducation aux droits des enfants, dont celui à un internet plus sûr. Certains programmes en traitent officiellement, y compris durant les cycles 2 et 3 de l'école – pour faire simple, de 6 à 11 ans. Aucune grande consultation n'a été lancée auprès des parents autour de thématiques comme : quelle vie numérique souhaiterions-nous pour nos enfants ? Ou encore : quels droits et devoirs pour les parents et les enfants ? Il existe depuis vingt ans des initiatives, des outils, des kits, mais nous n'avons aucune évaluation, aucun bilan ex post, aucune vue de ce qui est fait réellement ni de ce qui pourrait être amélioré. Je le répète, nous devons actionner tous les leviers à la fois : l'éducation – pourvue de moyens adéquats – et la loi pour encadrer les pratiques.

L'article 1er introduit la notion de vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale. Sans être opposée à cette disposition, au contraire, je remarque que le respect dû à la personne inclut, par définition, celui de ses droits fondamentaux. L'article 2 précise que l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. Or l'article 372 du code civil prévoit déjà que « [l]es père et mère exercent en commun l'autorité parentale ». L'article 3 précise les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur. Ce point a déjà été tranché par le juge : dans le cas de parents séparés, il a considéré que l'un des parents ne peut diffuser des photographies sur un réseau social ou professionnel sans l'accord de l'autre parent. Enfin, l'article 4 prévoit que la délégation de l'autorité parentale est étendue aux cas dans lesquels la diffusion d'images par les parents a porté une atteinte grave à la dignité de l'enfant. On peut raisonnablement penser que l'article 377 du code civil répond déjà à la situation. Comme je l'ai dit en commission, nous ne disposons pas de données sur le nombre des saisines du juge et des contentieux en cours sur ce droit déjà garanti.

Parallèlement, plusieurs points implicites auraient mérité davantage d'attention. Je me permets d'insister sur ceux-ci dans l'espoir que le ministère les prendra en considération afin de faire évoluer la législation.

Premièrement, tous les mineurs sont considérés par la proposition de loi de la même façon. Il existe pourtant, dans notre droit, une différenciation selon l'âge des jeunes. Par exemple, avant 16 ans, un enfant a le droit de consulter un médecin s'il est capable de discernement, mais dès 16 ans, l'accès aux soins est automatisé par l'attribution d'une carte d'assurance maladie. En outre, si de la rédaction actuelle du code pénal on peut déduire que les relations sexuelles consenties pour un ou une mineure entre 13 et 15 ans peuvent ne pas faire l'objet de poursuites, le consentement à une relation avec un adulte ne peut être effectif qu'après cet âge. Dans ce contexte, comment articuler la disposition générale concernant un mineur et les droits reconnus à l'enfant avec la responsabilité légale incombant aux seuls parents ?

Par ailleurs, la proposition de loi traite du recours porté devant le juge en cas de désaccord entre parents dont l'un estimerait que l'autre abuse du droit à l'image de leur enfant. Mais comment faire dans les cas où il n'y a qu'un seul parent ? Le texte n'évoque pas l'hypothèse d'une demande d'intervention à l'encontre du parent unique qui voudrait diffuser les images sans l'accord de l'enfant ; or, je le rappelle, celui-ci a un droit à la protection.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué en commission que les précisions apportées par les trois premiers articles de la proposition de loi vous semblaient utiles et que l'inscription de la jurisprudence dans le droit positif servirait au juge des affaires familiales. Nous en prenons acte. Quant à l'article 4, vous le considérez comme novateur. Nous avons formulé différentes propositions sur le texte et nous espérons que le débat en séance publique nous permettra d'aller plus loin, car le sujet le mérite. En tout état de cause, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la proposition de loi, qui répond à ses préoccupations.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES ainsi que sur quelques bancs du groupe RE et sur les bancs des commissions.

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Internet a bouleversé nos existences pour le meilleur et pour le pire : le meilleur doit être salué, le pire ardemment combattu. Ce que nous ne tolérons pas dans notre quotidien n'a pas lieu d'exister dans le monde dit virtuel. Ce monde n'est d'ailleurs pas virtuel, en définitive, puisqu'il ne réduit en rien les offenses, les humiliations et les drames, qui sont bien réels lorsqu'ils se produisent.

Parmi les victimes des dangers d'internet et de sa caisse de résonance se trouvent nos propres enfants. Les réseaux sociaux sont inondés de mises en scène de mineurs, d'images et de vidéos à l'apparence banale, mais cette apparence est une illusion. Dès lors que la photo de famille la plus anodine peut être usurpée, détournée, dégradée ou manipulée, la voie est ouverte aux violences éducatives numériques. J'en veux pour preuve les chiffres, vertigineux, cités par le rapporteur : en moyenne, avant l'âge de 13 ans, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne, et 50 % de celles qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées sur les réseaux sociaux par les parents eux-mêmes.

Protéger nos enfants à l'ère du numérique, et en faire des individus libres et suffisamment armés pour affronter l'avenir, est bien l'un des immenses défis de notre société. Il y va de leur développement et de leur santé.

Bien sûr, c'est d'abord l'éducation qui joue un rôle déterminant dans la préservation des enfants du regard des autres et dans la compréhension de ce qu'impose le respect de leur vie privée – ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas être fait. Il faut continuer à sensibiliser les enfants à leurs droits, à prendre leur parole en considération et à leur offrir des espaces d'expression adaptés et respectueux de leur intimité. Tel est le sens de la politique résolue que mènent, avec l'aide des associations, le Gouvernement, le ministère de la justice et le secrétariat d'État chargé de l'enfance. Je salue plus particulièrement Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, pour son action constante, ferme et déterminée en faveur des enfants, au plus près du terrain.

La protection du droit à l'image des enfants est aussi la responsabilité de notre assemblée, qui s'est emparée du sujet en adoptant de nombreux textes visant à réguler les réseaux sociaux, à lutter contre le cyberharcèlement et les raids numériques, à encadrer le contrôle parental ou à agir sur le statut des enfants influenceurs. Ainsi, pas plus tard que jeudi dernier, l'Assemblée a adopté la proposition de loi tendant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, déposée à l'initiative du groupe Horizons et apparentés et défendue par le président Laurent Marcangeli. De même, nous examinerons tout à l'heure la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, présentée par notre collègue Caroline Janvier. De toute évidence, nous sommes dans l'action.

Revenons à la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, que nous présente aujourd'hui Bruno Studer, dans le prolongement de l'engagement qui est le sien depuis plusieurs années. Ce texte arrive à point nommé car, dans le domaine de la protection du droit à l'image des enfants, nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. Bien que le code civil sous-tende déjà les notions de vie privée de l'enfant et de responsabilité des parents, il est aujourd'hui utile de les graver dans le marbre de la loi, comme le suggèrent les deux premiers articles du texte.

Face à l'ampleur des dérives que nous constatons, il est impératif de marteler et d'appliquer le principe du droit à l'image en nous assurant que toutes les conséquences en sont convenablement tirées. En cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur, le juge aux affaires familiales pourra être saisi, conformément aux compétences qui sont les siennes. Si la diffusion de l'image de l'enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, alors l'autorité parentale pourra être déléguée.

Nous y reviendrons, puisque c'est un point qui a fait débat en commission, mais je rappelle, à ce stade, que l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs qui a pour finalité l'intérêt de l'enfant et de lui seul. C'est un pouvoir effectif de l'organisation de la vie de l'enfant, dont l'exercice doit pouvoir être aménagé si l'intérêt de l'enfant l'exige. Tel est le sens de l'article 4, dont la nouvelle rédaction, proposée par voie d'amendement, permettra, je crois, d'en faire une dérogation pondérée et acceptable.

Cette proposition de loi équilibrée et bienvenue nous permettra d'atteindre notre objectif commun de toujours mieux protéger les enfants. C'est la raison pour laquelle le groupe Horizons et apparentés la soutiendra.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE et LIOT ainsi que sur les bancs des commissions.

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Je remercie le rapporteur pour son engagement constant en faveur de la protection des enfants contre les pratiques numériques de certains parents. Monsieur Studer, en 2020, vous aviez déjà proposé d'encadrer l'exploitation commerciale de l'image des enfants influenceurs. Aujourd'hui, vous proposez de faire évoluer notre législation sur le sujet plus large de l'exposition numérique des enfants par leurs parents.

Le besoin de reconnaissance des parents à travers les réseaux sociaux est une donnée nouvelle, qu'il faut prendre au sérieux. Pour de nombreux parents, en effet, partager des photos et des vidéos de leurs enfants en ligne est devenu un acte banal. On sait pourtant à quel point ces intrusions quotidiennes dans la vie privée des enfants comportent des risques pour leur développement, parfois pour leur sécurité ou tout simplement pour le respect de leur vie privée. L'espace de la famille ne doit pas rester à l'écart du droit. Il est de notre devoir d'assurer aux enfants la protection qui leur est due.

On pourrait même s'engager sur la voie d'une réflexion plus large concernant l'effectivité des droits des enfants lorsqu'ils entrent en conflit avec ceux de leurs parents. Sans doute faudrait-il songer à renforcer l'autonomie des mineurs sur le terrain procédural. Avec ce texte, vous travaillez dans une autre direction, sur un sujet particulier – la mise en ligne par les parents d'images de leurs enfants – et le groupe Écologiste – NUPES partage votre volonté de mettre l'ouvrage sur le métier. Toutefois, le chantier est vaste et nécessite une vision large des leviers à mobiliser. Je regrette donc que la proposition de loi ne réponde pas entièrement aux questions soulevées par l'exposé des motifs. Il me semble, en effet, qu'une partie du dispositif n'est pas indispensable et que le dernier article manque un peu la cible.

Faut-il modifier notre législation relative à l'autorité parentale ? Les parents ont déjà le devoir d'assurer l'éducation et le développement de leur enfant, dans le respect de sa vie privée, dont le droit à l'image est une composante reconnue par les tribunaux. J'ajoute que le double consentement des parents est d'ores et déjà requis pour la publication de photos sur internet, cet acte n'étant pas considéré comme usuel. La jurisprudence est claire à ce sujet. Par conséquent, les trois premières dispositions de la proposition de loi ne modifient pas l'état du droit. Néanmoins, vous avez indiqué en commission que votre intention était surtout de moderniser notre code civil en précisant les choses. Bien que nous jugions ces modifications plus symboliques que normatives, nous n'y ferons pas obstacle.

À l'article 4, vous proposez de recourir à la délégation forcée de l'autorité parentale lorsque la publication porte gravement atteinte à la dignité de l'enfant ou à son intégrité morale. La délégation forcée est, à ce jour, une mesure judiciaire mobilisée par le juge aux affaires familiales dans des cas désespérés : délaissement de l'enfant, troubles mentaux des parents, crime commis sur le conjoint. Vous souhaitez ajouter à cette liste les publications indignes. Il est vrai que certaines vidéos posent question. Vous avez pris l'exemple du cheese challenge ; de telles publications sont dégradantes et parfois révélatrices de maltraitance.

Je comprends donc votre idée : il faut trouver un moyen de protéger l'enfant contre ses parents en l'absence de désaccord puisque seul un désaccord entre eux permet actuellement d'interdire la diffusion de photographies en ligne. Mais est-il pour autant nécessaire d'étendre le mécanisme de la délégation forcée de l'autorité parentale ? N'est-ce pas disproportionné par rapport aux autres hypothèses ? Par ailleurs, ne disposons-nous pas déjà dans notre droit des dispositions nécessaires pour répondre à ces situations ? Les cas extrêmes que vous ciblez ne peuvent-ils pas être assimilés à des violences éducatives ordinaires, au sens de la loi du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires ? Ils sont, par construction, déjà interdits et des dispositifs administratifs et judiciaires permettent d'y répondre, que ce soit les actions menées par les départements dans le cadre de la protection de l'enfance ou les mesures d'assistance éducative prises par le juge des enfants.

S'il doit y avoir délégation de l'autorité parentale, nous pensons qu'elle doit être circonscrite à l'exercice du droit à l'image. La nouvelle rédaction de l'article 4 que j'ai proposée par voie d'amendement me paraît satisfaisante et je vous remercie de l'avoir approuvée.

Par ailleurs, ne perdons pas de vue les cas moins graves, mais beaucoup plus nombreux, dans lesquels les atteintes quotidiennes à la vie privée des enfants proviennent de parents dénués d'intention malveillante. Dans leur grande majorité, ces parents ignorent les dangers auxquels ils exposent leurs enfants. C'est donc un problème de prise de conscience et l'on ne peut pas traiter la question en utilisant les moyens classiques du droit civil ou du droit pénal. Au fond, aucune solution efficace ne pourra être trouvée sans une sensibilisation des parents. Des dispositifs permettant de mieux les accompagner et de mieux les informer sont nécessaires. On pourrait par exemple imaginer une campagne de prévention sur le modèle de celle qui existe pour mettre en garde contre les dangers de la consommation d'alcool pendant la grossesse.

Pour le groupe Écologiste – NUPES, tous les mécanismes possibles doivent être envisagés ; c'est le sens de notre demande de rapport. En tout état de cause, nous partageons vos objectifs. C'est la raison pour laquelle, malgré ses doutes et ses réserves, mon groupe votera en faveur de la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo – NUPES et sur plusieurs bancs du groupe LFI – NUPES. – MM. Gilles Le Gendre et Frédéric Maillot applaudissent également.

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Protéger son enfant est l'une des premières préoccupations de tout parent. Veiller à son développement physique, émotionnel et psychologique est une mission de chaque instant. Avec l'avènement des écrans, plus encore depuis l'apparition des réseaux sociaux, l'exposition des enfants sur internet est un phénomène qui prend de l'ampleur. Avant l'adolescence, cette exposition s'explique principalement par l'usage des outils numériques par les parents eux-mêmes. Dans la majorité des cas, les parents qui mettent en scène leurs enfants sur les réseaux sociaux ne le font pas avec malveillance et ne souhaitent évidemment pas mettre leurs enfants en danger. Malheureusement, les dérives sont nombreuses et les conséquences ne sont pas toujours bien anticipées par les parents.

C'est pourquoi nous partageons l'ambition de M. le rapporteur, qui s'exprime dans cette proposition de loi : il faut inscrire dans le droit que les parents ont le devoir de protéger la vie privée de leur enfant, qu'ils sont détenteurs de son droit à l'image et que cette responsabilité implique un devoir de protection de l'enfant au-delà de tout autre intérêt.

Ainsi, l'article 1er complète la définition des missions exercées dans l'exercice de l'autorité parentale en ajoutant le respect de la vie privée de l'enfant comme une responsabilité fondamentale. L'article 2 rétablit l'article 372-1 du code civil disposant que le droit à l'image d'un enfant mineur est exercé conjointement par les deux parents. L'enfant peut y être associé en fonction de son âge et de sa maturité. L'article 3 prévoit, en cas de désaccord entre les parents quant à l'exercice du droit à l'image de l'enfant, de confier à un juge la responsabilité de décider s'il y a lieu d'interdire toute publication concernant l'enfant à l'un de ses parents, jugé défaillant. L'article 4, enfin, ouvre la voie à une délégation forcée de l'autorité parentale dans des situations où l'intérêt des parents entre en conflit avec celui de l'enfant dans l'exercice du droit à l'image.

Cette dernière mesure concerne des situations extrêmement graves, que le groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES pense important d'anticiper, même si elles sont rares. Nous soutenons l'article 4 dans la mesure où son seul objectif est de protéger l'intérêt de l'enfant. Toutefois, comme nous l'avons dit en commission, nous regrettons que la proposition de loi n'ait pas prévu des mesures de sensibilisation des parents. Sont-ils toujours conscients des dangers auxquels ils exposent leurs enfants en publiant des photos ou des vidéos sur internet ? Nous n'en sommes pas convaincus. Sont-ils informés que le droit à l'oubli est une mesure quasi impossible à faire respecter dans les faits ? Nous pensons que non. Savent-ils d'ailleurs que 50 % des photos présentes sur les sites pédopornographiques ont d'abord été publiées par les parents eux-mêmes sur les réseaux sociaux ? Nous pouvons affirmer que la grande majorité l'ignore.

En les sensibilisant, nous aurions également la possibilité de sensibiliser les enfants. En effet, un parent capable de mesurer les dangers des réseaux sociaux pour lui-même et pour ses enfants saura sensibiliser ces derniers lorsqu'ils auront l'âge de s'inscrire sur un réseau social et de naviguer seuls sur internet. Les comportements à risque de certains enfants dans leur usage d'internet sont parfois le reflet du comportement de leurs parents. Or une forte exposition sur les réseaux sociaux peut encourager le cyberharcèlement, et les campagnes de dénigrement sont dévastatrices pour des enfants en pleine construction psychique, qui attachent une grande importance à leur image et ont parfois une relation à leur corps complexe et fragile.

Nous pensons donc que l'objectif de la proposition de loi devrait être double : d'une part, responsabiliser les parents, et, d'autre part, les sensibiliser, pour qu'ils puissent accompagner leurs enfants dans un usage adapté d'internet et des réseaux sociaux. Nous soutiendrons néanmoins le texte, tout en espérant que le débat permettra de l'enrichir, en particulier sur la question de la sensibilisation.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – Mme Christine Pires Beaune et M. Sébastien Peytavie applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes confrontés à un phénomène récent dont l'ampleur nous dépasse : nos enfants sont exposés de plus en plus tôt au monde numérique, qui peut offrir le meilleur comme le pire. L'essor du numérique et la rapidité à laquelle se diffusent les usages nouveaux qui y sont associés ne coïncident pas avec le temps long de la loi. Que faire ? À plusieurs reprises, notre assemblée a tenté de s'adapter à ces innovations technologiques pour protéger les mineurs, garantir leurs droits et accompagner les parents.

Le rapporteur a montré son dévouement sur le sujet, en étant notamment à l'origine de la loi sur les enfants influenceurs et de celle visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Je tiens vraiment à saluer votre travail, monsieur le rapporteur. Malgré cela, il nous faut à nouveau légiférer, cette fois pour garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Comme d'autres l'ont rappelé, certains chiffres sont inquiétants : un mineur apparaîtrait en moyenne sur près de 1 300 images en ligne avant ses 13 ans, et cette diffusion à outrance a souvent lieu sur ses propres comptes ou sur ceux de ses proches. Les parents ont une responsabilité en la matière et le présent texte permet de clarifier le cadre juridique existant pour veiller à ce que l'intérêt supérieur de l'enfant prime toujours et pour que la diffusion de contenu – le fameux sharenting – se fasse toujours dans le respect de sa vie privée.

L'article 1er vise à ajuster la définition de l'autorité parentale pour inclure expressément le respect du droit à la vie privée de l'enfant et ainsi expliciter un droit déjà protégé, puisque l'autorité parentale vise déjà à protéger la sécurité et la moralité du mineur, notamment en ce qui concerne sa vie privée. Sur le fond, le groupe LIOT ne s'opposera bien sûr pas à cet ajout un peu superfétatoire, mais nous tenons à rappeler que le code civil ne se modifie pas tous les jours et n'a pas vocation à se transformer en une liste non exhaustive.

Nous sommes cependant pleinement favorables à ce que l'enfant soit associé à l'exercice de son droit à l'image, en fonction de sa maturité : l'autorité parentale doit être un instrument de dialogue au sein du cercle familial. J'espère que cette proposition de loi conduira à une prise de conscience chez certains parents, s'agissant notamment des risques liés à l'exposition en ligne de leur enfant.

Une des autres évolutions fortes que contient le texte tient au renforcement de la palette de pouvoirs du juge aux affaires familiales : il lui permet notamment, en cas de conflit conjugal, d'interdire à un parent de publier certains contenus de l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent. Notre groupe salue cette mesure, qui doit cependant être limitée aux cas d'actes affectant sensiblement la vie de l'enfant. Il ne faudrait pas qu'un des parents puisse empêcher totalement l'autre de partager les moments passés avec son enfant.

Le texte ouvre également la possibilité pour le juge de prononcer une délégation de l'autorité parentale en cas de diffusion d'images portant atteinte à l'intégrité de l'enfant. Une telle mesure n'est pas anodine mais elle peut malheureusement s'avérer nécessaire, compte tenu de l'existence de risques relatifs à la dignité humaine de l'enfant. Notre groupe a des interrogations quant à la rédaction proposée, qui propose de modifier l'article du code civil traitant des cas de désintérêt manifeste envers l'enfant voire de crime commis contre l'autre parent. Pour assurer la proportionnalité de la mesure, nous défendrons un amendement visant à cibler spécifiquement les cas les plus graves. En effet, certaines images et vidéos, parce qu'elles touchent directement à l'intégrité morale du mineur, n'ont pas leur place sur les réseaux sociaux, même lorsqu'elles sont postées par les titulaires de l'autorité parentale.

Je terminerai non par un regret mais par une demande : il manque indéniablement à la proposition de loi un volet préventif concernant le droit à l'image en ligne des enfants ; si nous voulons lutter efficacement contre certaines dérives des réseaux sociaux, il faut mieux accompagner, former et alerter les parents. J'espère que la navette parlementaire permettra de compléter le texte en ce sens et c'est dans cette perspective que notre groupe le votera.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE ainsi que sur les bancs des commissions. – M. Stéphane Lenormand applaudit également.

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Si le développement et la généralisation de l'usage du numérique présentent de merveilleuses potentialités, notamment en ce qui concerne la démocratisation de l'accès au savoir et le maintien d'un lien social par-delà la distance géographique, l'espace numérique fait également apparaître de nouveaux risques, en particulier pour les plus fragiles d'entre nous, parmi lesquels les enfants.

Face à un tel constat, il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, d'adapter notre arsenal juridique à ces nouvelles menaces ; c'est une nécessité. Ce sentiment est largement partagé, comme en attestent les multiples initiatives en cours en la matière : la proposition de loi du président Laurent Marcangeli visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, adoptée la semaine dernière ; la proposition de loi de notre collègue Caroline Janvier, cosignée par l'ensemble des membres du groupe Renaissance et destinée à prévenir l'exposition excessive de nos enfants aux écrans, que nous examinerons après celle-ci ; et enfin la présente proposition de loi, qui vise à garantir le respect du droit à l'image de l'enfant. Cette dernière a été déposée à l'initiative de M. le rapporteur Bruno Studer, dont l'engagement résolu en faveur du droit des enfants, que je salue, a déjà permis, lors de la précédente législature, la création d'un statut pour les enfants influenceurs et l'institution du contrôle parental par défaut sur les supports numériques.

Et en effet, mes chers collègues, le constat est sans appel. Les études démontrent qu'avant 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 images mises en ligne. Si celles-ci sont pour la plupart publiées avec bienveillance, elles peuvent malheureusement faire l'objet d'un détournement, puisque la moitié des photographies qui s'échangent sur des forums pédopornographiques sont initialement publiées de manière délibérée par les parents sur des réseaux sociaux. Plus inquiétant encore, deux adolescents sur cinq considèrent que leurs parents les exposent trop sur internet.

Or, rappelons-le, le droit à l'image de l'enfant est exercé par les titulaires de l'autorité parentale, qui ont la responsabilité de donner leur consentement à la diffusion de l'image de leur enfant. Dans la très grande majorité des cas, les intentions des parents qui diffusent ou acceptent la diffusion de telles images sont louables, mais ceux-ci n'ont pas toujours pleinement conscience des risques induits par des publications de ce type ; il nous incombe donc de les sensibiliser à cet enjeu et de les accompagner dans l'exercice de la parentalité numérique.

Dans cette perspective, la présente proposition de loi vise d'abord manifestement à sensibiliser les titulaires de l'autorité parentale confrontés au développement du numérique. Elle leur rappelle qu'ils ont des droits mais aussi des devoirs vis-à-vis de leurs enfants, notamment celui de protéger conjointement leur droit à l'image en les y associant en fonction de leur âge et de leur degré de maturité. En inscrivant les notions de « respect du droit à la vie privée » de l'enfant et d'« atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale », le texte permet de rappeler aux parents actuels et futurs leur pleine et entière responsabilité dans l'exercice du droit à l'image de leur enfant. Elle permettra également d'encadrer la parentalité numérique en cas de désaccord entre les titulaires, afin que le juge aux affaires familiales puisse interdire à l'un d'entre eux de publier tout contenu relatif à l'enfant sans l'accord de l'autre, conformément au principe selon lequel le droit à l'image est un droit non usuel dont la mise en œuvre nécessite l'accord des deux titulaires.

Enfin, comme je l'ai indiqué précédemment, si l'immense majorité des parents ont surtout besoin d'être accompagnés pour exercer leur parentalité dans l'espace numérique, force est de constater que certains d'entre eux ont des intérêts divergents de celui de leur enfant et font un usage abusif du droit à l'image de celui-ci. C'est le cas de ceux qui tiennent des vlogs familiaux dans le cadre desquels les enfants sont filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les moments les plus intimes de leur quotidien, ou de ceux qui font ce que l'on appelle des pranks, c'est-à-dire des pièges humiliants réalisés au détriment des enfants et publiés en ligne. Rien n'est trop beau pour faire plus de clics, plus de vues, plus de likes et élargir sa communauté d'abonnés, même si cela se fait au détriment de l'enfant.

Pour remédier à de telles situations, la proposition de loi ouvre la voie à une délégation forcée de l'autorité parentale, qui doit être prononcée par le juge aux affaires familiales. Un amendement soutenu par les groupes Renaissance et Écologiste – NUPES permettra de limiter cette délégation à l'exercice du droit à l'image, afin de cibler au mieux les moyens offerts au juge pour protéger les intérêts de l'enfant.

Sensibilisation, responsabilisation, instauration d'outils civils gradués de protection des droits fondamentaux de l'enfant : tels sont les objectifs poursuivis par cette proposition de loi, que le groupe Renaissance votera avec détermination afin de renforcer la protection des mineurs dans l'espace numérique et d'impulser une prise de conscience collective quant à la nécessité de préserver l'image des enfants d'aujourd'hui, qui seront les adultes de demain.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – MM. Andy Kerbrat et Frédéric Maillot applaudissent également.

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Le respect du droit à l'image des enfants est une préoccupation importante, car il peut avoir des implications à la fois sur leur vie privée et leur sécurité. Pour garantir le respect de ce droit, voici quelques mesures à prendre.

Avant de prendre des photos ou des vidéos d'enfants, il est important de demander le consentement de leurs parents ou tuteurs légaux. Les parents doivent être informés de l'utilisation prévue des images, des personnes qui y auront accès et de la durée de conservation. Respecter la vie privée des enfants : les photos et les vidéos ne doivent pas être utilisées pour violer la vie privée des enfants, et elles ne doivent pas être utilisées de manière malveillante ou nuisible. Protéger les images : les images des enfants doivent être stockées en toute sécurité et ne doivent être accessibles qu'aux personnes autorisées. Limiter la diffusion : les images ne doivent pas être diffusées plus largement que nécessaire, et les personnes qui y ont accès doivent être informées de leur devoir de respecter le droit à l'image des enfants. Enfin, éduquer et sensibiliser : les adultes doivent être sensibilisés au droit à l'image des enfants et à la manière de respecter ce droit ; les enfants doivent également être informés de leurs droits et de la manière de les protéger.

Les parents ont un rôle fondamental à jouer pour garantir le respect du droit à l'image de leurs enfants. Ils sont les premiers à devoir prendre les mesures nécessaires pour protéger la vie privée de leurs enfants et veiller à ce que les images de ces derniers soient utilisées uniquement dans des circonstances appropriées et avec leur consentement.

La législation européenne est également importante pour garantir le respect du droit à l'image des enfants : elle impose des limites strictes à la diffusion et à l'utilisation d'images d'enfants, en particulier dans les cas où cela pourrait porter atteinte à leur dignité et à leur intégrité morale.

L'autorité parentale est une autre composante essentielle pour garantir le respect du droit à l'image des enfants : les parents ont la responsabilité de protéger leurs enfants contre les abus, y compris les abus en ligne et l'exploitation de leur image. Ils doivent donc être conscients des risques et prendre des mesures pour protéger leurs enfants.

La pédocriminalité est un danger potentiel pour le respect du droit à l'image des enfants. Les parents doivent donc être vigilants et surveiller attentivement l'utilisation des images de leurs enfants en ligne. Il est également important que les enfants soient éduqués et avertis sur les dangers potentiels liés à l'utilisation de leurs images en ligne.

Les influenceurs, sur TikTok et autres réseaux sociaux, ont également une responsabilité importante en matière de respect du droit à l'image des enfants. Ils doivent être conscients des risques et des conséquences potentielles de l'utilisation des images d'enfants sur leurs comptes et s'assurer que toutes les images sont utilisées de manière appropriée et avec le consentement des parents.

La dépression chez les enfants en âge scolaire peut également être exacerbée par l'utilisation inappropriée de leurs images en ligne. Les parents doivent donc veiller à protéger leurs enfants de toute utilisation abusive de leur image, et les éduquer sur la manière de se protéger en ligne.

En appliquant ces mesures, nous pouvons garantir le respect du droit à l'image des enfants. La proposition de loi examinée ici nous y aidera.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte que je viens de vous lire n'a pas été écrit par moi : il est un pur produit de l'intelligence artificielle ; il est l'œuvre d'une machine. Pourquoi avoir utilisé ce stratagème ? Pour appeler votre attention sur la révolution en cours. Celle-ci ouvre des horizons même si elle a encore beaucoup de limites, mais, dans tous les cas, elle fait surgir de nombreuses questions et peut aussi nous inquiéter. L'intelligence artificielle est déjà dans nos vies, elle nous bouscule, et ce n'est qu'un début. Elle doit être au cœur de nos débats, et vite. Alors pardonnez-moi cette petite mise en scène, ce petit subterfuge,…

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…mais il me semble urgent que notre assemblée se saisisse du sujet, même si je ne nie évidemment pas l'importance de celui évoqué cet après-midi : le droit à l'image des enfants.

M. Roger Chudeau applaudit.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

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Je vais tâcher de ne pas être trop long car nous aurons l'occasion d'entrer dans les détails à l'occasion des échanges sur les amendements, mais j'aimerais revenir sur certains aspects du texte et vous remercier toutes et tous pour votre soutien.

Comme d'autres orateurs, madame Bordes, vous avez insisté à juste titre sur la nécessaire prise de conscience des parents. Peut-être que personne n'a jamais alerté certains d'entre eux sur les risques qu'ils faisaient courir à leurs enfants en les exposant de cette manière.

Pour illustrer ce problème, je rappelle souvent que nos parents nous ont transmis, lorsque nous étions enfants, une mise en garde qu'ils avaient eux-mêmes héritée des générations précédentes : ne pas monter dans la voiture d'un inconnu. Qui nous a expliqué, quand nous étions enfants, qu'il ne fallait pas donner sa photo à un inconnu ? Personne car, il y a quinze ans, internet en était encore à ses balbutiements, le smartphone et les réseaux sociaux n'existaient pas. Il faut évidemment une prise de conscience généralisée qui passe par l'éducation et la sensibilisation, et ce texte n'est qu'une petite pierre à l'édifice.

Quoi qu'il en soit, je veux saluer ce qui a déjà été fait par le passé : le permis internet pour les enfants ; la loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet – texte éminemment éducatif qui apprend à se comporter et à transmettre cet apprentissage à son enfant, ce qui en fait un outil de dialogue familial au fur et à mesure que l'enfant grandit, plutôt qu'un moyen de contrôle.

Mais que dire aux enfants si les parents eux-mêmes donnent le mauvais exemple en partageant sans cesse des photos ? Comment être crédible quand on leur explique ensuite qu'il ne faut pas donner sa photo à un inconnu ? C'est bien pour parvenir à cette prise de conscience, ma priorité, que j'ai souhaité travailler sur le code civil.

Quand ils marieront un couple, les maires et adjoints auront l'occasion d'expliquer l'intérêt de protéger la vie privée des enfants, et certaines choses seront écrites noir sur blanc – car le droit à l'image est souvent perçu uniquement comme une protection vis-à-vis de l'extérieur. De la même façon que les enfants peuvent désormais dire à leurs parents que la fessée est interdite – à cet égard, je rends hommage au travail effectué par Maud Petit au cours de son précédent mandat –, ils pourront à l'avenir s'opposer à la publication de leur image sur internet.

J'espère que ce texte va participer à cette prise de conscience. Je ne le qualifierais pas de pédagogique parce que l'Assemblée nationale n'a pas vocation à faire de la pédagogie mais à sensibiliser. Il y a néanmoins une gradation dans les mesures. Je pense, par exemple, qu'il est utile de préciser la définition de l'autorité parentale jusqu'à aller vers sa délégation partielle.

Monsieur Kerbrat, merci pour vos propos. En étant un peu taquin, je dirais que vous n'êtes pas seulement d'accord avec moi mais que vous l'êtes aussi avec le Président de la République car c'est vraiment grâce à son engagement que les directives européennes – DSA et DMA – sont aussi ambitieuses. J'espère que nous aurons l'occasion d'en discuter au moment de voter sur leur transposition…

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En juin !

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…en juin, comme le précise M. le garde des sceaux, à travers l'un de ces projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue).

Cela me conduit à rebondir sur votre intéressant usage de l'intelligence artificielle, madame Ménard. Quelle est la responsabilité de ceux qui mettent en service un tel outil, capable de faire aussi de grosses erreurs ? Si j'interroge ChatGPT à mon sujet, il m'indique que je suis député du Haut-Rhin.

Sourires.

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Pour un député du Bas-Rhin, c'est problématique, même si nous faisons tous désormais partie de la Collectivité européenne d'Alsace. Vous avez éminemment raison de soulever les questions éthiques posées par l'intelligence artificielle. C'est grâce à la force des textes adoptés au Parlement européen que nous parviendrons, petit à petit, à imposer des règles de plus en plus contraignantes concernant ces puissants outils.

Madame Moutchou, à l'occasion de nos travaux sur les fausses informations, nous avions évolué sur cette ligne de crête concernant la liberté d'expression, de création et de communication sur internet. Comme je l'avais souligné lors de l'examen de la loi du 19 octobre 2020 sur les enfants influenceurs, il faut se réjouir de l'arrivée de nouveaux outils de création et de communication, mais ne pas oublier de rappeler des grands principes – à l'époque, il s'agissait de rappeler que le travail des enfants est interdit en dehors des dérogations accordées.

Monsieur Cinieri, il faut rappeler que les parents peuvent être mus par diverses motivations, notamment vénales – ne nous cachons pas que le nerf de la guerre reste l'argent. J'espère que certains y réfléchiront à deux fois, voyant la menace peser sur leur autorité parentale et le risque de perte du droit à l'image de leur enfant. D'autres parents mettent en scène leur enfant par simple attrait pour la viralité et la popularité, en n'ayant pas tout à fait conscience des conséquences éventuelles. Nous sommes bien placés, mes chers collègues, pour savoir qu'une popularité, ça se fait et se défait. Lorsqu'elle se défait, c'est très douloureux. Alors, que peut-on faire subir à son enfant dans ce domaine ? Lors du débat sur les articles, monsieur Cinieri, je vous répondrai plus précisément sur les dispositions que vous jugez superfétatoires.

Madame Desjonquères, vous avez raison : face aux pratiques qui évoluent, il faut accompagner les parents, ce que les enfants nous ont d'ailleurs demandé. La semaine dernière, Mme Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, a organisé un événement avec des enfants qui nous ont dit à quel point ils sentaient leurs parents démunis dans ce domaine. Il sera intéressant de voir quelles actions de sensibilisation seront mises en place grâce à l'action résolue du Gouvernement.

Madame Karamanli, je vous remercie pour vos propos. Nous aurons l'occasion de revenir sur la question légistique sur laquelle vous avez appelé notre attention en commission des lois. Pour ma part, je reste convaincu que l'article 4, qui offre au JAF un nouveau motif de procéder à une délégation forcée de l'autorité parentale, est novateur. Le garde des sceaux nous donnera son avis sur la question.

De votre intervention, madame Moutchou, je retiens le mot « équilibre » – le JAF fera ce travail.

Quant à vous, monsieur Iordanoff, vous avez raison de dire que le sujet est très sérieux. Cet après-midi, dans l'agitation contemporaine, nous prenons soin d'y consacrer quelques minutes, et je m'en réjouis, même si nous n'allons pas y apporter une réponse complète.

Comme vous le dites, madame Bordes, la loi ne peut pas tout. Lorsque j'ai défendu le texte visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, on m'a dit que ce n'était pas une solution miracle. Évidemment, la loi ne va pas dire à un parent qu'il n'a pas le droit de donner un téléphone portable la nuit à son enfant, même si nous savons qu'un tiers des adolescents se réveillent la nuit pour regarder s'ils n'ont pas des notifications. La loi ne peut pas tout, mais le fait que nous prenions le temps d'aborder ce sujet sérieusement a déjà eu un écho médiatique dans le pays. À cet égard, je remercie les journalistes qui font honneur à leur profession en donnant la priorité à un sujet aussi important que celui-là.

Si le droit à l'image existe déjà, il est très souvent perçu comme une défense par rapport à des personnes extérieures, ainsi que je l'ai déjà dit. Dans ce texte, nous voulons protéger l'enfant de ceux qui devraient être ses premiers protecteurs, mais qui peuvent faillir à leur mission : les parents. C'est pourquoi la durée de la délégation partielle sera déterminée par un juge qui pourra revenir sur sa décision aussi facilement qu'il l'a prise. Quant aux mesures d'assistance éducative, elles sont du ressort du juge des enfants. Pour ma part, je souhaite que nous en restions aux prérogatives du JAF et je demanderai donc le retrait de tous les amendements relatifs à des mesures d'assistance éducative.

Non, madame Bourouaha, les parents ne savent pas gérer ces situations parce qu'ils n'ont pas grandi avec ces outils.

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Ils ne savent pas que s'ils publient l'échographie de leur enfant avant même qu'il ne soit né, certains experts en imagerie pourront peut-être détecter tel ou tel aspect qui, à l'âge adulte, lui rendra difficile l'accès à un prêt bancaire. C'est compliqué. La reconnaissance faciale permettra peut-être de retracer toute une vie avec 1 300 images. Dans ce cas, le droit à l'oubli n'existe plus. Il faut vraiment alerter le public sur ces sujets.

Madame Descamps, quel plaisir de vous retrouver après ces cinq années passées ensemble à la commission des affaires culturelles et de l'éducation ! Merci beaucoup pour vos propos. Vous avez raison de le dire, vous aussi : la loi ne peut pas tout. Néanmoins, je reste optimiste et je pense que les mesures prises ici auront des effets dans la vie de tous les jours. Pour en avoir discuté avec des avocats et des JAF, je sais que la loi sur les enfants influenceurs a permis de rappeler à certains parents que le droit à l'image n'est pas anodin et que l'exploitation commerciale de l'image des enfants requiert l'accord des deux parents. Ces précisions sont utiles pour les praticiens du droit dont la mission est de protéger nos concitoyens, notamment les plus fragiles d'entre eux, nos enfants.

J'ai presque terminé, monsieur le président, mais je profite de votre bienveillante autorité…

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…pour remercier Mme Tanzilli pour son intervention. Je remercie aussi mon groupe, qui m'a soutenu, et Mme Bergé, qui m'a permis de défendre cette proposition de loi durant cette semaine de l'Assemblée.

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Pour en revenir à l'intelligence artificielle, madame Ménard, j'estime que nous avons intérêt à traiter ce sujet au niveau européen. Même si nous pouvons avoir des désaccords sur la méthode, c'est le bon échelon pour parvenir à imposer des règles à ces mastodontes qui soulèvent des questions renvoyant à de grands principes, notamment éthiques. Je répète ma question : est-il possible de mettre sur le marché un outil qui fait autant d'erreurs et vis-à-vis duquel nous semblons déjà en retard ?

Chers collègues, je vous prie de m'excuser d'avoir été un peu long, mais je souhaitais d'ores et déjà vous apporter ces quelques précisions.

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J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

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La parole est à M. Alexis Jolly, inscrit sur l'article.

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Au cours de la décennie écoulée, les réseaux sociaux ont eu pour conséquence d'accélérer l'immersion des enfants dans l'univers adulte, leur donnant une ouverture sur le monde que n'avait eue aucune des générations précédentes. La question des écrans et des réseaux sociaux a redéfini de nombreuses facettes de la parentalité et introduit de nouvelles difficultés auxquelles les familles n'étaient pas forcément préparées. En dix ans, le numérique a envahi notre quotidien parfois jusqu'à saturation, ce qui plonge certains parents dans le désarroi.

L'usage débridé et naturel des nouvelles technologies par les mineurs, qui consiste souvent à ouvrir son intimité personnelle et familiale au premier venu, parfois au détriment de sa sécurité, est devenu un enjeu sociétal de premier plan, ce qui nous oblige à procéder à des encadrements législatifs. Dès le plus jeune âge, la plupart des enfants ont le nez collé à leur tablette ou leur téléphone. Les adultes n'ont qu'une possibilité de contrôle très limitée sur ce que leurs enfants font de leur propre image, de ce qu'ils diffusent sur internet, si ce n'est par l'interdiction radicale des écrans.

L'insertion de la protection du droit à l'image comme extension numérique de la vie privée est une absolue nécessité. Elle pose un nouveau jalon dans l'intégration des risques liés au numérique à l'exercice de la parentalité. Pour ces raisons, le groupe Rassemblement national soutiendra l'article 1er .

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Je suis saisi d'un amendement, n° 30 , tendant à supprimer l'article 1er .

La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour le soutenir.

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Il s'agit évidemment d'un amendement d'appel, que je retirerai d'ailleurs avant sa mise aux voix. Je tiens toutefois à saisir cette occasion pour souligner que la précision introduite à l'article 1er me semble superfétatoire, dans la mesure où l'article 371-1 du code civil prévoit déjà que les parents veillent au respect dû à la personne de leur enfant. La vie privée de l'enfant est, à ce titre, implicitement protégée. On est donc en droit de s'interroger sur la plus-value de l'article 1er , l'article 371-1 étant déjà très explicite sur les droits et devoirs des parents. Il ne me paraît pas nécessaire d'alourdir le code civil en y ajoutant des explications qui tombent sous le sens.

Je sais bien qu'il est parfois bon de rappeler ce qui semble aller de soi – je suis la première à défendre cette position, estimant qu'il vaut quelquefois mieux écrire les choses noir sur blanc dans la loi plutôt que de les sous-entendre –, mais je sais aussi combien il peut se révéler problématique de modifier le code civil. Voilà pourquoi j'ai déposé cet amendement de suppression de l'article 1er , que je retirerai toutefois si le rapporteur et le ministre me répondent.

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Non seulement je vous réponds, mais je vous demande effectivement de retirer votre amendement, plutôt que d'émettre un avis défavorable qui ne serait pas du meilleur effet pour entamer la discussion. Je comprends votre position. Toutefois, l'amendement n° 20 , que nous examinerons prochainement et sur lequel j'émettrai un avis favorable, me paraît de nature à répondre en partie à votre préoccupation.

Je ne pense pas qu'il faille laisser passer l'occasion qui nous est faite de moderniser le code civil. Vous avez raison de souligner qu'il ne faut y toucher que d'une main tremblante, mais je suis convaincu que la précision dont il est question ici est nécessaire. Nous devons saisir cette chance de mettre en exergue un enjeu qui, me semble-t-il, mérite d'être explicitement mentionné dans le code civil. Je laisserai néanmoins le garde des sceaux développer davantage ce point. Demande de retrait.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

N'est-il pas vrai que ce qui va sans dire va parfois mieux en le disant ? C'est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement. Comme le rapporteur l'a rappelé avec brio, nous affrontons, au fond, des réalités nouvelles. Certes, le code civil protège déjà l'enfant, mais face aux phénomènes d'exposition, et même de surexposition, contre lesquels nous entendons lutter, il me paraît utile que la loi soit précise. Après tout, même si nous savons que c'est quelque peu illusoire, nul n'est censé ignorer la loi. La résonance de ce texte fera ainsi réfléchir certains de ceux qui exposent leurs enfants dans les conditions que nous savons et que – je le note avec beaucoup d'intérêt – nous dénonçons tous ici cet après-midi.

L'amendement n° 30 est retiré.

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La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement n° 20 .

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Nous convenons tous de la nécessité, pour responsabiliser les parents, de leur rappeler que la vie privée de leur enfant est très importante. L'amendement déposé par notre collègue Guillaume Gouffier Valente et moi-même vise à décaler la mention de la vie privée prévue à l'article 1er de la proposition de loi : plutôt que d'ajouter les mots « notamment à sa vie privée » à la fin de l'article 371-1 du code civil, comme vous le proposez, nous souhaitons muscler le texte et mettre davantage en valeur la notion de protection de la vie privée en la faisant figurer parmi les objectifs énoncés à l'article 371-1, juste après la sécurité et la santé de l'enfant. La suppression du mot « notamment » ferait de la protection de la vie privée de l'enfant un objectif plein et entier, et permettrait aux parents de mieux prendre conscience de son importance. Nous proposons donc d'adopter une rédaction un peu plus directive que celle induite par l'usage du terme « notamment ».

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Ce n'est pas l'ancien président de commission que je suis qui prétendra que l'usage du mot « notamment » est à privilégier lorsqu'on écrit la loi. Je vous remercie donc pour votre proposition, d'autant que vous avez retiré d'autres amendements. J'émets un avis favorable à cette modification, qui répondra en partie aux préoccupations exprimées sur l'ensemble des bancs de cet hémicycle.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est notamment favorable.

Sourires sur quelques bancs.

L'amendement n° 20 est adopté ; en conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

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La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement n° 23 portant additionnel après l'article 1er .

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Après le code civil, mon collègue Guillaume Gouffier Valente et moi-même souhaitons que l'obligation de protéger la vie privée de l'enfant soit également mentionnée à l'article 227-17 du code pénal, lequel sanctionne « [l]e fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur ». Il s'agit d'y reprendre les objectifs énoncés à l'article 371-1 du code civil, dans un souci de coordination.

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Dès lors que nous disposons d'une autre option pour assurer cette coordination, je demande le retrait de l'amendement. Nous prévoyons déjà d'instaurer une délégation forcée de l'autorité parentale, qui est une décision très lourde de conséquences. La justice pénale peut en outre déjà prendre le relais si les parents ne respectent pas l'interdiction qui leur est faite d'utiliser le droit à l'image de leur enfant en dehors du cadre familial et amical.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il est identique. L'article 227-17 du code pénal incrimine le fait, pour un parent, de se soustraire à ses obligations légales envers son enfant, et ce de façon très large. Au vu de sa rédaction, votre demande est satisfaite. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

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Conformément à vos demandes, je retire mon amendement, mais j'insiste sur la nécessité de nous assurer que le respect de la vie privée de l'enfant sera bien pris en considération dans les cas visés par cet article.

L'amendement n° 23 est retiré.

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Sur l'amendement n° 14 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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La parole est à M. Alexis Jolly, inscrit sur l'article.

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La question du droit à l'image des enfants est entrée dans une nouvelle dimension à l'ère des réseaux sociaux et de la communication à tout va. Disposant maintenant de plusieurs années de recul, nous sortons peu à peu de l'angélisme quant à l'usage de ces plateformes numériques où se multiplient les excès en tous genres, qui ont systématiquement trait à l'hypersexualisation et à la marchandisation des corps.

Ce phénomène, qui frappe de plein fouet les plus jeunes, suppose que les parents soient associés étroitement au contrôle et à la limitation de ces pratiques nocives et dangereuses. Cette démarche doit s'accompagner d'une responsabilisation des parents, qui usent du droit à l'image de leur enfant de façon parfois excessive – car, rappelons-le, le cadre familial constitue en principe un lieu d'intimité, où l'enfant doit évoluer en toute sécurité et se construire psychiquement sans intrusions perturbatrices de l'extérieur.

Or la diffusion parfois excessive, sans aucun filtre, d'images d'enfants – pour certains très jeunes – sur internet est contraire à ce principe. Rappelons que l'image, au sens noble du terme, n'est pas un objet comme un autre : elle renvoie à notre conception profonde de la personne humaine. Dans tous les siècles passés, les traditions philosophiques ont accordé une place fondamentale à la question de la nature et de la dignité de l'image : il s'agit d'une question anthropologique et éthique de tout premier ordre. L'image, si elle n'est pas une extension de la personne, reste une projection éminemment liée à celui ou à celle qu'elle représente.

L'encadrement des dérives relatives à l'image des plus faibles est ainsi un véritable enjeu de civilisation. Il revient aux parents d'exercer ce droit fondamental pour leurs enfants si ces derniers ne sont pas suffisamment âgés ou matures pour en faire usage selon leur propre intérêt. Le Rassemblement national votera donc en faveur de l'article 2.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l'amendement n° 14 .

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Les enfants sont surexposés sur les réseaux sociaux, et ce dès leur plus jeune âge, à travers leur propre compte ou celui de leurs parents. On estime qu'avant d'atteindre l'âge de 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne, sur ses propres comptes, ceux de ses parents ou de ses proches. Ces images, qui finissent parfois sur des sites pédopornographiques – 50 % des images qui y sont diffusées ont initialement été prises par les parents –, peuvent ensuite porter préjudice à l'enfant. Il convient donc de rédiger plus précisément l'alinéa 2 de l'article 2, en y faisant figurer l'impératif que constitue la sécurité de l'enfant.

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Si je partage votre préoccupation, les objectifs que vous souhaitez intégrer à l'article 372-1 du code civil seraient concurrents de ceux déjà énoncés à l'article 371-1 ou présenteraient un caractère redondant. Plusieurs de nos collègues ont rappelé, à raison, qu'il faut faire preuve de prudence au moment de modifier le code civil. Je souhaite donc que nous conservions la rédaction sur laquelle nous nous sommes accordés précédemment. Demande de retrait.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Les textes consacrés à l'autorité parentale se réfèrent traditionnellement à la sécurité, à la santé et à la moralité de l'enfant. C'est le cas de l'article 371-1 du code civil – M. le rapporteur vient de le rappeler –, mais également de l'article 378-1 du même code, ainsi que de l'article 145-5 du code de procédure pénale.

Vous proposez de faire référence à la sécurité, à l'intégrité et à la réputation de l'enfant. Les notions de sécurité et d'intégrité sont en quelque sorte redondantes, tout comme le sont celles de réputation et de sécurité, la sécurité réputationnelle d'un enfant faisant partie de sa sécurité. Dans ces conditions, votre demande me semble satisfaite. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

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Nous voterons contre cet amendement, car, comme le rapporteur l'a souligné, il ne faut toucher au code civil que d'une main tremblante. L'introduction de notions floues ou redondantes dans un texte de loi crée des risques de divergences d'interprétation que nous ne pouvons pas accepter. Nous nous opposons donc à cet amendement, car nous estimons nous aussi que le droit au respect de la vie privée de l'enfant est déjà suffisamment protégé par l'article 2 dans sa rédaction initiale.

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J'entends les arguments du ministre. Je maintiens néanmoins mon amendement, car plusieurs associations, notamment de défense des familles, m'ont demandé, à juste titre, de le déposer.

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Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur.

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Je salue toutes les associations qui œuvrent à rendre le numérique plus sûr pour nos enfants et je comprends que M. Cinieri ne retire pas un amendement qu'elles lui ont soumis. J'ai exposé les raisons juridiques qui m'ont poussé à en demander le retrait et je reste défavorable à son adoption, mais je tiens à apporter cette précision.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 82

Nombre de suffrages exprimés 79

Majorité absolue 40

Pour l'adoption 17

Contre 62

L'amendement n° 14 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement n° 21 .

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Dans le même esprit que l'amendement n° 20 , nous souhaitons insister sur la notion de droit à la vie privée de l'enfant. Nous souhaitons en effet compléter l'article 226-1 du code pénal, relatif aux atteintes à la vie privée, en précisant que l'expression du consentement des parents pour l'enfant implique le respect du droit à sa vie privée.

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Il s'agit d'un simple amendement de coordination, fidèle à l'esprit du législateur, puisque vous ne créez pas de nouvelle infraction ni de nouvelle peine. Par conséquent, je donne un avis favorable.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Sagesse.

L'amendement n° 21 est adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 84

Nombre de suffrages exprimés 84

Majorité absolue 43

Pour l'adoption 84

Contre 0

L'article 2, amendé, est adopté.

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La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 1 .

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Il vise à rappeler que la décision du juge aux affaires familiales doit toujours être guidée par l'intérêt de l'enfant. Le présent article prévoit la possibilité, en cas de conflit entre titulaires de l'autorité parentale, d'interdire à un parent de diffuser du contenu sans l'accord de l'autre parent. Cette mesure forte ne doit être prononcée que dans la recherche de l'intérêt de l'enfant.

Pour rappel, l'article 388-1 du code civil prévoit justement que, dans le cadre de toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut demander à être entendu lorsque son intérêt le commande. Dans le cas précis du droit à l'image de l'enfant, il sera nécessaire pour le juge de solliciter l'enfant sur les actes non usuels, objet du conflit entre les parents. Enfin, la mention de la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant permettra également de borner le dispositif et d'éviter qu'il ne soit utilisé de manière détournée par l'un ou l'autre parent en cas de conflit – situation hélas trop fréquente – au sein du cercle familial.

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Plutôt qu'un avis défavorable, je formulerai une demande de retrait car votre amendement est satisfait. Je justifierai ce point de vue en citant l'article 373-2-6, lequel prévoit que « le juge du tribunal judiciaire délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs ».

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis pour les mêmes raisons.

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J'ai bien entendu votre demande. Cependant, l'amendement ayant été déposé par un collègue qui est absent au moment où je vous parle, je ne me sens pas autorisé à le retirer.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

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Sur l'article 3, je suis saisi par le groupe Renaissance d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Pascale Bordes, pour soutenir l'amendement n° 15 .

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Cet amendement de précision vise à permettre à la partie demanderesse à la procédure de saisir le juge aux affaires familiales soit – comme le prévoit la proposition de loi – sur la base d'une assignation en référé, laquelle donnera lieu à une décision qui n'a pas, au principal, autorité de la chose jugée, soit sur la base d'une assignation à bref délai, visée par les dispositions de l'article 1137, alinéa 2, du code de procédure civile.

Cette procédure d'assignation à bref délai est à ce jour davantage utilisée en droit de la famille par les praticiens, car elle donne lieu – comme l'assignation en référé – à une décision prononcée rapidement mais tranche le litige au fond et non de manière provisoire, à la différence du référé. La décision ainsi prononcée bénéficie de l'autorité de la chose jugée. La formulation que je vous propose permet donc de ne pas exclure une voie de droit largement plébiscitée en matière familiale.

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Dans ce type de situation, s'agissant de la protection des enfants, nous voulons évidemment qu'il soit possible d'aller vite. D'ailleurs, c'est déjà le cas. L'assignation à bref délai est une possibilité offerte au juge aux affaires familiales par l'article 1137 du code de procédure civile. Cette disposition s'appliquant de manière générale à l'office du JAF, il n'est pas nécessaire d'apporter la précision que vous évoquez. Je formule une demande de retrait car l'amendement est satisfait.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

L'article 1137, alinéa 2, du code de procédure civile donne déjà la possibilité de saisir le juge aux affaires familiales à bref délai afin qu'il tranche un conflit entre parents relatif aux modalités de l'exercice de l'autorité parentale. Cet article ayant une portée générale, votre amendement est satisfait et je ne peux donc que vous demander de le retirer.

Par ailleurs, lors de votre intervention à la tribune, dans la discussion générale, vous avez demandé, me semble-t-il – mais je ne pense pas me tromper –, que davantage de juges aux affaires familiales soient recrutés. Dois-je entendre dans ces propos la promesse que vous voterez les futurs budgets que je présenterai pour la justice de notre pays ? Sans aucun doute car, sans budget, on ne recrutera pas davantage de juges ni de greffiers ni de juristes assistants et il n'y aura ni nouveaux tribunaux ni places de prisons supplémentaires. Je crois bel et bien avoir entendu comme une promesse de l'aube de votre part.

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Les propos auxquels vous faites référence contenaient une pointe d'humour,…

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah zut !

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…qui ne vous aura pas échappé. Cela étant dit, si vous n'avez pas recours au 49.3, nous voterons évidemment cette ligne budgétaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe RN.

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Par ailleurs, vous avez dit, comme M. le rapporteur, que les choses devaient être énoncées clairement. Or la proposition de loi, telle qu'elle est rédigée, mentionne exclusivement le référé. Vous savez très bien que si l'on ne mentionne pas l'assignation à bref délai, certains esprits chagrins risqueraient de recourir uniquement à l'assignation en référé – je rappelle que les deux procédures sont très différentes. Par conséquent, je ne retire pas l'amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous me donnez l'occasion de confirmer que les dispositions de l'article 1137, alinéa 2, du code de procédure civile ont vocation à s'appliquer. J'en profite pour vous rappeler, puisque vous semblez l'avoir oublié, que le budget de la justice a été voté – c'était d'ailleurs la première des missions examinées – et que vous n'étiez alors pas au rendez-vous. Mais effaçons ce mauvais souvenir, vous serez au rendez-vous des prochains budgets,…

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…puisque vous réclamez davantage de juges aux affaires familiales.

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Si c'est pour voter pour le laxisme, ce n'est pas la peine !

L'amendement n° 15 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement n° 22 .

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Puisque cet amendement est le dernier que je soutiendrai, je tiens tout d'abord à remercier M. Studer pour son travail sur ce texte.

L'article 3 a pour objet de donner la possibilité d'interdire à un des parents de publier ou de diffuser un contenu sans l'autorisation de l'autre parent. Or, si l'on interdit sans expliquer pourquoi, cela peut poser problème. Ainsi, je vous propose, par cet amendement, de compléter l'article 3 en donnant au juge aux affaires familiales la possibilité de proposer un stage de sensibilisation aux dangers du monde numérique pour les enfants, à destination des parents, afin qu'ils comprennent pourquoi ils ne doivent pas continuer à publier des images de leurs enfants. Sans pédagogie, une interdiction n'est pas efficace.

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Votre amendement me donne l'occasion de revenir sur la question de l'accompagnement, que nous avions déjà évoquée en commission. L'idée d'un stage n'est pas mauvaise – j'y avais d'ailleurs pensé lors de mes travaux préparatoires –, cependant un stage de responsabilité parentale nous ferait entrer dans le champ du pénal. Or je souhaite que nous restions dans le champ du civil car nous ne voulons pas, avec cette proposition de loi, créer de confusion entre, d'un côté, ce qui est imposé aux parents auteurs d'infraction et, de l'autre, ce qui est proposé aux parents en difficulté.

Les dispositifs reposant sur le volontariat existent. Ils sont prévus par les articles L. 222-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles. Les services de l'aide sociale et les associations habilitées œuvrant dans ce secteur peuvent déjà les proposer.

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Je parlais bien du juge aux affaires familiales !

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La mesure que vous évoquez peut être prononcée par un juge des enfants. Or je souhaite que, pour rester fidèle à l'esprit de cette proposition de loi, nous nous en tenions aux décisions prises par le juge aux affaires familiales.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

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Il s'agit bien sûr d'un dispositif nouveau, je ne parlais pas des mesures que peut déjà prendre un juge des enfants et que vous venez d'indiquer. Mon amendement porte bien sur l'article 3. L'idée est que le juge aux affaires familiales dispose d'un levier supplémentaire, qu'il puisse, avant de prononcer une interdiction à l'encontre des parents – ou de façon concomitante –, proposer un stage de sensibilisation. Il ne s'agit pas d'une condamnation.

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J'avais moi-même proposé en commission des amendements allant dans le même sens – même si la mesure devait être prise dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. Or tel qu'il est rédigé, cet amendement vise à proposer une formation qui serait ensuite à la charge des parents. Il me paraît totalement inopérant : je ne vois pas comment, concrètement, une telle mesure pourrait être appliquée.

On peut envisager d'autres dispositifs qui correspondent non pas à des condamnations mais plutôt à des injonctions plus fermes à suivre des formations ou à bénéficier de mesures d'accompagnement dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance. Celui qui est prévu par cet amendement me paraît en tout cas peu efficace.

L'amendement n° 22 n'est pas adopté.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 87

Nombre de suffrages exprimés 87

Majorité absolue 44

Pour l'adoption 87

Contre 0

L'article 3 est adopté.

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La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 26 , portant article additionnel après l'article 3. Il fait l'objet d'un sous-amendement n° 33 .

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Il vise à prévenir les actes qui relèvent d'un manque de connaissance en matière de droit à l'image de l'enfant, ainsi que les conséquences du partage d'images et de vidéos sur internet et sur les réseaux sociaux. Il vise également à apporter aux familles qui en ont besoin un accompagnement individualisé.

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La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 33 .

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Je soutiens l'excellent amendement de ma collègue Mme Desjonquères. Compte tenu des dangers des réseaux sociaux, notamment du cyberharcèlement ou de la pédopornographie, il convient cependant d'ajouter la notion de sécurité de l'enfant. Tel est l'objet de ce sous-amendement.

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Sur l'amendement n° 8 , je suis saisi par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission ?

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Même si je comprends bien l'esprit de l'amendement, j'aurai deux objections à présenter. D'une part, il porte sur un autre contentieux, celui du juge des enfants – qui intervient en cas de danger pour l'enfant –, alors que les autres dispositifs concernent le juge aux affaires familiales. D'autre part, l'amendement me paraît satisfait car les atteintes graves à la dignité et à l'intégrité morale sont des mises en danger au sens de l'article 375 du code civil et le juge peut déjà décider d'un accompagnement au titre de l'article 375-2. Je proposerai néanmoins au Gouvernement d'insister, s'il le veut bien, sur ces deux aspects dans les circulaires transmises aux juridictions. Je demande donc le retrait de l'amendement et du sous-amendement.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis d'accord pour travailler sur ce dernier point, monsieur le rapporteur : après le vote du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, une circulaire précisera un certain nombre de dispositions.

Pour ce qui est de l'amendement et du sous-amendement, j'en demande le retrait du fait d'une confusion inopportune entre les rôles respectifs du juge aux affaires familiales et du juge des enfants. En revanche, je le répète, nous préciserons dans une circulaire ce que vous proposez et que je comprends parfaitement.

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Maintenez-vous votre sous-amendement, monsieur Cinieri ?

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Vous me rassurez, monsieur le ministre. Comme on dit : Chi va piano va sano e va lontano – Qui va lentement va sûrement et va loin. Je retire donc mon sous-amendement.

Le sous-amendement n° 33 est retiré.

L'amendement n° 26 est retiré.

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La parole est à Mme Mathilde Desjonquères, pour soutenir l'amendement n° 28 .

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Il a pour objectif de renforcer l'autonomie procédurale du mineur non émancipé qui se trouve dans la dépendance de ses parents, et qui ne peut agir que dans des conditions restrictives. L'idée est de proposer un accompagnement des familles, des parents. Le renforcement du droit à l'image de l'enfant ne pourra être plein et entier s'il ne peut s'en emparer lui-même.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis.

L'amendement n° 28 est retiré.

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La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir les amendements n° 8 , 9 , 10 et 11 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Nous vous proposons d'instaurer deux dispositifs. Le premier permettrait aux parents de signaler la diffusion ou la publication illicite d'une photo de leur enfant mineur. La plateforme concernée aurait dès lors l'obligation de traiter ce signalement par le biais d'une cellule composée de personnes physiques et non par celui de l'intelligence artificielle. La plateforme serait donc tenue d'obtenir le retrait de l'image de l'utilisateur mis en cause.

Le second dispositif concerne l'éducation parentale. Il convient en effet de bien noter que, derrière le droit à l'image, il est question de la vie privée de l'enfant mineur, notamment sur les réseaux sociaux. Or l'exposition numérique des enfants est exacerbée par l'avènement de l'influence, laquelle conduit souvent à l'accessibilité à des informations personnelles, ce qui a des conséquences non seulement sur l'intimité de l'enfant, mais également sur son intégrité morale ou physique.

Il est donc plus qu'urgent de mettre en place des garde-fous afin de réguler les contenus et de sensibiliser les utilisateurs. Les plateformes, les services de communication en ligne ou les réseaux sociaux, au même titre que les utilisateurs, se doivent de garantir l'intégrité des enfants. En l'absence de tels dispositifs, les services de communication au public en ligne encourraient une amende de 6 % de leur chiffre d'affaires mondial, comme c'est le cas pour les sanctions prévues par le DSA.

Les amendements n° 9 , 10 et 11 sont des amendements de repli reprenant les mêmes dispositions en réduisant à chaque fois d'un point le taux de l'amende encourue.

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Même si je comprends l'esprit de ces quatre amendements, il n'est pas tout à fait celui du texte. J'espère vous convaincre et, de toute façon, nous pourrons y revenir lors de la transposition du DSA, au mois de juin, quand nous examinerons le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne.

Tout d'abord, le présent texte ne vise pas les plateformes qui relaient des images d'enfants. Il faut savoir que la charte dite Studer – c'est l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom, qui a décidé de l'appeler ainsi, pardon pour cet exercice d'égocentrisme – prévoit qu'on peut introduire dans le droit souple des exigences qui reposent sur l'arme principale dont nous disposons et que nous ne devons pas négliger : l'enjeu réputationnel. TikTok avait, ainsi, de prime abord, refusé de signer cette charte qui contraindrait l'application à mettre en place des outils pour signaler les cas d'exploitation commerciale et donc de travail dissimulé d'enfants. Les plateformes doivent donc prévoir ces outils et un rapport annuel de l'Arcom établira le bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire. C'est le moyen que nous avons trouvé pour être en accord avec la réglementation européenne que nous n'avons pas encore transposée. Il faut, sous l'égide du président de l'Arcom Roch-Olivier Maistre, étudier la manière de renforcer les obligations des plateformes concernant la diffusion des images d'enfants.

Ensuite, vous visez les contenus publiés sans l'accord des parents. Or la proposition de loi traite des parents qui publient des images de leurs propres enfants. Reste que, pour les retraits d'images, plusieurs dispositions permettent déjà aux parents d'agir. Je comprends donc l'esprit de votre proposition. Je peux même y souscrire parce que j'ai eu ici, en toute transparence, des discussions sur la manière dont nous pourrions peser davantage sur les plateformes. Je donnerai néanmoins un avis défavorable si vous ne retirez pas vos amendements – ce qui ne présentera pas pour vous d'inconvénient tant la cause que vous défendez est juste.

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Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Merci pour votre proposition, madame la députée. Le présent texte porte toutefois vraiment sur l'autorité parentale, levier sur lequel nous devons rester concentrés. En outre, comme l'a suggéré Jean-Noël Barrot il y a quelques jours, il faut attendre la transposition du DSA et du DMA, lesquels portent sur l'ensemble des objectifs que vous visez et qui ont été défendus par la France à la demande du Président de la République – c'est donc un succès pour la France. Gardons la transposition du DSA et du DMA comme un totem dans un tabernacle…

J'en profite par ailleurs pour faire de la publicité pour le numéro vert 3018, à disposition des parents pour obtenir le retrait des contenus illicites, dans le cadre de la régulation souple que nous négocions. Des dispositifs très efficaces sont donc déjà en vigueur puisqu'ils permettent d'agir en moins d'une heure. Et grâce au DSA et au DMA, la loi consolidera ces règles souples obtenues par des associations engagées et par nos autorités de régulation.

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Nous reconnaissons volontiers les efforts faits par la puissance publique et nous sommes d'ailleurs très attentifs aux travaux du Conseil national du numérique (Cénum), qui publie des documents très à jour. Ce qui nous permet de constater qu'une partie de notre législation est un peu en retard par rapport aux évolutions technologiques – nous l'avons déjà évoqué en examinant en commission la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.

J'entends qu'on charge les parents, comme s'ils étaient l'alpha et l'oméga, sauf qu'en matière numérique ils ne peuvent être tenus pour responsables de tout : ils sont parfois démunis du fait que la technologie s'affranchit de l'autorité parentale – je pense à des publicités qui apparaissent dans les fils d'actualité. Aussi les plateformes ne peuvent-elles s'affranchir des technologies qu'elles développent et qui sont précisément conçues pour se passer de l'autorité parentale.

La question que pose, entre autres, Ségolène Amiot, est de savoir comment rendre les plateformes responsables alors que nous ne cessons de viser les parents. Certains, nous en avons auditionné, sont parfaitement informés puisque travaillant dans le secteur des technologies numériques : or ils s'estiment eux-mêmes démunis face aux technologies développées, face au marketing et aux environnements conçus précisément pour que les plateformes, j'y insiste, s'affranchissent de l'autorité parentale. Ce qui crée des conflits de loyauté avec l'établissement scolaire qui fait des efforts considérables pour prévenir les enfants – Mme la secrétaire d'État a eu raison de rappeler l'existence d'un numéro vert –, tandis que les plateformes ne sont préoccupées que par le développement de leur modèle d'affaires.

Ces amendements entrent en résonance avec les dispositions prises au plan européen et visant à taxer davantage les géants du numérique, les Gafam, à hauteur de 6 % si ma mémoire est bonne – une législation rejetée par l'Assemblée quelque temps auparavant.

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Ce débat est éminemment intéressant : les législations nationales ont parfois voulu être en avance et cela n'a pas systématiquement marché. Je me souviens que nous avons transposé les droits voisins des éditeurs de presse, ces plateformes qui aspiraient tous les contenus. L'Espagne avait ainsi légiféré avant que l'Union européenne ne s'en empare : or les grandes plateformes avaient fait savoir aux journaux espagnols qu'ils seraient déréférencés et indiqué qu'elles ne paieraient pas de droits voisins à l'Espagne. Ainsi, El Pais, El Mundo n'étaient plus référencés sur Google. Résultat : l'Espagne a négocié des droits voisins à 0 euro. Cela pour vous dire qu'il faut se reposer sur la force des textes européens.

Au-delà, en ce qui concerne la responsabilité des plateformes, la Cour suprême des États-Unis va prendre, probablement au mois de juin, une décision des plus importantes qui pourrait enfin trancher la question. On parle ici d'entreprises sises aux États-Unis ou, pire, en Chine.

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Or ces entreprises ont ici des obligations grâce à la législation européenne. Au mois de juin, la Cour suprême des États-Unis pourrait estimer que ces grandes plateformes sont non plus de simples hébergeurs mais des éditeurs – ce dont nous sommes tous convaincus : grâce à leurs algorithmes elles choisissent ce que vous pouvez voir. La situation actuelle, vous avez raison, met à mal certains principes alors que nous partageons cette passion pour la pédagogie et pour l'enseignement. Nous parlons beaucoup d'éducation à la sexualité mais, comme vous savez, vous pouvez bien y consacrer quinze ou mêmes trente heures, si vous voyez une vidéo porno, vous avez tout compris de la relation entre les hommes et les femmes telle que certains l'entendent – la conception de ceux qui font circuler cette vidéo sur internet. Et cela ruine les efforts que déploient les professionnels pour qui, par conséquent, c'est très difficile. Je prends cet exemple parce que nous avons bien conscience de ces enjeux.

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Vous avez tort : si vingt heures y étaient consacrées, nous serions contents !

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Vous avez raison et en présence des parents parce que certains ne viennent pas quand il s'agit d'éducation à la sexualité. Mais ce n'est pas le débat. J'affirme seulement que, sur le fond, sur la responsabilisation, je vous rejoins, mais que nous allons aussi loin que possible à présent et qu'au mois de juin nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la transposition du DSA et du DMA.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 85

Nombre de suffrages exprimés 67

Majorité absolue 34

Pour l'adoption 19

Contre 48

L'amendement n° 8 n'est pas adopté.

Les amendements n° 9 , 10 et 11 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Rodrigo Arenas, pour soutenir l'amendement n° 12 .

L'amendement n° 12 est retiré.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 24 et 31 , qui font l'objet de deux sous-amendements n° 36 et 34 .

La parole est à Mme Sarah Tanzilli, pour soutenir l'amendement n° 24 .

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Il vise à préciser l'office du juge aux affaires familiales lorsque la diffusion de l'image de l'enfant par les titulaires de l'autorité parentale porte gravement atteinte à la dignité et à l'intégrité morale de l'enfant. Nous l'avons évoqué tout à l'heure, c'est en particulier le cas des parents qui abusent de l'image de leurs enfants en les filmant au quotidien, en diffusant ces images sur des blogs familiaux, ou des parents qui piègent leurs enfants, les laissant se prendre à des canulars qui font peut-être rire d'aucuns mais certainement pas les enfants concernés, ainsi humiliés.

Afin que cette proposition de délégation forcée de l'autorité parentale soit adaptée, cet amendement vise à ce qu'elle ne puisse être que partielle et limitée à l'exercice du droit à l'image.

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La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 31 .

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L'article 4 prévoit un cas spécifique de délégation de l'autorité parentale en cas de mauvais exercice du droit à l'image d'un enfant par ses parents. Or, contrairement à la rédaction initiale du texte, qui introduisait une délégation totale, cet amendement vise à encadrer l'office du juge aux affaires familiales, afin qu'il ne puisse procéder qu'à une délégation partielle de l'autorité parentale relative à l'exercice du droit à l'image. Cette proposition est la conséquence des discussions que nous avons eues en commission. Je remercie à cet égard M. le rapporteur d'avoir continué de travailler à cette disposition avec nous, sachant que je serai également favorable aux sous-amendements n° 36 et 34 .

En effet, la délégation de l'autorité parentale constitue une mesure très sévère et nous estimons qu'elle doit être circonscrite s'agissant de l'exercice du droit à l'image : l'efficacité des dispositifs d'accompagnement s'en trouvera significativement renforcée.

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Le sous-amendement n° 36 de Mme Mathilde Desjonquères est rédactionnel.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le sous-amendement n° 34 .

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En cohérence avec mon sous-amendement n° 33 , j'estime qu'il convient d'adjoindre la notion de sécurité de l'enfant à celles de sa dignité et de son intégrité morale.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques et ces deux sous-amendements ?

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Cher Dino Cinieri, dans la droite ligne de ma réponse précédente, je vous demande de bien vouloir retirer votre sous-amendement. J'en comprends l'esprit, mais ne souhaite pas alourdir le texte.

Par ailleurs, je remercie Mme Tanzilli et M. Iordanoff pour leurs amendements identiques, qui susciteront sans doute l'adhésion au-delà de leurs groupes respectifs. Je leur donne un avis favorable, ainsi qu'au sous-amendement déposé par Mme Desjonquères – sous-amendement qui répond à une préoccupation exprimée par Mme Karamanli en commission.

Nous avons effectivement travaillé jusqu'à ce jour pour aboutir à la meilleure rédaction possible. Il convenait à cet égard de s'entendre sur la priorité qui, je le crois, était déjà clairement établie dans la version initiale du texte : celle de prévoir une délégation forcée partielle de l'autorité parentale en matière de droit à l'image. Pour dire les choses simplement, il s'agit de placer un tiers entre les parents et l'enfant dans l'éventualité où, à l'issue de l'ensemble du processus judiciaire – nous connaissons sa longueur –, le juge aux affaires familiales l'estimerait nécessaire et opportun dans l'intérêt supérieur de l'enfant – mesure à laquelle il pourrait mettre fin à tout moment.

Il me semble que l'intervention d'un tiers peut s'avérer salvatrice dans les cas les plus graves. En effet, pour m'être plongé dans cet univers depuis maintenant six ans et pour avoir préparé cette proposition de loi, je puis vous dire que les découvertes que j'ai faites progressivement, et qui ne font qu'effleurer le phénomène, sont, pour reprendre un terme employé tout à l'heure, plus déroutantes les unes que les autres et appellent notre action.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'aurai exactement le même avis que M. le rapporteur.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, d'avoir accepté de faire évoluer la réflexion. Cela étant, il demeure un élément à traiter, peut-être lors de la mise en application du texte. En effet, nous ne prévoyons pas la possibilité, pour un enfant, de saisir le juge lorsqu'un seul parent décide seul de l'utilisation de son image. Il serait selon moi intéressant que le ministère de la justice et vous-même, monsieur le rapporteur, meniez une réflexion sur ce point.

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Monsieur le rapporteur, vous m'avez convaincu. Je retire mon sous-amendement.

Le sous-amendement n° 34 est retiré.

Le sous-amendement n° 36 est adopté.

Les amendements identiques n° 24 et 31 , sous-amendés, sont adoptés ; en conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé, et les amendements n° 25 , 2 et 3 , ainsi que le sous-amendement n° 32 tombent.

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La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l'amendement n° 16 , portant article additionnel après l'article 4.

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La présente proposition de loi couvre les cas les plus graves dans lesquels l'exposition numérique des enfants par leurs parents porte atteinte à leur dignité ou à leur intégrité morale. Or, lorsqu'ils diffusent des images de leurs enfants sur les réseaux sociaux, les parents, dans leur majorité, n'agissent pas de manière dégradante ou malveillante. Ces pratiques n'en demeurent pas moins abusives et appellent un accompagnement des parents, lequel pourrait prendre différentes formes. À cet égard, les leviers à mobiliser pour sensibiliser les parents aux risques auxquels ils exposent leurs enfants sur les réseaux sociaux devraient faire l'objet d'une étude approfondie. Par cet amendement, je propose donc que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation du texte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur cette question.

Vous me répondrez qu'il s'agit d'une énième demande de rapport, mais le fait est que ce texte porte sur un sujet très complexe. Nous l'avons vu lors de la discussion générale : tout le monde y est favorable mais, dans le même temps, nous mesurons bien que le dispositif ne va pas assez loin et qu'il ne réglera pas à lui seul l'ensemble du problème. C'est pourquoi nous estimons qu'un rapport complémentaire sur les différentes mesures d'accompagnement des parents, lesquelles ne sont d'ailleurs pas nécessairement d'ordre légal et peuvent prendre la forme d'initiatives gouvernementales telles que des opérations de sensibilisation, pourrait être utile.

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Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par les groupes Renaissance et Démocrate (MODEM et indépendants) d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission ?

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L'ancien président de commission que je suis aura pour réflexe de donner au mieux un avis de sagesse, sinon un avis défavorable aux demandes de rapport.

Cela étant, votre amendement pose la question de la mobilisation de toutes les forces vives sur le sujet de l'exercice du droit à l'image des enfants. À cet égard, la loi de 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne portait déjà sur cette question. Le décret relatif à son article 1er a été publié il y a un an et nous attendons toujours celui devant être pris concernant l'article 3. Je ne manquerai pas de solliciter sur ce point M. Houlié, président de la commission des lois, afin que le Parlement évalue – c'est la voie que je privilégie toujours – l'application de la régulation du droit à l'image des enfants, régulation qui a donc été adoptée, d'abord, sous l'angle des abus de certains parents en matière d'exploitation commerciale, et est traitée de manière plus générale dans le cadre du présent texte.

Car cette loi de 2020 relative aux enfants influenceurs souffre évidemment de manques. Son article 1er dispose qu'une intervention est possible lorsqu'une relation de travail est établie et son article 3 – dont, je le répète, nous attendons toujours le décret d'application – lorsque l'enfant est l'objet principal de la vidéo en question. Or, s'agissant des vlogs familiaux, l'enfant ne fait parfois que passer dans le champ de la caméra et n'est pas l'objet principal de la vidéo, alors que le parent la monétise bel et bien ou en profite pour faire du placement de produit. Sans compter que la question des canulars se pose également. Le travail demeure donc devant nous.

Quoi qu'il en soit, par cohérence et fidélité vis-à-vis des fonctions que j'ai exercées, je demande le retrait de l'amendement.

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour ma part, je ne puis exciper d'une quelconque fidélité aux fonctions que j'ai exercées et ferai plutôt référence à celles que j'exerce présentement. Vous le savez, traditionnellement, le Gouvernement n'est pas favorable aux rapports. Il l'est d'autant moins que vous avez, de par l'article 24 de notre Constitution, la possibilité, et c'est très bien comme ça, de contrôler l'action du Gouvernement. Or vous avez compris que ces questions nous préoccupent tous, avec la même intensité, et que le Gouvernement sera à votre disposition pour vous dire ce que vous souhaiterez savoir. Je vous suggère donc également de retirer l'amendement, sachant qu'il n'y aura bien sûr pas l'ombre d'une obstruction de notre part vis-à-vis des questions légitimes que vous poserez.

L'amendement n° 16 est retiré.

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La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l'amendement n° 13 , visant à modifier le titre de la proposition de loi.

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Cet amendement vise à élargir l'objet de nos débats. Nous sommes, et c'est heureux, tous d'accord pour nous engager en faveur de la défense du droit à l'image des enfants. Nous proposons donc de ne pas parler uniquement du droit à l'image, mais du droit à la vie privée, suivant en cela la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui, il y a maintenant près de trente ans, a qualifié le droit à la vie privée de droit fondamental, garanti par les protections de notre pays et les dispositions les plus importantes de notre République : celles issues de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

La question est d'importance car, nous l'avons dit auparavant, 700 000 enfants sont victimes de cyberharcèlement chaque année et près d'un tiers des enfants auront connu ou connaîtront dans le futur cette forme d'agression et de mise en vulnérabilité. La vie privée en ligne, ce n'est pas que l'image : ce sont aussi des conversations, des sons, un ensemble de caractéristiques et d'échanges plus ou moins intimes qu'ont les enfants et les adolescents.

Ainsi cet amendement vise-t-il à affirmer à l'ensemble du pays que, si nous traitons ici du droit à l'image, nous souhaitons aller plus loin et que nous ne faisons que débuter une réflexion générale sur l'ensemble de nos droits. À l'heure où le numérique prend une place de plus en plus grande, les droits individuels à sa propre souveraineté deviennent une exigence fondamentale : je crois que nous nous entendrons sur ce point.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.

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Vous demandez à l'auteur et rapporteur du texte de modifier le titre auquel il a réfléchi, mais il est vrai que nous ne sommes jamais à l'abri d'une bonne idée !

Sourires.

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En l'occurrence, vous dites vouloir élargir le champ mais, si je puis me permettre, j'estime que le titre que vous proposez présente un danger. Vous souhaitez y ajouter les mots « et de leur vie privée en ligne », mais l'objet du texte ne concerne pas qu'internet. Le droit à l'image des enfants n'est pas qu'un droit en ligne.

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C'est pourquoi je vous propose de conserver le titre initial. Je l'ai expliqué tout à l'heure, mais cela me semble utile de le rappeler alors que nous achevons la discussion du texte : quand nous parlons de l'image d'un enfant, il ne s'agit pas uniquement de son visage ou de son corps : il peut également s'agir de son adresse, de sa chambre, de ses habitudes, de son doudou,…

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Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

De sa voix.

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…de sa voix, en effet. Voilà tout ce que recouvrent le droit à l'image et la vie privée de l'enfant, que nous voulons mieux protéger. Je vous rejoins donc sur l'objectif, d'ailleurs très clairement énoncé par Éric Delemar, Défenseur des enfants, qui, sous l'autorité de Mme la Défenseure des droits, a consacré son rapport 2022 à la question de la vie privée. Selon lui, l'une des principales demandes des enfants est que leurs parents leur demandent la permission avant de partager leur image sur les réseaux sociaux.

Ainsi, je le disais en présentation, de cette discussion parfois un peu technique, il faut que nous tirions des messages simples à faire passer, y compris aux enfants. La première est que l'une des grandes missions des parents au XXIe siècle est de protéger la vie privée de leurs enfants, le droit à l'image constituant une composante fondamentale. Ensuite, il convient de ne pas partager d'image de son enfant sans son accord. Mais que faire tant que l'enfant est tout petit, me demanderez-vous ? Eh bien, tant que l'enfant est tout petit, mesdames et messieurs, abstenez-vous de publier son image.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà !

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Nous avons répété les chiffres à l'envi, mais je les répéterai une dernière fois, car il faut qu'ils ressortent des débats. Avant qu'un enfant ait atteint l'âge de 13 ans, ce sont 1 300 images de lui en moyenne qui sont publiées. Et 50 % des images échangées sur les réseaux pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents. Abstenez-vous donc de les partager, puis demandez l'avis à vos enfants avant de le faire. Quant à vous, les enfants, osez refuser !

Nous ne devons pas en arriver à une situation, si bien décrite par Delphine de Vigan dans son livre Les Enfants sont rois, dans laquelle les enfants auront le sentiment que personne n'aura été là pour les protéger. Il est évident que la loi ne peut pas tout, mais nous incarnons les personnes à même de les protéger : en tant que législateurs, nous pouvons venir au secours des enfants, qui sont parfois les victimes d'abus. Ainsi venons-nous préciser que non, diffuser une image n'est pas un droit usuel, compte tenu des implications que peut avoir une telle pratique en matière d'usurpation d'identité, par exemple.

Dans les cas les plus graves, le juge aux affaires familiales pourra déléguer le droit à l'image à une tierce personne, mais cela ne nous exonérera pas d'alerter sur ce que peut signifier, pour un enfant, d'avoir les meilleurs moments de sa journée filmés ou photographiés par ses parents. Si nous pouvons les voir, c'est bien parce qu'un appareil photo ou une caméra les a immortalisés. Le débat que nous avons eu aujourd'hui recouvre des enjeux très vastes.

Je terminerai donc en vous remerciant tous pour les propositions que vous avez formulées, pour les propos que vous avez tenus et pour votre engagement sur ces questions, qui demeurent devant nous.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le rapporteur l'a dit : nous ne sommes pas à l'abri d'une bonne idée. J'ajoute que nous ne le sommes pas davantage d'une mauvaise. Je préfère le titre proposé par M. le rapporteur car il englobe toutes les images, au sens le plus large possible, alors que l'expression « en ligne » est plus restrictive. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 13 n'est pas adopté.

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Face à la multiplication des outils internet et à la complexité de leur utilisation, il est aujourd'hui plus que nécessaire de renforcer notre arsenal législatif. Je tiens donc à saluer cette initiative qui s'ancre parfaitement dans un écosystème législatif en faveur de la protection des enfants. Je me félicite de cette collaboration, car elle a permis d'aboutir à un texte pédagogique et de marquer un pas de plus vers un renforcement juridique du droit à l'image de l'enfant. Je tiens également à remercier M. le rapporteur et la chancellerie, qui ont fait le choix d'une véritable construction commune du texte en prenant en compte les réflexions des différents groupes. Je me félicite aussi que la délégation aux droits des enfants, présidée par ma collègue Perrine Goulet, se soit saisie du sujet, notamment à travers la mission flash dont les travaux ont soutenu ce texte.

Les réseaux sociaux permettent une intrusion sans précédent dans la vie privée de nos concitoyens. Il est donc plus qu'essentiel d'encadrer aujourd'hui ces pratiques. Cette loi de responsabilisation des parents permettra, nous l'espérons, une prise de conscience de l'importance de préserver la vie privée des enfants. C'est pourquoi le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera le texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RE.

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Cette proposition de loi a le mérite de jeter la lumière une question importante et de répondre à des préoccupations bien réelles, qui ont été identifiées par les spécialistes, ainsi que par les parents et les jeunes eux-mêmes.

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Nous aurions souhaité que cette proposition s'inscrive dans le cadre d'une réelle politique publique transversale.

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Nous regrettons que le droit à la protection du corps des enfants ne soit pas envisagé comme une priorité éducative partagée par les jeunes et les familles, ainsi que par l'ensemble des éducateurs et acteurs agissant aux côtés notamment des jeunes accompagnés. Une grande campagne publique médiatique aurait pu être envisagée. Nous voterons ce texte, avec l'espoir que notre demande d'une vision plus large de la question, tant évaluative que prospective, puisse être prise en considération par le rapporteur, par l'ensemble des groupes et, plus particulièrement, par le Gouvernement.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et Écolo – NUPES.

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Au-delà de la question particulière de l'usage abusif du droit à l'image des enfants et des cas emblématiques, que nous avons évoqués lors de l'examen de l'article 4, où les intérêts divergents dans l'exercice de ce droit se manifestent dans des situations très choquantes, l'objet de ce texte est d'abord d'accompagner les parents dans l'exercice de leur parentalité numérique. Il est essentiel de leur rappeler que le droit à l'image de l'enfant, démembrement du droit à la vie privée, est un droit précieux. La publication d'une photo de son enfant sur internet n'est pas un acte anodin et les parents doivent accompagner progressivement leur enfant en fonction de son âge et de sa maturité.

Le groupe Renaissance est très fier de voter ce texte présenté par Bruno Studer, dont l'engagement sur ces questions est très fort et continu depuis la dernière législature.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

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Le groupe Horizons et apparentés est très heureux que cette assemblée se soit saisie depuis la semaine dernière de la question de la protection de l'enfance pour renforcer, de manière unanime, notre arsenal législatif. Après la proposition de loi de notre collègue Laurent Marcangeli sur la majorité numérique et avant celle de notre collègue Caroline Janvier sur la surexposition des enfants aux écrans que nous allons examiner dans quelques minutes, l'Assemblée nationale continue de montrer qu'elle est capable de travailler de manière unanime. Nous tenons à saluer sa mobilisation.

Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.

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Cette proposition de loi porte sur le respect de la vie privée des enfants afin de garantir leur sécurité dans un monde où le numérique est désormais omniprésent. Consacré par l'article 16 de la Convention internationale des droits de l'enfant ainsi que par la directive SMA et par le DMA, ce principe doit être renforcé par une meilleure régulation du numérique. C'est pour cette raison notamment que le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 99

Nombre de suffrages exprimés 99

Majorité absolue 50

Pour l'adoption 99

Contre 0

La proposition de loi est adoptée.

Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI – NUPES, LR, Dem et Écolo – NUPES.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinq.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Caroline Janvier et plusieurs de ses collègues relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans (757, 909).

La parole est à Mme Caroline Janvier, rapporteure de la commission des affaires sociales.

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Trois heures et onze minutes : voilà le temps passé, en moyenne, par les enfants de moins de 2 ans devant les écrans en 2022 – nous parlons bien ici d'une moyenne, qui ne fait que s'accroître avec l'âge. Ce chiffre édifiant représente entre un tiers et un quart du temps normal de veille d'un enfant. Selon le chercheur en neurosciences cognitives Michel Desmurget, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, c'est l'équivalent de « 460 jours de vie éveillée » entre les âges de 2 et 8 ans, soit « l'exacte quotité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste ».

Tous les enfants ne sont pas égaux concernant le temps passé devant les écrans. Le milieu socio-économique dans lequel ils évoluent, le niveau d'études de leurs parents ou encore la composition familiale de leur foyer sont des facteurs déterminants en la matière. Les enfants des familles monoparentales sont également plus sujets à une surexposition aux écrans. Il ne s'agit évidemment pas de jeter l'opprobre sur leurs parents, qui n'ont parfois pas d'autre solution pour les occuper et qui pensent d'ailleurs souvent bien faire. Il ne s'agit pas davantage de nier en bloc les apports de certains usages des écrans, lorsqu'ils permettent par exemple de rester en contact avec des grands-parents ou des cousins éloignés.

Cette proposition de loi a pour ambition de donner à toutes les familles les mêmes clés de compréhension des risques d'une surexposition aux écrans. Nous parlons bien ici d'une « surexposition » ou d'« exposition excessive », des termes que toutes les personnes auditionnées, notamment les représentants de l'Inserm – l'Institut national de la santé et de la recherche médicale – ont jugés adéquats en ce qu'ils insistent sur la dimension quantitative du temps passé devant les écrans, indépendamment du contenu diffusé.

Les familles se trouvent submergées par une offre pléthorique de contenus diversifiés, que l'enfant peut malheureusement choisir de consommer frénétiquement jusqu'à adopter une conduite parfois addictive, les modèles étant conçus pour solliciter le circuit de la récompense – nous manquons d'ailleurs de données et d'informations sur le sujet, car les acteurs, les plateformes notamment, refusent de nous les donner. L'irruption soudaine et massive de ces nouveaux appareils numériques a bouleversé le quotidien des familles qui doivent faire face à un phénomène de technoférence. Nous savons à quel point le regard du parent est fondamental pour la construction et le développement de l'enfant. Or le regard est moins présent lorsque l'adulte utilise un écran. Ce trouble des interactions entre parents et enfants a des effets délétères sur le développement cognitif et social des plus petits et il nous faudra continuer à travailler sur ce sujet.

Les risques d'une exposition excessive des tout-petits sont multiples et désormais bien identifiés par la littérature scientifique. J'en préciserai au moins quatre. Les écrans nuisent tout d'abord à la qualité et à la quantité de sommeil, chez l'adulte comme chez l'enfant, car ils exposent à une lumière bleue. Pour les enfants de 6 à 36 mois, chaque heure quotidienne devant un smartphone ou une tablette réduit ainsi le temps de sommeil nocturne de presque trente minutes. L'exposition précoce aux écrans crée en outre des troubles d'apprentissage du langage, tant oral qu'écrit. Une étude de cas témoins menée en Ille-et-Vilaine a ainsi conclu que les enfants exposés aux écrans le matin, avant l'école, voyaient le risque de développement des troubles primaires du langage multiplié par six. Par ailleurs, une exposition excessive aux écrans favorise l'apparition de troubles de la vision et de symptômes oculaires comme une sécheresse ou une fatigue aggravée de l'œil. Selon certaines études scientifiques, une utilisation prolongée favoriserait même les risques de myopie. Enfin, surexposition aux écrans et risque de surpoids voire d'obésité sont intimement corrélés. Selon le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), il existe une relation linéaire croissante entre les deux : chaque heure quotidienne supplémentaire de télévision augmente de 13 % le risque d'obésité. Il est intéressant de noter que les enfants sont les premiers conscients des effets nocifs des écrans sur leur santé. Dans une étude récente menée sur des enfants de 7 à 17 ans, 43 % d'entre eux faisaient état de maux de tête et 42 % de difficultés d'endormissement.

Par la présente proposition de loi, il s'agit donc de réagir face à un véritable problème de santé publique. Je me suis engagée dans la construction de ce texte depuis maintenant trois ans : il est le fruit d'un long travail de concertation puisque, grâce à la plateforme purpoz.com, près de 2 000 contributions de citoyens et 450 propositions d'ajout ou de suppression ont permis de l'enrichir. Il était pour moi primordial d'associer étroitement les citoyens, tous concernés de près ou de loin par ce nouveau problème de santé publique.

La proposition de loi repose sur deux piliers : mieux sensibiliser aux risques les parents, en particulier les moins bien informés d'entre eux, tout en formant mieux les professionnels de santé et de la petite enfance, dans le cadre d'une politique publique de prévention ambitieuse. Nous savons que lorsque les parents sont informés des influences funestes des écrans et qu'ils se voient proposer l'instauration de règles restrictives précises, le niveau de consommation des écrans chute substantiellement, en moyenne de moitié. Il est donc primordial que tous les parents soient sensibilisés au temps volé par les écrans et soient soutenus pour bien accompagner leurs enfants.

Aussi l'article 1er , qui introduira un nouveau titre au sein du code de la santé publique dédié à la prévention des risques, prévoit-il plusieurs leviers d'action. D'abord, il énonce qu'il est du ressort de l'État de déployer une politique de prévention des risques liés à une exposition excessive aux écrans. Concrètement, cette politique se traduira par le développement d'outils de mesure des risques dans les lieux d'accueil des jeunes enfants, en particulier les écoles maternelles. L'article 1er donnera également une assise à la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr créée il y a deux ans à l'initiative des secrétaires d'État chargés de la transition numérique et de l'enfance. L'article 1er renforcera en outre la formation initiale et continue de tous les professionnels au contact des enfants de moins de 6 ans, en prévoyant une formation spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans. Cet article s'adresse par ailleurs aux parents en tant que consommateurs, à travers une double obligation d'affichage, sur le modèle de celles en vigueur pour le tabac ou certains produits alimentaires : il faudra, d'une part, inscrire des messages de prévention sur les emballages des produits concernés et, d'autre part, assortir les messages publicitaires promouvant ces produits de mentions préventives, à l'instar du désormais célèbre « manger, bouger » pour les produits gras et sucrés. Enfin, l'article 1er prévoit que les règlements intérieurs des établissements accueillant des jeunes enfants devront réguler l'utilisation des écrans et prévoir une politique de prévention des risques.

L'article 2 vise à renforcer les recommandations présentes dans le carnet de grossesse – l'un des premiers vecteurs d'information à destination des futurs parents. Il s'agira d'insister sur la nécessité d'un temps d'interaction entre les parents et les enfants non parasité par la présence des écrans. L'article 2 bis, introduit en commission, fait de la visite scolaire obligatoire des enfants âgés de 3 à 4 ans un temps privilégié de sensibilisation aux risques d'une surexposition. Quant à l'article 3, il vise à intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans dans les missions dévolues au président du conseil départemental, déjà chargé de la protection maternelle et infantile (PMI). En complément, l'article 4 associera les comités départementaux des services aux familles dans la sensibilisation des professionnels de la petite enfance et des parents aux risques liés à la surexposition aux écrans. Enfin, l'article 5 fait du projet éducatif territorial un vecteur de l'information et de la prévention des risques liés à l'exposition excessive. Les temps périscolaires sont en effet encore trop souvent l'occasion pour les enfants de rester devant la télévision. Par manque d'informations ou de moyens, les personnels encadrants ont tendance à considérer la télévision comme une pratique culturelle acceptable, au détriment des activités sportives en extérieur dont les effets bénéfiques sur le bien-être des enfants ne sont pourtant plus à démontrer.

En conclusion, mes chers collègues, cette proposition de loi d'utilité publique permettra d'agir face à un enjeu nouveau, lié à la réalité numérique que nous connaissons désormais tous. Ce texte permettra de mieux protéger les enfants en réduisant les inégalités sociales entre les parents les mieux informés, à l'image des cadres de la Silicon valley et ceux qui, de bonne foi, sont induits en erreur quant aux bienfaits des écrans.

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La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enfance.

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Nous achevons un cycle de deux semaines au cours desquelles votre assemblée a examiné trois textes visant à mieux protéger nos enfants des risques de l'ère numérique. Vous avez voté les deux premiers textes, défendus par MM. Marcangeli et Studer, que je remercie pour leur contribution essentielle et innovante à la protection de nos enfants. Jamais deux sans trois : je le dis d'office, au nom du Gouvernement, je forme le vœu que vous adoptiez également le texte défendu par Mme Caroline Janvier, dont je tiens à saluer le travail et la force de conviction.

Récemment, un représentant des géants numériques, dits Gafam, m'a rendu visite. Il arborait sur sa cravate un personnage d'irréductible Gaulois qui résiste encore et toujours à l'envahisseur.

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

Nous avons apprécié le clin d'œil, cher monsieur : effectivement, nous sommes d'irréductibles Gaulois.

Les géants du numérique le savent bien, les Gaulois sont capables de tout : la loi « informatique et libertés » date de 1978 ; la loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne, de 2020 ; la loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui renforce le contrôle effectif de l'âge pour l'accès aux sites pornographiques, de 2020 également ; la loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet, de 2022. Oui, les Gaulois font peur aux grands du numérique. Ils leur font peur parce que, face à l'Empire, ils ne se résignent pas ; parce qu'à des opérateurs surpuissants, ils opposent leur arme favorite : le droit ; parce qu'à la foi béate dans les vertus du numérique – qui n'est souvent que le paravent d'un appétit commercial sans limites –, les lois votées opposent des obligations qui représentent un coût important pour les multinationales – nous le savons, et nous l'assumons. Surtout, nous leur faisons peur parce que, souvent mis au pilori à cause de notre isolement et de notre passéisme, nous finissons pourtant toujours par nouer des alliances et montrer la voie. Je l'ai dit à mon hôte amateur de Gaulois : la loi « informatique et libertés » de 1978 est devenue le règlement général sur la protection des données (RGPD) de 2016, qui irrigue maintenant les législations bien au-delà de l'Union européenne.

Tous les opérateurs le savent : nous ferons valoir partout notre volonté de réguler le numérique et de protéger nos enfants, en Europe évidemment, et au-delà s'il le faut. Nous le ferons d'autant plus facilement que nos alliés sont désormais au cœur de l'empire, aux États-Unis, et même dans le saint des saints des nouvelles technologies, la Californie. Dans son discours sur l'État de l'Union de 2023, le président des États-Unis a appelé à renforcer la législation relative à la protection de l'enfance en ligne, en demandant aux plateformes de « rendre des comptes sur les expériences qu'ils mènent sur les enfants à des fins lucratives », ajoutant qu'il était temps « d'adopter une législation […] tendant à empêcher la Big Tech de collecter les données personnelles des enfants et des adolescents en ligne, à interdire la publicité ciblant les enfants ». Dans la loi de finances pour 2023, le Congrès des États-Unis a adopté le Children and Media Research Advancement Act qui instaure un programme de recherche sur les effets de la technologie et des médias sur les nourrissons, les enfants et les adolescents, dans le domaine du développement cognitif, physique et socio-émotionnel en particulier. Plus révélateur encore, la Californie a adopté en 2022 le California Age-Appropriate Design Code, qui prévoit pour les opérateurs de nombreuses obligations, dont une étude d'impact approfondie concernant les effets potentiels sur les mineurs.

Un enfant a besoin de sécurité, de stabilité et de sérénité. Il a besoin de communiquer, de jouer, de toucher, d'observer, de sentir et, comme je l'ai déjà dit, de s'ennuyer. Surtout, un enfant a besoin d'être protégé. J'espère vous avoir convaincus qu'il s'agit là d'une vérité universelle. Le Président de la République en a fait une priorité. C'est pourquoi, depuis leur prise de fonction, tous les membres du Gouvernement concernés – Jean-Noël Barrot, Pap Ndiaye, Jean-Christophe Combe, Gérald Darmanin, François Braun, Éric Dupond-Moretti et moi-même – sommes à l'œuvre pour restreindre au maximum les risques que représentent les écrans et internet pour nos enfants, avec l'ensemble des parlementaires, notamment la délégation aux droits de l'enfant – que je salue –, les acteurs du numérique et les associations.

Par la présente proposition de loi, madame la rapporteure, vous souhaitez nous donner des outils nouveaux pour agir, avec un fil rouge : former et informer les professionnels, les parents et tous les adultes qui entourent les enfants. Votre objectif est de créer une politique publique de prévention des risques liés aux écrans numériques, en particulier pour les enfants de moins de 6 ans. Bien des parents, si ce n'est tous, sont inquiets, sans trop savoir de quoi. L'inquiétude est diffuse, mais elle n'est pas encore assez objective. Les messages sont souvent contradictoires, parce que le sujet peut être compliqué, parce que beaucoup d'acteurs ont intérêt à nuancer, voire à falsifier, les informations, parce que la révolution numérique est récente et encore en marche, parce que le recul peut manquer pour évaluer certaines de ses conséquences.

Pourtant, les choses sont assez simples. Le numérique offre à nos enfants des potentialités magnifiques, si et seulement si nous, adultes, prenons la mesure des excès possibles et des risques afférents, et que nous accompagnons son utilisation. En dehors de cet hémicycle, certains disent que rien ne prouve l'incidence funeste d'une exposition excessive aux écrans. C'est faux, vous l'avez souligné. Des scientifiques à l'étranger et de nombreux pédiatres en France nous mettent en garde : les risques sont réels et des parents toujours plus nombreux demandent de l'aide.

Évidemment, comme je vous le disais déjà jeudi dernier, l'essentiel aujourd'hui, dans votre assemblée, n'est pas de savoir s'il faut retirer un écran à son enfant au bout de dix-sept ou de cinquante-trois minutes. L'ampleur des risques peut se discuter, mais leur réalité est connue. On en dénombre cinq, qui sont au cœur de ma feuille de route pour la protection de l'enfance en ligne.

Le premier concerne l'utilisation excessive des écrans, dès le plus jeune âge. J'insiste sur le terme « excessive » car je sais qu'il fait débat au sein de votre assemblée :…

Debut de section - Permalien
Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance

…nous y reviendrons. Une telle utilisation provoque des comportements addictifs pour tous, des difficultés d'acquisition du langage chez les plus jeunes, des troubles du sommeil ou des troubles de la vision chez certains. Le deuxième risque concerne l'accès à des contenus légaux mais inadaptés à l'âge, parce que perturbants ou violents : ils portent atteinte à l'équilibre affectif, au développement ou à la santé physique et mentale des enfants.

Le troisième risque est lié à délinquance dont les mineurs sont souvent victimes par l'intermédiaire du numérique : cyberharcèlement, revenge porn ou pornodivulgation, grooming ou pédopiégeage, discrimination notamment. La pédocriminalité en ligne constitue un problème particulier. Le quatrième risque est relatif au détournement de l'image des enfants et plus largement de leurs données : 50 % des images retrouvées lors d'enquêtes pénales en matière de pédocriminalité sont des images détournées. Le cinquième risque est plus large : le quotidien des enfants et des jeunes est perturbé par le numérique, dans les familles et dans le cadre des relations sociales et affectives.

Dans la révolution que provoquent les usages numériques et les réseaux sociaux, il faut accompagner les parents et les réinvestir de leur responsabilité, en créant des outils pratiques pour les soutenir au quotidien. C'est le rôle des pouvoirs publics, du Gouvernement en particulier. Si la présente proposition de loi est adoptée, ce rôle de prévention sera déployé dans tous les aspects nécessaires, bien au-delà de la politique en vigueur, qui est bonne mais insuffisante et constituée de mesures trop éparpillées.

Tout d'abord, une politique de prévention doit être adossée à des savoirs précis et continûment mis à jour. Je l'ai souligné, seuls des esprits mal informés, ou de mauvaise foi, prétendent encore que nous ne savons rien des risques du numérique pour nos enfants. Mais, par essence, le savoir doit toujours évoluer, d'autant que la révolution numérique est récente et n'a pas encore donné ses pleins effets. En ce sens, madame la rapporteure, votre proposition de confier à l'État le soin de veiller au développement d'outils de mesure dans les lieux d'accueil des jeunes enfants est tout à fait intéressante. De plus, l'amendement déposé par M. Cyrille Isaac-Sibille et adopté en commission, qui vise à prévoir que l'Agence nationale de santé publique (ANSP) apportera son soutien, donnera à cette évolution sa pleine ampleur et toute sa légitimité.

Ensuite, une politique de prévention doit être facilement accessible. Seuls 12 % des parents se déclarent sereins quant à la consommation d'écran de leurs enfants, et plus de la moitié ignorent complètement leur vie en ligne. Aussi avons-nous lancé, en février, une campagne nationale de sensibilisation à la parentalité numérique, afin de redonner confiance aux parents pour remplir leur rôle et de rappeler cette règle simple : vous apprenez à vos enfants à nager, apprenez à vos enfants à surfer sur le net. Cette campagne renvoie vers le site jeprotegemonenfant.gouv.fr, que le Gouvernement a créé il y a deux ans, avec l'aide de nombreux partenaires. Votre proposition de créer une plateforme numérique permettra de consolider et de pérenniser cette initiative.

Le même souci d'accessibilité me conduit à approuver le projet d'introduire des messages de prévention dans le carnet de grossesse, selon une logique cohérente avec la politique des 1 000 premiers jours, déployée lors du dernier quinquennat.

Par ailleurs, une politique de prévention doit pouvoir s'appuyer sur des relais fiables et reconnus. Le savoir est toujours mieux acquis lorsqu'il est transmis, directement et personnellement, en étant adapté à son destinataire. Une plateforme numérique est précieuse : elle offre des détails à ceux qui veulent aller plus loin. Cependant, elle n'est pas accessible et compréhensible par tous. Et jamais, jamais, elle ne remplacera le conseil de l'infirmière de PMI ou du professeur des écoles, à la fin d'un rendez-vous ou pendant une sortie scolaire. C'est tout l'intérêt de votre proposition de former tous les professionnels – de la santé, du médico-social, de l'éducation nationale et de la petite enfance – aux risques que l'exposition aux écrans peut faire courir aux enfants de moins de 6 ans.

Une politique de prévention doit aussi responsabiliser les acteurs du numérique. Encadrement du travail des enfants influenceurs ; contrôle parental par défaut ; lancement du Laboratoire pour la protection de l'enfance en ligne par le Président de la République : sous l'impulsion de ce dernier et avec les solides contributions de votre assemblée, la France est devenue pionnière en matière de protection de l'enfance en ligne, en restant fidèle à ses valeurs, donc en conjuguant les vertus de la régulation et celles de la liberté d'entreprendre. Nous en sommes convaincus, les acteurs du numérique ont un rôle primordial à jouer dans cette entreprise, que ce soit pour contrôler l'accès des mineurs aux réseaux sociaux et à certains sites, pour réguler les contenus ou pour définir certains algorithmes.

Grâce à votre proposition d'inscrire des messages d'information sur les emballages ou dans les publicités, vous suivez également cette voie. Nous y reviendrons durant la discussion des articles : les échanges ont permis d'atteindre un point d'équilibre. L'essentiel est que les parties prenantes soient associées. Les pouvoirs publics doivent assumer leurs responsabilités. Toutefois, dans ces domaines qui sont au cœur de la vie quotidienne des Français et de l'activité économique, nous savons tous qu'avancer sans les experts, les associations ou les entreprises pourrait conduire à l'échec. Une politique de prévention doit pouvoir être déclinée dans tous les lieux qui accueillent des enfants. Le Gouvernement mène déjà une politique active dans les collèges et les lycées. En novembre, lors du premier comité interministériel à l'enfance, nous avons annoncé la généralisation de l'évaluation et de la certification Pix des compétences numériques et du passeport internet. C'est bien, mais insuffisant, j'en ai conscience, au regard de la précocité des risques pour nos enfants. Beaucoup, nous le savons, se joue dès la toute petite enfance.

Madame la rapporteure, votre texte vise à sensibiliser davantage, et plus tôt, enfants et parents : dans les services de protection maternelle et infantile, dans les établissements scolaires – primaires et écoles maternelles –, ainsi que dans les centres aérés et pendant les activités périscolaires. C'est une excellente solution, et vous pourrez compter sur ma détermination pour suivre l'application de ces nouvelles dispositions.

Avec votre proposition de loi relative à la prévention des risques liés aux écrans, nous achevons les discussions sur la protection des enfants en ligne. Elle vient compléter les deux autres textes, respectivement présentés par M. Laurent Marcangeli et Bruno Studer, que vos collègues députés ont choisi d'adopter. L'ensemble constitue un arsenal juridique qui complétera les dispositifs de protection de l'enfance en ligne. Ce texte est essentiel pour mobiliser la société et la sensibiliser aux dangers que les écrans représentent pour nos enfants, dans le cas d'un usage excessif et déraisonné. Il s'agit d'une étape importante et nous devons nous engager à la franchir. Mais nous ne bornerons pas là nos ambitions en faveur de la protection des enfants : le travail doit continuer, à tous les niveaux, en faisant participer tous les acteurs, en commençant par les familles elles-mêmes, premières concernées et responsables.

Je l'ai dit et je le répète, les écrans peuvent devenir la chance, mais aussi le mal du siècle. Il est nécessaire que les députés s'emparent de ce sujet pour appuyer l'action du Gouvernement. Pour l'intérêt supérieur de nos enfants, je vous en remercie.

Mme Anne Bergantz applaudit.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Antoine Léaument.

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Nous sommes réunis pour évoquer la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans. Pourquoi cette proposition de loi est-elle nécessaire ? D'abord parce que les écrans font désormais partie de notre vie quotidienne. Au travail, lors de nos loisirs, nous les utilisons en permanence et, ce faisant, nous y exposons nos enfants – même si nous leur donnons aussi des outils. L'exposition aux téléphones portables ou à la télévision et, plus globalement, les usages numériques exposent les enfants à ce que nous devons considérer comme un danger.

Je veux alerter notre assemblée : il faut que nous changions de paradigme car, je le répète et j'insiste, les écrans constituent un danger pour nos enfants – il faut appeler un chat un chat. C'est pourquoi nous allons batailler pour supprimer le mot « excessive » du titre de la proposition de loi car nous considérons que l'exposition, en tant que telle, constitue un poison pour les enfants. L'ensemble des études le confirme, l'exposition de ceux de moins de 3 ans aux écrans est dangereuse car elle provoque des troubles alimentaires et du sommeil, de l'hypertension artérielle et des troubles cognitifs et intellectuels. Le sociologue français Serge Tisseron propose une règle, celle des 3-6-9-12 : pas de télévision avant 3 ans, pas de console de jeux personnelle avant 6 ans, pas d'accès à internet seul avant 9 ans et pas d'accès aux réseaux sociaux avant 12 ans.

Malheureusement, on en est bien loin : à 2 ans, seuls 9 % des enfants sont tenus à distance des écrans, c'est-à-dire que neuf enfants sur dix ont accès à des écrans avant l'âge de 3 ans – alors que c'est normalement la limite inférieure pour y avoir accès ; 83 % des enfants de 2 ans regardent la télévision, en moyenne sept heures par semaine ; 20 % des enfants de 2 ans utilisent des smartphones ; enfin, un tiers des enfants de moins de 3 ans mangent devant un écran. Nous sommes donc loin des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de santé publique. C'est pourquoi il y a urgence à agir. Quand les choses vont dans le mauvais sens, vous pouvez compter sur les Insoumis pour être une opposition rigoureuse mais quand elles vont dans le bon sens, notre groupe sait aussi le dire. En l'espèce, madame la rapporteure, votre proposition de loi va dans le bon sens et nous la voterons.

Néanmoins, elle ne vise que la petite enfance. C'est un choix – nous l'avons compris, et débattu en commission. Nous aurions préféré un texte qui s'applique aux enfants de 0 à 12 ans, permettant de traiter la question de l'exposition de tous les enfants aux écrans. En outre, je l'ai déjà souligné, nous souhaitons supprimer le mot « excessive » du titre de la proposition de loi car – plusieurs d'entre nous sont d'accord –, il faut vraiment protéger les enfants. Le fait d'exposer les plus jeunes aux écrans doit désormais être considéré comme un danger – un poison – dans tous les cas, puisque votre proposition de loi ne vise que les enfants jusqu'à 6 ans. Nous allons donc batailler en ce sens.

Nous aurions également souhaité que l'on traite de l'éducation au numérique qui, seule, permettra de faire évoluer les pratiques. Les enfants eux-mêmes doivent être informés des dangers auxquels ils s'exposent en regardant des écrans ; c'est le rôle de l'école. Enfin, et nous en avons déjà débattu en commission, nous voulons défendre l'intérêt des enfants, qui s'oppose – c'est malheureux, mais c'est ainsi – aux intérêts des industriels. Nous avons déposé des amendements afin que les notices d'utilisation, notamment, comportent des alertes et des conseils sur les risques qu'encourent les enfants, et ce qu'il faudrait faire.

Telles sont nos propositions à l'issue du débat en commission. Je le répète, nous plaidons pour un véritable changement de paradigme et nous y insisterons : il faut qu'à l'issue de ce débat, on considère le fait d'exposer les enfants de moins de 3 ans aux écrans comme un danger, un poison.

Applaudissements sur les bancs du groupe LFI – NUPES. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.

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Ainsi que je l'ai souligné en commission des affaires sociales, cette proposition de loi n'est pas seulement une avancée importante en faveur de la santé des enfants, c'est également l'incarnation d'une méthode, une méthode qui honore notre rapporteure, Caroline Janvier, que je salue au nom du groupe Renaissance.

Si la genèse de cette proposition de loi est à chercher dans les nombreuses études scientifiques dénonçant les effets de la surexposition des enfants aux écrans, vous avez su enrichir votre texte au gré des contributions des citoyens sollicités à cette fin. Une telle approche illustre parfaitement l'état d'esprit qui anime les propositions du groupe Renaissance : le souci constant de répondre à des problématiques concrètes, tout en associant tous ceux susceptibles d'y apporter une solution optimale. Ainsi, lors de l'examen du texte en commission, chaque groupe a formulé des remarques pertinentes et suggéré des modifications, dont certaines ont été retenues afin de parfaire votre proposition initiale. Comme certains collègues des oppositions, je nous félicite collectivement pour la qualité de ces premiers échanges et formule le vœu que nous empruntions la même voie en séance publique.

Malgré l'intensité de certains de nos débats, mes chers collègues, je persiste à croire et à clamer que nous sommes capables de travailler ensemble sur des sujets d'importance – nous en avons ici une belle illustration – et je suis convaincue que notre assemblée s'honorerait à pérenniser cette méthode de travail, loin des heurts et des invectives qu'elle a malheureusement donné à voir ces dernières semaines.

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Sur le fond, nul ne peut nier la place grandissante du numérique au sein de notre société et, avec elle, celle des écrans. Nous sommes tous conduits, à un moment ou à un autre de la journée, à jeter un œil sur notre téléphone portable, notre ordinateur ou notre tablette – il est difficile de nier cette réalité, rien ne sert de la déplorer. Il s'agit de vivre avec son temps et de tirer profit de l'essor des nouvelles technologies. Néanmoins, il est d'autres réalités sur lesquelles nous ne pouvons fermer les yeux : l'usage excessif des écrans peut entraîner des conséquences particulièrement funestes sur la santé, notamment celle de nos enfants. Je ne reviendrai pas de manière exhaustive sur le contenu du rapport du Haut Conseil de la santé publique, qui dressait en 2020 un panorama des études scientifiques concernant l'impact des écrans sur la santé des plus jeunes. Il s'inquiétait des troubles du développement, de la perturbation du sommeil et de l'alimentation, des difficultés de l'apprentissage du langage, autant de maux qu'il est possible d'éviter, sous réserve d'un usage raisonné et raisonnable des outils numériques.

C'est précisément ce que propose le texte de la rapporteure, qui constituera la première pierre d'une politique publique ambitieuse de prévention contre les risques liés à la surexposition aux écrans. Loin de la technophobie dont elle a pu être taxée, cette proposition de loi équilibrée permettra au contraire de donner aux professionnels au contact de la petite enfance, ainsi qu'aux parents, des outils et clés de compréhension afin de faire le meilleur usage possible des produits et services numériques.

Notre groupe soutiendra bien évidemment l'adoption de ce texte et appelle de ses vœux un vote unanime, à l'image de celui exprimé en commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les bancs du groupe RE.

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Il y a quarante-huit heures, se tenait la Journée mondiale contre l'obésité et nous célébrons aujourd'hui la Journée européenne de l'orthophonie. Ces deux thématiques vous semblent peut-être diamétralement opposées. Pourtant, elles sont liées à deux des séquelles dont peuvent souffrir les enfants exposés très précocement, et surtout trop intensément, aux écrans. Beaucoup l'ont rappelé en commission. Mais il faut marteler ce message : la surexposition aux écrans chez les tout-petits peut entraîner des troubles sévères du développement et des difficultés physiques et psychiques importantes, dont voici une liste non exhaustive : ralentissement de l'apprentissage, problèmes de concentration et de mémorisation, troubles de l'attention, retard dans l'acquisition du langage, troubles cognitifs, troubles du sommeil, difficultés à maîtriser ses émotions, alimentation déstructurée ou encore manque de sociabilité. On pourrait ajouter d'autres effets collatéraux, comme la hausse du nombre d'otites et les acouphènes dus au port continu des écouteurs ou d'un casque durant les visionnages.

Il faut surtout bien comprendre qu'en cas de surexposition, l'écran se substitue aux interactions riches et variées que l'enfant devrait avoir avec son entourage, notamment ses parents, interactions qui, pourtant, doivent lui permettre de développer son langage, sa motricité manuelle et ses capacités d'attention et de maîtriser ses émotions. La surexposition des enfants aux écrans devient très préoccupante et la traiter est absolument essentiel. Je remercie notre collègue, Caroline Janvier, de nous donner l'occasion de légiférer sur cette question. Sa proposition de loi n'est pas technophobe. Comme elle l'a rappelé à plusieurs reprises en commission, le numérique fait partie de notre quotidien. C'est une évidence et c'est pour cela que le chantier semble colossal. Nous ne pouvons pas faire abstraction de la réalité – les écrans font partie de nos vies, de l'équipement des familles et nous ne pourrions travailler sans eux.

Mais, chez les enfants, cette situation se traduit par une consommation d'écrans que l'on peut qualifier d'alarmante : 68 % des enfants âgés de moins de 2 ans regardent la télévision tous les jours ; 26 % des nourrissons utilisent des smartphones et des tablettes pendant une heure par jour et c'est 38 % chez les enfants de plus de 4 ans ; 30 % des enfants de moins de 3 ans et 15 % de ceux de moins de 1 an mangent devant un écran. Nous n'avons donc pas tous un usage raisonné et raisonnable du numérique et il faut faire passer un message : la surexposition des tout-petits aux écrans est toxique pour leur développement. C'est une question de santé publique.

Dans une tribune publiée dans Le Monde en 2017, déjà, des professionnels alertaient : à 3 ans, de très jeunes enfants stimulés principalement par les écrans « ne nous regardent pas quand on s'adresse à eux, ne communiquent pas, ne parlent pas, ne recherchent pas les autres, sont très agités ou très passifs ». Les troubles les plus graves ressemblent à ceux du spectre autistique et ils sont réversibles si on limite ou supprime les écrans.

Comment faire ? Le défi est immense. Il est prioritaire de mettre l'accent, comme le propose ce texte, sur les campagnes de prévention, la bonne information des parents et leur accompagnement. En outre, ces derniers doivent comprendre que leur propre usage des écrans perturbe leur communication avec leurs enfants. Quel pourrait être le principal message à leur destination ainsi qu'à celle des professionnels au contact des jeunes enfants ? Peut-être qu'un écran n'est ni un jouet, ni une baby-sitter.

Enfin, il faut trouver le bon équilibre car tout excès nuit. Si, à partir de 4 ans, on préconise un usage modéré, voire très modéré, des écrans, avant 3 ans, le message qui fait consensus est très clair : c'est zéro écran. Adopter la règle du zéro écran avant 3 ans, c'est donner à l'enfant la capacité et la possibilité de découvrir, de se développer, de grandir et de s'épanouir. Le numérique pourra faire son apparition, mais plus tard.

Cette proposition de loi est au service d'une politique de prévention ambitieuse que le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) soutiendra et qu'il propose d'enrichir de ses amendements.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« La société est en train de préparer les invalides de demain. Certains souffriront d'ostéoporose à 35 ans. » Lorsque je l'ai auditionnée en septembre dernier, en ma qualité de rapporteure pour avis du budget de la mission "Sport, jeunesse et vie associative, " le docteur Sophie Cha, médecin conseiller à la délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes) de Bretagne, m'a ainsi alertée. Elle dénonçait la sédentarisation croissante de notre société, ses effets désastreux sur les enfants et les adolescents et, par conséquent, sur les adultes qu'ils deviendront et qui seront atteints d'obésité, de troubles du comportement et du langage, de manque de sommeil, d'hypertension artérielle. C'est par l'activité physique que les enfants gagnent leur capital physique, osseux et cognitif. Les comportements sédentaires, liés à la télévision, au téléphone portable et, surtout, aux écrans numériques, préfigurent les maladies chroniques de demain.

Ainsi la Fédération française de cardiologie a-t-elle estimé que les jeunes de 9 à 19 ans ont perdu 25 % de leur capacité cardiovasculaire en quarante ans. Dans ce contexte inquiétant, nous ne pouvons que soutenir la rapporteure, qui veut protéger les enfants de l'exposition aux écrans. La formation des professionnels de santé, du secteur médico-social et de la petite enfance à des modules spécifiques consacrés aux risques liés aux écrans numériques pour le jeune public ; l'ajout de mentions spéciales sur les emballages d'ordinateurs, de tablettes et de téléphones portables, afin d'informer les consommateurs des dangers liés à la surexposition aux écrans ; l'insertion de messages de prévention dans l'ensemble des publicités pour ces produits : ce sont autant de mesures qui nous semblent pertinentes pour sensibiliser les parents, les professionnels, les enfants eux-mêmes et, de manière plus large, la société, aux risques de l'exposition aux écrans numériques.

Vous avez pris en considération, madame la rapporteure, certaines des réserves que nous avions exprimées en commission. Ainsi n'étions-nous pas certains que rédiger, dans le carnet de grossesse, les recommandations aux parents relevait du rôle du législateur : nous vous remercions d'avoir su entendre nos doutes en renvoyant aux spécialistes compétents le soin de les formuler.

Nous continuons d'avoir des différends sur d'autres réserves, me semble-t-il : ainsi, nous ne pensons pas que la surexposition aux écrans numériques soit le fait de l'école et nous ne partageons pas votre méfiance quant au temps passé par les élèves sur les écrans. L'influence de mon rapport et les nombreuses auditions que j'ai effectuées me conduisent à considérer qu'en ce domaine, le besoin le plus urgent concerne la revalorisation de l'éducation physique et sportive (EPS) et l'amélioration de la formation des enseignants dans cette discipline, plutôt que le contrôle des activités et des enseignements assurés par les professeurs des écoles à l'aide de supports numériques. Les enseignants, les animateurs et les puéricultrices qui s'occupent chaque jour de nos enfants le font avec la meilleure volonté et sont les premiers à se battre contre l'utilisation abusive des écrans.

En revanche, nous sommes persuadés que ce problème de société provient avant tout des parents, insuffisamment alertés des dangers des écrans par leurs promoteurs, les publicitaires et les producteurs de contenus. Nous réitérons notre demande : eux doivent être contrôlés et obligés. Pour transformer vos bonnes intentions en mesures concrètes et opérationnelles, il faut les assortir de sanctions, comme il en existe en matière de publicité alimentaire. Pouvez-vous nous assurer que tel sera le cas ?

Enfin, les services de PMI, les acteurs éducatifs et les politiques de prévention ont moins besoin d'alinéas à insérer dans leurs documents que de moyens pour renforcer leurs effectifs, leur formation et la communication, comme je le soulignais dans mon rapport. Je terminerai mon propos comme j'ai commencé, avec les mots du docteur Sophie Cha : « Les enfants sont faits pour ça : faisons en sorte qu'ils bougent, sautent, et même, tombent de nouveau ! »

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La numérisation rapide et généralisée de notre société conduit à une multi-exposition aux écrans, à laquelle n'échappent évidemment pas les enfants les plus jeunes. Depuis de nombreuses années, pédiatres, psychiatres, professionnels de santé et de la petite enfance – et même l'Académie des sciences ! – ne cessent de donner l'alerte sur les conséquences de l'exposition des jeunes enfants aux écrans. En 2008, le ministère de l'éducation nationale indiquait déjà : « En France, les enfants passent plus de trois heures et demie par jour devant leurs écrans, autrement dit, plus de 1 200 heures par an à regarder la télévision, à surfer sur internet, à jouer sur leur console ou à envoyer des SMS, et seulement 900 heures sur les bancs de l'école. » C'était en 2008, il y a déjà quinze ans. L'exposition excessive aux écrans a des effets négatifs sur la santé et le bien-être des enfants, allant des troubles du sommeil à une perte d'autonomie, de la désocialisation à l'exposition à des contenus inappropriés tels que la pornographie, à des risques d'addiction, dont on parle trop peu, et au risque de harcèlement en ligne.

Face à ce phénomène, les parents sont en première ligne pour sensibiliser leurs enfants aux risques associés à l'utilisation des écrans et des réseaux sociaux, et pour les encourager à des pratiques saines et équilibrées en matière de temps d'utilisation. Ils se doivent de créer un environnement sûr et positif lors de l'utilisation des plateformes numériques. Comment faire ? En 2008 toujours, Serge Tisseron, pédopsychiatre, donnait quelques conseils simples aux parents dans son livre 3-6-9-12. Apprivoiser les écrans et grandir. Ces conseils, articulés autour de quatre étapes essentielles de la vie des enfants – l'admission en maternelle, l'entrée au cours préparatoire, la maîtrise de la lecture et de l'écriture, et le passage au collège –, peuvent être résumés ainsi : pas d'écran avant 3 ans – il faut à tout le moins s'efforcer de les éviter le plus possible ; pas de console de jeux portable avant 6 ans, parce qu'aussitôt les jeux numériques introduits dans la vie de l'enfant, ils accaparent toute son attention aux dépens des autres activités ; pas d'accès à internet avant 9 ans et une utilisation en présence des parents jusqu'à l'entrée au collège ; une utilisation autonome d'internet à partir de 12 ans, tout en veillant à un accompagnement effectif par les parents.

Serge Tisseron rappelait également que, si la règle des 3-6-9-12 était nécessaire, elle n'était cependant pas suffisante. Limiter le temps d'écran est essentiel, tout comme appliquer des règles claires d'utilisation des technologies numériques à la maison. Mais le rôle des parents implique également – cela tombe sous le sens, mais il vaut mieux le rappeler – de discuter avec leurs enfants des risques associés à l'utilisation excessive des écrans et, bien sûr – ou peut-être surtout –, de leur proposer d'autres activités de loisirs.

Car il faut bien le souligner, l'exposition des enfants est largement liée à l'usage souvent immodéré que font leurs propres parents des écrans. Il n'est pas rare de voir un enfant en concurrence avec les écrans pour appeler l'attention de ses parents. Qui n'a jamais vu un parent donner le biberon à son nourrisson tout en regardant ses messages sur son téléphone portable ? Et puis, soyons honnêtes, les écrans sont aussi largement utilisés par les parents pour calmer ou occuper les enfants, le temps pour eux de vaquer à d'autres occupations. L'écran devient ainsi la nouvelle nounou du XXIe siècle, très pratique et beaucoup moins chère.

Que faire, près de quinze ans après les bons conseils de la communauté médicale que trop peu d'entre nous suivent sérieusement ? Une nouvelle proposition de loi pour tenter de recadrer plateformes numériques et réseaux sociaux ? Pourquoi pas, même si son intitulé lui-même pose problème : une exposition excessive par rapport à quoi ? En juin 2018, la commission des affaires culturelles du Sénat avait publié un rapport, non pas sur l'exposition excessive des enfants aux écrans, mais sur leur exposition précoce : l'angle était probablement mieux choisi.

Votons donc ce nouveau texte, sans enthousiasme pour ma part. Si les enseignants et les autorités ont également un rôle à jouer, en fournissant par exemple des ressources éducatives et en menant des politiques de protection des enfants contre les contenus inappropriés et le harcèlement en ligne, j'avoue me poser encore la même question : tout cela ne relève-t-il pas de l'éducation parentale plutôt que du domaine législatif ?

MM. Olivier Serva et Frédéric Maillot applaudissent.

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Le petit Ernst a 18 mois, il est installé dans son lit à barreaux et tient entre ses mains une bobine, avec un fil. Ce petit garçon va passer un long moment à jeter la bobine en dehors du lit, hors de son champ de vision, et à la rapporter à lui en tirant sur la ficelle avec jubilation. Quand il jette la bobine, il accompagne son geste d'un « Oo-o-o », pour « fort », signifiant en allemand « loin », « là-bas », et quand il la rapporte à lui, d'un « da » signifiant « ici ». À travers ce simple jeu, souvent observé chez les enfants et décrit il y a plus d'un siècle par le célèbre grand-père du petit Ernst – Sigmund Freud –, se jouent bien des choses. Il faut prendre la mesure de la dextérité en motricité fine nécessaire au petit Ernst pour arriver à tenir le fil de la bobine, et de toutes les étapes préalables pour en arriver là – monter et faire tomber des cubes ou attraper de petits objets. On ne peut que prendre la mesure soit de l'imitation et de l'appropriation de ce jeu par ce petit garçon, soit de son invention et de la valeur pour l'enfant de la répétition. Depuis ce lit à barreaux se construit l'espace-temps, l'ici et l'ailleurs, le « fort » et le « da ». À travers ce jeu d'absence et de présence, cet enfant sort de la passivité devant l'angoisse d'abandon, de l'absence du parent et en devient un acteur, avec toute la jubilation de faire revenir l'objet disparu et de rendre ainsi soutenable l'absence. Ce jeu s'accompagne du langage, de l'entrée dans le symbolique.

Voilà tout ce qui peut se passer dans ce jeu et tout ce qui se passe, entre autres choses, durant les 1 000 premiers jours essentiels à la construction d'un enfant. Avant 3 ans, l'enfant a besoin d'interactions multimodales, c'est-à-dire impliquant tous ses sens, dont la mise en place à cet âge est essentielle : la motricité, le langage, les capacités d'attention et de concentration, et l'empathie émotionnelle, c'est-à-dire la capacité de constituer l'autre comme support de communication émotionnelle.

À partir de 2005, avec l'arrivée des smartphones et des tablettes, nous avons, dans un premier temps, pu nous extasier devant la capacité des tout-petits à les utiliser. Les enfants semblent sages devant un écran, parce qu'ils sont fascinés, hypnotisés. Il faut un temps pour tout : la règle est claire, pas d'écran avant 3 ans ; pas d'ordinateur ni de tablette jusqu'à 6 ans. Nous comprenons la cohérence de ce texte, mais nous regrettons qu'il n'aborde pas le sujet des enfants entre 6 et 12 ans.

D'après une étude de juillet 2018, 58 % des enfants de 0 à 5 ans utilisent un écran numérique mobile au moins une fois par semaine. Dans ma précédente vie de psychologue clinicien, j'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux enfants, souvent envoyés par l'école pour des problèmes d'apprentissage : difficultés à se concentrer, à écouter une consigne, à gérer leurs émotions. Fréquemment, les écrans occupaient une place importante et les parents étaient démunis, tiraillés entre le besoin de vivre dans leur temps, le souhait de ne pas exclure leur enfant d'une vie sociale, et la difficulté, pour certains, de prendre la mesure de l'omniprésence des écrans au quotidien. Tous les parents ne sont pas égaux dans l'accès à l'information relative à la dangerosité d'une surexposition des enfants aux écrans. C'est une question de santé publique : oui, nous devons protéger les enfants avec des messages clairs sur la dangerosité de l'exposition aux écrans avant 3 ans. Nous devons garantir la formation de tous les professionnels de la petite enfance, afin de permettre la meilleure prévention pour tous. Nous devons faire des rendez-vous médicaux obligatoires de l'enfant des lieux de prévention de l'exposition aux écrans.

De nombreux contenus se disant éducatifs n'ont jamais fait l'objet d'une évaluation : il n'existe pas de données scientifiques sur leur bien-fondé. Conformément aux recommandations de la commission des 1 000 premiers jours, il nous semble essentiel d'évaluer les contenus à visée éducative et de créer un label, afin de guider au mieux les parents. Avec ce texte, nous avons l'occasion et la responsabilité de protéger au mieux les enfants, pour leur permettre de grandir sans interférences et de s'outiller ainsi pour un bon usage du numérique dans leur vie future, qui sera assurément connectée. Ils auront aussi le droit à une vie déconnectée, riche de lien social et de créativité.

Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo – NUPES, LFI – NUPES, SOC et GDR – NUPES.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de l'examen de la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra