Intervention de Mathilde Desjonquères

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Desjonquères :

La révolution numérique et l'avènement d'internet et des réseaux sociaux ont transformé nos modes de vie et de communication en bouleversant les frontières entre ce qui relève de la sphère privée et ce qui tombe dans la sphère publique. Un phénomène très préoccupant tend à se généraliser ces dernières années : le sharenting. Ce terme apparu en 2013 dans le Wall Street Journal désigne une pratique consistant, pour les parents, à partager régulièrement des photos de leurs enfants sur les réseaux sociaux. Ces pratiques emportent de lourdes conséquences. Ainsi, à l'âge de 13 ans, un enfant a déjà en moyenne 1 300 images de lui qui circulent sur internet. Or 50 % des photographies qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux.

Comme vous l'avez très justement rappelé, monsieur le rapporteur, le respect de la vie privée des enfants s'impose comme une condition de leur sécurité, de leur bien-être et de leur épanouissement. Il est de notre devoir de nous en assurer. Face à la multiplication des outils offerts par internet et à leur complexité d'utilisation, il est fondamental de renforcer notre arsenal législatif. C'est pourquoi je tiens à saluer cette initiative qui s'ancre dans un écosystème législatif en faveur de la protection des enfants, pour lequel M. le garde des sceaux et Mme la ministre œuvrent, je le sais, avec force et détermination.

Il nous faut aller plus loin. Jusqu'à présent, le législateur s'est assuré de protéger au mieux les mineurs des différents dangers de l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux ; les pratiques évoluant, il nous incombe de trouver les leviers permettant de responsabiliser les parents dans l'exercice du droit à l'image de leur enfant. La Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié en novembre dernier son rapport annuel sur les droits des enfants : parmi les points abordés, l'exposition des mineurs sur les réseaux sociaux, notamment par leurs parents, qu'il s'agisse d'images, de vidéos ou de textes.

Si les mécanismes existants peuvent apparaître insuffisants, la mise en place de sanctions mesurées reste un impératif. Les mesures encourues doivent être proportionnées à la gravité des actes. Nous devons éviter de sanctionner trop lourdement les actes qui relèveraient d'un manque de connaissance du droit à l'image de l'enfant et des conséquences du partage de leur image sur internet et les réseaux sociaux. En revanche, lorsqu'il y a une intention de porter gravement atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale de l'enfant, la sanction encourue peut être lourde, à condition d'être précédée de mesures d'accompagnement. En effet, si la diffusion d'images sexualisées, voire violentes, peut justifier des sanctions, la diffusion de photos d'un enfant dans son quotidien ne pourrait être réduite à une défaillance et faire l'objet d'une sanction répressive. Ces situations appellent généralement des mesures éducatives. En effet, la prévention, la pédagogie et l'accompagnement des parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant sont des préalables dont nous ne pouvons faire l'économie. Les familles ont besoin d'un accompagnement individualisé.

Comme le recommande le Conseil de l'Europe, il est nécessaire de mettre en place une justice adaptée aux mineurs afin d'améliorer l'accès, la prise en charge et la participation de ces derniers aux procédures judiciaires. Le Comité des droits de l'enfant des Nations unies insiste, de son côté, sur la nécessité d'établir l'intérêt de l'enfant en consultation avec lui afin qu'il soit un véritable acteur de sa vie.

Pour tous les enjeux que je viens d'évoquer, il est nécessaire de nous accorder sur un texte opérant afin que nous, législateurs, continuions de garantir à l'ensemble des mineurs une protection suffisante sur internet. Notre groupe accompagnera votre démarche, monsieur le rapporteur, car elle vise à la préservation des seuls intérêts de l'enfant.

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