Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui est intéressante, bien qu'elle ne réponde qu'à une partie des attentes. Intéressante, car son objet – garantir le respect du droit à l'image des enfants – épouse des préoccupations bien réelles, identifiées non seulement par les spécialistes mais aussi par les familles, parents et jeunes compris. Elle est malgré tout, me semble-t-il, un peu en décalage par rapport aux attentes globales car elle ne vise qu'à préciser certains points de droit déjà largement acquis, sans s'inscrire dans une véritable politique publique à l'intention des familles et des jeunes, qui chercherait à les informer, à les prévenir et à leur apprendre à utiliser les réseaux sociaux de façon rationnelle et raisonnable. Je pense, entre autres, à l'éducation au droit au corps, dont le texte ne parle pas de façon explicite, alors que l'image est en quelque sorte le prolongement non physique du corps ; la protection du corps des enfants pourrait y être posée comme telle.

Je note aussi que les constats, y compris officiels, vont dans le sens d'une interrogation sur la formation et sur l'éducation aux droits des enfants, dont celui à un internet plus sûr. Certains programmes en traitent officiellement, y compris durant les cycles 2 et 3 de l'école – pour faire simple, de 6 à 11 ans. Aucune grande consultation n'a été lancée auprès des parents autour de thématiques comme : quelle vie numérique souhaiterions-nous pour nos enfants ? Ou encore : quels droits et devoirs pour les parents et les enfants ? Il existe depuis vingt ans des initiatives, des outils, des kits, mais nous n'avons aucune évaluation, aucun bilan ex post, aucune vue de ce qui est fait réellement ni de ce qui pourrait être amélioré. Je le répète, nous devons actionner tous les leviers à la fois : l'éducation – pourvue de moyens adéquats – et la loi pour encadrer les pratiques.

L'article 1er introduit la notion de vie privée de l'enfant dans la définition de l'autorité parentale. Sans être opposée à cette disposition, au contraire, je remarque que le respect dû à la personne inclut, par définition, celui de ses droits fondamentaux. L'article 2 précise que l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur est exercé en commun par les deux parents. Or l'article 372 du code civil prévoit déjà que « [l]es père et mère exercent en commun l'autorité parentale ». L'article 3 précise les mesures que peut prendre le juge en cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur. Ce point a déjà été tranché par le juge : dans le cas de parents séparés, il a considéré que l'un des parents ne peut diffuser des photographies sur un réseau social ou professionnel sans l'accord de l'autre parent. Enfin, l'article 4 prévoit que la délégation de l'autorité parentale est étendue aux cas dans lesquels la diffusion d'images par les parents a porté une atteinte grave à la dignité de l'enfant. On peut raisonnablement penser que l'article 377 du code civil répond déjà à la situation. Comme je l'ai dit en commission, nous ne disposons pas de données sur le nombre des saisines du juge et des contentieux en cours sur ce droit déjà garanti.

Parallèlement, plusieurs points implicites auraient mérité davantage d'attention. Je me permets d'insister sur ceux-ci dans l'espoir que le ministère les prendra en considération afin de faire évoluer la législation.

Premièrement, tous les mineurs sont considérés par la proposition de loi de la même façon. Il existe pourtant, dans notre droit, une différenciation selon l'âge des jeunes. Par exemple, avant 16 ans, un enfant a le droit de consulter un médecin s'il est capable de discernement, mais dès 16 ans, l'accès aux soins est automatisé par l'attribution d'une carte d'assurance maladie. En outre, si de la rédaction actuelle du code pénal on peut déduire que les relations sexuelles consenties pour un ou une mineure entre 13 et 15 ans peuvent ne pas faire l'objet de poursuites, le consentement à une relation avec un adulte ne peut être effectif qu'après cet âge. Dans ce contexte, comment articuler la disposition générale concernant un mineur et les droits reconnus à l'enfant avec la responsabilité légale incombant aux seuls parents ?

Par ailleurs, la proposition de loi traite du recours porté devant le juge en cas de désaccord entre parents dont l'un estimerait que l'autre abuse du droit à l'image de leur enfant. Mais comment faire dans les cas où il n'y a qu'un seul parent ? Le texte n'évoque pas l'hypothèse d'une demande d'intervention à l'encontre du parent unique qui voudrait diffuser les images sans l'accord de l'enfant ; or, je le rappelle, celui-ci a un droit à la protection.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué en commission que les précisions apportées par les trois premiers articles de la proposition de loi vous semblaient utiles et que l'inscription de la jurisprudence dans le droit positif servirait au juge des affaires familiales. Nous en prenons acte. Quant à l'article 4, vous le considérez comme novateur. Nous avons formulé différentes propositions sur le texte et nous espérons que le débat en séance publique nous permettra d'aller plus loin, car le sujet le mérite. En tout état de cause, le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de la proposition de loi, qui répond à ses préoccupations.

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