Intervention de Sarah Tanzilli

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Tanzilli :

Si le développement et la généralisation de l'usage du numérique présentent de merveilleuses potentialités, notamment en ce qui concerne la démocratisation de l'accès au savoir et le maintien d'un lien social par-delà la distance géographique, l'espace numérique fait également apparaître de nouveaux risques, en particulier pour les plus fragiles d'entre nous, parmi lesquels les enfants.

Face à un tel constat, il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, d'adapter notre arsenal juridique à ces nouvelles menaces ; c'est une nécessité. Ce sentiment est largement partagé, comme en attestent les multiples initiatives en cours en la matière : la proposition de loi du président Laurent Marcangeli visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, adoptée la semaine dernière ; la proposition de loi de notre collègue Caroline Janvier, cosignée par l'ensemble des membres du groupe Renaissance et destinée à prévenir l'exposition excessive de nos enfants aux écrans, que nous examinerons après celle-ci ; et enfin la présente proposition de loi, qui vise à garantir le respect du droit à l'image de l'enfant. Cette dernière a été déposée à l'initiative de M. le rapporteur Bruno Studer, dont l'engagement résolu en faveur du droit des enfants, que je salue, a déjà permis, lors de la précédente législature, la création d'un statut pour les enfants influenceurs et l'institution du contrôle parental par défaut sur les supports numériques.

Et en effet, mes chers collègues, le constat est sans appel. Les études démontrent qu'avant 13 ans, un enfant apparaît en moyenne sur 1 300 images mises en ligne. Si celles-ci sont pour la plupart publiées avec bienveillance, elles peuvent malheureusement faire l'objet d'un détournement, puisque la moitié des photographies qui s'échangent sur des forums pédopornographiques sont initialement publiées de manière délibérée par les parents sur des réseaux sociaux. Plus inquiétant encore, deux adolescents sur cinq considèrent que leurs parents les exposent trop sur internet.

Or, rappelons-le, le droit à l'image de l'enfant est exercé par les titulaires de l'autorité parentale, qui ont la responsabilité de donner leur consentement à la diffusion de l'image de leur enfant. Dans la très grande majorité des cas, les intentions des parents qui diffusent ou acceptent la diffusion de telles images sont louables, mais ceux-ci n'ont pas toujours pleinement conscience des risques induits par des publications de ce type ; il nous incombe donc de les sensibiliser à cet enjeu et de les accompagner dans l'exercice de la parentalité numérique.

Dans cette perspective, la présente proposition de loi vise d'abord manifestement à sensibiliser les titulaires de l'autorité parentale confrontés au développement du numérique. Elle leur rappelle qu'ils ont des droits mais aussi des devoirs vis-à-vis de leurs enfants, notamment celui de protéger conjointement leur droit à l'image en les y associant en fonction de leur âge et de leur degré de maturité. En inscrivant les notions de « respect du droit à la vie privée » de l'enfant et d'« atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale », le texte permet de rappeler aux parents actuels et futurs leur pleine et entière responsabilité dans l'exercice du droit à l'image de leur enfant. Elle permettra également d'encadrer la parentalité numérique en cas de désaccord entre les titulaires, afin que le juge aux affaires familiales puisse interdire à l'un d'entre eux de publier tout contenu relatif à l'enfant sans l'accord de l'autre, conformément au principe selon lequel le droit à l'image est un droit non usuel dont la mise en œuvre nécessite l'accord des deux titulaires.

Enfin, comme je l'ai indiqué précédemment, si l'immense majorité des parents ont surtout besoin d'être accompagnés pour exercer leur parentalité dans l'espace numérique, force est de constater que certains d'entre eux ont des intérêts divergents de celui de leur enfant et font un usage abusif du droit à l'image de celui-ci. C'est le cas de ceux qui tiennent des vlogs familiaux dans le cadre desquels les enfants sont filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les moments les plus intimes de leur quotidien, ou de ceux qui font ce que l'on appelle des pranks, c'est-à-dire des pièges humiliants réalisés au détriment des enfants et publiés en ligne. Rien n'est trop beau pour faire plus de clics, plus de vues, plus de likes et élargir sa communauté d'abonnés, même si cela se fait au détriment de l'enfant.

Pour remédier à de telles situations, la proposition de loi ouvre la voie à une délégation forcée de l'autorité parentale, qui doit être prononcée par le juge aux affaires familiales. Un amendement soutenu par les groupes Renaissance et Écologiste – NUPES permettra de limiter cette délégation à l'exercice du droit à l'image, afin de cibler au mieux les moyens offerts au juge pour protéger les intérêts de l'enfant.

Sensibilisation, responsabilisation, instauration d'outils civils gradués de protection des droits fondamentaux de l'enfant : tels sont les objectifs poursuivis par cette proposition de loi, que le groupe Renaissance votera avec détermination afin de renforcer la protection des mineurs dans l'espace numérique et d'impulser une prise de conscience collective quant à la nécessité de préserver l'image des enfants d'aujourd'hui, qui seront les adultes de demain.

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