Intervention de Anne Bergantz

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Bergantz :

Il y a quarante-huit heures, se tenait la Journée mondiale contre l'obésité et nous célébrons aujourd'hui la Journée européenne de l'orthophonie. Ces deux thématiques vous semblent peut-être diamétralement opposées. Pourtant, elles sont liées à deux des séquelles dont peuvent souffrir les enfants exposés très précocement, et surtout trop intensément, aux écrans. Beaucoup l'ont rappelé en commission. Mais il faut marteler ce message : la surexposition aux écrans chez les tout-petits peut entraîner des troubles sévères du développement et des difficultés physiques et psychiques importantes, dont voici une liste non exhaustive : ralentissement de l'apprentissage, problèmes de concentration et de mémorisation, troubles de l'attention, retard dans l'acquisition du langage, troubles cognitifs, troubles du sommeil, difficultés à maîtriser ses émotions, alimentation déstructurée ou encore manque de sociabilité. On pourrait ajouter d'autres effets collatéraux, comme la hausse du nombre d'otites et les acouphènes dus au port continu des écouteurs ou d'un casque durant les visionnages.

Il faut surtout bien comprendre qu'en cas de surexposition, l'écran se substitue aux interactions riches et variées que l'enfant devrait avoir avec son entourage, notamment ses parents, interactions qui, pourtant, doivent lui permettre de développer son langage, sa motricité manuelle et ses capacités d'attention et de maîtriser ses émotions. La surexposition des enfants aux écrans devient très préoccupante et la traiter est absolument essentiel. Je remercie notre collègue, Caroline Janvier, de nous donner l'occasion de légiférer sur cette question. Sa proposition de loi n'est pas technophobe. Comme elle l'a rappelé à plusieurs reprises en commission, le numérique fait partie de notre quotidien. C'est une évidence et c'est pour cela que le chantier semble colossal. Nous ne pouvons pas faire abstraction de la réalité – les écrans font partie de nos vies, de l'équipement des familles et nous ne pourrions travailler sans eux.

Mais, chez les enfants, cette situation se traduit par une consommation d'écrans que l'on peut qualifier d'alarmante : 68 % des enfants âgés de moins de 2 ans regardent la télévision tous les jours ; 26 % des nourrissons utilisent des smartphones et des tablettes pendant une heure par jour et c'est 38 % chez les enfants de plus de 4 ans ; 30 % des enfants de moins de 3 ans et 15 % de ceux de moins de 1 an mangent devant un écran. Nous n'avons donc pas tous un usage raisonné et raisonnable du numérique et il faut faire passer un message : la surexposition des tout-petits aux écrans est toxique pour leur développement. C'est une question de santé publique.

Dans une tribune publiée dans Le Monde en 2017, déjà, des professionnels alertaient : à 3 ans, de très jeunes enfants stimulés principalement par les écrans « ne nous regardent pas quand on s'adresse à eux, ne communiquent pas, ne parlent pas, ne recherchent pas les autres, sont très agités ou très passifs ». Les troubles les plus graves ressemblent à ceux du spectre autistique et ils sont réversibles si on limite ou supprime les écrans.

Comment faire ? Le défi est immense. Il est prioritaire de mettre l'accent, comme le propose ce texte, sur les campagnes de prévention, la bonne information des parents et leur accompagnement. En outre, ces derniers doivent comprendre que leur propre usage des écrans perturbe leur communication avec leurs enfants. Quel pourrait être le principal message à leur destination ainsi qu'à celle des professionnels au contact des jeunes enfants ? Peut-être qu'un écran n'est ni un jouet, ni une baby-sitter.

Enfin, il faut trouver le bon équilibre car tout excès nuit. Si, à partir de 4 ans, on préconise un usage modéré, voire très modéré, des écrans, avant 3 ans, le message qui fait consensus est très clair : c'est zéro écran. Adopter la règle du zéro écran avant 3 ans, c'est donner à l'enfant la capacité et la possibilité de découvrir, de se développer, de grandir et de s'épanouir. Le numérique pourra faire son apparition, mais plus tard.

Cette proposition de loi est au service d'une politique de prévention ambitieuse que le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) soutiendra et qu'il propose d'enrichir de ses amendements.

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