Intervention de Général Jérôme Bellanger

Réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jérôme Bellanger, commandant des forces aériennes stratégiques :

En ce qui concerne les missiles hypervéloces, ils sont à la fois hypersoniques – vitesse de Mach 5 ou plus – et capables de manœuvrer durant le vol, notamment pendant la phase finale. Les Russes sont très avancés en la matière, ils possèdent un planeur Avangard et des missiles hypersoniques, Kinjal ou Zircon.

Cela change-t-il la donne ? Notre stratégie de dissuasion, défensive, a pour objectif d'infliger des dommages inacceptables à l'adversaire, quelles que soient les armes en sa possession, missiles de croisière supersoniques ou missiles balistiques, tirés depuis des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins. Dans cette perspective, la dissuasion repose sur deux composantes, la CNO et la CNA, se complétant grâce à des modes d'action différents, que l'on peut combiner pour percer la cuirasse. Et l'arrivée de l'ASN-4G hypervéloce nous permettra de mieux y parvenir puisque le missile aura une allonge supplémentaire, qu'il ira beaucoup plus vite et que ses trajectoires seront moins prédictibles. De ce point de vue, l'ASN-4G sera un game changer pour le troisième étage de la fusée.

Les moyens, la maintenance en condition opérationnelle (MCO) et les heures de vol sont-ils suffisants pour assurer la polyvalence ? C'est un enjeu. Les escadrons ne sont plus sanctuarisés pour le nucléaire, ils assurent à la fois des missions conventionnelles et la mission de dissuasion nucléaire.

Mon travail consiste d'abord à conserver au cœur de la formation la mission principale de dissuasion nucléaire. Nous avons les moyens de le faire, car la MCO a accompli des progrès grâce au contrat Ravel ; cette performance permet de disposer d'un certain nombre de Rafale en fonction de la programmation des missions au jour le jour et de gagner en réactivité.

En ce qui concerne les MRTT, leur évolution évoque le passage au Rafale polyvalent, que nous avons connu il y a une quinzaine d'années. Les MRTT ne se contentent pas, comme le faisaient pour l'essentiel les C-135, de conduire des missions de ravitaillement en vol pour et au profit de la dissuasion nucléaire. Ils procèdent aussi à des évacuations sanitaires complexes grâce à leur kit Morphee (module de réanimation pour patient à haute élongation d'évacuation) bien plus performant que celui développé sur C135, à des évacuations de ressortissants, au transport stratégique et au transport de fret. Il faut faire comprendre aux équipages – et c'est tout l'enjeu pour 2023 – qu'ils peuvent changer de référentiel d'un jour à l'autre : ils pourront conduire une mission de dissuasion nucléaire et, le lendemain, participer à un transport de troupes entre Paris et la Jordanie. La disponibilité des MRTT est suffisante pour cela.

J'en viens à la coopération européenne, dont l'importance, soulignée depuis Jacques Chirac, a été réaffirmée par le Président de la République dans son discours de février 2020, où il exprimait sa volonté d'inciter nos partenaires européens à développer un dialogue stratégique avec la France et d'éventuellement s'associer à des exercices des forces nucléaires françaises. Nous le faisons, en tenant compte de l'exigence de respect de la confidentialité. Ainsi, dans le cadre des opérations Poker, il leur arrive de prendre place dans le dispositif ennemi simulé ; cela a été le cas récemment d'un ravitailleur italien.

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