Intervention de Sébastien Nicolas

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Sébastien Nicolas, secrétaire général du Syndicat national pénitentiaire FO Direction :

Je commencerai mon exposé par quelques propos liminaires. Dans nos établissements, chaque jour, il y a en moyenne une dizaine voire une quinzaine d'agressions à l'encontre des personnels en service – personnels de surveillance, de direction, intervenants –, et vingt à vingt-cinq agressions entre détenus. Nous avons établi l'an dernier un triste record avec huit morts parmi les détenus suite à des agressions entre détenus. Parmi les huit agressions mortelles, quatre ont eu lieu en cellule, deux en cour de promenade, une au niveau d'une coursive et une dans une salle de sport – je fais évidemment allusion au décès de M. Colonna.

Pour nous, chefs d'établissements et responsables syndicaux, c'est inacceptable. La mort d'un homme est toujours une tragédie, quelle que soit sa condition – représentant de l'État, citoyen libre, personne détenue. Lorsque la personne a été confiée à une institution publique qui a le devoir d'assurer sa protection, cela oblige à se remettre en question, à revoir notre gestion et nos pratiques professionnelles afin que ce type de drames ne survienne plus. Pour le corps des directeurs que nous représentons ici, ce triste record de l'année 2022 constitue une grande insatisfaction. Je veux saluer ici la mémoire des victimes et adresser nos pensées à leurs familles.

Avant les drames de 2022, le directeur de l'administration pénitentiaire, soutenu par les organisations syndicales que nous représentons, avait souhaité développer un plan de lutte contre les violences, en cours de mise en œuvre aujourd'hui. Ce plan participe de la démarche de questionnement et de remise en question des pratiques que j'évoquais. Il témoigne de l'humilité des personnels pénitentiaires face à de tels drames, avec la volonté de toujours travailler pour que de tels événements ne se reproduisent plus.

Je voulais partager un autre élément avec vous. Il est toujours difficile d'appréhender le monde carcéral, qui est un monde complexe, avec une dimension humaine très forte, des parcours de vie cabossés, souvent émaillés des troubles psychologiques. C'est donc un environnement complexe, difficile, et profondément humain. C'est surtout le dernier rempart de la société face à des individus qui ont mis en échec toutes les autres institutions publiques. À cet égard, il est toujours facile d'établir un lien entre une décision, prise ou non, une pratique professionnelle et des circonstances qui ont pu conduire à faciliter la survenue d'un événement tragique comme les huit agressions évoquées précédemment, dont celle d'Yvan Colonna.

Je ne pratique pas les arts divinatoires. Je ne sais pas si M. Colonna serait encore en vie aujourd'hui si d'autres décisions avaient été prises. Je ne sais pas si l'agression n'aurait pas eu lieu si le surveillant avait été derrière la porte. C'est donc avec beaucoup d'humilité que j'appréhende cet exercice car, encore une fois, nous sommes dans un environnement complexe, dans lequel il est facile de refaire l'histoire après qu'elle se soit produite. Il existe un facteur d'aléa lié à l'humain, à l'humain compliqué.

Enfin, je rappelle qu'un agresseur devra répondre de ses actes devant la justice. Ce n'est ni l'administration pénitentiaire, ni la cheffe d'établissement, ni le surveillant, ni la direction interrégionale qui ont agressé Yvan Colonna, mais bien un individu qui devra répondre de ses actes devant la justice.

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