Intervention de Philippe Kuhn

Réunion du mercredi 15 février 2023 à 14h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Philippe Kuhn, secrétaire général national adjoint du Syndicat pénitentiaire des surveillants non gradés (SPS) :

J'ai appelé une collègue affectée à la maison centrale d'Arles. Elle m'a expliqué que, le 9 août 2022, un détenu particulièrement violent s'est « expliqué » dans les douches avec un codétenu, qu'il a roué de coups. Ma collègue m'a fait savoir que ce détenu avait pourtant fait l'objet de remontées d'informations continues, qu'il ne devait pas croiser l'autre détenu. Ils ne s'entendaient pas et il fallait absolument prendre des mesures pour éviter un drame. Un drame s'est produit, cinq mois après l'assassinat d'Yvan Colonna qui aurait pu servir de leçon malheureuse. Les observations des personnels de surveillance ne sont pas prises en compte. Par conséquent, les collègues se découragent et se démotivent. Faire remonter des informations sur la sécurité paraît évident, jusqu'au moment où cela n'est plus fait, car les agents constatent que cela n'est jamais suivi d'effets. On en arrive à la situation décrite par mon collègue avec des départs de plus en plus nombreux, alors qu'avant, on faisait sa carrière en maison centrale. La collègue avec qui j'ai pu échanger va s'en aller. Le collègue des Elac est parti pour rejoindre la police municipale. Cela reflète les propos précédents : la pénitentiaire ne fait plus recette et nous sommes à l'opposé des missions qu'on devrait remplir. On a complètement oublié les missions de sécurité premières, au profit de la réinsertion.

Comme cela a été souligné fort justement dans le rapport de l'IGJ, si le détenu mis en cause était passé par le QER nous n'en serions pas là. Cela aurait permis de l'orienter vers un établissement plus adapté à son profil. Au lieu de cela, il a été placé à la maison centrale d'Arles, à l'isolement. Il s'y est bien comporté, c'était un gentil, donc on l'a laissé faire. On met en cause les agents qui travaillent dans les étages qui sont en sous-effectif, avec beaucoup d'arrêts de travail. Des agents sont en poste aménagé, ce n'est pas le fruit du hasard. Après on tire sur l'ambulance, sur les collègues qui travaillent en détention. Mais c'est compliqué quand on n'a pas de note de surveillance mise à disposition. J'ai toujours appris qu'il fallait tenir un cahier de suivi pour chaque DPS, retraçant ses relations, ses agissements, etc. Est-ce toujours en vigueur partout ? Je ne crois pas ; ça disparait de plus en plus. Il faut aussi parler des caméras. La situation me rend fou. Comme l'indique le rapport, il n'y a eu aucune formation à leur utilisation. On peut incriminer les collègues qui n'ont pas repéré l'incident, mais ils n'ont pas été formés. Cela passe au-dessus de la direction qui n'est pas experte dans ce domaine et confie le dossier à l'adjoint au chef de détention. Seule une vingtaine d'agents a été formée. Ce n'est ni normal, ni acceptable. Si on change un système pour améliorer la vidéosurveillance, il faut mettre en place les formations associées.

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