Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 17h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de vous être rendu disponible dans un contexte social que je qualifierais d'animé, notamment au sein de l'entreprise que vous dirigez désormais.

Il y a un peu plus d'un an, Yvan Colonna a été victime d'une agression, qui lui a coûté la vie. Il était alors, comme son agresseur, détenu à la maison centrale d'Arles, le statut de détenu particulièrement signalé (DPS) auquel il continuait d'être soumis ayant toujours empêché son rapprochement en Corse au sein de l'établissement de Borgo.

Monsieur le Premier ministre, en raison de l'obligation de déport à laquelle était et reste astreint le garde des Sceaux, vous êtes le dernier responsable politique à avoir maintenu le statut de DPS d'Yvan Colonna, mais aussi le premier et le seul à l'avoir levé, le 8 mars 2022, dans les circonstances que l'on sait. Le statut de DPS de MM. Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sera levé quelques jours plus tard, le 11 mars. Cette décision interroge, même si elle a permis, enfin, le rapprochement familial en Corse de MM. Alessandri et Ferrandi, puis, par décision de justice, des aménagements de peine, qui ont abouti à leur mise en semi-liberté.

De deux choses l'une. Soit, première hypothèse, les membres du « commando Érignac » satisfaisaient objectivement aux critères DPS – en raison de leur dangerosité notamment. Alors, en faisant preuve de la même rigueur que celle évoquée jusqu'à ce jour devant cette commission de la part des administrations et des politiques concernés, ils auraient dû rester soumis à ce statut, en dépit de l'agression. Pour barbare qu'elle ait été, l'agression d'Yvan Colonna, n'a pas pu constituer une sorte « d'ardoise magique » à cet égard. Le comportement en détention, le profil, les risques – réels ou supposés – associés à ces détenus n'ont pas subitement changé après le 2 mars 2022.

Soit, seconde hypothèse, ils ne satisfaisaient pas totalement aux critères, ou n'y satisfaisaient plus, et dans ce cas depuis combien de temps ? Ils étaient alors, en réalité, maintenus sous ce statut pour des raisons non pas objectives mais politiques, étrangères à la seule et stricte application du droit. C'est ce qui m'a amené à évoquer une « vengeance d'État », expression que d'aucuns ont pu juger dure et que j'ai employée lors de la question au Gouvernement concernant le nécessaire rapprochement en Corse et les demandes d'aménagement de peine, que je vous ai adressée directement, le 19 octobre 2021. C'est-à-dire cinq mois avant les faits qui nous intéressent.

Pour nous, à ce stade, il n'existe pas de troisième voie.

On peut évidemment comprendre la levée du statut de DPS après l'agression, pour des raisons politiques, afin de favoriser l'apaisement. Mais si cette levée a été décidée pour des raisons politiques, cela ne signifie-t-il pas qu'il avait été maintenu – depuis combien de temps ? – pour des raisons politiques également ? On ne peut pas ne pas l'envisager, surtout à la lumière de plusieurs précédents lourds de sens, comme la fausse réunion de commission locale DPS à Toulon, en 2011, dans le cas d'Yvan Colonna, ou, dans ceux de MM. Alessandri et Ferrandi, du soudain revirement de position de la commission locale DPS de Poissy, en 2022.

J'insiste : la situation et le profil des intéressés, pour ce qui est de leur parcours carcéral, n'avaient pas changé par magie, du fait de l'agression.

En marge de cette question, nous souhaitons vous interroger sur la prison de Borgo. MM. François Pupponi et Bruno Questel, récemment auditionnés, ont affirmé que des échanges politiques réguliers avaient eu lieu entre vous-même, votre cabinet et vos conseillers, d'une part, et les élus de la Corse, d'autre part. Ils portaient notamment sur les aménagements à apporter à cet établissement pour que ces détenus puissent être accueillis par transfert, ainsi que sur la question de la levée du statut de DPS. Selon leurs propos, vous deviez d'ailleurs venir en Corse fin 2021, début 2022. Des marchés auraient été passés et des travaux engagés. Confirmez-vous ces échanges et cette amorce de travaux ?

Monsieur le Premier ministre, en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous prie d'activer votre micro, de lever la main droite et de dire : « Je le jure ».

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