Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 8 mars 2023 à 17h30
Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l'administration pénitentiaire et de l'appareil judiciaire ayant conduit à l'assassinat d'un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d'arles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva, président :

Vous dites, à l'instar d'autres acteurs que nous avons auditionnés, qu'il n'y avait pas de logique de vengeance à l'encontre de ces trois détenus. On nous a également expliqué à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas eu de gestion particulière, tout en reconnaissant – je ne donnerai pas le nom de la personne qui l'a dit, mais c'est un responsable politique éminent – qu'il existait un processus propre aux prisonniers basques et corses. Nous connaissons les six critères d'application de l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés. Selon le directeur de l'administration pénitentiaire, qui s'est exprimé devant cette commission, trois d'entre eux concernent la gestion directe de l'administration pénitentiaire, au sens de l'analyse du parcours carcéral des individus. Le drame survenu nous amène à comparer le parcours de deux détenus, dont l'un était qualifié de « correct, voire très correct » au cours de sa longue détention, tandis que l'autre s'est révélé chaotique, dangereux, etc. Ces parcours ont pourtant conduit à une gestion rigoureuse dans le premier cas, clémente dans le second. Toujours selon le directeur de l'administration pénitentiaire, les trois autres critères concernent d'autres acteurs, qui décidaient notamment au regard du procès et de la situation pénale de départ. En l'espèce et pour des protagonistes qui ne voulaient pas se reposer sur l'évolution du parcours carcéral, un des trois premiers critères suffisait à maintenir le statut de DPS, quelle qu'ait été l'évolution de ce parcours. D'ailleurs, les éléments d'analyse des commissions locales que vous citez sont les mêmes, que ce soit en 2021, en 2020, en 2018, en 2012 ou en 2011. Lors de l'épisode déjà évoqué, le tribunal administratif de Toulon, en première instance, puis la cour administrative d'appel de Marseille, ont donné raison aux avocats d'Yvan Colonna quant à l'excès de pouvoir, illustré par la fausse commission locale de DPS fabriquée à Toulon. Cet exemple, relevé par le tribunal administratif de Toulon, montre qu'une ingénierie a été mise en place pour nuire.

Nous connaissons cette capacité à répondre sur les critères, mais ces critères sont confrontés au parcours carcéral des individus. En outre, comme vous le savez monsieur le Premier ministre, les demandes de levée du statut de DPS n'étaient pas faites pour mettre en lumière ce statut en tant que tel, mais parce qu'il était, administrativement, un obstacle au rapprochement familial. Autrement dit, des aménagements, peu coûteux, du centre pénitentiaire de Borgo auraient permis à la fois le maintien du statut de DPS et le rapprochement familial. Je rappelle qu'Yvan Colonna n'avait pas vu sa mère depuis quinze ans, ni son jeune fils depuis trois ans, ni son père malade. Ce sont des faits. C'était cette question du rapprochement familial qui était importante, pas celle du statut de DPS.

Vous dites qu'il n'y a eu ni gestion politique ni vengeance. Vous me permettrez de revenir une dernière fois sur cette question. Dans le cas d'Yvan Colonna, vous citez l'avis défavorable de la commission locale DPS pour justifier votre décision de rejeter la levée du statut. Dans celui de Pierre Alessandri, vous prenez la même décision, en janvier 2021, après un avis favorable de la commission locale DPS de Poissy. Et il s'agissait du troisième avis en ce sens. Vous prenez des décisions défavorables à un moment paroxystique, entre décembre 2020 et janvier 2021, alors que vous avez été destinataire de motions de l'Assemblée de Corse et que, concernant le dossier du « commando Érignac », six groupes parlementaires avaient demandé l'apaisement, dans une tribune publiée dans Le Monde. Vous étiez détenteur du pouvoir réglementaire, donc politique ; vous n'étiez lié à aucune de ces commissions, ni dans un sens, ni dans l'autre, vos décisions l'ont démontré. Pour autant, vous avez décidé de rejeter la demande de levée, à un moment charnière. Je vous pose donc la question : sur quels éléments reposait votre décision ? D'autres experts, d'autres commissions nationales, vous ont-ils demandé de ne pas suivre les experts des commissions locales qui, je le rappelle, avaient donné trois avis favorables ? La prégnance de l'acte pour lequel ces trois détenus ont été condamnés, l'assassinat d'un préfet de la République, n'a-t-elle pas trop pesé dans votre décision, comme dans celles d'autres Premiers ministres et d'autres gardes des Sceaux avant vous ? Je fais référence à la structure de l'État, à sa continuité. Avez-vous rencontré les parties civiles, la famille Érignac, que le rapprochement familial et les allègements de peine pouvaient inquiéter ? Avez-vous échangé avec le cabinet de l'Élysée ? Ce sont des questions que nous nous sommes posées et que nous nous posons encore. Il faut à présent solder ce passé, cette histoire.

S'il y avait eu une gestion mieux anticipée du rapprochement familial, Yvan Colonna serait peut-être – certainement – encore vivant aujourd'hui. Pourquoi n'avez-vous pas suivi l'avis de la commission locale DPS de Poissy ?

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