Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du mercredi 22 mars 2023 à 15h00
Faciliter le financement des travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

du détricotage de la fiscalité locale et de l'ensemble des surcoûts auxquels elles doivent faire face, qui grèvent leur capacité d'autofinancement pour investir.

Pourtant, il n'est plus possible d'attendre. C'est dans ce contexte que le groupe Renaissance a présenté cette proposition de loi. Sur la forme, je regrette une nouvelle fois l'usage détourné de la proposition de loi, qui permet de s'affranchir de l'étude d'impact. Mais, sur le fond, le texte propose une expérimentation de tiers-financement pour les marchés globaux de rénovation souscrits dans le cadre de contrats de performance énergétique (CPE). Par ce mécanisme, le donneur d'ordre public aura la possibilité de payer la rénovation par le biais d'un loyer versé à l'opérateur privé après la réalisation des travaux. Un tel mécanisme s'inspire en grande partie des partenariats public-privé, à la différence notable que, formellement, la maîtrise d'ouvrage reste à la main du donneur d'ordre public.

Nous reconnaissons que le dispositif prévu permettra d'accompagner la rénovation énergétique, en levant les freins aux investissements pour les petites communes. Pour autant, il faut toujours être attentif, voire méfiant, concernant les mécanismes de contractualisation entre le secteur privé et les collectivités publiques. Depuis de nombreuses années, le développement des PPP a en effet montré les limites de ces mécanismes : surcoûts importants, renforcement du monopole des grands acteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP), dégradation du rapport de force entre les décideurs publics et les prestataires. On peut également craindre qu'un investissement sous forme de contrat global avec tiers-financement ne soit effectivement plus coûteux pour la puissance publique, compte tenu des intérêts.

Malgré tout, on peut comprendre son intérêt et son utilisation par une collectivité, puisqu'il débloquera la contrainte de financement. En revanche, on ne comprendrait pas son utilisation par l'État central, qui ne rencontre pas ce type de contrainte.

Le dispositif est également un pont d'or pour les grands groupes du BTP, qui disposent d'une trésorerie importante leur permettant de pratiquer le tiers-financement. Il a donc l'inconvénient d'exclure les très petites et petites et moyennes entreprises (TPE-PME) alors qu'il serait essentiel de les favoriser pour des motifs économiques, sociaux et environnementaux.

Enfin, le dispositif risque de conduire à une dégradation du rapport de force entre décideurs publics et candidats prestataires en n'empêchant pas ces prestataires d'imposer leurs conditions malgré les garde-fous prévus par le texte. Comment ces derniers pourront-ils être pleinement appliqués dans le cadre d'une discussion bilatérale avec un groupe privé ?

En conséquence, nous regrettons que les auteurs de la proposition de loi aient laissé de côté l'option d'un tiers-financement public – jamais cette possibilité n'a été mise sur la table. Il aurait pourtant été possible d'imaginer un dispositif permettant aux collectivités de conserver la main sur leurs investissements. Nous déplorons, comme nous l'avons déjà fait, le rôle encore trop limité de la Caisse des dépôts, ainsi que celui de la Banque publique d'investissement (BPIFrance), qui doit devenir un pôle public moteur de la transition écologique.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine – NUPES ne pourra donc formellement soutenir ce texte. Pour autant, face à l'urgence et à la situation particulièrement délicate des collectivités, nous ne souhaitons pas entraver la mise en place de cette expérimentation. Nous nous abstiendrons et serons particulièrement attentifs aux conclusions des premières évaluations.

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