Intervention de Arthur Delaporte

Réunion du mercredi 22 mars 2023 à 9h35
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArthur Delaporte, rapporteur :

« C'est maintenant qu'il ne faut rien lâcher. » : ces mots sont ceux de Seb La Frite, 3,1 millions d'abonnés sur Twitter, influenceur qui, comme Léna Situations (4 millions d'abonnés sur Instagram) ou Inoxtag (2,7 millions sur Twitter) s'intéresse particulièrement, ces derniers jours, à la politique. Ils nous engagent à agir, notamment dans cette période parsemée de troubles politiques, pour réguler un lieu – l'influence – dont la politique s'est peut-être trop longtemps désintéressée. Les initiatives visant à réguler la jungle de l'influence foisonnent néanmoins et il était temps de les faire converger. C'est dans cette perspective que j'avais déposé une proposition de loi, que j'ai accepté de retirer pour reprendre le travail et construire ce que mon collègue Stéphane Vojetta appelle une « bulle de paix » autour de ce texte transpartisan, rendu nécessaire par l'importance qu'ont prise ces jeunes femmes et ces jeunes hommes dans le quotidien des Français et par les dérives majeures qu'on a pu observer de la part d'une minorité d'entre eux.

Cette importance se mesure aussi à l'image unie qu'offre notre Assemblée pour faire collectivement évoluer notre droit – et j'espère qu'elle saura reproduire de telles initiatives jusqu'ici exceptionnelles.

Je suis donc fier de vous présenter, avec mon collègue Stéphane Vojetta, un texte qui répond à l'un des enjeux de notre époque, que certains d'entre nous voient de loin, mais qui a mobilisé de nombreux autres acteurs que je tiens à saluer en notre nom à tous deux. Je remercie tous les députés qui se sont engagés dans le groupe de travail transpartisan que nous avons lancé depuis maintenant deux mois pour coconstruire les amendements de consensus que nous vous présenterons au fil de l'examen de ce texte initialement bipartisan, mais que nous avons élargi à l'ensemble des groupes de l'arc républicain.

Ce texte vise à lutter efficacement contre les trop nombreuses dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont nous avons eu hier soir des témoignages concrets et édifiants. Les exemples s'accumulent : Marc et Nadé Blata, accusés d'escroqueries aux cryptomonnaies ; Julien Tanti, qui faisait la promotion de maillots contrefaits – affaire à laquelle notre collègue Blanchet s'intéressera particulièrement ; Maeva Ghenam, qui a fait la promotion d'objets vendus sur des sites dépourvus de conditions générales de vente ou de cosmétiques non conformes au droit de l'Union européenne et provoquant, par exemple, des plaques urticantes ; Mila Jasmine, qui vante la pratique illégale de la médecine ; Kevin Guedj, qui promouvait du trading.

Ces influenceurs aux millions d'abonnés ne sont que la partie visible des dérives et d'autres abus ont pu être constatés de la part de plus petits acteurs, micro- ou nano-influenceurs n'ayant que quelques centaines ou quelques milliers d'abonnés, mais dont les taux de conversion vers une pratique, une dérive ou un acte de consommation sont diablement efficaces. Ce texte vient donc apporter des fondations à l'édifice de la régulation d'un milieu qui a multiplié les dérives, apparemment en toute impunité : cette impunité est finie.

Il répond aussi à la question de savoir comment ne pas stigmatiser les créateurs de contenus, ces centaines, ces milliers ou ces dizaines de milliers d'influenceurs qui font leur travail correctement, avec une éthique qui leur tient à cœur. Celles et ceux que j'ai mentionnés ou que nous avons reçus hier soir, comme Major Mouvement, Crazy Sally ou Squeezie, sont des femmes et des hommes talentueux produisant du divertissement ou des contenus pédagogiques qui touchent des millions de Françaises et de Français, et nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un jugement moral sur l'ensemble de cette activité. Pour ces vidéastes et ces influenceurs, ce texte est avant tout pédagogique. La promotion qu'ils pratiquent ne dépasse pas le cadre des droits des consommateurs et nous ne vivons pas sous un régime liberticide. Nous souhaitons valoriser leur travail, notamment lorsqu'il va dans le bon sens.

Ce texte s'adresse donc à la fois aux victimes, aux consommateurs et à tous les autres influenceurs, comme Roubaba, Melanight ou Noémie, qui n'étaient pas nécessairement conscients de toutes les règles, mais qui cherchent aujourd'hui un cadre de référence. Il s'agit ainsi d'un texte qui responsabilise, un texte pédagogique, mais un texte qui sanctionne aussi et exprime un équilibre que nous avons cherché à construire depuis plusieurs mois en rencontrant l'ensemble des acteurs du secteur, en les écoutant et en prenant en compte leurs suggestions et celles des parlementaires impliqués dans ce domaine.

Je remercie l'ensemble des personnes auditionnées, les administrations, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), les acteurs du milieu de l'influence et toutes nos équipes, ainsi que les lanceurs d'alerte qui nous ont accompagnés, les collectifs, Audrey, Kumba, Chris et Slim, que nous avons reçus hier, et Samira, qui m'a permis d'accéder à certains influenceurs et à une communauté qui s'intéresse à la question.

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