Intervention de Aurélien Taché

Séance en hémicycle du mardi 4 avril 2023 à 15h00
Protection des logements contre l'occupation illicite — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Taché :

Nous en arrivons enfin au vote solennel de cette proposition de loi que j'ai qualifiée de « PPL CNews » : une proposition de loi honteuse, élaborée en réaction aux 170 cas seulement de squats en France, que la droite et l'extrême droite récupèrent pour stigmatiser les plus pauvres et les étrangers.

Je le demande donc une énième fois : comment avons-nous pu en arriver là ? Comment un Président de la République, élu sous la bannière du progressisme et qui promettait en 2017 qu'il n'y aurait bientôt plus personne à la rue, peut-il aujourd'hui préférer criminaliser la pauvreté plutôt que de chercher à l'éradiquer ? Comment une majorité comme la vôtre peut-elle en arriver à s'allier à la droite et au Rassemblement national, pour voter un texte si indigne et préoccupant pour le droit au logement, alors que 4 millions de personnes sont mal logées dans notre pays ? Preuve, s'il en fallait une, que vous tenez désormais cette fameuse majorité derrière laquelle votre Première ministre court !

Nous devons donc nous prononcer sur votre terrible loi, seulement trois jours après la fin de la trêve hivernale, échéance bien choisie pour permettre à nouveau d'expulser les locataires poursuivis pour loyers impayés – c'est d'ailleurs déjà ce qui se passe sur le terrain, les bailleurs anticipant l'adoption du texte. Je voudrais rappeler à toutes celles et ceux qui s'apprêtent à l'adopter que la minorité présidentielle était prête à envoyer en prison les personnes incapables de payer leurs loyers. Pour que cette disposition soit supprimée, il a fallu que le Sénat, dont la majorité est à droite, revienne, grâce aux écologistes, sur votre volonté de sanctionner d'une peine de six mois de prison des locataires occupant un logement alors qu'ils sont en situation de loyer impayé. Néanmoins, vous avez eu la main très lourde envers ceux que vous nommez les squatteurs, qui seront désormais passibles de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Rappelons à cet égard qu'une femme qui s'abriterait avec ses enfants dans un garage ou un local commercial inoccupé entre dans cette définition et risque jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Je vous le dis tout net : c'est tout simplement répugnant !

Pourtant, il y aurait tant à faire en faveur du logement dans notre pays ! Je n'arrive toujours pas à comprendre que votre priorité numéro un, le premier texte que vous déposez sur le sujet, soit une loi qui vise à défendre les multipropriétaires. Dans son dernier rapport, la Fondation Abbé Pierre a recensé 4 millions de personnes en situation de mal-logement et 300 000 personnes sans domicile fixe. Elle est d'ailleurs opposée à ce texte. En effet, monsieur le rapporteur, les groupes Écologiste et La France insoumise ne sont pas les seuls à y être hostiles : toutes les associations qui viennent en aide aux mal-logés le sont.

Votre proposition de loi s'inscrit dans une série d'attaques menées contre le droit au logement depuis des années et dans un contexte où la production annuelle de logements sociaux, sous la présidence d'Emmanuel Macron, s'est effondrée : alors qu'elle s'établissait à 123 000 logements en 2016, 95 000 seulement sont construits chaque année depuis la mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Mais que faites-vous ? Vous mettez à la rue des personnes en situation de précarité extrême, en raccourcissant les délais pour régler des loyers impayés de deux mois à six semaines, après passage d'un huissier.

Je le demande donc de nouveau : comment pouvez-vous avoir fait de cette proposition de loi votre priorité, alors que 1 600 enfants ont été contraints de dormir dans la rue cet hiver, faute d'avoir trouvé une place dans un hébergement d'urgence ?

Mes chers collègues, votre proposition de loi ne masquera pas l'échec du Président de la République en matière de logement depuis son arrivée au pouvoir : un échec pour loger, pour reloger mais aussi pour rénover. Je le dis avec d'autant plus de force que, dans ma circonscription, 8 100 logements sont étiquetés comme étant des passoires énergétiques. J'ai récemment organisé une réunion publique sur le mal-logement à Cergy : nous sommes face à une véritable bombe à retardement. Soyez-en certains, le flop du dispositif MaPrimeRénov', dont moins de 50 000 ont été distribuées, ne pourra être masqué par votre proposition de loi.

Votre échec est partout ! Vous chassez les loyers impayés alors qu'il faudrait commencer par mieux les encadrer : samedi dernier, 3 500 personnes ont manifesté à Bayonne contre la spéculation immobilière et pour un encadrement des loyers.

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