Intervention de Sandra Marsaud

Séance en hémicycle du jeudi 6 avril 2023 à 15h00
Indemnisation des dégâts causés par le retrait-gonflement de l'argile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Marsaud :

Face à l'accélération du nombre de bâtiments subissant les dommages dus au phénomène pernicieux du retrait-gonflement des argiles, – le fameux RGA, que nous connaissons tous, désormais –, de nombreux rapports parlementaires au Sénat et à l'Assemblée ont tenté depuis 2016 de remettre à plat le régime assurantiel Cat nat, donnant lieu à plusieurs évolutions législatives : en 2018, avec la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique – la loi Elan –, puis en 2021, avec la loi relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles, dite loi Baudu, et la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS.

La mission que Sandrine Rousseau et moi-même avons conduite au sein du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a également permis de faire un point d'étape à l'occasion de la publication de l'ordonnance du 8 février dernier et après la modification du code de la construction et de l'habitation par la loi Elan.

Nos conclusions sont claires et le constat est partagé : les sinistres sont mal indemnisés, ils s'amplifieront dans les prochaines années et le régime Cat nat n'est pas calibré pour absorber cette évolution, ce qui le rend fragile.

Nous avons donc une double responsabilité : continuer à réformer le processus de prise en compte des sinistres et pérenniser le financement du régime Cat nat. Selon nous, l'un ne va pas sans l'autre.

Avec l'ordonnance du 8 février dernier, le Gouvernement propose de réelles évolutions, que les décrets à venir concrétiseront : ouvrir un deuxième cas d'indemnisation si l'on observe une succession anormale de sécheresses d'ampleur significative, ou encore rendre effective l'obligation, pour l'assuré, d'affecter l'indemnité à la réparation des dommages. Nous poursuivons, par nos conclusions, un but commun, comme beaucoup de nos collègues : prévenir autant que faire se peut les désordres que peut engendrer ce risque et limiter au maximum les sinistres non pris en charge.

Quant à votre proposition de loi, madame Rousseau, je ne peux que regretter votre précipitation sur un sujet aussi complexe ! Vous l'avez déposée avant la finalisation de notre rapport commun, et avant même que nous nous soyons mises d'accord sur les propositions qu'il contient.

En outre, la PPL tend à modifier le critère météorologique par voie législative, alors qu'il relève du domaine réglementaire et, surtout, de critères scientifiques qui évoluent de façon rapide et régulière. La loi ne permet pas une telle agilité juridique.

Vous modifiez aussi les dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances, qui vise l'ensemble des catastrophes naturelles, et donc autant la sécheresse que les cyclones ou les inondations. Vous transformez cet article en le rendant totalement inopérant pour toutes les victimes de tout type de catastrophes naturelles ! Non seulement vos propositions sont du domaine réglementaire, mais elles aboutissent à l'inverse de l'objectif recherché – mieux indemniser les victimes. Nous plaiderons donc pour la suppression de l'article 1er .

De plus, comme l'ont relevé les associations de sinistrés qui nous ont écrit, ce texte imparfait générerait un surcoût d'un milliard d'euros par an, d'autres l'ont dit avant moi. Mes chers collègues, il y a des raisons sérieuses de s'inquiéter des conséquences de cette proposition de loi pour les droits des assurés. À cause de ses contradictions et de ses imprécisions, elle risque de nuire à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans les communes, d'entraîner un coût important pour les assurés et de créer de l'insécurité juridique.

Nous proposerons d'améliorer la rédaction de l'article 2 relatif à la présomption de lien de causalité. Mais nous ne soutiendrons pas les autres dispositions de cet article, qui ne sont pas pertinentes en l'état et génèrent pour le budget de l'État des charges, que vous n'avez pas évaluées.

Le groupe Renaissance, qui s'est impliqué – comme beaucoup d'autres, je le reconnais – dans ce sujet, souhaite avancer car nous devons penser à nos concitoyens. Mais si nous votons le texte en l'état, nous priverons les sinistrés d'avancées réelles qui pourraient mieux les protéger. Nous devons travailler collectivement, en poursuivant et en accompagnant la réforme engagée par le Gouvernement, afin de mettre en place un cadre légal et réglementaire qui permettra de pérenniser le régime Cat nat.

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