Intervention de Pierrick Berteloot

Séance en hémicycle du jeudi 6 avril 2023 à 15h00
Indemnisation des dégâts causés par le retrait-gonflement de l'argile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierrick Berteloot :

Les épisodes de catastrophes naturelles sont amenés à se multiplier dans les années à venir. Le phénomène de sécheresse-réhydratation ne fait, hélas, pas exception. Rien que l'année dernière, la Fédération française de l'assurance (FFA) a estimé le coût des fissures apparues dans les habitations françaises en raison de la sécheresse entre 1,9 et 2,8 milliards d'euros. L'ampleur du phénomène est telle que plus de 10 millions d'habitations seraient concernées en France.

La sécheresse-réhydratation des sols agit de manière pernicieuse : les sols argileux subissent des épisodes de sécheresse intense qui les conduisent à se rétracter ; soudain, ils sont à nouveau hydratés par de fortes pluies, ce dont résulte un gonflement qui déstabilise les fondations des maisons. Il faut se représenter à quoi ressemble une maison atteinte par un épisode de sécheresse-réhydratation : elle présente des fissures de sept à huit mètres, des fuites et des courants d'air, et certaines pièces deviennent inhabitables ; parfois, elle est quasiment en ruine.

Alors commence un long parcours du combattant pour les victimes de la sécheresse. Il faut d'abord que leur commune soit déclarée en état de catastrophe naturelle – ce qui est loin d'être acquis, le territoire national n'étant pas suffisamment équipé pour mesurer correctement les phénomènes de sécheresse-réhydratation.

Une fois l'état de catastrophe naturelle déclaré, il faut que les assurances acceptent d'indemniser correctement les assurés, et que des réparations véritablement efficaces soient effectuées. C'est là que le bât blesse. La loi n'est pas en faveur des assurés ; pire, elle est en leur défaveur. En effet, depuis l'adoption de loi du 28 décembre 2021 par la précédente majorité, le subtil équilibre entre assureurs et assurés s'est rompu. Les propriétaires doivent supporter des coûts de réparation faramineux, car la plupart du temps, les assurances ne suivent pas. Non contents de voir leur maison détruite par la sécheresse, les propriétaires doivent traiter avec des assureurs peu enclins à faire avancer leur dossier, voire à reconnaître l'état de catastrophe naturelle qui accélérerait les remboursements. À voir ces fissures béantes et ces maisons littéralement en ruine, inhabitables, à voir combien la loi est inadaptée, on ne conçoit que trop bien l'urgence de légiférer.

Les assurances ne sont pas à la hauteur. La loi leur est bien trop favorable depuis 2021. En effet, l'article 6 de la loi du 28 décembre 2021 limite l'indemnisation des dégâts causés par les phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols à la valeur du bien au moment du sinistre. Loin de s'arranger pour les propriétaires, la situation s'est aggravée sous l'effet des récentes décisions du Gouvernement. C'est ainsi que l'ordonnance du 8 février 2023 limite encore davantage les remboursements : désormais, la garantie est fixée aux dommages susceptibles d'affecter le bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment. De fait, les dégâts non structurels sont à la charge du sinistré, et les assureurs refusent tout remboursement qui ne concerne pas les fondations. Les autres dégâts, bien qu'ils soient tout aussi handicapants et empêchent de vivre décemment dans le logement, ne sont donc plus couverts. Ce qui n'est pas constitutif de la solidité du bâti n'est plus remboursé. Les fissures béantes, le carrelage éclaté, les bâtis de portes déformés – et j'en passe – sont à la charge des propriétaires.

On comprend la détresse des Français victimes du phénomène de sécheresse-réhydratation, ainsi que leur colère contre une loi qui leur est si défavorable. La situation est si injuste que les assurances elles-mêmes cherchent à rétablir l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, mis à mal par la récurrence des épisodes de sécheresse.

Il y a donc urgence à légiférer, et la présente proposition de loi est bienvenue – j'ai d'ailleurs déposé moi-même un texte similaire. La PLL apporte des changements bénéfiques, qui contribueront à faciliter la reconnaissance de la catastrophe naturelle qu'est la sécheresse-réhydratation. Cependant, elle ne défend pas suffisamment les intérêts des propriétaires de maisons fissurées. Pour y remédier, les députés du groupe Rassemblement national proposeront des amendements de bon sens, qui vont dans l'intérêt des Français et qui, je crois, sont transpartisans.

Nous sommes nombreux, dans nos circonscriptions, à avoir été sollicités par des concitoyens désarmés face à une loi injuste et partiale. Ces propriétaires, qui ont parfois consacré leur vie entière à leur bien, le voient se détruire lentement, fissure après fissure. Il suffit de voir leur détresse pour comprendre qu'il est urgent de transformer la loi pour rétablir l'équilibre entre les assurances et les assurés. Cet objectif – qui, je crois, nous est commun – nous invite à prendre nos responsabilités. Nous le ferons.

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