Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 6 avril 2023 à 15h00
Indemnisation des dégâts causés par le retrait-gonflement de l'argile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Le problème du RGA a pris ces dernières années une ampleur considérable. Plus personne n'est à l'abri : on estime que 48 % du territoire national est moyennement ou fortement exposé au RGA et que plus de 10 millions de maisons individuelles sont sujettes à ce risque, c'est-à-dire plus de la moitié de l'habitat individuel.

Vous le savez, l'Occitanie, notamment l'Hérault où j'habite, la Nouvelle-Aquitaine et le Centre-Val de Loire sont particulièrement touchés par le RGA. Entre 2009 et 2019, 57 % des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle concernent ces régions. Dans le sud de ma circonscription, pas moins de seize sinistres ont été enregistrés en 2022 dans la seule commune de Portiragnes, qui compte 30 000 habitants pour une superficie de 20 kilomètres carrés. Certains entrepreneurs en bâtiment et en renforcement de structures nous ont avertis qu'on recense un sinistre chaque semaine dans les environs de Béziers, pour un coût de réparation allant de 30 000 à 100 000 euros.

Si l'émission « Cash investigation » a vulgarisé le RGA, ce phénomène est connu de longue date. Il ne cesse de s'aggraver à cause de la fréquence croissante des sécheresses – d'après une étude du BRGM publiée en 2018, une sécheresse comparable à celle de 2003 devrait survenir tous les trois ans entre 2020 et 2050 et tous les deux ans entre 2050 et 2080.

Le risque RGA est intégré au régime des catastrophes naturelles depuis 1989. Les sociétés d'assurance privée se réassurent auprès de la CCR, qui bénéficie d'une garantie intégrale de l'État. Cependant, seules 50 % des communes parviennent à obtenir la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et seulement 50 % des dossiers déposés dans ces communes se concluent par une indemnisation. Le montant cumulé de la sinistralité au titre de la garantie Catastrophe naturelle, tous périls confondus, entre 1982 et 2020 s'élève à 41,4 milliards d'euros, dont 40 % – soit 15,5 millards d'euros, ou 485 millions d'euros par an en moyenne – sont imputables au RGA. Ce risque, qui constitue le deuxième poste le plus important de la sinistralité après les inondations, représente donc un enjeu financier significatif. Ainsi, sur les vingt événements ayant causé les dommages assurés les plus coûteux entre 1989 et 2020, plus de la moitié sont dus au RGA.

C'est dire s'il est urgent d'agir en faveur des particuliers. Néanmoins, nous ne saurions prendre à la légère le coût des dispositifs prévus dans le texte. La Cour des comptes nous rappelle que, si les modalités de couverture du risque RGA varient d'un pays à l'autre, la France, dotée d'un modèle public-privé sans équivalent en Europe, fait figure d'exception. Des pays comme les États-Unis, l'Espagne, l'Italie ou encore le Royaume-Uni ont exclu le RGA du régime des catastrophes naturelles au motif que ce risque est connu d'avance – les études le démontrent – et qu'il est donc possible d'agir préventivement en employant des techniques de construction adaptées.

Jusqu'à présent, le risque RGA n'a jamais mis en péril l'équilibre financier du régime Catastrophe naturelle, mais un rapport sénatorial estime que le coût cumulé de la sinistralité liée à la sécheresse représentera environ 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, soit le triple du coût cumulé des trois décennies précédentes. Selon cette prévision, le régime Catastrophe naturelle ne sera pas en mesure de dégager assez de réserves pour couvrir les sinistres à l'horizon de 2040.

Nous ne saurions laisser les sinistrés sans solution. À l'instar de l'ordonnance du 29 juillet 2022 visant à renforcer le contrôle des règles de construction, qui a créé une nouvelle attestation relative aux risques RGA et exigible des constructions neuves ou des rénovations de bâtiments soumises à permis de construire, votre texte va dans le bon sens, mais demeure très lacunaire. La logique de l'indemnisation doit laisser place à une politique active de prévention du risque. Les nouvelles normes concernant les constructions nouvelles sont insuffisantes, et les mesures portant sur le bâti existant restent un angle mort. Il convient d'envisager rapidement le recours au fonds Barnier. Par ailleurs, nous pourrions réduire la fiscalité des personnes qui ne peuvent plus jouir d'une partie de leur bien.

Vous l'aurez compris, malgré de nombreux effets d'annonce, votre texte n'ébauche que l'infime partie d'une solution, et la route est encore longue pour trouver la réponse idéale que méritent les particuliers.

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