Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse :

Je me réjouis de vous retrouver à l'occasion de cette audition et de poursuivre nos échanges : je souhaite qu'ils soient les plus ouverts et nourris possibles, sur notre système éducatif et sur les réformes que je porte.

Vous le savez, les réformes éducatives s'inscrivent dans le temps long. Si nous voulons en mesurer les résultats et les bénéfices durables pour nos élèves et pour nos personnels, il faut nous donner le temps de le faire et celui de l'évaluation. Mais le temps de l'évaluation n'est pas celui de l'action. Face aux défis de notre système éducatif, nous devons agir, regarder sans concession les fragilités qui sont les nôtres, prendre appui aussi sur les progrès réalisés depuis cinq ans, fixer des priorités et des échéances précises, pour replacer l'école au cœur de notre contrat social.

Je l'ai déjà dit, une école qui ne tient pas sa promesse d'égalité et d'élévation menace le pacte social. Une société qui n'incite plus les jeunes générations à devenir enseignants fragilise notre République et ses valeurs – liberté, égalité, fraternité, laïcité –, dont nos professeurs ont toujours été les premiers artisans.

C'est pourquoi mon action s'inscrit résolument dans cette double direction, cette double attention si je puis dire : pour nos enseignants, dont nous devons revaloriser le métier ; pour nos élèves, dont nous devons relever le niveau et réduire les inégalités de destin. Je tiens ces deux objectifs pour intimement liés : la considération pour nos professeurs, l'ambition pour nos élèves ; l'une ne peut aller sans l'autre.

J'évoquerai tout d'abord la revalorisation des professeurs, qui est une nécessité, pour nous donner des leviers de transformation de l'institution – avec des personnels mieux considérés et mieux rémunérés – et aussi pour contribuer à enrayer la crise préoccupante des recrutements.

Nous avons eu, depuis le mois d'octobre dernier, une centaine d'heures d'échanges avec les organisations syndicales. Nous arriverons très bientôt au terme de cette séquence de concertation, qui a permis de faire évoluer les propositions initiales. Nous tiendrons notre promesse de la revalorisation financière des professeurs.

Ce sont ainsi tous nos personnels enseignants et assimilés, titulaires comme contractuels, qui bénéficieront, le 1er septembre prochain, d'une revalorisation indemnitaire universelle et sans condition. À ce stade, nous privilégions une augmentation de la prime de fonction – l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) pour le premier degré et l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) pour le second degré.

Le déroulement de carrière de nos enseignants sera également amélioré, rendu plus progressif – pour éviter les faux plats dans la rémunération – et plus attractif, avec l'augmentation de la prime d'attractivité pour les premières parties de carrière, et, ensuite, des passages de grade facilités, y compris en fin de carrière, pour le passage à la hors classe et à la classe exceptionnelle.

Le pacte enseignant viendra s'ajouter à cette première part de revalorisation, avec un double objectif : transformer l'école et augmenter la rémunération des enseignants volontaires pour assumer des missions nouvelles.

Il s'agira de transformer l'école, en assurant les missions qui permettront de mieux faire réussir nos élèves – par priorité, le remplacement de courte durée, l'aide aux devoirs, l'intervention des professeurs des écoles en classe de sixième – et en laissant ensuite chaque école, chaque établissement quantifier ses besoins, dans le cadre de concertations locales sur le modèle des concertations en cours dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) relatif à l'éducation – « Notre école faisons-la ensemble » –, dont je me réjouis du succès, depuis son lancement : à ce jour, on compte déjà plus de 16 000 intentions de concertations, dont 4 000 réalisées. Dans le cadre du fonds d'innovation pédagogique, 150 millions d'euros sont consacrés au CNR éducation, pour l'année 2023.

Un pacte type – en plus de la revalorisation-socle, donc – sera composé de trois briques correspondant chacune à une mission nouvelle, chaque enseignant volontaire pouvant opter pour une, deux ou trois briques. Le pacte type sera rémunéré à hauteur de 3 750 euros bruts par an, soit une augmentation de 10 % de la rémunération moyenne des enseignants.

Nous allons enfin lancer une grande campagne de communication, visant à valoriser l'image des enseignants et à les recruter. Ainsi, nous marquerons la reconnaissance de la société, dans son ensemble, envers ses professeurs.

Je n'oublie pas les autres personnels, non enseignants, qui eux aussi œuvrent quotidiennement au service public d'éducation : personnels administratifs, personnels sociaux et de santé, accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Toutes les filières métiers du ministère doivent être reconnues : nous devons en améliorer l'attractivité comme les conditions d'exercice. Des mesures de revalorisation ont déjà été prises en 2022 : le travail sera poursuivi.

Deuxièmement, le relèvement du niveau général de nos élèves est une priorité absolue, car notre pays stagne dans les évaluations internationales. Il ne s'agit pas d'une vaine course à la performance, mais de l'exigence supérieure d'assurer à chaque élève la maîtrise des savoirs fondamentaux, sans lesquels aucun projet d'émancipation, aucune voie de réussite n'est possible : donner confiance à chaque jeune dans ses potentialités et l'accompagner dans son orientation, dans un choix de parcours qui soit en phase avec ses aspirations.

En ce sens, j'ai décidé de mesures importantes dans un délai rapide, pour qu'elles soient effectives dès la prochaine rentrée scolaire : la réintroduction des mathématiques pour tous les élèves de première générale, le déploiement de clubs de mathématiques au collège et au lycée – avec Hugo Duminil-Copin, ambassadeur des clubs de mathématiques –, pour réconcilier les élèves avec cette discipline et susciter davantage de vocations chez les jeunes filles ; le plan maternelle pour sécuriser l'entrée dans les apprentissages des tout-petits, sur les plans affectif et cognitif ; le renforcement de l'enseignement du français et des mathématiques en cycle 3, dans la continuité de la priorité donnée, depuis 2017, à l'école primaire ; des sessions d'approfondissement ou de soutien en français ou en mathématiques en classe de sixième, ainsi que la généralisation du dispositif « devoirs faits », pour faciliter l'entrée au collège, trop souvent vécue par les élèves et leur famille comme une transition brutale, consolider les apprentissages et mieux appréhender l'hétérogénéité des élèves ; l'extension des évaluations nationales des acquis des élèves aux classes de CM1 et de quatrième – ainsi, elle concernera les classes de CP, CE1, CM1, sixième, quatrième et seconde ; la découverte des métiers, à compter de la classe de cinquième et jusqu'à la fin du collège, pour élargir l'horizon des élèves, déconstruire les représentations et les biais de genre, faire découvrir la richesse et la diversité des activités professionnelles, les filières en tension et les métiers d'avenir ; le plan « langues vivantes », qui se décline en plusieurs objectifs, dont le tout premier est la maîtrise de l'anglais comme langue de communication majeure, pour tous nos élèves, à la fin du collège.

Enfin, troisièmement, l'efficacité de notre système éducatif doit se mesurer à son aptitude à réduire les inégalités. La mixité sociale et scolaire est un enjeu de justice et de cohésion de notre société. Elle doit ainsi associer et mobiliser l'ensemble des acteurs : les communes, les départements et les régions ; les organisations syndicales et les fédérations de parents d'élèves, que nous avons consultées ; les acteurs de l'enseignement public, comme les réseaux de l'enseignement privé sous contrat.

Nous avons des leviers pour agir et nous agirons, à l'échelle de chaque académie, en lien avec toutes les parties prenantes, notamment les élus : pour renforcer l'attractivité de l'offre de formation dans les établissements publics les plus défavorisés et soutenir l'ouverture sociale des établissements publics les plus favorisés ; pour appuyer les secteurs multi-collèges et revoir les modalités d'affectation au lycée ; pour engager les établissements privés sous contrat dans cet effort collectif.

Je suis tout aussi attentif à répondre au sentiment d'abandon que peuvent éprouver certains territoires ruraux. J'ai donc décidé d'un plan ruralité – annoncé vendredi dernier par la Première ministre –, pour assurer le meilleur maillage territorial du service public de l'éducation et garantir, dans le même temps, la réussite des élèves en milieu rural. J'ai d'ores et déjà donné consigne, depuis deux mois, de rouvrir 389 classes par rapport aux prévisions initiales. À compter de l'an prochain, nous donnerons de la visibilité, sur trois ans, sur les fermetures et ouvertures de classes, en concertation avec les élus, dans une logique d'anticipation mais aussi de meilleure prise en compte des spécificités des territoires ruraux.

Mesdames et messieurs les députés, nombreux sont les sujets que je souhaiterais évoquer devant vous. Je songe en particulier à l'école inclusive, à la lutte contre le harcèlement, à l'éducation à la sexualité ou à la santé mentale de nos élèves, mais je ne veux pas être plus long dans le cadre de ce propos liminaire afin de laisser le temps à nos échanges et vos questions.

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