Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mardi 4 avril 2023 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Mme Isabelle Rauch, Présidente)

La commission auditionne M. Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.

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Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre disponibilité pour cette audition, qui intervient dans un contexte particulier. En effet, pour la première fois, les épreuves de spécialité du baccalauréat ont eu lieu au mois de mars. Le choix de dates précoces vise à permettre que les résultats de ces épreuves soient pris en compte lors de l'examen des candidatures déposées sur Parcoursup. D'une manière générale, la réforme du lycée mise en œuvre par votre prédécesseur avait notamment comme objectif de renforcer la continuité entre l'enseignement secondaire et le supérieur, par une meilleure orientation des élèves et par la prise en considération des résultats obtenus en terminale, durant l'examen des vœux par les établissements d'enseignement supérieur. Cet objectif vous semble-t-il en passe d'être atteint ? Nous n'ignorons pas que certains élèves et enseignants ont déploré l'intensification du rythme des apprentissages, en raison de l'avancement au mois de mars des épreuves de spécialité : quelle réponse leur apporter, pour combiner au mieux orientation et qualité pédagogique ?

Par ailleurs, vous avez récemment fait part de votre intention de réformer certains aspects de la scolarité au collège. À ce stade, vous avez mis l'accent sur la maîtrise, par les élèves de sixième, des connaissances fondamentales en mathématiques et en français. Vous avez notamment annoncé que des professeurs des écoles pourraient intervenir dans les classes de sixième, pour assurer un soutien à de petits groupes d'élèves, dans ces deux disciplines. La généralisation du dispositif « devoirs faits », qui permet aux élèves de faire leurs devoirs au sein de l'établissement, est également prévue. Pouvez-vous nous indiquer où en est la mise en œuvre de ces deux mesures ? Constituent-elles les premières pistes d'une réforme plus globale du collège ?

À cet égard, notre commission avait organisé, au mois de janvier, une table ronde sur l'enseignement des mathématiques et des sciences : certains des participants y avaient exprimé leur inquiétude, suite à la suppression annoncée d'une heure hebdomadaire d'enseignement de technologie en sixième, afin de libérer du temps pour la mise en œuvre du soutien en mathématiques et en français. Êtes-vous en mesure de nous confirmer que la suppression de cette heure de cours sera compensée par l'augmentation du temps consacré à la technologie en classe de cinquième ?

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Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse

Je me réjouis de vous retrouver à l'occasion de cette audition et de poursuivre nos échanges : je souhaite qu'ils soient les plus ouverts et nourris possibles, sur notre système éducatif et sur les réformes que je porte.

Vous le savez, les réformes éducatives s'inscrivent dans le temps long. Si nous voulons en mesurer les résultats et les bénéfices durables pour nos élèves et pour nos personnels, il faut nous donner le temps de le faire et celui de l'évaluation. Mais le temps de l'évaluation n'est pas celui de l'action. Face aux défis de notre système éducatif, nous devons agir, regarder sans concession les fragilités qui sont les nôtres, prendre appui aussi sur les progrès réalisés depuis cinq ans, fixer des priorités et des échéances précises, pour replacer l'école au cœur de notre contrat social.

Je l'ai déjà dit, une école qui ne tient pas sa promesse d'égalité et d'élévation menace le pacte social. Une société qui n'incite plus les jeunes générations à devenir enseignants fragilise notre République et ses valeurs – liberté, égalité, fraternité, laïcité –, dont nos professeurs ont toujours été les premiers artisans.

C'est pourquoi mon action s'inscrit résolument dans cette double direction, cette double attention si je puis dire : pour nos enseignants, dont nous devons revaloriser le métier ; pour nos élèves, dont nous devons relever le niveau et réduire les inégalités de destin. Je tiens ces deux objectifs pour intimement liés : la considération pour nos professeurs, l'ambition pour nos élèves ; l'une ne peut aller sans l'autre.

J'évoquerai tout d'abord la revalorisation des professeurs, qui est une nécessité, pour nous donner des leviers de transformation de l'institution – avec des personnels mieux considérés et mieux rémunérés – et aussi pour contribuer à enrayer la crise préoccupante des recrutements.

Nous avons eu, depuis le mois d'octobre dernier, une centaine d'heures d'échanges avec les organisations syndicales. Nous arriverons très bientôt au terme de cette séquence de concertation, qui a permis de faire évoluer les propositions initiales. Nous tiendrons notre promesse de la revalorisation financière des professeurs.

Ce sont ainsi tous nos personnels enseignants et assimilés, titulaires comme contractuels, qui bénéficieront, le 1er septembre prochain, d'une revalorisation indemnitaire universelle et sans condition. À ce stade, nous privilégions une augmentation de la prime de fonction – l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE) pour le premier degré et l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) pour le second degré.

Le déroulement de carrière de nos enseignants sera également amélioré, rendu plus progressif – pour éviter les faux plats dans la rémunération – et plus attractif, avec l'augmentation de la prime d'attractivité pour les premières parties de carrière, et, ensuite, des passages de grade facilités, y compris en fin de carrière, pour le passage à la hors classe et à la classe exceptionnelle.

Le pacte enseignant viendra s'ajouter à cette première part de revalorisation, avec un double objectif : transformer l'école et augmenter la rémunération des enseignants volontaires pour assumer des missions nouvelles.

Il s'agira de transformer l'école, en assurant les missions qui permettront de mieux faire réussir nos élèves – par priorité, le remplacement de courte durée, l'aide aux devoirs, l'intervention des professeurs des écoles en classe de sixième – et en laissant ensuite chaque école, chaque établissement quantifier ses besoins, dans le cadre de concertations locales sur le modèle des concertations en cours dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) relatif à l'éducation – « Notre école faisons-la ensemble » –, dont je me réjouis du succès, depuis son lancement : à ce jour, on compte déjà plus de 16 000 intentions de concertations, dont 4 000 réalisées. Dans le cadre du fonds d'innovation pédagogique, 150 millions d'euros sont consacrés au CNR éducation, pour l'année 2023.

Un pacte type – en plus de la revalorisation-socle, donc – sera composé de trois briques correspondant chacune à une mission nouvelle, chaque enseignant volontaire pouvant opter pour une, deux ou trois briques. Le pacte type sera rémunéré à hauteur de 3 750 euros bruts par an, soit une augmentation de 10 % de la rémunération moyenne des enseignants.

Nous allons enfin lancer une grande campagne de communication, visant à valoriser l'image des enseignants et à les recruter. Ainsi, nous marquerons la reconnaissance de la société, dans son ensemble, envers ses professeurs.

Je n'oublie pas les autres personnels, non enseignants, qui eux aussi œuvrent quotidiennement au service public d'éducation : personnels administratifs, personnels sociaux et de santé, accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Toutes les filières métiers du ministère doivent être reconnues : nous devons en améliorer l'attractivité comme les conditions d'exercice. Des mesures de revalorisation ont déjà été prises en 2022 : le travail sera poursuivi.

Deuxièmement, le relèvement du niveau général de nos élèves est une priorité absolue, car notre pays stagne dans les évaluations internationales. Il ne s'agit pas d'une vaine course à la performance, mais de l'exigence supérieure d'assurer à chaque élève la maîtrise des savoirs fondamentaux, sans lesquels aucun projet d'émancipation, aucune voie de réussite n'est possible : donner confiance à chaque jeune dans ses potentialités et l'accompagner dans son orientation, dans un choix de parcours qui soit en phase avec ses aspirations.

En ce sens, j'ai décidé de mesures importantes dans un délai rapide, pour qu'elles soient effectives dès la prochaine rentrée scolaire : la réintroduction des mathématiques pour tous les élèves de première générale, le déploiement de clubs de mathématiques au collège et au lycée – avec Hugo Duminil-Copin, ambassadeur des clubs de mathématiques –, pour réconcilier les élèves avec cette discipline et susciter davantage de vocations chez les jeunes filles ; le plan maternelle pour sécuriser l'entrée dans les apprentissages des tout-petits, sur les plans affectif et cognitif ; le renforcement de l'enseignement du français et des mathématiques en cycle 3, dans la continuité de la priorité donnée, depuis 2017, à l'école primaire ; des sessions d'approfondissement ou de soutien en français ou en mathématiques en classe de sixième, ainsi que la généralisation du dispositif « devoirs faits », pour faciliter l'entrée au collège, trop souvent vécue par les élèves et leur famille comme une transition brutale, consolider les apprentissages et mieux appréhender l'hétérogénéité des élèves ; l'extension des évaluations nationales des acquis des élèves aux classes de CM1 et de quatrième – ainsi, elle concernera les classes de CP, CE1, CM1, sixième, quatrième et seconde ; la découverte des métiers, à compter de la classe de cinquième et jusqu'à la fin du collège, pour élargir l'horizon des élèves, déconstruire les représentations et les biais de genre, faire découvrir la richesse et la diversité des activités professionnelles, les filières en tension et les métiers d'avenir ; le plan « langues vivantes », qui se décline en plusieurs objectifs, dont le tout premier est la maîtrise de l'anglais comme langue de communication majeure, pour tous nos élèves, à la fin du collège.

Enfin, troisièmement, l'efficacité de notre système éducatif doit se mesurer à son aptitude à réduire les inégalités. La mixité sociale et scolaire est un enjeu de justice et de cohésion de notre société. Elle doit ainsi associer et mobiliser l'ensemble des acteurs : les communes, les départements et les régions ; les organisations syndicales et les fédérations de parents d'élèves, que nous avons consultées ; les acteurs de l'enseignement public, comme les réseaux de l'enseignement privé sous contrat.

Nous avons des leviers pour agir et nous agirons, à l'échelle de chaque académie, en lien avec toutes les parties prenantes, notamment les élus : pour renforcer l'attractivité de l'offre de formation dans les établissements publics les plus défavorisés et soutenir l'ouverture sociale des établissements publics les plus favorisés ; pour appuyer les secteurs multi-collèges et revoir les modalités d'affectation au lycée ; pour engager les établissements privés sous contrat dans cet effort collectif.

Je suis tout aussi attentif à répondre au sentiment d'abandon que peuvent éprouver certains territoires ruraux. J'ai donc décidé d'un plan ruralité – annoncé vendredi dernier par la Première ministre –, pour assurer le meilleur maillage territorial du service public de l'éducation et garantir, dans le même temps, la réussite des élèves en milieu rural. J'ai d'ores et déjà donné consigne, depuis deux mois, de rouvrir 389 classes par rapport aux prévisions initiales. À compter de l'an prochain, nous donnerons de la visibilité, sur trois ans, sur les fermetures et ouvertures de classes, en concertation avec les élus, dans une logique d'anticipation mais aussi de meilleure prise en compte des spécificités des territoires ruraux.

Mesdames et messieurs les députés, nombreux sont les sujets que je souhaiterais évoquer devant vous. Je songe en particulier à l'école inclusive, à la lutte contre le harcèlement, à l'éducation à la sexualité ou à la santé mentale de nos élèves, mais je ne veux pas être plus long dans le cadre de ce propos liminaire afin de laisser le temps à nos échanges et vos questions.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, vendredi dernier, vous avez accompagné Mme la Première ministre lors de son déplacement dans la Nièvre, sur le thème des enjeux de scolarité et d'égalité des chances en milieu rural. Elle y a annoncé un plan pour l'éducation dans les territoires ruraux : il contiendrait la généralisation du programme Territoires éducatifs ruraux, l'incitation aux regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) et un changement de méthode dans la politique de fermeture des classes. Ces annonces peuvent être de nature à rassurer les élus, les parents et les enseignants, qui s'inquiètent, légitimement, des conséquences de la baisse démographique à venir.

Au nom du groupe Renaissance, je vous remercie pour ces annonces, qui remettent l'égalité des chances au premier rang de vos priorités. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le contenu de ce plan et sur son calendrier de mise en œuvre ?

La recherche de l'égalité des chances se fait aussi par la demi-journée d'orientation, bientôt instaurée, en cinquième. En juillet dernier, lors de votre première audition par notre commission, je vous avais interrogé sur les contours de cette demi-journée : vous aviez alors précisé que des expérimentations allaient démarrer en septembre. Six mois plus tard, en avez-vous des retours ? Soulèvent-elles des points de blocage ? En outre, pouvez-vous nous indiquer comment votre ministère a accompagné les équipes pédagogiques dans l'organisation de ces demi-journées ? Comment le lien entre entreprises et écoles se fait-il ?

Beaucoup d'entreprises impliquées dans la valorisation de leur savoir-faire – à l'instar de celles qui participent aux Olympiades des métiers – ont créé des outils de découverte de leurs métiers : le ministère compte-t-il recenser ces outils, pour faciliter le travail des enseignants ? Un tel recensement pourrait en effet aider les équipes pédagogiques à faire découvrir à leurs élèves une diversité des métiers, d'entreprises, quelles que soient l'économie locale ou l'influence de certaines grandes entreprises.

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Il n'existe pas de sentiment d'abandon de la ruralité, mais bien un abandon de la ruralité. Il se traduit notamment par les fermetures massives de classes dans les communes rurales. Les familles de la ruralité souffrent de l'injustice de cette politique, des inégalités et de la discrimination. Une fermeture de classe dans une école rurale engendre d'abord des difficultés pour les élèves, qui doivent être regroupés dans des classes surchargées, mais aussi pour les familles, avec un temps de transport et des dépenses en carburant accrus. Elle se traduit aussi par une perte d'attractivité pour les communes rurales : une fermeture de classe, c'est l'annonce probable d'une fermeture d'école, puis la fermeture d'autres services publics.

Au 31 mars 2023, 5 400 fermetures de classes sont actées pour l'ensemble des départements français, principalement en milieu rural : c'est une injustice majeure entre les élèves de la ruralité et ceux des métropoles et des quartiers dits prioritaires. Le Gouvernement a notamment mis en place le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les zones prioritaires – ces classes comptent douze élèves, ce qui est très bien pour les enseignements. Or, dans les communes rurales, vous fermez des classes lorsqu'il y a une baisse d'effectifs portant le nombre d'élèves à moins de vingt : cela est incompréhensible et injuste. Monsieur le ministre, considérez-vous qu'un élève de la ruralité vaut moins qu'un élève des quartiers dits prioritaires ?

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Depuis de trop nombreuses années, le ministère compte sur la conscience professionnelle des enseignants, sur leur souci de l'intérêt des élèves et sur leur amour du métier, pour faire tenir debout la maison Éducation nationale, au mépris de leur professionnalité et de leur expertise. Cependant, la charpente craque, et les murs commencent à s'effondrer. Vous vous inquiétez donc – à raison – de la difficulté à recruter des enseignants et semblez commencer à prendre la mesure de l'augmentation des arrêts pour épuisement professionnel, et des démissions à tous les stades de la carrière. Mais quelle est votre réponse à cette situation ? Quelle est votre solution pour faire face au mal-être des enseignants ? Vous leur proposez un pacte !

Un pacte instaurant une revalorisation salariale au niveau des moyennes européennes ? Non. Un pacte leur garantissant d'avoir moins d'élèves par classe, pour rejoindre les standards européens ? Non. Un pacte instaurant de meilleures conditions de travail, en recentrant les missions sur le cœur du métier – enseigner ? Non. Votre pacte consiste à leur proposer de gagner un peu plus, en échange de missions supplémentaires. Outre qu'il ne s'agit pas d'une augmentation de salaire, mais bien d'une hausse du temps de travail, cela démontre – au mieux – une méconnaissance totale du métier. Dans le second degré, les enseignants font déjà des heures supplémentaires : leur en ajouter est irréaliste et contre-productif. Dans le premier degré, le temps de travail réel des professeurs des écoles est de quarante-trois heures par semaine en moyenne, avec trente-quatre jours de vacances travaillées, selon une enquête de l'INSEE, reprise par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP). Ils n'ont pas besoin de missions supplémentaires, mais de temps, de calme, et de respect.

L'ensemble des organisations syndicales a quitté la table des négociations, et vous demande de renoncer à ce pacte inepte. Allez-vous les écouter ? Allez-vous les entendre ? Pas de pacte, mais 10 % pour toutes et tous, maintenant et sans condition. Après tout, n'était-ce pas la promesse d'Emmanuel Macron en avril dernier ? À vous de la tenir, monsieur le ministre.

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Depuis des mois, se répète l'idée que toute l'injustice du système scolaire viendrait du privé, qui siphonnerait les meilleurs élèves et les financements, au détriment du public. Rétablissons la vérité : le privé n'est ni un parasite aux crochets du public, ni un lieu de ségrégation organisée. En tant que ministre, monsieur Ndiaye, vous ne pouvez évidemment pas alimenter ces grands mythes, auxquels tient tant l'extrême gauche.

Premièrement, le privé n'est pas un bloc homogène. Ma circonscription compte, certes, des collèges privés avec des indices de position sociale (IPS) de 110 ou de 120, mais également un grand écart, entre le collège public de Chazay-d'Azergues – dont l'IPS est de 133 – et le collège privé Notre-Dame, à Belleville-en-Beaujolais – dont l'IPS est de 107.

Deuxièmement, le privé ne prive personne, ou du moins, pas comme on le croit. Pour ma part, j'ai fait la moitié de mon parcours dans le public, et l'autre moitié dans le privé, non pas en raison de stratégies scolaires élaborées ni parce que nous étions riches, mais parce que cela arrangeait mes parents d'un point de vue géographique, en raison de leur lieu de travail, et parce que l'on y pratiquait des tarifs adaptés aux élèves modestes, dont je faisais partie – même s'ils se saignaient pour me permettre d'y aller.

Il faut donc tuer un mythe : le privé ne prive personne, et notamment pas les enfants du public de moyens, n'en déplaise à l'extrême gauche. Les enfants du privé reçoivent juste de l'État ce qui leur est dû. Non, le privé ne prive pas par volonté : en dehors du triangle d'or parisien, il n'y a pas de grand apartheid scolaire en France. Dans la plupart des départements, les établissements privés sont ceux du grand brassage géographique, et donc culturel : ils sont, en eux-mêmes, un lieu de mixité.

Si l'IPS du privé a augmenté de trois points cette année, ce n'est pas parce qu'il a durci ses conditions d'accès, mais parce que les parents s'autocensurent – ou du moins sont prudents – du fait de la crise. La sélection ne se fait pas par choix, mais par conséquence. On n'est pas recalé du privé pour des questions d'argent, mais de résultat : telle est la vérité. Le privé applique juste l'exigence à laquelle le public a souvent renoncé. Si le privé existe en France, c'est qu'il a une raison d'être : la liberté éducative, qu'il nous faut chérir et utiliser comme un stimulant. Que proposez-vous pour renforcer les capacités d'expérimentation du privé au service de l'instruction nationale, et pour garantir l'équité due aux élèves du privé, notamment en matière de restauration scolaire ?

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Sur le sujet précis du salaire des professeurs, il y a urgence à agir. Notre groupe n'a cessé de le rappeler depuis 2017. De fait, au fil de politiques budgétaires peu attentives au sujet, les jeunes enseignants sont passés d'un salaire équivalent à 2,3 fois le Smic en 1980, à un salaire à peine supérieur au Smic aujourd'hui. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelle que nos enseignants du primaire, avec quinze ans d'expérience, gagnent environ 20 % de moins que la moyenne de ceux de l'OCDE, les plaçant parmi les plus mal payés des pays riches. Entre 2005 et 2019, les salaires des professeurs de l'OCDE ont augmenté de 11 % en moyenne ; en France, sur la même période, ils ont diminué de 2 % à 6 %, la baisse s'accentuant même après 2000.

Or, la forte dégradation salariale des métiers de l'enseignement n'est pas sans rapport avec le problème de l'attractivité. Lors de sa campagne, le Président de la République, s'emparant du sujet, a annoncé une hausse inconditionnelle de 10 % des salaires : c'est la partie socle annoncée, qui va concerner l'ensemble des professionnels. Pouvez-vous confirmer cela ? En effet, une première annonce laissait à penser que les enseignants en début de carrière bénéficieraient de 10 %, les enseignants plus chevronnés étant seulement concernés par des avancements de carrière accélérés, au risque de laisser une partie d'entre eux sans revalorisation.

S'agissant du pacte, vous annoncez des objectifs administratifs – plus de remplacements et d'heures de soutien en mathématiques et en français. Or, les conditions de travail actuel sont les suivantes : les enseignants travaillent dans les classes présentant les taux d'encadrement les moins favorables, parmi les vingt-six pays européens étudiés par la DEPP. Le travail hebdomadaire médian des professeurs français est de quarante-trois heures, contre quarante heures pour la moyenne des cadres A de la fonction publique. Comment percevez-vous la recevabilité, sur le terrain, de cette partie de revalorisation, quand la profession demande d'abord à être mieux reconnue dans l'intensité et dans la difficulté accrue de ses tâches quotidiennes, dans un contexte où, la société se fragilisant, les défis de l'école sont très nombreux ?

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Vous venez d'esquisser des pistes pour favoriser la mixité sociale dans nos établissements face à la persistance d'une ségrégation scolaire à laquelle la puissance publique n'a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante. Nous ne pouvons pas espérer que l'école remplisse l'ensemble de ses missions républicaines, sans relever l'immense défi de la mixité sociale. Mais ce grand chantier a pris beaucoup de retard et votre prédécesseur Jean-Michel Blanquer avait malheureusement plus à cœur de favoriser l'enseignement privé que d'œuvrer à la réussite scolaire de tous.

Vos annonces font écho à des dispositifs déjà expérimentés à l'échelle locale – tels les secteurs multi-collèges, expérimentés avec succès dès 2016, par Najat Vallaud-Belkacem – alors que le temps des expérimentations est fini et qu'il faut désormais aller beaucoup plus loin. Comptez-vous enfin rendre obligatoire l'élargissement des secteurs multi-collèges et l'adaptation des procédures d'affectation, partout où cela s'impose ? Face à la nécessité de lutter contre les effets de bord, il est indispensable d'élargir les secteurs au-delà des frontières des départements, en particulier dans la Métropole du Grand Paris. Répondrez-vous favorablement à la demande du président du département de la Seine-Saint-Denis, pour intégrer le département dans l'académie de Paris ?

Enfin, il est évident que nous ne pourrons pas relever le défi de la mixité sans mettre réellement à contribution les établissements privés, par exemple au travers d'un malus-bonus, modulant les crédits pédagogiques accordés aux établissements, en fonction du niveau de mixité sociale, comme cela se fait déjà en Haute-Garonne. Monsieur le ministre, êtes-vous réellement prêt à introduire et à généraliser, à l'échelle nationale, ce système de bonus-malus, même pour les établissements privés ? Comment s'assurer que la modulation financière prévue soit suffisamment importante pour avoir un effet réellement significatif ?

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Je me réjouis de votre venue devant la commission, monsieur le ministre, après l'annonce par Mme la Première ministre, à l'occasion de sa visite dans la Nièvre, de la nouvelle méthode que vous avez retenue pour décider des fermetures de classe en milieu rural et qui permettrait de les anticiper de trois ans plutôt que de les annoncer au dernier moment.

Ces annonces sont d'autant plus importantes que les écoles rurales sont fragilisées et en souffrance. Dans de nombreuses communes, l'école est souvent le dernier service public et l'âme du village. Il est urgent que votre ministère réponde enfin au problème particulier des écoles rurales. Trop souvent, les annonces de fermeture de classe sont vécues comme des décisions arbitraires, prises sans aucune concertation préalable avec les élus et les habitants. Ainsi, dans ma circonscription, l'annonce d'une fermeture de classe dans le RPI (regroupement pédagogique intercommunal) des Quatre Vents ou de celui des Roches Feuilles, suscitent incompréhension et émoi, d'autant plus que les élus locaux avaient investi massivement pour entretenir leurs écoles – 300 000 euros pour des travaux d'isolation, 180 000 euros pour des projets de rénovation énergétique.

La décision que vous avez prise est un premier pas important pour renforcer les écoles rurales. Reverrez-vous les projets de fermeture de classe en cours et demanderez-vous aux recteurs de renoncer à certains, qui paraissent injustifiés, dans les territoires ruraux ?

D'autre part, vous avez annoncé la généralisation des territoires éducatifs ruraux. Comment seront-ils identifiés et sélectionnés ?

Enfin, alors que la réforme du lycée professionnel est engagée, des projets de suppression de postes de proviseurs adjoints dans les lycées professionnels sont en cours – par exemple, dans ma circonscription, à Falaise. De tels projets ne semblent pas opportuns car les transformations devront être accompagnées. Avez-vous prévu de revoir les décisions de suppression après l'adoption de cette réforme ?

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Je connais votre engagement en faveur de la mixité dans l'enseignement scolaire, monsieur le ministre, mais depuis les années 2000, la situation empire sans que rien ne soit entrepris pour y remédier. Les annonces récentes ne risquent pas d'inverser la tendance. Vous ne vous attaquez pas à la source, c'est-à-dire la dégradation continue du service public de l'éducation. Vous semblez au contraire vous contenter d'effets d'annonces pour le privé, en vous servant d'un outil qu'on sait déjà peu efficace. En effet, il n'y aura pas de modulation de la part fixe du financement du privé – éventuellement, celle de la part variable, supportée par les collectivités. Nous le regrettons. La part variable est très mince dans le financement global du privé et votre mesure sera donc peu incitative. Vous prévoyez malgré tout d'instaurer un bonus-malus en fonction du profil social des élèves. C'est un premier pas mais le risque de ne développer que la mixité sociale, pas la mixité scolaire, est évident. Comment comptez-vous éviter un tel effet de bord ?

S'attaquer à l'enseignement privé n'est pas négligeable mais que comptez-vous faire pour lutter contre le véritable fléau du démantèlement progressif de l'école ? Une réelle politique de mixité doit s'attacher à redonner toute sa place à l'enseignement public, en renforçant son attractivité afin qu'il ne devienne pas un supplétif – ce qu'il est en passe d'être. Ce n'est pas votre pacte enseignant et la vision libérale de l'éducation qu'il véhicule qui permettront de reconstruire une école républicaine digne de ce nom.

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Je souhaite évoquer le thème difficile mais incontournable de la pauvreté à l'école. Vous avez-vous-même reconnu, monsieur le ministre, que l'école était injuste avec les pauvres. Nous partageons ce constat et nous attendons vos mesures. L'école ne pourra être juste dans un pays qui ne fait pas tout pour combattre l'injustice et la pauvreté mais elle a un rôle central pour transformer la société. Un peu plus de 14 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Entre 2000 et 2019, le taux de pauvreté des moins de 18 ans, au seuil de 50 % du revenu médian, est passé de 8 à 11,5 %. L'une des priorités de l'école doit être de mettre fin aux inégalités de destin. Rendez-vous compte : il faut six générations de descendants de familles situées dans les 10 % les plus pauvres pour accéder au revenu moyen de la population. L'école doit bénéficier de suffisamment de moyens pour accompagner chacun, notamment grâce au dispositif installé dans les écoles classées Rep ou Rep+ (réseau d'éducation prioritaire) qui permet aux élèves et aux équipes éducatives de bénéficier d'un meilleur accompagnement dans leur apprentissage afin de réduire les inégalités et améliorer les résultats scolaires.

La politique d'éducation prioritaire a pour objectif de corriger les effets des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire. C'est pourquoi la ville de Dugny, dans ma circonscription, qui comprend 70 % de logements sociaux et dont la moitié des habitants vivent dans un quartier prioritaire, demande depuis longtemps que ces écoles bénéficient du réseau d'éducation prioritaire. Nous attendons toujours la réponse du ministère. Quelles sont vos pistes de travail pour faire de l'école de la République un véritable levier pour l'égalité des chances ?

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Je voudrais aborder le sujet de la scolarité des élèves atteints de pathologies chroniques. J'avais d'ailleurs défendu un texte dans le précédent quinquennat pour améliorer l'accompagnement de ces enfants. Si la loi a été promulguée en décembre 2021, il aura fallu attendre ce mois de mars pour que le décret relatif à la liste des pathologies, donc le plus important, soit publié. Il est vrai que plusieurs ministères étaient concernés, ce qui ne simplifiait rien. C'est chose faite, je m'en réjouis et je remercie vos services qui ont œuvré pour faire aboutir la publication du décret. L'un de ces articles prévoit la transmission du PAI (projet d'accueil individualisé) au centre d'examen lorsqu'il est différent de l'établissement scolaire d'origine de l'élève. Il est indispensable de connaître la situation de ces élèves afin de réagir au mieux et le plus rapidement possible en cas de malaise, par exemple. Faute d'avoir obtenu la présence d'un médecin ou d'une infirmière scolaire dans ces centres, cet article précise qu'il peut être indiqué dans le PAI si la présence d'un professionnel de santé est souhaitable lors des épreuves. N'oublions pas que les élèves peuvent, eux aussi, être atteints d'une maladie et qu'il est de notre devoir de tout faire pour améliorer leur quotidien et leur scolarité. N'ajoutons pas au stress des examens l'angoisse de la maladie. Rassurons l'élève et ses parents.

Désormais, il faut accélérer la communication sur ces nouvelles dispositions auprès des rectorats, afin que tous les établissements en prennent acte. Vous saisirez-vous du sujet pour que ces mesures soient opérationnelles lors des prochaines épreuves du baccalauréat et du brevet de cette année scolaire, et pour tous les élèves dès la rentrée scolaire 2023 ?

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Pap Ndiaye, ministre

La Première ministre a annoncé des mesures qui concernent l'éducation dans les territoires ruraux. Celles-ci témoignent de l'attention que nous portons aux demandes des députés et des sénateurs. Nous avons ainsi décidé de nous engager dans une démarche pluriannuelle. Les enfants qui naissent aujourd'hui seront scolarisés dans trois ans, ce qui nous donne une visibilité raisonnable pour penser la carte scolaire. Cela ne signifie pas que nous la gelons mais que nous nous engageons dans un dialogue avec les collectivités, en particulier les communes, ainsi que les préfectures, pour prendre les meilleures décisions. La commission de concertation, qui diffère des conseils départementaux de l'Éducation nationale (CDEN), se réunira dès l'automne afin d'échanger avec les maires autour de leurs projets qui pourraient avoir des répercussions sur la population scolaire – projet de construction de lotissements ou d'implantation d'entreprise, par exemple.

Je suis très sensible aux effets que peut avoir, pour un maire, la décision de fermer une classe après l'octroi de subventions pour rénover l'école. Je comprends que le manque de cohérence de l'État soit déstabilisant. Nous devons avoir une vision de plus long terme, sur trois ans, mener des concertations et prévenir le maire de nos intentions, même si nous devrons évaluer chaque année la carte scolaire pour tenir compte des familles qui emménagent ou qui déménagent.

J'ai visité un territoire éducatif rural dans le sud de la Nièvre, à La Machine, avec la Première ministre. Ces réseaux d'écoles et de collèges, voire de lycées, visent, sur le modèle des cités éducatives déployées dans les mondes urbains, à faire travailler ensemble le scolaire, le périscolaire et l'extrascolaire, à renforcer la coopération entre le primaire et le secondaire, en particulier autour de cette classe de sixième, et autour d'activités périscolaires. Les soixante-cinq premiers territoires éducatifs ruraux déployés donnent des résultats encourageants et nous souhaitons les développer. Nous n'y parviendrons qu'avec le soutien actif des collectivités qui doivent les demander. Il ne serait pas possible de les leur imposer. Je précise au passage que nous avons créé, au ministère de l'Éducation nationale, une instance de dialogue, de coordination, qui se réunit toutes les six semaines, ce qui permet de discuter avec les collectivités des sujets que nous partageons. Le lancement des territoires éducatifs ruraux doit relever de l'initiative des collectivités et elles savent que nous les soutiendrons.

M. Marion a évoqué les regroupements pédagogiques intercommunaux. Nous souhaitons les développer, eux aussi, non seulement pour répondre à la baisse des effectifs scolaires mais aussi pour faire travailler ensemble des écoles, des collectivités. Ces outils donnent des résultats très valables. J'en ai visité quelques-uns dernièrement en Haute-Savoie. Nous comptons proposer un bonus pour les collectivités qui s'engageront dans ces regroupements pédagogiques intercommunaux, en termes de ressources humaines, afin d'encourager la création de ces structures.

Nous augmentons d'autre part le nombre de places en internat d'excellence puisque 3 000 places s'ajouteront aux 11 000 existantes. Les données statistiques témoignent de l'effet bénéfique de l'implantation des filières attractives au sein de collèges urbains, en particulier dans des secteurs défavorisés, et il n'y a pas de raison de ne pas obtenir d'aussi bons résultats si l'on créé de telles filières dans les collèges ruraux. Je pense à des sections internationales, des sections sportives, des sections artistiques, dont les collèges ruraux doivent pouvoir bénéficier, eux aussi.

Nous proposons également des formules, sinon de binôme, du moins de partenariat entre collèges urbains et ruraux. Je disais l'autre jour en souriant, par référence à la célèbre fable, qu'il fallait rapprocher les rats des villes des rats des champs. Les élèves des mondes urbains, qui ne connaissent pas toujours la campagne, doivent pouvoir se rendre dans un collège partenaire, jumelé, et inversement. Nous voulons favoriser l'élaboration de projets pédagogiques entre des collèges qui, souvent, s'ignorent de par leurs réalités sociales.

Monsieur Patrier-Leitus, j'ai apporté 389 correctifs aux premières annonces de fermetures de classe entre février et mars. Ce sont autant de fermetures de classes qui n'auront pas lieu. Peut-être sera-t-il nécessaire de procéder à d'autres ajustements d'ici à juin. Nous verrons cela.

Monsieur Odoul, vous avez donné le chiffre des fermetures de classe, qui est supérieur à 5 000, mais vous avez omis de citer celui – et c'est heureux – des 3 000 ouvertures de classe, dans les territoires où la population scolaire augmente. Il faut parler d'un solde. Dans tous les départements, des classes ferment et d'autres s'ouvrent.

Il n'y a pas d'injustice entre ruralité et urbanité, entre mondes ruraux et mondes urbains. L'idée selon laquelle l'Éducation nationale serait tournée vers les mondes urbains ou suburbains et délaisserait les mondes ruraux, est inexacte. J'ai précisé les éléments du plan « ruralité » mais, d'une manière plus générale, les taux d'encadrement sont meilleurs dans les régions rurales que dans les régions urbaines. C'est en Lozère et dans le Cantal que vous trouverez les meilleurs taux d'encadrement car on doit y maintenir ouvertes des classes que l'on aurait fermées en ville du fait de la faiblesse de leurs effectifs, pour que les élèves n'aient pas à parcourir de trop longues distances jusqu'à la prochaine école.

Les résultats scolaires, en milieu rural, ne sont pas mauvais. Ils sont bons dans les écoles primaires et les collèges, un peu moins dans les lycées mais, globalement, ils sont meilleurs que dans beaucoup de régions urbaines plus ou moins défavorisées. En revanche, les services statistiques de l'Éducation nationale ont révélé que les ambitions scolaires ne reflétaient pas le niveau constaté. Les perspectives des bons élèves en milieu rural, après le collège ou le bac, restent limitées, sur le plan géographique comme sur celui des perspectives professionnelles, en raison du métier des parents ou des connaissances. Les questions qui se posent pour favoriser la réussite des élèves en milieu rural sont différentes de celles auxquelles nous devons répondre dans le domaine de l'éducation prioritaire classique.

Vous avez été nombreux à m'interroger à propos de l'attractivité du métier. Monsieur Walter, vous avez critiqué le pacte enseignant mais n'oubliez pas que nous prévoyons aussi une revalorisation inconditionnelle des rémunérations, dite socle, qui profitera à tous, du stagiaire au professeur en fin de carrière. Si vous avez la curiosité de relire la loi de finances de 2023, vous constaterez que nous y consacrons 1,9 milliard d'euros en année pleine. L'importance de cette somme est inédite et les hausses de salaire seront significatives. C'est en dialogue avec les organisations syndicales que nous avons avancé car nous ne visions au départ que les enseignants en début de carrière ou dans leur première moitié de carrière. Lorsque l'on compare le statut des enseignants au niveau international, les Français sont en effet ceux qui gagnent le moins en début de carrière – le retard est rattrapé en fin de carrière. J'insiste sur ce point : la revalorisation n'est soumise à aucune condition, elle bénéficiera à tous les enseignants. Des augmentations de salaire sont également prévues pour d'autres catégories de personnel de l'Éducation nationale.

J'ajouterai que je me réjouis de la richesse et de la sincérité du dialogue qui s'est noué avec les organisations syndicales, malgré leur opposition au pacte que nous comptons proposer aux enseignants volontaires. Il ne s'agira pas, cette fois, d'une logique de socle, laquelle répond à la nécessité de renforcer l'attractivité du métier. Si nous augmentons le salaire des enseignants, c'est aussi pour susciter de nouvelles vocations, car nous rencontrons des difficultés à recruter. Depuis plusieurs décennies, nous avons accumulé du retard dans la revalorisation des enseignants. Il nous faut à présent le rattraper. En dépit de son importance, l'effort que nous consentons et qui se traduit par une augmentation du budget de l'Éducation nationale de 6,5 % par rapport à 2022, ne suffira peut-être pas à rattraper d'un seul coup des décennies de glissement de la rémunération des enseignants. Il mérite tout de même d'être salué.

Pour ce qui est de notre choix budgétaire général, nous avons voulu mettre l'accent sur l'attractivité du métier et la hausse de la rémunération des enseignants car, en fin d'année, dans de nombreuses académies, des milliers de postes ne sont pas pourvus, dans le premier degré comme dans le second. Et il ne suffira pas d'augmenter le nombre de postes de professeurs d'allemand pour résoudre le problème ! Simplement, nous aurons encore plus de postes vacants. Notre budget doit être dépensé, en priorité, pour augmenter l'attractivité du métier avant de multiplier des postes qui ne seraient pas pourvus.

Dans l'académie de Créteil, des centaines de postes de professeurs des écoles ne sont pas pourvus. Nous devons inverser la tendance. Le taux de postes pourvus au concours est de 83 %, ce qui signifie que, pour cent postes mis au concours, seules quatre-vingt-trois personnes sont recrutées tandis que dix-sept postes restent vacants. Le problème est sérieux et ne se résoudra pas seulement par l'augmentation des salaires. Nous devrons revoir le déroulement des carrières, par exemple. Les jeunes n'entrent plus dans le métier comme jadis, forts de la perspective d'y rester jusqu'à leur pot de retraite. Ils veulent pouvoir changer de poste ou de métier et il faut repenser les ressources humaines de proximité, la manière dont on ouvre des portes d'entrée et de sortie. De plus en plus de personnes intègrent l'Éducation nationale en deuxième partie de carrière : nous devons valoriser les premières parties de carrière qui ont pu se dérouler dans le privé. La réflexion est essentielle et les mesures que nous prendrons en ce sens participeront de l'attractivité du métier.

J'en viens au pacte. Pas moins de 15 millions d'heures d'enseignement sont perdues parce que nous ne remplaçons pas les absences de courte durée. Nous devons trouver des solutions. Le pacte est un dispositif souple, facultatif, qui permettra aux enseignants qui acceptent de le signer, de recevoir 10 % d'augmentation de rémunération calculée sur le salaire moyen des enseignants.

Concernant la mixité, les données comparatives dont nous disposons indiquent que, de tous les pays de l'OCDE, c'est en France que la ségrégation scolaire est la plus aigüe. Elle serait même l'une des plus marquées au niveau international. Or le niveau général des élèves dépend de celui de la mixité sociale et scolaire. Nous devons donc faire un effort en ce sens.

Nous devons actionner les leviers qui existent localement – à Paris, en Haute-Garonne et ailleurs encore –, soumettre les dispositifs qui naissent de ces mobilisations à la discussion entre le rectorat et les collectivités de manière à ce qu'ils puissent être déployés plus largement. À Paris, la réforme de la plateforme d'affectation Affelnet a donné de très bons résultats : il n'y a pas de raison de la limiter à Paris car elle pourrait profiter à des villes de taille comparable. C'est cet élan que nous voulons donner.

S'agissant des collectivités, nous avons besoin de dialoguer avec elles. Nous n'arriverons à rien en matière de mixité si le ministère de l'Éducation nationale décide de manière verticale, depuis la rue de Grenelle. Les collectivités ne sont pas là seulement pour payer les bâtiments et la cantine. Elles sont nos partenaires en matière de sectorisation, car les élus connaissent précisément les réalités locales. Je me réjouis de la grande ouverture au dialogue dont témoignent sur ce point de nombreuses collectivités. Nous nous inscrivons dans une démarche de partenariat.

C'est également ce que nous faisons avec l'enseignement privé sous contrat, Monsieur Portier. Il n'entre pas dans mes intentions de rallumer la guerre scolaire. Mais comme l'État assure le financement des trois quarts du budget de cet enseignement, nous pouvons aussi formuler des demandes à son égard. J'observe d'ailleurs qu'il est tout à fait réceptif à ces demandes de mixité sociale et scolaire accrue. Des efforts sont faits ici et là dans ce sens mais, là aussi, nous voulons donner un élan – et le faire dans le cadre d'un partenariat et du dialogue. J'insiste beaucoup sur ce point. Certes, cela ne répond sans doute pas à une vision de changement radical qui bouleverserait tout en quelques semaines. Mais si nous voulons avancer et ne pas nous heurter à un mur qui bloquera ensuite la situation pendant des décennies, nous ne pouvons le faire qu'en partenariat et en dialoguant.

Madame Keloua Hachi, j'ai discuté à plusieurs reprises avec le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Nous avons formulé des propositions très intéressantes. Les frontières académiques en matière de sectorisation ne doivent pas nécessairement être étanches entre une ville de Paris qui perd des élèves et un département de Seine-Saint-Denis qui n'en perd pas encore aux niveaux du collège et du lycée. Cette remarque peut s'appliquer à d'autres académies.

En revanche, redéfinir les frontières académiques est un travail qui prend des années. J'en veux pour preuve la fusion des académies de Rouen et de Caen, qui vient à peine de s'achever, alors qu' a priori, les difficultés n'étaient pourtant pas immenses. Redessiner la carte des académies nous engagerait donc dans un marathon administratif et politique qui risquerait de ne pas produire les meilleurs effets.

Madame Bourouaha, la carte de l'éducation prioritaire ne s'élabore pas en intégrant au fil de l'eau des établissements en Rep ou en Rep+. Elle fait l'objet de révisions générales, la dernière remontant à 2014-2015. Elle s'appuyait sur des statistiques qui dataient de 2011. Depuis lors, la société française a beaucoup évolué et nous commençons à réfléchir à une refonte de la carte de l'éducation prioritaire. Mais cela prend beaucoup de temps et doit se faire en partenariat avec les collectivités. Nous pensons aboutir pour la rentrée de 2024.

Mme Descamps m'a interrogé sur l'accompagnement des enfants atteints d'une pathologie chronique ou d'un cancer. Les décrets d'application de la loi du 17 décembre 2021 prévoient que le dispositif sera bien applicable dès cette année pour l'examen du brevet des collèges et du baccalauréat.

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Nous en venons aux questions des autres députés.

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Violette Spillebout et moi-même souhaitions vous interroger sur la revalorisation salariale des enseignants. Nous nous réjouissons des annonces qui ont été faites, notamment en faveur des enseignants en première moitié de carrière. Désormais, les jeunes recrutés ne seront plus payés moins de 2 000 euros – ce qui était une promesse présidentielle. La revalorisation conditionnelle est au cœur de la concertation en cours. Pourriez-vous donner davantage de précisions sur les nouvelles missions envisagées ?

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La semaine dernière, vous nous avez fait l'honneur de conclure un colloque consacré aux possibilités de coopération entre les enseignants et les associations. Il existe de nombreux liens que ce soit en maternelle – pour soutenir l'apprentissage de la lecture – ou au lycée – pour conforter les savoirs fondamentaux mais aussi pour préparer l'orientation.

Nous avons également appris à l'occasion de ce colloque que l'éventail des coopérations dans lesquelles s'engagent de nombreux enseignants était trop peu connu. Les associations qui interviennent tant en matière scolaire que périscolaire manquent de visibilité. Comment leur en donner davantage ? Comment mieux reconnaître l'investissement des enseignants dans ce type de projets de coopération, au service de l'éducation ?

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Il y a six ans, les services de l'éducation nationale ont décidé de mettre en place un IPS des établissements scolaires afin de rendre compte des disparités sociales existantes entre établissements, qu'il s'agisse des collèges ou des lycées. Les résultats ont longtemps été passés sous silence. Force est de constater que les critiques contre la répartition des élèves entre établissements depuis plusieurs décennies sont bel et bien fondées.

En effet, deux dynamiques importantes se dessinent : une ségrégation croissante et une uniformisation vers le bas. Le constat est accablant. Les IPS du public sont plus faibles dans les territoires les plus précaires, ce qui nivelle par le bas. Quant à la tendance à la ségrégation, elle ne peut plus être occultée. Nous assistons à l'émergence de ghettos de riches, en quête d'entre-soi et d'excellence scolaire.

Ces phénomènes croissants sont particulièrement visibles en région parisienne et dans les métropoles de Lyon et de Grenoble. Qu'allez-vous faire pour les enrayer ?

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La loi confortant le respect des principes de la République est entrée en vigueur en 2022. Jean-Michel Blanquer avait promis que ceux qui instruisent correctement leurs enfants en famille pourraient continuer à le faire.

Or les familles doivent se battre pendant des mois avant de réussir à sortir leur enfant de l'école, où il souffre. Dans plusieurs académies, des refus systématiques ont été opposés aux familles qui présentaient pourtant des projets éducatifs sérieux. En outre, les inégalités dans le traitement des dossiers sont grandes entre les régions.

Si son intention première était de lutter contre la radicalisation de certains enfants en restreignant l'instruction en famille (IEF), la loi précitée est contraire à l'intérêt supérieur des enfants, au principe d'égalité et à la liberté des familles. Celles-ci vous demandent de trouver une solution pour garantir un encadrement juste et proportionné de la liberté d'enseignement. Pensez-vous qu'il soit envisageable, sinon d'abroger la disposition relative à l'IEF, du moins de l'améliorer ?

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Ma question porte également sur l'IEF. L'une des dispositions de la loi confortant le respect des principes de la République avait suscité des interrogations, notamment sur les bancs de la majorité. Elle prévoyait le passage d'un régime de déclaration à un régime d'autorisation pour ceux qui choisissent d'instruire leur enfant en famille. Votre prédécesseur avait garanti dans l'hémicycle que le droit à l'IEF ne serait pas remis en question, dès lors qu'il ne sert pas à exercer une emprise sectaire ou religieuse sur un enfant pour l'écarter des valeurs républicaines fondamentales.

Manifestement, le message n'est pas bien passé. Dans beaucoup d'académies, les refus d'autorisation sont en effet devenus la norme, alors même que dans une très grande majorité de cas aucun risque séparatiste n'est avéré. Monsieur le ministre êtes-vous disposé à réaffirmer la volonté initiale du législateur aux services académiques et à encourager par tous les moyens – y compris parlementaires – une évaluation précise et objective de l'application de la loi.

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Ma question porte sur l'enseignement des mathématiques. Nous devons résoudre deux problèmes majeurs : une baisse du niveau des élèves en mathématiques et une diminution du nombre de candidats aux concours de recrutement. Cela fait vingt ans au moins que la situation se dégrade et nous sommes au pied du mur. Il faut relever des défis immenses en matière d'intelligence artificielle, de changement climatique ou encore de santé numérique, et les mathématiques sont indispensables au développement de notre nation.

La France compte encore – avec les États-Unis – le plus grand nombre de médailles Fields. Mais la dernière enquête TIMSS (Trends in Mathematics and Science Study) nous classe avant dernier au sein de l'OCDE et dernier en Europe. Les élèves ont perdu beaucoup d'heures d'enseignement en mathématiques et relever leur nombre nécessite non seulement un financement conséquent mais aussi davantage de professeurs. Or il y a de moins en moins de candidats au concours, notamment en raison de la faiblesse des rémunérations.

Si nous ne pouvons que nous féliciter des mesures que vous avez déjà prises en la matière, le problème persiste. Comment redresser la barre ? Les assises des mathématiques ont eu lieu en novembre dernier. Ont-elles permis l'élaboration d'un plan d'action ambitieux en la matière ? Le sujet est en tout cas crucial pour l'avenir de la France.

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Chaque année, des millions d'heures d'enseignement sont perdues en raison du non-remplacement des enseignants absents. Le cycle scolaire est de ce fait séquencé, voire interrompu. Les élèves en sont les premières victimes. C'est un problème récurrent. Chaque ministre de l'éducation en parle et tente d'agir. La difficulté réside bien entendu davantage dans le vivier des remplaçants que dans les absences elles-mêmes. La Première ministre a confirmé que le Gouvernement allait avancer sur le sujet.

Je souhaite connaître les modalités envisagées pour améliorer les remplacements. Comment faire pour recourir davantage aux professeurs retraités qui souhaiteraient poursuivre une activité professionnelle – à l'instar de ce qui a été autorisé pour les médecins ? Cette solution est-elle suffisamment exploitée si elle existe déjà ? Certains retraités, volontaires pour des missions ponctuelles, se heurtent à un mur et ne peuvent pas être employés en raison des règles en matière de cumul entre emploi et retraite. Pourriez-vous faire évoluer cette situation ? Quels sont les verrous qui restent à lever ?

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Le harcèlement scolaire ne doit plus nous laisser cois.

Chaque année, un enfant sur dix est harcelé à l'école, ce qui représente plus de 1 million d'élèves. Pourtant, je ne peux que constater les efforts réalisés depuis 2017, avec la qualification du harcèlement en délit et les mesures fortes du programme de lutte contre le harcèlement à l'école (Phare). Désormais, le problème est connu, mais il reste encore bien trop impuni et des écueils subsistent : prise en charge insuffisante des victimes – et je pèse mes mots ; absence de discussions avec l'auteur de violences pour lui expliquer la portée de son geste ; manque de dialogue avec les parents pour éviter que le harcèlement ne se poursuive en ligne.

Après les lois et les annonces, quels sont les effets des décisions prises ? Quels sont les premiers résultats du programme Phare, sept mois après sa généralisation ? Où en sommes-nous en matière de formation du personnel d'encadrement, pour détecter le harcèlement et accompagner les enfants et les parents ? Enfin, qu'en est-il des dix heures par an consacrées à la prévention du harcèlement du CP à la troisième ?

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Dès janvier dernier, plusieurs organisations syndicales et des associations de défense de disciplines vous ont demandé de reporter les épreuves de spécialité du baccalauréat au mois de juin. Vous avez ignoré leurs demandes et maintenu ces épreuves en mars. Et ce alors même que les premiers intéressés, les élèves mais également les professeurs, dénoncent le caractère à la fois intenable et angoissant du calendrier du bac tel qu'il résulte de la réforme menée par votre prédécesseur.

Dans le même temps, Parcoursup continue de sévir. À la pression exercée sur les élèves par le jeu d'un algorithme aussi opaque qu'arbitraire s'ajoutent les faits suivants : 94 000 bacheliers sont restés sur le carreau lors de la rentrée dernière et 300 000 ont été affectés dans une filière qui ne correspondait pas à leur choix. Les professionnels du médico-social et de la santé que j'ai interrogés déclarent qu'il y a un avant et un après Parcoursup. Le bilan est désastreux.

Quand arrêterez-vous le massacre et abrogerez-vous Parcoursup ?

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Le 25 avril 2019, le Président de la République a annoncé l'extension du projet de dédoublement des classes aux grandes sections de maternelle en Rep et le plafonnement des effectifs à vingt-quatre élèves par classe pour les niveaux concernés par le programme de dédoublement. On ne comprend pourtant pas très bien comment ces deux annonces pourront se concrétiser en même temps au vu des moyens nécessaires.

Les dédoublements des classes déjà effectués ont entraîné des tensions en ce qui concerne le taux d'encadrement dans les autres classes. S'y ajoute le moratoire sur les fermetures d'écoles en milieu rural. Le tout dans un contexte de crise des vocations et de difficultés de recrutement des enseignants.

Les engagements du Président restent-il d'actualité pour ce nouveau quinquennat ? Si oui, sera-t-il possible d'atteindre simultanément ces objectifs ambitieux, alors que les vocations d'enseignant manquent cruellement ?

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Le collectif « 20 ans de créole à l'école et Droits des enfants réunionnais » a récemment dénoncé la faiblesse de la prise en compte du créole dans l'académie de La Réunion. Après vingt-deux ans d'expérimentation, moins de cinquante classes bilingues ont été créées. Tout enfant devrait pouvoir apprendre sa langue régionale, de la maternelle jusqu'au lycée, conformément à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République – dite loi Peillon – et à la récente loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion – dite loi Molac.

Le créole doit prendre sa place, en complément du français et non en opposition avec ce dernier. L'État doit offrir un cadre institutionnel cohérent pour que les familles n'aient plus à choisir entre l'apprentissage d'une langue régionale et celui d'une langue étrangère. L'État doit également fournir aux territoires les moyens de développer la langue régionale, grâce à la formation des professeurs et à des campagnes de communication en direction des familles.

En tant que coprésidente du groupe d'études sur les langues et cultures régionales, je vous demande de nous éclairer sur les moyens qui seront alloués à l'enseignement du créole à La Réunion. Je souhaite également connaître votre position au sujet de la création d'un office public de la langue réunionnaise.

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Au nom du groupe Renaissance, je remercie et félicite le ministre pour la revalorisation historique des professeurs. C'est une belle avancée.

Vendredi dernier, j'étais à l'école hôtelière Renouveau à Saint-Genest-Lerpt, brillamment dirigée par Esther Milland – qui est aussi présidente de l'Association nationale des écoles privées d'hôtellerie et de tourisme. Cet établissement accueille plus de 400 élèves, avec des formations qui vont de la troisième à la licence professionnelle.

Ma question porte sur l'adaptation de Parcoursup aux formations professionnelles. Il faut tout d'abord garantir le contact humain, qui est particulièrement important dans ces filières. Il faut par ailleurs mieux valoriser les établissements publics et privés sous contrat par rapport aux établissements privés hors contrat, qui sont présents sur Parcoursup sans pour autant avoir à respecter des conditions fixées par l'État.

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Je souhaite attirer votre attention sur le non-respect de la convention entre l'État et la région Bretagne pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne, signée le 15 mars 2022.

Cette convention prévoit un dispositif d'inscription de postes à profil au mouvement national pour faciliter les mutations des enseignants qui peuvent enseigner en langue bretonne et qui souhaitent revenir exercer dans notre région – et on les comprend.

Or, dans le Finistère, sur les cinq postes ouverts un seul aurait été pourvu par un professeur venant d'une autre académie. Au même moment, un certain nombre d'enseignants exerçant en dehors de l'académie de Rennes et dont la formation au breton a été financée par la région m'ont indiqué que leur demande d'affectation en Bretagne avait été refusée.

Pourriez-vous réaffirmer à l'académie de Rennes la volonté du Gouvernement de faire respecter cette convention ?

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L'évolution de notre société lors des dernières décennies a conduit à une transformation de la forme même de l'enseignement, qui comprend désormais bien entendu l'instruction mais aussi beaucoup l'éducation. Croyez-vous qu'à court ou moyen terme le contenu, les modalités, le volume horaire, voire le calendrier de l'offre éducative pourront-être conservés dans leur modèle actuel ?

Le manque d'attractivité des carrières et l'insuffisante priorité accordée aux transmetteurs de savoir ont détourné depuis longtemps de l'enseignement – et en particulier du primaire – ceux qui ont une formation scientifique. Moins de 20 % des professeurs seraient issus des filières scientifiques. Cela a un effet sur l'enseignement des mathématiques et, plus généralement, sur l'éveil aux sciences. De nombreux opérateurs de la culture scientifique ont fait part des difficultés rencontrées pour pénétrer le monde scolaire.

Comment remédier à ces problèmes et, plus largement, envisager l'action d'acteurs extérieurs dans les classes au moins deux jours par an dès le primaire – comme le fait par exemple l'association Les Petits Débrouillards ?

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L'article 7 de la loi du 21 mai 2021 prévoit que l'enseignement de la langue régionale est proposé de manière générale. La difficulté réside dans la formation des enseignants.

Un parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) centré sur la langue bretonne a été mis en place à Brest, avec 25 places offertes pour 600 candidatures sur Parcoursup. Il était envisagé de doubler le nombre de places si les candidats étaient nombreux. Quand cela sera-t-il possible ?

Envisagez-vous de mettre en place un dispositif similaire dans d'autres académies ? Je pense en particulier à celles de Bordeaux et de Toulouse, où le besoin de formation est très important.

La convention signée par l'État et le président de la région Bretagne prévoit qu'une priorité est accordée aux demandes de congé formation des enseignants qui présentent un projet d'apprentissage de la langue bretonne – à l'image de ce qui se fait au pays basque ou en Occitanie. À la suite du recensement des demandes par le recteur, un certain nombre d'enseignants sont prêts à prendre un tel congé. Pour que cela produise un effet lors de la rentrée 2024, il faudrait que ces congés débutent en septembre 2023.

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« L'école est injuste avec les pauvres », avez-vous déclaré, monsieur le ministre. C'est une affirmation terrible. Pourtant, l'État consent des moyens considérables aux territoires socialement défavorisés. Les dotations y sont plus importantes, les classes sont dédoublées – ce qui n'est pas le cas en milieu rural.

Pour vous, la réponse est dans la mixité scolaire. Je pense pour ma part qu'elle réside essentiellement dans l'enseignant et dans l'enseignement. Il faut des enseignants bien formés, sûrs d'eux-mêmes, qui maîtrisent leur discipline et ont un niveau d'exigence qui n'exclut pas la bienveillance.

Quel est votre sentiment sur ce point, absolument fondamental?

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Lors de la Semaine de la presse et des médias à l'école, vous avez affirmé votre ambition de mettre en place des ateliers d'éducation aux médias et à l'information, au moins une fois par an dans chaque classe du CM1 à la terminale. Je salue cette initiative.

En tant que père de famille, je constate que les enfants ont accès de plus en plus tôt aux outils de communication, et donc à l'information. Pourquoi cette initiative ne serait-elle pas rendue obligatoire dès le CP ? Je sais que vous l'appelez également de vos vœux.

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Pour envoyer un message de responsabilisation aux familles et aux enseignants, serait-il envisageable de transformer votre ministère en ministère de l'instruction nationale ou bien de l'enseignement – l'éducation revenant aux parents et l'apprentissage de la vie en collectivité et la transmission des savoirs à l'école ?

Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à ma question écrite concernant le retour des notes à l'école primaire pour valoriser le goût de l'effort.

Le choix des spécialités pour le bac a des conséquences dans les territoires ruraux, en raison de l'éloignement des différents lycées. Je tiens à vous remercier pour la visibilité pluriannuelle que vous souhaitez donner, qui facilitera les choses.

Pour reprendre la question de mon collègue Alexandre Portier, êtes-vous capable d'assurer l'équité entre le public et le privé en matière de restauration et de transports scolaires ? Comment entendez-vous faire bénéficier l'Éducation nationale de la capacité d'expérimentation du privé ?

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Les classes de découverte sont pour les enfants autant d'occasions de s'ouvrir au collectif et à de nouveaux horizons. C'est parfois un moyen pour les jeunes des zones rurales de découvrir les zones citadines, et inversement. Le résultat est encore plus important pour les élèves issus de familles qui n'ont pas la possibilité de partir en vacances ou de voyager. Ces classes peuvent être aussi une manière de mieux lutter, à faible coût, contre le décrochage scolaire. Les professeurs qui organisent ces classes de découverte font un travail admirable.

On ne connaît malheureusement pas le nombre des classes de découverte à l'échelle nationale. Mais on sait que leur organisation est rendue difficile par la lourdeur des dossiers que doivent monter les enseignants. Ces classes doivent parfois être prévues dès la rentrée scolaire, ce qui manque de souplesse et condamne bien des sorties. En outre, les professeurs qui organisent les classes de découverte le font sur leur temps libre et ne sont pas rémunérés pour cette tâche. C'est bien dommage.

Ces projets doivent être valorisés. L'Éducation nationale cède le temps de travail des enseignants mais ne finance presque plus. Ne serait-il pas opportun d'investir ? Il faut aussi rendre les dossiers moins complexes. Les enseignants attendent un vaste mouvement de simplification. Qu'en pensez-vous ?

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L'une de vos dernières annonces a attiré mon attention. Vous envisagez la carte scolaire de manière pluriannuelle, sur une durée de trois ans. Ce délai est simple pour l'école élémentaire, mais il me paraît plus compliqué pour l'école maternelle. Les maires disposent en effet de très peu de renseignements sur les très jeunes enfants qui vivent dans leur commune, puisque l'enregistrement des naissances a lieu dans la commune de l'établissement où la naissance a eu lieu et qu'aucune information n'est transmise à celle de résidence. Quelles ont été les remontées de terrain depuis votre annonce ?

La loi confortant le respect des principes de la République prévoit d'attribuer à chaque élève qui entre dans le système scolaire un identifiant national élève (INE). Où en est-on ?

Certains maires m'ont indiqué qu'ils avaient le sentiment d'avoir moins d'informations au sujet des enfants non scolarisés depuis le passage d'un système de déclaration à un système d'autorisation pour l'IEF. Une partie des familles ne se dispense-t-elle pas de demander cette autorisation par crainte d'un refus – ce qui empêcherait de suivre sérieusement tous les enfants ?

Quelles sont les réflexions sur l'utilisation de l'INE pour mieux anticiper les effectifs dans les écoles et suivre davantage les enfants dont l'instruction est réalisée en famille ?

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Chaque année, 800 000 à 1 million d'élèves subissent une forme de harcèlement ou de cyberharcèlement. Un quart des enfants harcelés pensent au suicide. Avec les réseaux sociaux, le harcèlement ne s'arrête jamais et dépasse l'enceinte de l'école.

Le collège de Golbey, dans les Vosges, est engagé dans le programme Phare. Pourtant, début 2023, le jeune Lucas, 13 ans, s'est donné la mort. Il était victime de harcèlement, situation signalée par sa famille en septembre 2022. Quels sont les résultats de l'évaluation de ce programme ? La loi du 2 mars 2022 prévoit des actions de sensibilisation et de formation mais celles-ci sont-elles suffisantes quand 65 % des professeurs s'estiment mal formés sur ce sujet ?

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Depuis 2001, la loi prévoit que trois séances d'information et d'éducation à la sexualité sont dispensées chaque année dans les écoles, les collèges et les lycées. Elles sont essentielles pour éduquer les jeunes à la santé sexuelle, au consentement et, plus largement, à la prévention de toutes les formes de violence. Or, selon un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, moins de 15 % des élèves bénéficient de ces trois séances. Face à l'urgence, le Sénat a adopté, le 1er mars, une proposition de résolution prévoyant l'application formelle de cette loi, avec le recrutement de professionnels de santé formés pour ces interventions. Comment comptez-vous procéder pour veiller à l'application de cette loi ? Avez-vous déjà défini une feuille de route ou un calendrier ?

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Je souhaite vous interroger sur les fermetures de classes. Si, dans mon département de Seine-et-Marne, l'inspectrice fait preuve d'un travail de concertation rigoureux, je déplore fortement les fermetures déjà annoncées pour la rentrée de septembre 2023. Vous devez prendre conscience que travailler à l'équilibre des classes au sein d'un territoire, ce n'est pas qu'une question de rééquilibrage démographique et de gestion de ressources humaines. Fermer une classe, c'est tuer à petit feu un village et son attractivité. De nombreuses communes sont déjà obligées de procéder à des regroupements scolaires. Nous comprenons parfaitement la politique du dédoublement des classes en zone urbaine et les difficultés de recrutement que cela crée mais vos initiatives ne font qu'opposer l'urbain et le rural, mettant un grand nombre de communes en péril. Je vous remercie de nous expliquer précisément le plan de votre ministère pour sauver l'école dans les zones rurales.

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Pap Ndiaye, ministre

Je veux vous rassurer concernant l'instruction en famille. Sur 59 000 demandes d'autorisation, plus de 53 000 ont été accordées, soit près de 90 %. S'il n'y a pas de refus massif, il existe toutefois des variations selon les académies. Il nous faut parvenir à un système plus juste à l'échelle du pays, raison pour laquelle nous organisons un séminaire national de formation le 9 mai prochain à destination des référents académiques et départementaux chargés du suivi de l'instruction en famille. Par ailleurs, si certains refus ont donné lieu à des contentieux, particulièrement dans certaines académies, dans l'immense majorité des cas, le tribunal administratif nous a donné raison.

Je rappelle très volontiers mon attachement aux dix-sept langues régionales officiellement reconnues. J'ai eu l'occasion de me rendre dans le collègue d'enseignement bilingue Élie Wiesel à Saint-Denis de La Réunion. J'ai pu vérifier à quel point l'enseignement bilingue était positif et aidait à l'apprentissage de la langue française pour les enfants qui entrent à l'école sans la maîtriser – c'est le cas des trois quarts des enfants en Guyane. Je suis donc très favorable à l'enseignement bilingue.

Vous mentionnez l'existence de cinquante classes bilingues. Il est possible que cela soit insuffisant. Cela pose la question du recrutement de professeurs mais c'est une direction dans laquelle il faut aller. La question de la création d'un office public de la langue réunionnaise ne relève pas du ministère de l'Éducation nationale mais j'y suis personnellement favorable.

Concernant la langue bretonne, nous entendons respecter la convention pour la transmission des langues de Bretagne et le développement de leur usage dans la vie quotidienne, signée en mars 2022. Je suis favorable aux congés de formation, sous réserve que les besoins soient identifiés – j'ai demandé au recteur de la région Bretagne de les recenser. L'existence d'une spécialité de langue régionale au baccalauréat et d'un PPPE spécialisé dans la langue bretonne, à Brest, peut conduire à la formation d'enseignants en langue bretonne. Je regarderai le pont précis concernant le Finistère.

Le programme Phare ayant été généralisé à la rentrée dans les écoles élémentaires et les collèges, un premier bilan sera dressé en fin d'année. Néanmoins, dans les six académies où il a été expérimenté, il a donné de très bons résultats. Cela ne signifie pas que tout soit stabilisé en matière de harcèlement mais nous sommes en bonne voie avec la formation d'adultes et d'élèves ambassadeurs, ainsi que l'élaboration d'un processus pédagogique pour amener les harceleurs à reconnaître leurs torts. Le dispositif avait d'ailleurs été déployé dans le collège de Golbey et des faits de harcèlement avaient bien été signalés à l'automne, avant que ne survienne le drame. À ce stade, la généralisation du programme Phare nous paraît convenable, sous réserve de sa bonne application .

Nous ne pouvons admettre qu'un élève sur dix soit victime de harcèlement au cours de sa scolarité, avec parfois des conséquences épouvantables. Vous pouvez compter sur notre mobilisation contre le harcèlement, d'autant que celui-ci vise de manière disproportionnée des élèves en situation de handicap, LGBT ou réputés tels ; certaines vulnérabilités peuvent servir de point d'entrée pour les harceleurs.

S'agissant de l'enseignement des mathématiques, nous avons besoin de le renforcer mais aussi de le diversifier. Divers travaux, dont le rapport Villani-Torossian, montrent que celui-ci gagnerait à s'inspirer de ce que font d'autres pays, avec un enseignement moins abstrait et moins destiné aux meilleurs élèves. Des changements qualitatifs doivent être apportés. Pour cela, nous allons donner une impulsion aux clubs de mathématiques car ils offrent la possibilité de pratiquer cette discipline sans note, en commun et par le biais de jeux ; cette démarche concrète peut être attirante pour les élèves qui aiment les mathématiques.

La France est dans une situation paradoxale, avec une élite mathématique remarquable – treize médailles Fields, juste derrière les États-Unis – mais un niveau général en mathématiques préoccupant. S'il est essentiel de former des spécialistes ou des professionnels qui utilisent les mathématiques dans leur métier – nous formons chaque année 40 000 ingénieurs, alors qu'il en faudrait 55 000 –, nous ne parviendrons à relever le défi qu'en développant fortement la pratique mathématique et son usage professionnel chez les jeunes filles. C'est du côté des femmes que se situe la marge de progression la plus forte. Cela inclut non seulement les mathématiques mais également les sciences de l'ingénieur et la spécialité NSI – numérique et sciences informatiques –, pour lesquels le déficit est notable. Les évaluations de mi-CP sont très intéressantes parce qu'elles montrent qu'il y a déjà un écart entre filles et garçons, alors que celui-ci n'existe pas au début du CP. Il est désolant de constater que les stéréotypes véhiculés par l'enseignement des mathématiques sont tels que l'écart se dessine vers l'âge de six ans.

La spécificité des formations professionnelles sera bien prise en compte dans Parcoursup – je ne sais pas ce qu'il en est toutefois pour les établissements hors contrat. Je me permets de vous rappeler que je ne suis pas le ministre chargé de Parcoursup, qui dépend de la ministre de l'Enseignement supérieur.

Pour la première fois, les épreuves de spécialité ont eu lieu en mars afin que les résultats de ces épreuves puissent être pris en compte dans Parcoursup. Les universités et les établissements supérieurs attendent ces notes avec beaucoup d'intérêt puisqu'elles permettront d'avoir une évaluation nationale, par opposition au contrôle continu qui introduit des variations de notation importantes entre les établissements.

Les programmes ont été adaptés de manière à ce que les épreuves portent sur une partie et que l'autre partie soit terminée au-delà du mois de mars. L'enjeu porte sur le troisième trimestre : les élèves seront-ils suffisamment motivés une fois que les épreuves auront été passées ? Il reste tout de même le grand oral portant sur les épreuves de spécialité, qui se tiendra à la mi-juin. J'espère aussi que l'intérêt intrinsèque de ces disciplines motivera les élèves.

Les élèves laissés sans affectation par Parcoursup ne se comptent pas en dizaines de milliers – les chiffres sont très inférieurs à ceux qui ont été cités. C'est un processus qui se déroule en plusieurs vagues. Si Parcoursup est perfectible, la plateforme s'améliore d'année en année. L'Éducation nationale a des efforts à faire concernant l'orientation, qui est une phase décisive. Bien que les professeurs principaux soient chargés de ce travail – il y en a deux en classe de terminale –, nous constatons des variations importantes entre établissements. Nous devons progresser sur ce point parce que ce sont souvent les élèves, voire leurs familles qui se chargent de l'écriture des lettres de motivations.

Toutefois, l'idée selon laquelle la période ante -Parcoursup aurait été idéale, les lycéens trouvant leur formation de façon très fluide, est inexacte. En effet, certaines filières en tension avaient recours au tirage au sort et, dans la plupart des établissements, c'était la course pour pouvoir s'inscrire en premier. Je suis donc extrêmement réservé sur cette manière de peindre en rose la période d'avant Parcoursup, qui était marquée par de très fortes inégalités.

De ce point de vue, Parcoursup représente un progrès, même si tout n'est pas parfait. La manière dont le site est conçu est très intéressante car il met à disposition une grande quantité d'informations, avec des focales sur des régions ou sur des thèmes. Ce n'est pas Parcoursup qui décide de l'avenir de nos jeunes : il met en relation les lycéens avec des établissements supérieurs, et ce sont des commissions d'enseignants qui analysent les dossiers et les classent. Parcoursup ne choisit pas pour les établissements, lesquels ne voudraient certainement pas qu'un algorithme décide pour eux.

Madame Colboc, s'agissant du pacte enseignant, dont j'ai mentionné la souplesse, il se décompose en briques, chaque enseignant étant libre d'en choisir une, deux ou trois. Des priorités ont été fixées : elles vont aux remplacements de courte durée dans le secondaire ; et, pour les enseignants du primaire, aux cours d'approfondissement en sixième.

Dans les deux cas, le dispositif « devoirs faits » est généralisé : il devient obligatoire en sixième à partir de la rentrée prochaine. Notre objectif est d'atteindre 100 % des élèves de sixième, contre 41 % aujourd'hui. Selon une étude marseillaise, faire ses devoirs au collège plutôt qu'à la maison, dans un environnement parfois défavorable à la concentration et au travail scolaire, est bénéfique pour les enfants. C'est pourquoi nous généralisons le dispositif.

Madame Genevard, j'ai repris une formule de Jean-Paul Delahaye, ancien directeur général de l'enseignement scolaire, qui a joué un rôle important au sein du ministère de l'Éducation nationale. Dans son ouvrage autobiographique comme dans ses réflexions, il évoque une « injustice » de l'école envers les pauvres et le fait qu'en contraste avec d'autres pays et grâce au filet de sécurité de l'État-providence, on traite mieux en France, dans de nombreux secteurs, les plus défavorisés. S'agissant de l'école, en revanche, on a davantage de difficultés.

La réponse passe notamment par la mixité, dans laquelle j'inclus l'implantation de filières attractives. Vous avez toutefois raison de souligner la nécessité de mieux former les enseignants. Nous travaillons d'ailleurs à une réforme du recrutement et de la formation des enseignants du premier degré. J'ai formulé une première proposition qui consisterait à recruter non à bac+5 – un recrutement injuste car, selon les comparaisons internationales, cinq années d'études ne sont pas nécessaires – mais à bac+3, avec ensuite deux ans de formation en tant qu'élève-professeur rémunéré, comme dans les écoles normales de jadis.

Il s'agit de compenser une situation, originale en Europe, où la formation académique l'emporte sur la formation au métier. Il faut faire en sorte de renforcer cette dernière, tout en gardant la mastérisation. Pour cela, il semble intéressant d'avancer le concours de professeur des écoles à bac+3, avant de former les lauréats à leur métier pendant deux ans. Nous devons avoir des enseignants mieux formés, qui restaurent l'ascenseur social. Les instituteurs, « hussards noirs de la République », comme Jules Ferry les envisageait il y a plus d'un siècle, étaient des enfants du peuple. À bac+3, on recrute de futurs enseignants boursiers ou du moins de milieux modestes, car il est plus facile d'atteindre ce niveau d'études du point de vue financier.

S'agissant de la coopération entre les enseignants et les associations, je suis en accord avec Mme Calvez. Nous disposons d'un éventail de propositions associatives, qui n'est pas toujours connu des enseignants. L'école fonctionne aussi grâce à la participation d'associations avec lesquelles elle peut conclure des conventions pluriannuelles, qui garantissent leur investissement sur des thématiques essentielles, y compris celles qui relèvent de l'entreprise.

Madame Anthoine, un effort doit être entrepris pour le dédoublement des classes. Il est achevé en CE1 et CP, et presque réalisé en grande section de maternelle – de mémoire, 74 % des classes de ce niveau sont dédoublées et le chiffre de 86 % devrait bientôt être atteint. Le travail est fait. Les moyens nécessaires ont été dégagés, de même que ceux pour la limitation des classes à 24 élèves, hors éducation prioritaire, pour le CP et le CE1, dans tous les territoires, y compris ruraux.

Il existe quelques établissements classés en Rep en territoire rural, notamment à Sainte-Mère-Église dans la Manche. Les enseignants y travaillent beaucoup avec les animaux.

Madame Riotton, nous ne respectons pas encore les obligations de la loi du 4 juillet 2001 en matière d'éducation à la sexualité. Le rapport de l'Inspection générale ainsi que l'enquête flash que nous avons réalisée auprès des chefs d'établissement l'ont confirmé à l'automne dernier. Nous avons donc pris nos dispositions pour avancer. Le 1er septembre dernier, j'ai inauguré un séminaire national de formateurs sur le sujet, qui se décline dans les académies ; j'ai publié des circulaires à ce sujet. Nous avons aussi réactualisé les fiches pédagogiques disponibles sur le site du ministère de l'Éducation nationale, Eduscol, à l'attention des enseignants. Nous mènerons une seconde enquête d'ici à la fin de l'année, pour évaluer les progrès.

Nous devons notamment améliorer ce qui relève des aides pédagogiques car les enseignants comme les infirmiers et infirmières scolaires se plaignent d'un manque de documentation. La question est essentielle pour nos jeunes en matière d'égalité comme de lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Les études internationales le montrent, là où l'éducation à la sexualité est bien enseignée, le climat scolaire s'améliore, des dérives problématiques tel l'accès à l'industrie pornographique sont combattues. Quatre sénatrices ont publié un rapport instructif sur le sujet il y a quelques mois. Nous devons donc avancer : je suis prêt à écouter vos suggestions et faire ce qu'il faut pour que l'éducation à la sexualité trouve sa place.

M. Berta a relevé que la formation des professeurs des écoles était rarement scientifique. Il est vrai que les enseignants viennent plutôt de filières universitaires littéraires ou de sciences humaines, mais plus de 60 % d'entre eux détiennent un bac S. Nous avons lancé il y a plusieurs années le plan Mathématiques, un plan de formation des professeurs des écoles en mathématiques, pour pallier les manques constatés. Il donne de bons résultats s'agissant de l'enseignement des mathématiques et de la lutte contre les phénomènes d'intimidation auxquels les professeurs qui n'ont pas étudié les mathématiques depuis longtemps peuvent être soumis.

Monsieur Pellerin, nous avons récemment profité de la semaine des médias et de la presse, pour éduquer aux médias et à l'information. Il s'agit non seulement d'encourager la lecture de la presse, comme un élément essentiel d'ouverture, de compréhension et d'intelligence du monde, mais aussi d'enseigner comment trier des informations sur internet et comment procéder pour les trouver.

Lorsqu'un élève se rend dans un centre de documentation et d'information (CDI), il fait face à un trop-plein d'informations, qu'il doit trier. L'éducation aux médias doit s'accompagner d'une éducation à la façon dont on construit l'information. À titre d'exemple, Wikipédia est une source d'information colossale, qui pose un problème non tant par les erreurs factuelles, peu nombreuses, qui peuvent s'y trouver, que par le fait qu'il n'établit pas de hiérarchie entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Le site offre un déballage d'informations, importantes ou non. Les élèves se trouvent très dépourvus lorsqu'ils doivent réaliser un exposé à partir d'une fiche Wikipédia.

Nous déployons également la plateforme d'évaluation et de certification des compétences numériques PIX à partir de la classe de sixième, pour former les élèves au bon usage des outils numériques – choix du mot de passe, méfiance envers les escroqueries. Cet enseignement transversal peut être assuré par de nombreux professeurs, au-delà des enseignants documentalistes qui sont néanmoins les plus concernés.

Madame Mette, les classes de découverte ont été très affectées par la crise sanitaire. Nous observons toutefois un regain, vers la mer, la montagne ou la campagne. L'Éducation nationale y est très favorable. Les initiatives proviennent également des collectivités, qui participent à leur financement.

Les classes à l'extérieur ont également connu un fort développement durant la crise sanitaire, notamment en primaire, pour les classes de maternelle et d'élémentaire. À la suite de cet engouement, la pratique s'installe – j'ai pu le vérifier lors du Congrès national des enseignants des écoles et classes de maternelle publiques, à Périgueux. Des Parisiens se rendent ainsi dans le bois de Vincennes ou de Boulogne, pour profiter de la nature. Cela est essentiel, en particulier pour l'éducation au développement durable.

Madame la présidente, l'enseignement en technologie sera assuré en cycle 4, de la cinquième à la troisième Nous sommes en train de réviser le programme de l'enseignement de sciences numériques et technologie, sans l'alourdir, afin qu'il puisse répondre à nos exigences. Nous considérons que des bases solides en mathématiques sont un préalable indispensable à la technologie. Loin d'y voir un recul de la technologie, il faut envisager la réforme qui conduit à supprimer son enseignement en sixième comme une consolidation de cette matière en cycle 4. Nous y travaillons avec l'Inspection générale.

Madame Piron, j'ignore comment les informations d'état-civil sont remontées aux maires, et me pencherai sur la question. Cela ne remet cependant pas en cause la démarche pluriannuelle que j'ai proposée. Le délai de trois ans semble raisonnable : même si la qualité des informations d'état-civil n'est pas parfaite, on dispose tout de même d'une photographie. D'année en année, il faut regarder les évolutions, notamment migratoires, qui peuvent survenir, car certaines familles s'installent ou déménagent. Les petites sections d'école maternelle qui accueillent les enfants de 3 ans, voire les très petites sections dans certaines écoles, sont concernées au premier chef.

Enfin, nous envisageons non pas une évolution réglementaire pour l'enseignement privé mais des discussions et des points d'accord. J'insiste sur la dimension partenariale – j'ai rencontré tous les acteurs du secteur.

Le coût de la restauration scolaire est souvent un obstacle pour les familles qui ne disposent pas de ressources suffisantes. Dans le public comme dans le privé, celle-ci ne dépend pas du ministère de l'Éducation nationale : les collectivités sont libres de participer à son financement. Des fonds sociaux peuvent en prendre en charge une partie.

La séance est levée à vingt heures cinq.

Présences en réunion

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, M. Quentin Bataillon, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, M. Idir Boumertit, Mme Soumya Bourouaha, Mme Céline Calvez, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, Mme Béatrice Descamps, M. Inaki Echaniz, M. Philippe Fait, Mme Estelle Folest, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, Mme Fatiha Keloua Hachi, M. Fabrice Le Vigoureux, M. Jérôme Legavre, M. Christophe Marion, M. Stéphane Mazars, Mme Graziella Melchior, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Julien Odoul, M. Karl Olive, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, Mme Isabelle Périgault, Mme Béatrice Piron, M. Alexandre Portier, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Claude Raux, Mme Claudia Rouaux, Mme Violette Spillebout, M. Léo Walter

Excusés. – Mme Aurore Bergé, M. Roger Chudeau, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, Mme Marie Pochon, M. Boris Vallaud, M. Paul Vannier

Assistaient également à la réunion. – Mme Justine Gruet, Mme Karine Lebon, M. Paul Molac