Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Je reste évidemment à la disposition du Parlement.

En ce qui concerne les suites judiciaires, je vous invite à demander l'audition du garde des sceaux, madame Lorho. Il pourra mieux que moi décrire l'activité de ses services. Depuis le 16 mars, 1 191 individus ont été interpellés ; 1 169 ont été placés en garde à vue, sous l'autorité d'un officier de police judiciaire (OPJ) et du parquet ; 193 individus ont été déférés, soit un taux de 16,5 % ; 50 individus ont fait l'objet d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou d'une convocation par OPJ ; 68 individus ont été convoqués par le délégué du procureur de la République ; 46 personnes sont concernées par des enquêtes préliminaires. En outre, parmi les personnes interpellées 18 étaient fichées S, ce qui constitue une proportion assez importante.

Il ne m'appartient pas de commenter la réponse pénale. Je constate tout de même qu'un taux de défèrement de 16,5 % n'est pas négligeable.

Mme Karamanli et plusieurs de ses collègues ont posé des questions sur l'échange d'informations avec les manifestants ou avec les organisations syndicales. On peut toujours améliorer la coopération avec les journalistes ou des observateurs. Je constate que des journalistes ont été pris à partie lors des manifestations. Certains ont été blessés, comme le photographe du journal Sud Ouest qui a dû se réfugier du côté des gendarmes à Sainte-Soline, qui nous a tous beaucoup touchés. Nous avons proposé à la Défenseure des droits de suivre une manifestation, par exemple au sein du poste de commandement de la préfecture de police. Elle y viendra jeudi et c'est une très bonne chose.

J'encourage une nouvelle fois tous les parlementaires qui le souhaitent, dont ceux qui pensent que l'emploi de la force est disproportionné, à passer une journée demain sur le terrain, afin de mesurer par eux-mêmes la violence qui est exercée par les forces de l'ordre et celle qui est subie.

Les outils technologiques dont se dote le ministère de l'intérieur permettront d'améliorer l'information donnée aux manifestants, notamment sur les sorties disponibles en cas de nasses dans les manifestations susceptibles de dégénérer, et de mieux effectuer des sommations. Nous pourrons par exemple, grâce à Cell Broadcast, diffuser des informations pratiques sur les téléphones mobiles, ou avertir du danger que peuvent représenter des individus violents à certains endroits. Actuellement, les sommations sont effectuées avec des mégaphones, ce qui n'est pas très efficace lorsqu'il y a du monde qui crie.

Je ne savais pas que MM. Biden et Bolloré étaient des références politiques et culturelles pour M. Lucas. Je lui répondrai en citant France Inter, quitte à surprendre, où j'ai entendu ce matin Bernard Cazeneuve, qui était ministre de l'intérieur lors de l'affaire du barrage de Sivens et des manifestations contre le projet de loi El Khomri. Il a dit des choses importantes, et il me semble qu'on peut citer M. Cazeneuve sans être traité de fasciste.

Voici ce qu'il a déclaré à propos de LFI : « On savait que c'était le parti de l'outrance, maintenant, on sait que c'est le parti de l'insulte. Il paraît que c'est la gauche. Non, ce n'est pas ça la gauche. La gauche, c'est le parti de ceux qui considèrent que quiconque ne pense pas comme soi doit être respecté. Et moi, je combats LFI en raison des orientations qui la conduisent à s'exprimer comme vous venez de le rappeler. » Il fait allusion aux propos sur les violences. Il a ajouté : « Je n'attends rien d'eux. Je sais comment ils sont structurés. Je sais ce dont ils sont capables. Je ne suis pas choqué, je suis consterné… Je suis consterné parce que j'ai une autre idée de ce qu'est la politique. J'ai une autre idée de ce qu'est notre pays. […] Quand je vois un parlementaire mettre sous son pied un ballon sur lequel il y a l'effigie d'un ministre, en expliquant que ce ministre est un assassin, cela suscite chez moi un profond dégoût, parce que c'est très loin de la conception que je me fais de la politique et de la démocratie. »

Je ne saurais mieux dire que M. Cazeneuve. Ce sont des propos de bon sens, qui rappellent qu'il existe dans ce pays une gauche républicaine et démocrate qui respecte les forces de l'ordre.

M. Coulomme a tenu des propos extraordinaires, estimant que le bilan de Mai 68 avait été moins important que celui des récentes manifestations… Mais il y a eu sept morts en Mai 68 : un commissaire de police et six manifestants. Il y a eu 2 000 blessés, dont 200 graves – certains sont restés handicapés à vie. Les comparaisons que vous faites sont profondément insultantes pour les morts de Mai 68.

La Lopmi, qui a été votée par une grande partie des membres de cette assemblée, a permis de rallonger de quatre mois la formation des policiers et des gendarmes – dont, bien entendu, ceux qui sont affectés au maintien de l'ordre. Il n'y a aucune remise en cause des cours sur les libertés publiques. Le nouveau centre de formation au maintien de l'ordre situé à Villeneuve-Saint-Georges ouvrira au début de l'année 2024. La formation au maintien de l'ordre des policiers et des gendarmes est un enjeu très important. La difficulté réside dans le fait qu'ils sont très mobilisés, ce qui a des conséquences sur le temps de formation, mais aussi sur celui consacré au repos. Il faut veiller à ces points pour des raisons d'efficacité. Pour les forces mobiles, il faut revenir à un temps réparti, pour faire vite, en trois tiers bien distribués entre l'activité de maintien de l'ordre, la formation et le repos. C'est pour cela que des unités de forces mobiles supplémentaires ont été créées.

J'ai évoqué précédemment les liens entre la société civile et la police, lorsque j'ai abordé le travail réalisé à l'occasion de l'élaboration du nouveau schéma national de maintien de l'ordre, ainsi que celui effectué lors de l'examen de la Lopmi au sujet de la sécurité civile. Le collège de déontologie qui sera mis en place auprès du ministère et les travaux de recherche que nous devons développer vont permettre d'aller plus loin.

Enfin, puisque tout le monde cite des sondages sur la réforme des retraites et qu'ils ne sont pas contestés, je relève que, malgré le battage médiatique auquel nous avons assisté, sept Français sur dix continuent à soutenir les policiers et les gendarmes. C'est un niveau extrêmement haut, qui les fait figurer parmi les professions les plus appréciées.

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