Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

La séance est ouverte à 9 heures.

Présidence de M. Sacha Houlié, président.

La Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, sur la gestion du maintien de l'ordre.

Lien vidéo : https://assnat.fr/cTZy4r

Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, sur la gestion du maintien de l’ordre

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre de l'intérieur et des outre-mer, il appartient au Parlement, parmi ses missions constitutionnelles, de contrôler l'action du Gouvernement. Depuis le 16 mars dernier, nous avons constaté la recrudescence des manifestations non déclarées, donc illégales, qui ont donné lieu à des troubles graves à l'ordre public. Pour les encadrer mais aussi les contenir, différentes unités du ministère de l'intérieur ont été mobilisées.

Dès les premières difficultés, j'ai souhaité que la commission des lois procède à votre audition afin de comprendre la stratégie de maintien de l'ordre déployée par votre ministère. Je souhaite rappeler, en préalable, que l'État détient le monopole de la violence légitime afin de défendre le contrat social qui nous unit. Ce recours à la force publique s'exerce dans des limites de proportionnalité et de nécessité.

Nous souhaitons vous entendre sur les événements violents survenus à Paris et dans plusieurs villes de province et qui ont débouché sur l'interpellation d'individus participant à des attroupements violents non déclarés, provoquant parfois des incendies volontaires. À cette occasion et lors des interpellations réalisées, plusieurs enregistrements vidéo ou audio ont mis en lumière des violences commises par des policiers, principalement à Paris, des propos discriminatoires ou des comportements humiliants nous semblant excéder le cadre légal. Selon le préfet de police de Paris, ces actes ont conduit à des saisines de l'Inspection générale de la police nationale.

Parallèlement, et postérieurement à la demande d'audition que je vous ai présentée, sont survenus des événements d'une extrême gravité à Sainte-Soline, dans le département des Deux-Sèvres, au motif de la contestation de la construction de réserves de substitution. Ce rassemblement identifié à hauts risques, organisé par trois collectifs du 24 au 26 mars dernier, était non déclaré et donc interdit, selon les termes du rapport de la préfète des Deux-Sèvres. Cette interdiction n'a pas été contestée devant le juge administratif, contrairement à l'arrêté du 17 mars 2023 portant interdiction temporaire du port et du transport d'armes, de munitions et objets pouvant constituer une arme par destination, arrêté qui a été attaqué par plusieurs organisations comme la Ligue des droits de l'homme, la Confédération paysanne, UD CGT 79 et Solidaires 79.

Les rapports de la préfecture et de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) font état de trois cortèges de 2 000 personnes chacun, dont deux composés d'éléments radicaux procédant rapidement à des attaques contre la gendarmerie à coups de cocktails Molotov et de tirs tendus de mortiers d'artifice ayant conduit au déclenchement de l'usage de la force. D'après le rapport de la préfète des Deux-Sèvres, il apparaissait clairement que l'objectif n'était pas d'entourer le chantier de la réserve, mais d'attaquer les forces de l'ordre en causant le plus de dommages humains et matériels possible. Par ailleurs, selon le rapport de la DGGN, quel que soit le site à préserver, ce déchaînement de violence organisé et coordonné visait à mettre en échec la capacité à maintenir l'ordre public et à assurer la protection des institutions.

Ces rapports décrivent l'arsenal de ces 800 à 1 000 individus radicaux fortement équipés, dont 400 à 500 black blocs expérimentés et ultraviolents, se coordonnant par talkies-walkies et mégaphones, faisant usage d'un grand nombre de cocktails Molotov, de mortiers d'artifices, de mélanges incendiaires à retardement, de pierres ou de frondes à bille d'acier ainsi que de bouteilles de gaz, de chalumeaux et d'une disqueuse de chantier.

En réponse, la gendarmerie indique avoir utilisé 5 015 grenades lacrymogènes, 89 grenades de désencerclement et 40 dispositifs déflagrants. Le peloton motorisé d'intervention et d'interposition a procédé à 81 tirs de LBD (lanceur de balles de défense), dont deux non touchants. Ces cas ont fait l'objet d'une enquête administrative de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), qui considère que face à un niveau de violence extrême, aux assauts massifs d'individus déterminés et protégés des effets des gaz lacrymogènes par leurs masques, il a été fait un usage proportionné des grenades de désencerclement et des LBD.

Enfin, les rapports pointent la carence des organisateurs dans l'organisation des secours, laquelle a dû être palliée par l'État. Le bilan humain est extrêmement lourd, car on dénombre 47 blessés parmi les gendarmes, dont 2 en urgence absolue, et entre 17 et 200 blessés selon les différents décomptes parmi les manifestants, dont 3 en urgence absolue.

Une polémique est apparue concernant l'intervention des secours. Il ressort des différents rapports que ces derniers ont réalisé leur mission dans un contexte rendu difficile par l'impossibilité de dépêcher des intervenants, Samu et pompiers, sans garantir leur sécurité ; par le fait que l'escorte de gendarmerie a été prise à partie par les intervenants, ce qui n'a cependant pas empêché un médecin de la gendarmerie de porter secours à un participant gravement blessé ; par la localisation incertaine et imprécise de certains blessés, faute de repères partagés avec les organisateurs ; et par les sollicitations nombreuses de blessés légers ne nécessitant par l'intervention du Samu.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la dissolution de l'un des trois organisateurs de la manifestation illégale de Sainte-Soline, Les Soulèvements de la terre. Quelles raisons vous conduisent à prendre cette mesure spécifiquement à son égard ?

Vous avez constaté la carence grave des organisateurs. Quelles sont les actions en responsabilité qui seront entreprises par l'État à leur encontre ?

Vous avez constaté la présence de nombreux radicaux et black blocs étrangers. Quel est le suivi réalisé par nos services de renseignement et comment se coordonnent-ils avec les services étrangers pour les identifier, les interpeller et empêcher toute réitération ?

Enfin, nous déplorons certains actes excédant l'usage strictement nécessaire et proportionné de la force publique. Pouvons-nous connaître le nombre d'actes concernés, la durée approximative des procédures, les conséquences que vous en tirez et les suites qui seront données, notamment l'effectivité des sanctions qui seront prises ?

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

Depuis le début de l'année, les manifestations massives contre la réforme des retraites se sont déroulées sans incident majeur, à la satisfaction des organisations syndicales et de nombreux acteurs. Les huit premières journées, qui ont mobilisé parfois plus de 1 million de personnes réparties dans 300 à 400 manifestations, n'ont connu quasiment aucun incident. S'il y a eu quelques blessés, les blessures ne sont pas graves ; quant au nombre d'interpellations, il est classique compte tenu de l'ampleur des manifestations.

En revanche, la neuvième journée nationale d'action, le 23 mars, a connu des troubles très importants, avec 552 blessés – bien plus chez les forces de l'ordre que chez les manifestants – et 428 interpellations. Ce ne sont donc pas les manifestations qui posent problème mais les violences, les actions de guérilla urbaine.

Lors de cette neuvième journée, la manifestation classique n'a posé quasiment aucun problème, à l'exception de l'entrée de black blocs dans le cortège syndical – nous nous en sommes expliqués avec les représentants syndicaux et la technique a été modifiée. C'est la présence très forte de ce que les services de renseignement appellent l'ultragauche qui a été à l'origine des violences. Selon la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et les renseignements territoriaux – j'invite d'ailleurs vivement les membres de la délégation parlementaire au renseignement à consulter les notes classifiées, que je ne peux dévoiler – la journée d'action a été prise en main par des cortèges de l'ultragauche dans une trentaine de villes, notamment dans l'ouest de la France et en région parisienne. Leur but était de s'en prendre physiquement aux représentants des institutions républicaines – policiers, gendarmes, élus – et aux sites institutionnels, avec de très nombreuses attaques contre les commissariats, les préfectures, les sous-préfectures, les mairies et ce qu'ils appellent les symboles du capital.

Lors des deux journées d'action postérieures au 16 mars, nous avons constaté une très forte poussée des violences de l'ultragauche, donnant lieu à 1 851 interpellations. Nous avons enregistré 299 atteintes à des institutions publiques, lesquelles n'avaient parfois rien à voir avec la réforme des retraites – chacun sait que le maire de Bordeaux, étiqueté Europe Écologie-Les Verts, n'y est pas favorable et que la mairie du 11e arrondissement de Paris n'est pas tenue par des élus de la majorité. Des commissariats, des sous-préfectures, des conseils départementaux ont été attaqués à coups de cocktails Molotov. Ce n'est pas nouveau : pendant l'examen de la loi El Khomri, l'ultragauche s'en était prise à l'hôpital Necker. Les atteintes aux institutions publiques étaient ciblées et organisées, parfois totalement en marge du parcours même de la manifestation. Nous avons recensé 132 atteintes de permanences parlementaires, 33 plaintes de membres du Gouvernement ou d'élus pour des menaces ou pour des outrages, ainsi que des dégradations majeures – 2 500 incendies de voies publiques, 58 incendies de véhicules et 13 incendies de bâtiments, dont certains auraient pu virer au drame.

Les images enregistrées pendant ces manifestations sont impressionnantes. Sur une vidéo tournée à Lyon, dans une rue perpendiculaire à la manifestation, on voit des jets incessants de pavés, pendant plus de douze minutes, sur les représentants des forces de l'ordre. De même, les images tournées à Dijon, non pas dans la manifestation mais dans une rue perpendiculaire, ne sont pas de l'ordre de la manifestation classique. À Paris, à côté de la place de l'Opéra, les policiers et sapeurs-pompiers ont très courageusement évacué une dizaine de personnes, dont des enfants, d'un immeuble en flammes. On nous demande parfois pourquoi la police se donne la peine de protéger les biens : ça sert à éviter des drames.

À Sainte-Soline, la contestation est ancienne, puisque des dégradations ont été commises dès 2021, causant des préjudices de plusieurs centaines de milliers d'euros aux agriculteurs. En 2022, une manifestation très importante a fait 61 blessés chez les gendarmes, dont plusieurs très grièvement. On avait évoqué la présence de quelque 500 black blocs lors des affrontements très violents avec la police et la gendarmerie.

Nourris de ces expériences et informés par les services de renseignement de l'européanisation, voire de l'internationalisation de la violence, nous avions préparé ce rendez-vous de Sainte-Soline. La manifestation organisée par des mouvements pacifistes à Melle n'a donné lieu à aucun incident. En revanche, des confrontations directes ont eu lieu au cours de la manifestation non déclarée, qui avait fait l'objet d'un arrêté d'interdiction par la préfète des Deux-Sèvres, le 17 mars. En outre, deux conférences de presse avaient été tenues par la préfète et une par le procureur de la République avant la manifestation. L'arrêté d'interdiction n'a pas été contesté par les personnes « organisatrices ».

Préalablement, dans un courrier du 10 mars, la préfète des Deux-Sèvres avait fait part de son intention d'interdire la manifestation aux organisateurs identifiés, notamment Les Soulèvements de la Terre, Bassines non merci et la Confédération paysanne – c'est important dans le cadre des enquêtes judiciaires ouvertes sur la responsabilité des organisateurs, chargés d'organiser les secours. Le courrier est resté sans réponse, mais il a été reçu puisqu'il a été suivi d'un communiqué de presse annonçant que la manifestation était maintenue. Entre le 17 et le 22 mars, huit arrêtés d'interdiction ont été pris par la préfète, en particulier pour éviter le transport d'armes et la circulation d'engins agricoles sur le site de la manifestation. Deux de ces arrêtés, dont celui sur le transport d'armes, ont été contestés notamment par la Ligue des droits de l'homme devant le tribunal administratif, qui a donné raison à chaque fois à la préfète des Deux-Sèvres ; celle-ci a donc toujours agi en conformité avec le droit.

Nous avons tenu beaucoup de réunions techniques avec le directeur général de la gendarmerie nationale et les préfectures concernées, y compris une réunion présidée par la Première ministre le 22 mars en présence des ministres de la justice, de l'agriculture et de l'écologie.

Nous avons fait des contrôles en amont. Les services de renseignement des pays étrangers nous avaient informés que de nombreuses personnes de l'ultragauche ou de l'écologie radicale souhaitaient se rendre à Sainte-Soline – des Espagnols, des Italiens, des Suisses et des Allemands notamment. Nous avons donc mis en place un dispositif très en amont, contrôlant 24 000 véhicules aux frontières et à proximité de Sainte-Soline. À la suite de ces contrôles, 20 procédures ont été ouvertes, 62 couteaux ont été saisis, 67 boules de pétanque, 13 haches, 5 battes de baseball, 6 bidons d'essence, 20 aérosols et bonbonnes de gaz et 7 mortiers d'artifice – le rendez-vous était donc assez peu festif. Nous avons déployé 3 200 gendarmes et policiers. Je signale à la commission des lois que les gendarmes n'étaient pas autorisés légalement à faire voler leurs drones, mais que les « manifestants », eux, en ont largement fait usage.

En avril 2019, le Conseil constitutionnel a censuré la mesure qui instituait une interdiction administrative de manifester d'une durée maximale d'un mois pour les individus auteurs d'actes de violence. Elle nous aurait pourtant permis d'éviter la présence à Sainte-Soline d'un certain nombre d'individus très dangereux, qui avaient déjà participé aux manifestations sauvages et très violentes contre la réforme des retraites à Rennes, à Nantes ou à Lorient. Comme pour les drones, les gendarmes ont respecté le droit : ces individus violents n'ont pas eu l'interdiction de participer à la manifestation ; malheureusement, ils ont mené une attaque extrêmement violente contre les gendarmes.

La présence de l'ultragauche ou de l'écologie radicale à Sainte-Soline est parfaitement documentée. Les services du ministère de l'intérieur estiment que, sur 8 000 manifestants, un millier de membres de l'ultragauche française et européenne étaient venus chercher l'affrontement avec les gendarmes, lesquels ont saisi plus de 800 objets – cocktails Molotov, armes blanches, etc. Parmi les gendarmes, 48 ont été blessés, dont certains grièvement, tandis que 4 manifestants ont été blessés grièvement, dont 2 très grièvement.

Je souhaite revenir sur la chronologie de l'intervention des secours parce qu'elle a beaucoup fait parler. Nombre de fake news ont circulé, et je me réjouis qu'un travail journalistique ait permis d'y mettre fin.

La veille de la manifestation interdite, le vendredi 24 mars, des voies ferrées sont envahies, mettant en danger les manifestants et les voyageurs présents dans les trains. La circulation est arrêtée entre Angoulême et Poitiers sur la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux. Puis 300 black blocs dégradent les barrières d'accès aux voies.

Le 25 mars au matin, trois catégories de convoi s'organisent : un convoi « ultra », un convoi « familles » et un convoi contestataire classique non violent. Vers dix heures, les cortèges s'élancent vers la bassine, qui est distante de 6 kilomètres. À douze heures quarante ont lieu les premières échauffourées avec les gendarmes, qui reçoivent des tirs de mortier et des cocktails Molotov et répliquent avec des gaz lacrymogènes.

Vers treize heures, alors que les trois cortèges sont arrivés à la bassine SEV 15, un groupe d'environ 1 000 black blocs se détache et fonce vers les gendarmes, provoquant les affrontements très durs que l'on a tous vus à la télévision. Ils sont lourdement armés. Quatre véhicules sont incendiés avec des cocktails Molotov d'un genre nouveau, peu connus des forces de l'ordre. Les gendarmes utilisent des grenades anti-désencerclement, assourdissantes et lacrymogènes pour se dégager ; ils sont alors à quelques mètres des casseurs et ne lâcheront jamais leur ligne défensive : il n'y a pas eu d'offensive des gendarmes dans les champs de Sainte-Soline.

Vers quatorze heures vingt, les black blocs se replient, puis mènent un nouvel assaut vers quinze heures, ce qui rend la situation extrêmement confuse. Dès quatorze heures trente-cinq, un peloton spécialisé encadre un médecin du GIGN (groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) pour lui permettre de fendre la foule hostile et de secourir les opposants, dont un grièvement blessé. Ils y parviennent malgré le harcèlement dont ils sont l'objet. Le groupe de gendarmes est toutefois obligé de se replier : le médecin du GIGN, seul, apporte courageusement les premiers soins à une victime, en dépit des jets de pierres, des insultes et du harcèlement. À dix-sept heures trente, les assaillants retournent à leur camp de base en commettant des dégradations, pendant que l'État s'occupe de l'évacuation des blessés.

Je souhaite revenir sur l'accusation selon laquelle les gendarmes auraient empêché les secours d'intervenir, accusation qui met en cause leur honneur et celui de l'État. Chacun sait désormais que ce n'est absolument pas le cas. Un premier appel est passé aux pompiers à treize heures quarante-neuf, et un deuxième au Samu à treize heures cinquante. La géolocalisation est opérée, ce qui n'est pas évident dans un champ de 6 kilomètres, et à quatorze heures une le Samu est enclenché. Parallèlement, les pompiers qui étaient à proximité cherchent le blessé au milieu des champs, sans succès, une partie d'entre eux étant par ailleurs harcelés par les « manifestants ». À quatorze heures quarante-cinq, le Samu s'engage à son tour à l'intérieur du site, ralenti à plusieurs reprises par des manifestants, soit pour recevoir des soins parce qu'ils sont blessés, soit pour le prendre à partie. Entre quatorze heures trente-cinq et quatorze heures cinquante, la gendarmerie envoie le médecin que j'évoquais, qui engage les premiers secours alors qu'il est lui-même la cible de projectiles. Il reste aux côtés du blessé. L'hélicoptère de la gendarmerie est mobilisé, mais comme il n'est pas médicalisé, le médecin préfère attendre l'hélicoptère du Smur (structure mobile d'urgence et de réanimation).

J'appelle votre attention sur le tract distribué à Sainte-Soline et que vous trouverez sur les réseaux sociaux. Vous constaterez qu'il est fait avec une certaine recherche. Il donne des conseils aux manifestants : ne pas donner son identité, ne pas avoir de pièce d'identité sur soi, se présenter directement dans les hôpitaux sans jamais passer par les services de secours sur site, toujours payer en argent liquide. Il donne aussi des numéros de téléphone, d'ailleurs intéressants pour les services de renseignements. Il y avait donc une organisation. Les violences étaient prévues, avec des conseils pour « avant l'événement », « pendant l'action » et « après l'événement », et une liste des équipements nécessaires pour la confrontation avec les gendarmes. Bref, je pense que l'on peut dire qu'il y avait préméditation.

Le problème n'est pas tant les manifestations – il y en a une trentaine tous les week-ends autour de la préfecture de police à Paris, une centaine chaque semaine, pour diverses raisons, et il y a de très grosses manifestations, comme le 31 décembre, avec 2 millions de personnes à Paris – que leur infiltration par l'ultragauche. Ce problème, loin d'être propre à la France, se retrouve aussi au niveau européen et international : on peut penser au G20 de Hambourg, en 2017, avec trois jours de déferlement de violence – où étaient d'ailleurs présents de nombreux individus de l'ultragauche française –, au G8 de Rostock, en 2007, avec un millier de blessés, ou au G20 de Londres, en 2009, qui a conduit à la mort d'un passant.

Les ZAD (zones à défendre), en fait des zones de non-droit, donnent également lieu à des violences. Il y a trois mois, à Lützeraht, en Allemagne, de violents affrontements, au cours desquels les policiers ont essuyé des tirs d'engins pyrotechniques et des jets de projectiles, ont causé 70 blessés parmi les forces de l'ordre et 20 parmi les manifestants. En janvier également, à Atlanta, une ZAD a été créée par l'ultragauche pour empêcher la construction d'une école de police ; il y a eu un mort et de nombreux blessés. On peut multiplier ces exemples de violence politique qui prend en otage les manifestations légitimes. Les images des affrontements en Allemagne et en Italie sont particulièrement impressionnantes.

Notre difficulté tient donc à une ultragauche très présente depuis le début des années 2000. La première grande mobilisation concernée a été celle contre le CPE (contrat première embauche), au printemps 2006. On se rappelle ensuite des affrontements autour du projet de barrage de Sivens, sous un gouvernement socialiste, avec le décès d'un jeune homme et 58 policiers blessés, ou de Notre-Dame-des-Landes, où 108 gendarmes ont été blessés et où la contre-société était lourdement armée. L'examen de la loi « travail », ou El Khomri, en 2016, également sous un gouvernement socialiste, a donné lieu à un niveau de violences inégalé, plus fortes que celles que nous venons de connaître. Enfin, pendant la crise des gilets jaunes, les services de renseignement ont documenté de manière incontestable l'infiltration par l'ultragauche d'une partie du mouvement social en vue de le radicaliser.

Les services de renseignement évoquent quarante-deux projets contestés sur le territoire national – qu'importe le projet, pourvu que l'on puisse exercer de la violence contre les forces de l'ordre ou l'État ! Ces projets sont très différents. Certains peuvent apparaître polluants, comme l'extension de l'aéroport de Lille ou le projet d'autoroute Castres-Toulouse, alors que d'autres semblent répondre à un objectif écologique, comme la construction de lignes de TGV. Ces contestations apparaissent dans tout le territoire, mais sont particulièrement présentes dans l'ouest et dans le sud-ouest de la France. Nous savons déjà que nous devrons faire face à des projets d'installation de ZAD, comme c'était le cas à Sainte-Soline, ainsi qu'à des manifestations très violentes contre les forces de l'ordre et contre les symboles de l'État – l'autoroute Castres-Toulouse sera sans doute le prochain objectif de l'ultragauche. Sur les quarante-deux projets, dix-sept sont qualifiés par les services de renseignement comme étant susceptibles d'entraîner une radicalisation. C'est évidemment une préoccupation pour les femmes et les hommes politiques, mais aussi pour tous les citoyens.

Une fois le constat de la radicalisation fait, il faut des réponses. Devant cette même commission, j'avais déjà souligné le fait que l'État devait moderniser son schéma de maintien de l'ordre et lui accorder davantage de moyens. Nous avons donc rédigé, pour la première fois, un schéma du maintien de l'ordre, qui a été validé par le Conseil d'État.

La difficulté est de former les policiers et les gendarmes qui en seront chargés, puisqu'il s'agit d'un métier spécifique et qu'il manque des effectifs. Chacun sait que quinze escadrons de gendarmerie et de CRS ont été supprimés au cours des vingt dernières années. Nous sommes en train de les reconstituer, mais cela prend du temps. Dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), vous avez décidé la création de onze nouvelles unités de forces mobiles, qui aideront les policiers et les gendarmes spécialisés.

Il n'existe pour l'instant qu'un centre d'entraînement, le Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier. La gendarmerie excelle dans le maintien de l'ordre de caractère rural, même si elle apporte son aide au maintien de l'ordre urbain. Nous avons acheté au ministère de la défense un site à Villeneuve-Saint-Georges, en région parisienne. Nous sommes en train de l'aménager pour qu'il puisse servir de centre d'entraînement commun aux agents de la préfecture de police spécialisés dans le maintien de l'ordre, policiers et gendarmes. Désormais, tous les membres du corps préfectoral sont formés au maintien de l'ordre – ce qui n'était pas le cas avant mon arrivée au ministère.

Nous avons aussi mis fin à l'utilisation de certaines armes, notamment aux grenades contenant de l'explosif : outre les grenades lacrymogènes, seules les grenades assourdissantes lancées à la main ou au lance-grenades sont autorisées.

La difficulté, qui avait été soulignée lors de l'examen de l'article 24 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, est de faire la liaison entre ceux qui font l'information, les services de police, et les manifestants ou les casseurs. Il était aussi nécessaire de clarifier les sommations. Des caméras-piétons équipent désormais la quasi-totalité des forces de police et de gendarmerie ; les quelques exceptions sont en cours de résorption. Cela change beaucoup de choses. Le rapport Delarue sur les relations entre la presse et les forces de l'ordre nous a beaucoup aidés, notamment pour ce qui regarde l'identification des journalistes. Enfin, à la suite de la décision du Conseil d'État de juin 2021, les mesures d'encadrement des nasses : j'entends parfois dire que la technique de la nasse est interdite, mais c'est faux ; elle est conçue différemment.

Des moyens inédits sont consentis pour le maintien de l'ordre. Ne serait-ce que cette année, nous créons un grand nombre de postes de gendarmes mobiles et de CRS. Depuis mon arrivée au ministère, le nombre de sections d'une compagnie a été porté de trois à quatre. Nous devons d'ailleurs jusqu'à quarante jours de congé à certains CRS et gendarmes mobiles, ceux-ci étant chargés de nombreuses missions.

En effet, nombre d'élus de tous bords politiques réclament leur présence, par exemple l'été dans les stations balnéaires, l'hiver dans les stations de sports d'hiver, ou encore pour des manifestations sportives ou culturelles. Les discussions autour de l'organisation des Jeux olympiques sont d'ailleurs l'occasion de vérifier cet amour qu'on leur porte, tous les festivals culturels ayant souligné l'importance de leur présence. Ils sont également très sollicités dans les outre-mer, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles ou en Guyane – votre commission m'a d'ailleurs saisi au sujet de la violence qui s'y déploie. Seules les unités de forces mobiles ont capables de rétablir ainsi la paix publique : en général, après qu'elles ont été envoyées, tout rentre dans l'ordre…

S'agissant des aspects déontologiques, quarante et une enquêtes judiciaires sont en cours à l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et quatre à l'IGGN, sous l'autorité de magistrats. J'ai demandé par ailleurs trois enquêtes administratives à l'IGPN et une à l'IGGN. Dans le premier cas, les éventuelles sanctions dépendent de l'autorité judiciaire. Lorsque des mises en examen impliquent que les policiers ou les gendarmes ne doivent plus être sur la voie publique ni travailler dans certains services, ou doivent être désarmés, nous appliquons ces mesures immédiatement et nous attendons, comme le prévoit la jurisprudence, la fin de l'enquête judiciaire pour prendre d'éventuelles sanctions administratives. Lorsqu'il n'y a pas d'enquête judiciaire, l'IGPN et l'IGGN doivent désormais rendre leur rapport dans un délai de trois mois. Depuis la Lopmi, et à ma demande, nous publions ces rapports. Les directeurs généraux prennent leur décision après le conseil de discipline dans les trois mois qui suivent les enquêtes administratives. Ces mesures s'appliqueront donc pour les quatre cas que j'ai signalés et les éventuelles sanctions seront connues immédiatement.

Je rappelle que si les policiers et les gendarmes représentent moins de 5 % de la fonction publique, ils concentrent 55 % des sanctions disciplinaires. Il serait intéressant de faire une comparaison avec les autres ministères. Il est normal que les policiers et les gendarmes soient contrôlés, mais d'autres ministères ont eux aussi beaucoup de pouvoir et je ne suis pas certain que les fonctionnaires qui en relèvent ne commettent jamais d'erreur ou ne rencontrent aucune difficulté. Il est donc faux de dire que les policiers et les gendarmes ne sont pas soumis à des contrôles et à des sanctions.

Les Soulèvements de la terre ne sont pas une association, c'est un groupement de fait. Il n'y a donc pas d'atteinte à la liberté d'association. Les services de renseignement et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur l'ont caractérisé ainsi après l'observation de l'usage de téléphones communs, de nombreux appels groupés, de fréquentes réunions aux mêmes endroits, de la signature de tracts ou de communiqués de presse. Il est évident que ces personnes sont rassemblées en vue d'atteindre des objectifs. Elles étaient, pour une très grande part, déjà suivies par les services de renseignement depuis Notre-Dame-des-Landes. La procédure contradictoire que nous avons engagée fait état d'appels au soulèvement – d'ailleurs explicites dans le nom de l'organisation – ainsi qu'à la violence, notamment contre les institutions républicaines et les forces de l'ordre.

L'État examine avec attention la responsabilité des organisateurs, notamment dans les événements qui se sont produits à Sainte-Soline. Ces derniers sont désormais documentés et les informations seront transmises à la justice. Malgré plusieurs interdictions émises par la préfète et portées à la connaissance de tous, il y a eu organisation d'une manifestation pour partie violente. La justice aura à trancher cette question de la responsabilité, notamment pour ce qui concerne l'intervention des secours. Le droit veut que l'organisateur soit responsable de la manifestation, y compris, d'après la jurisprudence, lorsqu'elle est organisée sans support juridique, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de déclaration préalable.

Il est difficile d'évaluer le nombre de black blocs étrangers présents sur place. Ce qui est certain, c'est qu'il y a une européanisation – si ce n'est plus – de cette violence. Nous avons procédé à de nombreuses interpellations aux frontières avec l'Italie, l'Allemagne et la Suisse, à partir de renseignements transmis par les services étrangers. Nous leur rendons d'ailleurs la pareille lorsque des événements similaires sont organisés sur leur territoire – ce fut le cas en Allemagne récemment. Je vous invite à consulter la délégation parlementaire au renseignement si vous souhaitez plus de détails.

Cela nous a permis d'éviter la présence de personnes extrêmement dangereuses. Cela étant, vous savez bien qu'on ne peut pas interpeller ni faire condamner de façon préventive des personnes, quand bien même un service étranger nous les aurait désignées, au motif qu'elles seraient susceptibles de commettre des actes répréhensibles ou violents. On ne peut que les empêcher d'entrer en France par une interdiction administrative du territoire. C'est ce qui a été fait par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ce qui a permis de bloquer un certain nombre de personnes étrangères très violentes qui se rendaient à Saint-Soline.

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Plus de 800 policiers et gendarmes ont été blessés entre le 16 et le 27 mars. Au nom du groupe Renaissance, je leur adresse notre plein et entier soutien.

Les cortèges syndicaux nous ont montré que lorsqu'il n'y a pas de violence, il n'y a pas de blessés, qu'il s'agisse de policiers, de gendarmes ou de manifestants. Nous observons depuis plusieurs années une augmentation de l'intensité de la violence, qui est organisée, armée et financée. Mon collègue Jérémie Iordanoff et moi essayons de mieux comprendre ces phénomènes dans le cadre d'une mission d'information sur l'activisme violent.

Face à cette violence, nos forces de sécurité intérieure incarnent ce bouclier républicain qui protège nos institutions démocratiques et nos concitoyens du désordre. Elles tiennent bon pour protéger notre République et notre État de droit d'une violence que rien ne peut justifier. Les forces de l'ordre doivent continuer à s'adapter et à user de la force légitime et proportionnée dans le respect du cadre légal. C'est pourquoi, lors de la crise des gilets jaunes, nous avons fait évoluer la doctrine d'emploi : les brigades de répression de l'action violente motocyclistes (Brav-M) ont été créées afin de répondre aux besoins de mobilité et de projection de nos forces, comme ce fut le cas à Paris ou à Sainte-Soline.

Vous avez raison, monsieur le ministre, de rappeler la réalité des attaques que subissent les forces de l'ordre. Les bombes incendiaires, les couteaux et les haches saisies à Sainte-Soline en témoignent.

En quoi les Brav-M incarnent-elles une nouvelle doctrine de maintien de l'ordre, face à l'évolution de l'activisme violent et à ce déchaînement de haine ? D'autres solutions sont-elles possibles ? Comment rompre l'escalade de la violence, peut-être recherchée par certains ? Ne peut-on pas penser que cette violence organisée, exercée par des individus provenant des quatre coins du monde, serait motivée par une idéologie visant à déstabiliser notre pays ?

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Comme vous le savez, monsieur le ministre, puisque nous sommes tous les deux du département du Nord, j'ai eu la fierté et l'honneur de faire partie des forces de sécurité intérieure pendant plus de vingt ans, notamment sous les ordres du commandant de la CRS 8, que vous connaissez bien.

Vous répétez du matin au soir que vous soutenez les policiers et les gendarmes, mais ceux-ci seront directement touchés par votre réforme des retraites totalement injuste : ils auront, pendant deux ans de plus, à subir des violences sur le terrain, à recevoir des cocktails Molotov, des tirs de mortier, des boules de pétanque. Vous dites que vous dialoguez avec les policiers, mais vous ne les avez pas écoutés lors de la réforme de la police judiciaire, et ils sont extrêmement remontés.

Nous avons vu la violence exercée à Sainte-Soline. Ce sont des moments très difficiles à vivre, je peux en témoigner. J'ai été surpris de vous entendre dire que les gendarmes sur quad ayant utilisé des LBD 40 seraient suspendus, parce qu'ils n'ont pas respecté les ordres, sans la moindre enquête administrative ni décision de justice. C'est incroyable !

La proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive déposée par notre collègue Naïma Moutchou a été rejetée par votre majorité. Les policiers ont été désagréablement surpris de voir refuser l'alourdissement des peines contre les récidivistes qui agressent un élu, un policier ou un gendarme.

Pour le maintien de l'ordre sur place, faut-il privilégier les forces mobiles au détriment des unités locales ? Pourquoi avez-vous refusé l'amendement sur la formation que j'ai déposé dans le cadre de la Lopmi, alors que vous savez pertinemment que c'est une priorité ?

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À Sainte-Soline, le chaos s'est abattu indistinctement sur tous les manifestants, alors que la plupart s'étaient rendus sur place tranquillement et en famille. La loi et les libertés ont été bafouées. Ont ainsi été observés un tir tendu de grenade lacrymogène, des tirs de LBD effectués depuis des quads, des secours empêchés d'arriver ou largement retardés, un journaliste placé en garde à vue sans motif, des observateurs privés de protection et de matériel. Un désastre humain a été organisé : 250 blessés parmi les manifestants et les forces de l'ordre, des dizaines de mutilés et un manifestant toujours dans le coma. Ce désastre signe votre échec, monsieur Darmanin.

Dans cette période d'intense mobilisation, il ne se passe pas un jour sans que la presse dévoile vos mensonges. Vous reconnaissez du bout des lèvres des écarts isolés, alors que ce sont les consignes iniques de maintien de l'ordre qui sont en cause. Il s'agit non de responsabilités individuelles, mais d'un naufrage institutionnel. En Suède et en Espagne, on déploie des officiers médiateurs, aux Pays-Bas, des unités de la paix, mais en Macronie, au lieu de la désescalade, on expérimente la répression « quoi qu'il en coûte ».

Selon vos chiffres, pour 4 000 manifestants, 3 200 policiers et gendarmes ont été déployés et 5 015 grenades tirées. Le maintien de l'ordre à la française fait honteusement la une des journaux de nos voisins. Le rapporteur spécial de l'ONU s'inquiète d'une réponse de l'État « largement disproportionnée ».

Vous ne pourrez pas empêcher les conséquences du changement climatique en misant sur le seul usage de la force et en faisant « de la vieille politique au service du vieux monde », comme le dit Philippe Descola. Ce n'est pas par vos injonctions incessantes à condamner les violences, qui n'ont jamais été et ne seront jamais les formes d'action que nous prônons, que vous réussirez à justifier votre réponse systématiquement autoritaire et répressive. Vous recourez aux insultes et aux diversions périlleuses, mais vous ne pouvez pas indéfiniment blâmer vos opposants pour vos propres errements.

Votre stratégie mène le pays dans une impasse. Quand allez-vous tirer les leçons de Sainte-Soline ?

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Merci, monsieur le ministre, de nous avoir transmis ces éléments chiffrés et ces images qui montrent le déchaînement de violence de l'extrême gauche à l'encontre de nos forces de police. Cette violence s'inscrit très clairement dans une stratégie de déstabilisation et de destruction des institutions de la République. Il faudra que nous examinions un jour les dangers que ces groupuscules, soutenus par certains groupes parlementaires – des parlementaires étaient présents à une manifestation interdite –, constituent pour la République. Les menaces que l'extrême gauche et l'ultragauche représentent : voilà de quoi nous devons débattre.

Pour les forces de l'ordre, victimes d'armes par destination – boules de pétanque, mortiers, chalumeaux, barres de fer – et de caillassage, le bilan est extrêmement lourd. Les individus, ou plutôt les barbares, qui étaient là n'avaient pour objectif que de tuer des gendarmes ou des policiers et de créer le chaos.

Je veux apporter un soutien total à nos forces de l'ordre, qui sont depuis des années mises sous pression, attaquées, critiquées, menacées, prises pour cible, avec leur famille et jusque dans leur logement. Le devoir de la représentation nationale est d'apporter un soutien sans réserve aux policiers et aux gendarmes et de dire que notre système de maintien de l'ordre est un système équilibré, qui a toujours veillé à préserver les vies.

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Comme de nombreux Français, j'ai été frappé par la violence des images des graves incidents de Sainte-Soline, au point d'y trouver un motif supplémentaire d'exprimer mon soutien aux gendarmes qui se sont employés à protéger le site, exécutant les instructions qui leur avaient été données, en particulier celle d'éviter le contact et tout corps à corps. Les intentions destructrices d'un grand nombre de manifestants n'étaient pas un mystère, ce qui a contraint les forces de l'ordre à opposer une réponse toujours proportionnée aux agressions de plus en plus violentes dont elles ont été victimes. Elles se sont trouvées confrontées à des groupuscules venus dans le dessein délibéré de briser par tout moyen la ligne de défense tenue par les gendarmes, quelles qu'en soient les conséquences. Dès lors, des blessures graves devenaient inévitables, chez les assaillants comme chez les gendarmes. Nous le déplorons.

Toutefois, l'emploi de hachettes, de pieds de biche, de produits incendiaires, de disqueuses, de chalumeaux et les caillassages systématiques n'ont manifestement aucun rapport avec l'usage légitime du droit de manifester. Les auteurs de ces violences ont confisqué à leur profit la liberté d'expression du plus grand nombre.

Parmi les personnes engagées dans ces actions violentes figuraient des activistes étrangers connus de nos services. Ces activistes ont manifestement préparé leur intervention avec soin, en utilisant des bases arrière et des tactiques quasi-militaires. Il semble nécessaire de prendre des dispositions, à titre préventif d'abord pour empêcher le déploiement des casseurs, ensuite pour identifier et arrêter systématiquement les auteurs de violences. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces activistes ? Quelle réponse apporter ?

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Nous condamnons toutes les violences, d'où qu'elles viennent, y compris de la part de manifestants. Néanmoins, monsieur le ministre, même si ce que vous avez décrit est réel, cela ne peut pas suffire à résumer des semaines de manifestations. Surtout, vous ne pouvez pas passer sous silence les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là.

De toute évidence, il y a eu une évolution de la doctrine d'emploi de la police nationale après l'usage du 49.3. Des instructions ont été données. Alors que l'encadrement des manifestations se faisait dans un esprit d'apaisement, on est passé à des affrontements systématiques et, surtout, indistincts. Vous nous avez montré des vidéos incontestables, mais nous pourrions en montrer d'autres, qui circulent sur les réseaux sociaux et attestent de comportements que l'on pourrait qualifier de déviants de la part de la police nationale : gazage de leaders syndicaux clairement identifiés, nasses systématiques, usage de LBD, y compris à tir tendu, matraquages aveugles… On a même vu des gendarmes mobiles faire la leçon à des policiers de la Brav-M qui se croyaient autorisés à charger, sans aucune nécessité, des manifestants ! On a parfois le sentiment que vous ne maîtrisez plus votre police… Sa reprise en main est une nécessité absolue, faute de quoi nous risquons de basculer dans une République sécuritaire. Comment comptez-vous vous y prendre ?

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L'actualité récente a mis en évidence les difficultés que peuvent rencontrer les secours pour accéder à un terrain d'opérations. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir montré des images, parce qu'on entend parfois des commentateurs qui ignorent de toute évidence à quoi sont régulièrement confrontées nos forces de l'ordre.

C'est à ces femmes et à ces hommes chargés de faire régner l'ordre public et de défendre la République que je pense. Le groupe Horizons est du côté des forces de l'ordre. Nous leur apportons tout notre soutien. On a trouvé sur place des boules de pétanque remplies de clous, des cocktails Molotov, des haches, des couteaux… Rien n'explique une telle violence contre des hommes et des femmes qui sont là uniquement pour faire leur métier.

Lors de cette manifestation, les délais d'intervention et les conditions d'accès des secours ont été très critiqués. Permettez-moi, en tant que sapeur-pompier, d'avoir une pensée pour mes collègues ou pour les personnels du Samu qui, lorsqu'ils prennent leur garde, savent les risques auxquels ils sont exposés, mais qui ne sont vraiment pas là pour se recevoir une boule de pétanque ou un pavé.

Il y a quelques années, on nous parlait déjà de violences urbaines – c'était déjà un scandale à l'époque. Aujourd'hui, on emploie le terme de « guérilla ». Comment, dans le cadre d'une manifestation illégale, peut-on concilier la nécessité de porter secours avec une intervention sécurisée de ces secours ?

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Si l'on en juge par ce qu'en dit la presse internationale, la gestion du maintien de l'ordre dans notre pays ces dernières semaines n'a pas choqué qu'à l'intérieur de nos frontières. Le Conseil de l'Europe et le rapporteur spécial de l'ONU se sont inquiétés d'un usage excessif de la force. Depuis l'utilisation du 49.3, on note un usage massif d'armes mutilantes et de techniques incompatibles entre elles – nasse et gaz lacrymogènes, par exemple – ainsi que des arrestations et des détentions abusives qui ont pour seul but de dissuader les manifestants d'exercer leurs droits. En effet, participer à une manifestation non déclarée n'est pas illégal. Il n'y a pas un seul pays en Europe où l'on a dénombré, au cours de la dernière décennie, autant de morts, de personnes dans le coma, éborgnées ou mutilées lors d'opérations de maintien de l'ordre. Gaz et grenades touchent les manifestants sans distinction, comme les coups de matraque : nous pouvons en témoigner, nous pouvons vous montrer des vidéos. La France est le seul pays d'Europe enregistrant autant de dégâts collatéraux.

Il y a donc un problème systémique que vous tentez de nier, soit par des mensonges, soit au travers d'un vocabulaire fourre-tout. C'est comme si vous mélangiez la NUPES et les Brigades rouges ! Vous confondez la crise sociale et la guerre. Vous utilisez le vocabulaire d'extrême droite, à l'instar de l'expression « terrorisme intellectuel », qui relève d'une stratégie dangereuse de dépolitisation des affrontements. Les gardiens de la paix, que vous aimez appeler fils et filles du peuple, ne devraient pas avoir pour mission de mater le peuple. Quand il y a des dérives, vous assurez qu'il y aura des enquêtes, mais ce que vous ne dites jamais, c'est combien les sanctions sont faibles. Ainsi, dans l'affaire du Burger King en 2021, la moitié des sanctions – quand il y en eut – furent de simples avertissements.

Monsieur le ministre, cherchez-vous à apaiser le pays, ou à glaner toujours plus de voix à droite pour vous assurer le destin que vous vous imaginez ?

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Monsieur le ministre, j'ai découvert avec étonnement que nous étions d'accord sur certains points. Par exemple, vous avez tout à fait raison quand vous dites qu'il faut cesser de harceler les élus. Je n'ai donc aucun doute sur le fait que vous agirez contre la Coordination rurale qui a harcelé Marine Tondelier, entre autres élus, et qui exerce des pressions sur l'ensemble des personnes qui ont l'outrecuidance d'être en désaccord avec elle.

Vous avez également raison lorsque vous dénoncez la violence dans les manifestations. Comme vous, nous pensons qu'il n'est pas normal que des agents en service, qui n'ont d'autre choix que d'appliquer les ordres qui leur ont été donnés, soient blessés dans le cadre de leurs fonctions – la question étant de savoir qui les a placés dans cette situation. Comme vous – du moins je l'espère, parce que je vous ai moins entendu sur le sujet – nous pensons qu'il n'est pas normal que des personnes soient blessées, parfois grièvement, pour avoir exercé leur droit constitutionnel à manifester – nul besoin pour cela que la manifestation soit autorisée. Il n'est pas normal d'être nassé et gazé illégalement dans la Petite rue des dentelles, à Strasbourg, d'essuyer des tirs de LBD depuis des quads en mouvement ou de se faire rouler dessus à moto par des membres de la Brav-M.

Vous avez beaucoup insisté sur l'ultragauche. Permettez-moi de vous rappeler que l'ultragauche et les black blocs éprouvent une haine viscérale envers les écologistes, précisément parce que nous sommes un mouvement pacifiste. À l'intérieur des nasses, on est collé-serré, mais il n'y a pas pour autant de proximité idéologique. Il serait bon d'arrêter les fake news, comme vous le suggérez vous-même.

Avoir peur de ne pas survivre au milieu des gaz et du reste, je pense que vous l'avez déjà vécu vous-même, durant La Manif pour tous. Quand a-t-on basculé dans ce chaos, dénoncé même par les États-Unis ? Vous avez pris l'exemple de Lützerath, mais cela n'a pas fait la une des journaux internationaux ! Par ailleurs, vu l'arsenal déployé, quel dispositif de secours avait été prévu à Sainte-Soline ?

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Je suis l'élue de la septième circonscription de Paris, qui comprend les places de la République et de la Bastille, la rue Saint-Antoine, la rue du faubourg Saint-Antoine et les boulevards Beaumarchais, Richard-Lenoir et Voltaire. Ce sont les quartiers qui connaissent le plus manifestations : ce sont des espaces symboliques qui s'inscrivent dans l'histoire des mobilisations sociales de notre pays.

Je sais que les organisations qui déclarent une manifestation ont à cœur de défiler le long de ces parcours et leur droit de manifester est absolu dès lors que l'ordre public est respecté. Or, depuis plusieurs années, ces quartiers ont eu à connaître de mobilisations importantes, parfois violentes, qui ont eu des répercussions sur la qualité de vie de leurs habitants et l'attractivité de leurs nombreux commerces. Ces derniers temps, en plus des manifestations habituelles, des poubelles ont été incendiées, faisant prendre des risques à la population. Des tactiques visant à l'épuisement des forces de l'ordre sont utilisées, ce qui engendre des troubles récurrents.

S'il faut accepter que la ville de Paris et ces mobilisations soient fidèles à leur histoire, le respect des commerçants, des habitants et de leur tranquillité ne doit pas être oublié. Je sais que vous y travaillez avec le préfet de police. D'ailleurs, la manifestation de demain se déroulera dans un autre quartier de Paris. Pensez-vous que des parcours alternatifs puissent être plus régulièrement proposés aux manifestants, afin que nos quartiers aient un peu de répit, dans un contexte de baisse d'affluence des visiteurs à la suite de la diffusion massive d'images de feux dans la capitale ces dernières semaines ?

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Je tiens à réaffirmer mon soutien et celui du groupe RN aux forces de l'ordre, qui travaillent sans relâche pour que les manifestations se déroulent dans les meilleures conditions possibles.

Le maintien de l'ordre est le résultat d'un subtil équilibre entre garantie de la liberté constitutionnelle de manifester et respect de l'ordre public. Derrière cet équilibre, il y a des hommes et des femmes : ceux qui viennent manifester légalement, ceux qui assurent l'ordre public et, parfois, des casseurs d'extrême gauche. Au-delà de la question de la doctrine du maintien de l'ordre, il faut agir pour que les manifestations se déroulent dans la légalité et que l'ordre public soit assuré le mieux possible.

Face aux nouveaux types de manifestations, de moins en moins structurées et parfois illégales, non déclarées, il convient d'augmenter les effectifs des forces de l'ordre. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, quinze escadrons de gendarmerie mobile ont été supprimés et les CRS ont perdu 2 000 emplois à temps plein. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur prévoit la création en 2023-2024 de seulement quatre compagnies républicaines de sécurité et sept escadrons mobiles de gendarmerie.

Pourquoi, compte tenu de la situation sécuritaire du pays, ne pas avoir augmenté les effectifs des forces de l'ordre dès 2017 ? Pourquoi, vu l'ampleur et l'évolution des manifestations, avec la présence régulière de casseurs et la multiplication des rassemblements illégaux non déclarés, ne pas revenir au moins aux effectifs de 2007 ? Quelles évolutions proposez-vous en matière de formation des forces de l'ordre, sachant que vous avez refusé les propositions que nous avons faites lors de l'examen de la Lopmi ? Il est temps de rendre aux Français un pays calme et apaisé.

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Notre préoccupation première est d'établir le lien entre les consignes que vous avez données et le chaos qui a été constaté. D'abord, l'interdiction de la manifestation a empêché un dialogue constructif avec les organisateurs ; dans le même temps, et de manière assez paradoxale, chacun a pu circuler en mode « manif » sur plusieurs kilomètres. Nous nous interrogeons donc sur cette décision et sur son efficacité, puisqu'elle a rendu impossible tout encadrement. Ensuite, pourquoi avoir recouru à des armes sublétales ? Nous sommes le seul pays d'Europe à en utiliser. Non seulement elles sont dangereuses, mais elles accroissent la tension entre la police et les manifestants.

Quelles consignes ont été données aux policiers, qui sont bien obligés d'obéir en s'inscrivant dans le cadre d'intervention que vous leur fixez ? Comment se fait-il qu'ils aient tiré dans tous les sens et que des policiers de la Brav-M aient employé leurs armes en tir tendu vers les manifestants, juchés sur leurs mobylettes ? Pourquoi des blessés, protégés par plusieurs personnes, dont des députés ceints de leur écharpe, ont-ils fait l'objet de tirs de grenades alors qu'ils ne représentaient bien évidemment aucun danger ?

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Universités et commissariats vandalisés, entrées de mairies incendiées, usage en nombre de cocktails Molotov, de mortiers d'artifice, de mélanges incendiaires à retardement, projection de billes d'acier, et j'en passe… Les mécontentements, les colères et les manifestations ne peuvent conduire à l'émeute et à l'anarchie. Rien ne justifie la spirale de violence entre les manifestants et les forces de l'ordre et de secours. La destruction de biens publics ou privés, y compris des permanences d'élus, ne peut être légitimée dans un État de droit.

Les Républicains seront toujours du côté des défenseurs de l'ordre, policiers, gendarmes, pompiers et forces de secours, car ils sont la force de la loi. Nous combattrons sans relâche ceux qui, à l'extrême gauche, attisent la haine, fracturent sciemment le corps social et soufflent sur les braises du mécontentement, encourageant de fait les casseurs les plus radicaux. Ils espèrent cyniquement récolter les fruits politiques du chaos. Quelle attitude antirépublicaine et irresponsable !

Monsieur le ministre, gérer le maintien de l'ordre, c'est le maintenir. Vous devez être le garant de l'unité du pays. Nous saluons votre fermeté et votre volonté de mettre fin à ces séquences dramatiques pour notre pays, ainsi que le grand professionnalisme des forces de l'ordre.

Pourriez-vous dresser, à l'issue de ces journées de contestations, le bilan humain dans les rangs des policiers nationaux, des gendarmes, des policiers municipaux et des pompiers, notamment le nombre précis de blessés ? Ensuite, seulement 5 % des gardes à vue ont abouti à des poursuites. Pourquoi le bilan judiciaire est-il si faible ? Enfin, alors que nous avons assisté à de véritables scènes de guérilla, en particulier à Sainte-Soline, comment comptez-vous faire respecter à l'avenir les interdictions de manifester ?

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Depuis qu'elles ont débuté, les manifestations contre la réforme des retraites se sont en majorité bien déroulées, malgré l'appel permanent de l'extrême gauche à la fureur. Après l'utilisation du 49.3 par la Première ministre, cette extrême gauche, qui se veut de moins en moins républicaine, a appelé à bloquer le pays, par la force s'il le fallait.

Un député de cette commission a d'ailleurs légitimé la force et la violence pour faire tomber la réforme en cours, voire le Gouvernement. Sa collaboratrice parlementaire a donné le spectacle du non-respect des lois de la République, insultant et provoquant les forces de l'ordre, dans des vidéos où elle conteste les ordres et les sommations d'un agent de police. À la suite de ses refus et pour mettre fin à cette mise en scène, l'agent a fait un usage justifié de gaz lacrymogène.

Nous pourrions aussi évoquer l'utilisation illégale de drones, ou certains montages photo ou vidéo. Quant à l'emploi des mots « gazés », « rafle », « répression », c'est une insulte à notre histoire et aux victimes de la barbarie partout dans le monde, notamment dans les pays que l'extrême gauche ose élever au rang d'exemples.

Cette stratégie de désinformation et de travestissement de la réalité qu'applique l'extrême gauche, et qui est souvent utilisée par l'extrême droite, vise à expliquer que vous seriez impuissant à rétablir l'ordre dans le pays, ce que nous contestons bien entendu.

Comment pouvons-nous contre-attaquer et utiliser la loi pour protéger les forces de l'ordre ? Quelle stratégie de communication définir pour permettre aux forces de l'ordre de répondre aux attaques dont elles sont l'objet sur les réseaux sociaux, au moyen de montages vidéo et photo émanant parfois de représentants de la nation ?

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Les forces de l'ordre subissent toujours davantage la violence de l'extrême gauche et des black blocs lors des manifestations. Des élus d'extrême gauche se rendent complices des exactions, soit en se rendant à des manifestations interdites, soit en soutenant ouvertement le saccage et les violences. Je veux exprimer le soutien de mon groupe RN aux membres des forces de l'ordre attaqués et blessés ces dernières semaines. Si les manifestations légitimes et autorisées contre la réforme des retraites se sont d'abord déroulées dans le calme, il n'a pas fallu attendre longtemps pour que l'extrême gauche vienne gangrener les cortèges.

Pouvez-vous préciser la méthode employée pour permettre aux agents exerçant les missions de maintien de l'ordre d'isoler ces criminels du reste des manifestants et de procéder à leur interpellation ?

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« La prochaine fois que tu viendras, tu ne monteras pas dans le car pour le commissariat, mais dans une ambulance pour l'hôpital ». « T'as fait comment le voyage du Tchad ? C'est un titre de séjour ? Tu vas être placé en garde à vue et demain, tu auras une OQTF (obligation de quitter le territoire français), ce sera fini ». Coups, menaces, racisme des agents de la Brav-M qui roulent sur des manifestants… Ce n'est pas que de l'inquiétude que nous éprouvons, mais de la honte, face à de tels comportements, et de la colère, lorsque vous justifiez cela par la fatigue.

Le 22 mars, face à la multiplication des violences de ses agents, nous vous avions adressé une demande de démantèlement de la Brav-M. Nous n'avons reçu aucune réponse de votre part. Vous les couvrez toujours.

Face à la mobilisation sociale historique contre la réforme des retraites, vous avez décidé de gouverner par la peur et l'intimidation : arrestations arbitraires et préventives, nasses qui ne ménagent aucun point de sortie, contrairement à ce que prévoit le schéma national du maintien de l'ordre, utilisation d'armes de guerre qui mutilent, vous ne reculez devant aucune violence pour tenter d'étouffer la colère populaire.

La répression atteint désormais son point culminant – doctrine de maintien de l'ordre qui s'est malheureusement parachevée ces dernières années dans les banlieues, premier laboratoire des violences policières. Leaders syndicaux, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, magistrats, avocats, associations, ONG, tous vous demandent de cesser l'usage excessif de la violence, de stopper l'instrumentalisation de la procédure pénale et de respecter le droit de manifester.

Devenue sombrement célèbre dans les affaires de violences policières, la Brav-M sème la terreur chaque soir dans les rues de Paris. Plusieurs pétitions réclament sa dissolution. Celle déposée sur la plateforme de l'Assemblée nationale a recueilli 260 000 signatures, pour dissoudre une unité dont les policiers se comportent comme des miliciens.

Monsieur le ministre, allez-vous respecter le droit de manifester et démanteler la Brav-M ? Ou continuerez-vous de nasser l'expression populaire, assumant d'être le ministre de la matraque ? Faudra-t-il un nouveau Malik Oussekine pour vous faire enfin revenir à la raison ?

(Exclamations.)

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Veuillez garder votre calme. Chacun est libre de ses propos, mêmes outranciers, devant la commission des lois.

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Une grande majorité de nos concitoyens ne comprend pas ces violences injustifiées, mais elle entend qu'elles ont pour seule vocation de déstabiliser notre république et qu'elles sont largement instrumentalisées par la NUPES. C'est une vraie perte de sens : comment est-il possible qu'un préfet soit obligé de prendre un arrêté d'interdiction de porter des armes dans une manifestation, et que des gens le contestent devant un tribunal administratif ?

Monsieur le ministre, nous vous remercions des précisions que vous avez données sur la manière de répondre à cette situation sidérante, et nous vous soutenons pleinement.

Vous avez évoqué la dissolution probable de l'organisation Les Soulèvements de la terre. Prévoyez-vous d'autres actions de cette nature ?

Comment envisagez-vous de constituer la structure anti-ZAD que vous avez évoquée ? Quels en seraient le champ d'action et la méthode ? Quels résultats peut-on en attendre pour combattre ce scandaleux mode de comportement ?

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Gérald Darmanin, ministre

Je comprends la volonté du législateur de contrôler le Gouvernement sur cette question importante de l'usage de la force. Elle est normale et démocratique.

M. Poulliat a évoqué la Brav-M, que certains veulent dissoudre. Cela montre qu'ils ne savent pas ce que c'est. La Brav-M n'est pas une unité spécifique, elle rassemble des membres de compagnies d'intervention de la préfecture de police, qui d'ailleurs, contrairement à ce qui a pu être dit, sont formés au maintien de l'ordre. Ces agents utilisent des motos non pas pour intervenir – c'est pourquoi le parallèle avec des affaires remontant à plusieurs décennies est non seulement outrancier, mais insultant et, surtout, ignorant de la réalité – mais pour se déplacer.

Aujourd'hui, les manifestations, lorsqu'elles sont sauvages ou qu'elles dégénèrent, sont beaucoup plus mobiles qu'avant – on le voit, les violences ont changé. Les compagnies d'intervention se déplacent à pied, en voiture ou en camion, et dorénavant à moto. Il n'y a pas d'intervention depuis la moto : arrivé sur place, le passager descend. Le pilote, lui, n'est pas du même service.

Chacun ici connaît Paris, ses grands boulevards haussmanniens et son réseau de petites rues. Avec les changements de sens de circulation, les pistes cyclables et les rétrécissements de voirie, on comprend bien que les interventions de la police à Paris ne se font pas de la même manière qu'il y a trente ou quarante ans. La victoire du maintien de l'ordre républicain dépend de sa capacité à aller vite, plus vite que les personnes qui décident de se décomposer en petits groupes à travers Paris, d'allumer des feux ou d'attaquer des bâtiments.

La Brav-M n'est donc pas une unité qui intervient à moto, mais une unité qui a la possibilité d'utiliser les motos pour se déplacer. De même, monsieur Lemaire, il y a des Brav-M sapeurs-pompiers qui viennent éteindre les départs de feu. Et souvent, les personnes de la Brav-M protègent les pompiers.

Car on ne s'en prend pas qu'aux policiers et aux gendarmes : les pompiers figurent aussi parmi les blessés ! L'argument de l'extrême gauche vaudrait s'il y avait un affrontement bande contre bande, eux contre les policiers et les gendarmes. Mais non, on s'en prend aux pompiers ! Quel rapport avec les instructions que pourrait donner un ministre de l'intérieur particulièrement condamné par l'extrême gauche ? Non, c'est tout ce qui ressemble à l'autorité, à la République telle que nous l'aimons depuis au moins deux siècles, qui est attaqué par les casseurs d'ultragauche, et je ne comprends pas ces condamnations.

J'invite chacune et chacun à rencontrer la Brav-M – M. Poulliat l'a fait – ou à passer une journée avec elle, comme l'Agence France-Presse et BFM l'ont demandée et obtenu. M. Bernalicis a indiqué le 1er avril qu'il avait été invité : chiche ! Monsieur Portes, n'hésitez pas à venir voir la Brav-M lors de la manifestation de demain, vous serez bien reçu. Il est facile d'attaquer personnellement les policiers à travers un micro, mais il l'est moins de leur serrer la main et de voir leur difficile travail.

Monsieur le député du Nord dont j'ai oublié le nom, vous avez évoqué une proximité que nous n'avons pas, car je ne vous croise pas souvent dans mon département du Nord. Vous ne ferez croire à personne que je ne soutiens pas les policiers et les gendarmes. Lors de la dernière campagne présidentielle, Mme Le Pen en revanche a accusé publiquement, au journal de vingt heures, un policier chargé de sa protection d'avoir malmené une militante écologiste qui perturbait sa conférence de presse, avant de reconnaître qu'il s'agissait d'un membre du propre service d'ordre du Rassemblement national. Si quelqu'un se défausse sur les policiers, c'est bien Mme Le Pen et son groupe politique, pas le Gouvernement et la majorité qui le soutient.

En outre, vous dites des choses fausses. Il y a une différence entre le retrait du service général le temps d'une enquête administrative ou judiciaire, et la suspension. Dire qu'un policier est « retiré de la voie publique » ne revient pas à dire qu'il perd sa qualité de policier. Pour sa propre intégrité physique et sa réputation médiatique, quand un policier ou un gendarme est soupçonné d'avoir commis un acte contraire à la déontologie, on le met de côté en attendant que la vérité soit faite. C'est exactement ce qui est arrivé aux deux gendarmes de Sainte-Soline qui ont tiré au LBD depuis des quads : ils ont été suspendus de l'action d'ordre public, mais pas de leur vie de gendarme. L'IGGN rend cette semaine son rapport sur le sujet. Ne faites pas croire ce qui n'est pas vrai, par respect pour les policiers et les gendarmes de la République.

Mme Guetté a dit avec raison que l'on n'empêchera pas la lutte contre le réchauffement climatique en envoyant des policiers et des gendarmes. Le ministère de l'intérieur et ses agents n'ont pas à avoir d'opinion sur les sujets de manifestation. Une partie des policiers sont contre la réforme des retraites – même si, contrairement à la fake news qui a été répandue, ils ne travailleront pas deux ans de plus, puisque l'âge de départ à la retraite n'a pas été reculé pour les catégories actives – mais ils encadrent pourtant la contestation. Certains sont contre les propos que tient la famille politique de Mme Guetté, et pourtant ils protègent les manifestations qu'elle peut organiser.

C'est logique et c'est à leur honneur. Il s'agit de la police de la République, non d'un parti politique. En tant que ministre de l'intérieur, je n'ai pas à exprimer mon opinion ni à orienter celle des services de police. Donc, c'est vrai, ce n'est pas la police ou la gendarmerie qui empêche les tenants d'une cause de s'exprimer.

Indépendamment des noms d'oiseaux qui sont lancés ou des polémiques, la situation soulève un débat philosophique très intéressant. J'entends une partie de l'extrême gauche avancer un argument que vous avez vous-même évoqué de façon différente. Vous dites qu'il n'aurait pas fallu envoyer des policiers et des gendarmes à Sainte-Soline car on savait que l'affrontement serait violent, et qu'après tout ce ne sont que des biens.

Cela signifie d'abord que vous refusez le droit de propriété. Personne n'évoque le fait que les champs des agriculteurs aient été envahis ; si on foulait votre jardin, ce serait peut-être différent – je ne parle pas de vous, madame Guetté, mais en général… Philosophiquement, cela sous-tend nombre de nos désaccords : pour vous donc, puisque la présence de policiers et gendarmes se traduira par des confrontations et donc des manifestants blessés, il ne faut pas les envoyer protéger de simples biens – des bassines, des « trous ». Tout dépend si l'on considère la propriété privée comme du vol ou pas.

Ensuite, il y a des décisions de justice sur les bassines, qui sont un outil pour les agriculteurs – tout le monde les oublie, mais ce sont eux qui ont été harcelés, parfois attaqués. Le rôle de la police et de la gendarmerie est d'appliquer les décisions de justice, pas de dire si le juge a eu raison ou non.

En l'occurrence, l'objectif défini était non seulement de détruire les bassines en préparation, mais aussi d'occuper le site, d'en faire une zone de non-droit. Si les dirigeants de l'époque avaient eu la même réaction que l'actuel gouvernement en voyant arriver l'ultragauche à Notre-Dame-des-Landes, il n'y aurait pas eu de contre-société, ni ce désastre pour l'autorité de l'État – car Notre-Dame-des-Landes nourrit d'autres contestations d'ultragauche.

Oui, les policiers et les gendarmes sont là pour protéger les personnes, mais aussi les biens, et pour faire respecter les décisions de justice. Il ne nous appartient pas de dire que notre opinion personnelle est supérieure à une décision de justice, ni que cette décision est mauvaise par nature et qu'il ne faudrait pas l'appliquer puisque le droit de manifester est supérieur à tout. Les policiers et les gendarmes ont appliqué l'État de droit, c'est-à-dire les décisions de justice prises par des juges indépendants.

Mme Guetté nous a reproché de n'avoir pas donné le statut d'observateur à des membres de la Ligue des droits de l'homme (LDH). Curieux observateur, qui a appelé à rejoindre une manifestation interdite et attaqué les arrêtés d'interdiction de transport d'armes – avouez que ce n'est pas très pacifique… Quoi qu'il en soit, c'est le tribunal administratif de Poitiers qui lui a refusé le statut d'observateur. Si la décision avait été inverse, nous l'aurions appliquée bien volontiers.

Le problème, c'est donc que vous reprochez au ministère de l'intérieur d'avoir appliqué les décisions de justice. Si vous considérez que le droit est mauvais, faites de la politique pour le changer – sauf que pour l'instant, vous n'êtes pas majoritaire. Mais le droit s'applique à tous, qu'il nous plaise ou nous déplaise.

Je remercie MM. Ciotti et Mandon pour leur soutien franc et massif aux forces de l'ordre. Comme M. Baubry, ils évoquent la question des activistes.

Le ministre de l'intérieur ne crée pas la loi : il applique celle qui a été votée par le législateur et validée par le Conseil constitutionnel, et les décisions de justice qui font jurisprudence. Aujourd'hui, je le répète, le ministre ne peut pas interpeller des personnes au prétexte qu'elles seraient connues des services de renseignement pour leur violence, réelle ou supposée. Contrairement à ce que l'on entend, ce n'est pas parce que 2 200 personnes de l'ultragauche et 1 000 personnes de l'ultradroite sont fichées S qu'elles ont nécessairement commis des actions contraires à la loi. Comme leur nom l'indique, les fiches de renseignement permettent de faire du renseignement, non des interpellations.

Lorsque l'on soupçonne une personne d'avoir commis un délit ou un crime, les forces de l'ordre l'interpellent, la présentent à l'officier de police judiciaire, qui agit sous l'autorité du procureur de la République, la mettent en garde à vue. La garde à vue ne signifie pas que l'on est responsable de quelque chose, mais que l'on vous en soupçonne. Vient ensuite la mise en examen, lorsque des indices graves et concordants sont rassemblés, puis la condamnation, qui est le fait d'un juge, non des services de police.

Voilà le travail des policiers et des gendarmes. Ils ne peuvent pas interpeller en amont une personne qu'ils connaissent comme dangereuse, tant que les faits ne sont pas documentés et judiciarisés. Je livre cet élément à la sagacité du débat parlementaire – et c'est une question compliquée – mais le ministère de l'intérieur ne fait qu'appliquer la loi.

Monsieur Vicot, je suis toujours étonné qu'on mette un signe d'égalité entre la violence de certains et l'action des policiers. Il n'y a pas d'un côté ceux qui mèneraient un combat légitime et de l'autre ceux qui auraient seulement le droit de la force. Il y a d'un côté ceux qui ont le droit de la force et de l'autre, ceux qui ne l'ont pas.

Si des policiers et des gendarmes n'utilisaient pas la force de façon proportionnée, il faudrait les sanctionner. J'en ai sanctionné 111 en 2021 et une centaine en 2022 – parmi 250 000 policiers et gendarmes. Mais en tout état de cause, il y a toujours ceux qui ont la force légitime, donnée par le droit, et ceux qui ne l'ont pas. On ne peut donc pas parler comme vous le faites des « violences, d'où qu'elles viennent ». Ce n'est pas possible. Les policiers et gendarmes ne font que répliquer à des personnes violentes. Ce ne sont jamais eux qui attaquent en premier, dans les rues de Paris ou les champs de Sainte-Soline. La seule question qui peut se poser, c'est de savoir si la réplique a été proportionnée, et la stratégie adaptée.

Par ailleurs, la vidéo montrant des gendarmes « faire la leçon » aux policiers date de 2020. Le journal Libération l'a confirmé, après vérification. Je connais votre honnêteté, mais il faut le dire et le redire : ce n'est pas une vidéo de la Brav-M en 2022.

Madame Faucillon, en 1988, Jacques Chirac parlait déjà de terrorisme intellectuel, et il n'était pas d'extrême droite. Je sais que les relations sont compliquées dans la NUPES en ce moment, mais parlez-en avec M. Ruffin, qui l'a cité récemment.

Madame Regol, je condamne évidemment les menaces et les intimidations, les exactions et les insultes adressées à Mme Tondelier. Elle a pu échanger à plusieurs reprises avec mon directeur de cabinet et a été protégée par des gendarmes lors de l'action militante légitime qu'elle a menée dans le Sud-Ouest.

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Les gendarmes ont peur ! Que fait-on dans ce cas ?

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Gérald Darmanin, ministre

Vous avez raison, les gendarmes ont peur, eux aussi – ce sont des pères et mères de famille. Oui, on protège Mme Tondelier, comme on l'a fait pour M. Mélenchon et d'autres personnes qui se sentent menacées. On protège des élus de gauche, de la NUPES, y compris avec des membres du service de la protection (SDLP). Certaines personnes ne veulent pas être protégées, mais autant que faire se peut, les parlementaires, les hommes et les femmes politiques sont protégés par la police de la République.

À Paris, il y a quelques mois, nous avons par exemple protégé Mme Coffin, qui était l'objet d'insultes et de menaces inacceptables. J'ai aussi eu un long échange avec Mme Rousseau, ainsi qu'avec Mme Panot et d'autres parlementaires.

S'agissant des services de secours, je redis qu'en droit, les organisateurs de manifestations en sont responsables. Mais devant leur absence de réponse à des demandes répétées, treize véhicules du service départemental d'incendie et de secours ont été mobilisés, soit quarante et un sapeurs-pompiers, trois équipes médicales avec trois médecins de la gendarmerie nationale, cinq Smur, deux hélicoptères – un du Smur, un de la gendarmerie nationale. Pour une préfète qui avait interdit la manifestation et qui rappelait aux organisateurs leur responsabilité, avouez que c'était un dispositif important.

Monsieur Guitton, vous avez raison de dire qu'il manque des policiers et des gendarmes mobiles. La Lopmi y répond. Vous déplorez que seulement quatre CRS et sept escadrons de gendarmes mobiles soient créés. Ce n'est pas si mal, puisque ce sont des unités de CRS qui comptent 200 policiers, sur le modèle de la CRS 8, et qui sont très mobiles – car la mobilité est ce qui manque le plus justement aux unités mobiles actuelles. Quant aux sept unités de gendarmes mobiles, c'est ce que souhaitaient les forces. Elles seront finalisées dès cette année : sept demi-unités de force mobile seront prêtes dès juin, le reste en octobre. À cette date, trois unités de CRS auront été entièrement créées et la quatrième le sera en mars.

En 2017, nous avons commencé par augmenter les effectifs dans les CRS, pour revenir à quatre sections. Nous avons aussi fait un choix stratégique, celui d'augmenter de 4 000 le nombre de policiers et de gendarmes à la DGSI et dans le renseignement territorial, car la priorité allait à la lutte contre le terrorisme. Nous avons vu récemment que la menace subsiste, avec l'interpellation hier soir d'un adolescent qui aurait pu projeter un attentat. Si nous avons déjoué une quarantaine d'attentats depuis 2017, c'est grâce aux services de renseignement. La lutte contre menace terroriste étant plus importante que le simple maintien de l'ordre public, la priorité allait au renseignement.

Madame Martin, il est faux de dire que toutes les manifestations ont été interdites dans les Deux-Sèvres. À Melle, entre 5 000 et 6 000 personnes ont défilé. La manifestation pacifique contre les bassines était donc possible, à côté de Sainte-Soline. Juste en face des bassines en revanche, vu ce qui s'était passé il y a six mois, la manifestation a été interdite.

Non, contrairement à ce qui a été dit, on n'a pas le droit de manifester lorsque la manifestation est interdite. L'obligation de déclaration préalable d'une manifestation est prévue depuis 1935 à l'article L. 211-1 et suivants du code de sécurité intérieure. Organiser une manifestation non déclarée ou interdite constitue un délit au sens de l'article 431-9 du code pénal, puni de six mois d'emprisonnement. Participer à une manifestation interdite constitue une infraction, punie d'une amende de quatrième classe. Quant à l'article 431-3 du code pénal – je vous invite à rechercher qui l'a introduit – il dispose : « Constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public. » Ces dispositions permettent aux forces de police d'intervenir et d'interpeller des personnes. C'est pour cela qu'il n'est pas possible de dire que nous avons fait des interpellations préventives, sans aucun délit. Si vous pensez que le droit est inadéquat, n'hésitez pas à le changer, vous êtes le législateur. Il ne me revient pas de le faire : je ne fais qu'appliquer le droit.

Enfin, monsieur Mendes, il ne me revient pas de juger les parlementaires : je ne suis pas la police des assemblées. Je vous encourage cependant à évoquer les faits que vous avez rappelés, car j'ai vu des choses très choquantes.

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Nous en venons aux questions des autres députés. Je vous invite à la brièveté, sans quoi nous ne pourrons pas toutes les entendre.

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L'Assemblée nationale a établi un état des lieux des pratiques et des doctrines du maintien de l'ordre lors de la précédente législature. La liberté de manifester, droit fondamental, doit être conciliée avec la nécessaire préservation de l'ordre public. Plusieurs enjeux sont identifiés.

Une formation de base au maintien de l'ordre doit d'abord être assurée pour tous les agents. Il faut aussi reprofessionnaliser les forces spécialisées, en distinguant les techniques de déploiement en cas de violences urbaines et en cas de manifestations. Le schéma national du maintien de l'ordre doit être actualisé aussi souvent que possible et faire l'objet d'une concertation avec les syndicats de police, les organisations susceptibles d'appeler à manifester et les associations en charge des droits et libertés, comme le Défenseur des droits ou la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Un contrôle interne et externe doit être mené pour éviter les dérives. Il faut aussi informer le Parlement et nouer des liens avec le monde universitaire, en toute transparence.

Quelles sont vos priorités ? Pourriez-vous transmettre un calendrier des actions que vous entendez mener ?

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Je suis toujours impressionnée par le calme et le discernement dont font preuve les gendarmes et policiers, que je côtoie depuis plusieurs années, dans des situations conflictuelles, face à des individus ou des groupes irrespectueux, agressifs, voire très violents. Les vidéos présentées sont révélatrices de ces scènes de guérilla urbaine.

La très grande majorité des Français respecte les forces de l'ordre et leur mission – nous protéger et protéger notre République et ses institutions. Selon un sondage de l'Institut CSA du 28 mars 2023, 85 % des Français condamnent les violences contre les forces de l'ordre, n'en déplaise à ceux qui se plaisent à attiser ces désordres, pour dire le moins.

L'outrage, l'outrance et la provocation sont devenus le beurre de certains – apprentis cinéastes qui trouvent leurs quinze minutes de gloire dans le nombre de vues générées par leurs exactions, médias qui en viennent à espérer un affrontement ou un débordement, figures médiatiques qui tendent généreusement leur micro à des activistes, des factieux, qui ne sont en rien des manifestants portant des revendications et qui considèrent leur cause d'autant plus légitime que les urnes ne les ont pas entendus. Vous avez eu raison de rappeler, monsieur le ministre, que les rassemblements sans ultragauche se déroulent sans heurt.

N'est-il pas temps d'instaurer une charte déontologique du citoyen, qui régule ses relations avec les forces de l'ordre, les élus, les enseignants et les administrations, afin que chaque Français prenne conscience de ses devoirs en vue de forger une nation unie ?

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« La police doit être responsable devant l'État, les citoyens et leurs représentants. Elle doit faire l'objet d'un contrôle externe efficace. » Cette citation est extraite du code européen d'éthique de la police, validé par le Conseil de l'Europe et par la France. Ce code précise aussi que « Les pouvoirs publics doivent mettre en place des procédures effectives et impartiales de recours contre la police. » Comment ces procédures pourraient-elles être impartiales, alors que l'IGPN dépend directement du directeur général de la police nationale ?

La confiance entre la police et la population ne se décrète pas. Elle repose sur la transparence, et celle-ci est plus que jamais abîmée à l'heure où le Conseil de l'Europe, l'ONU, la LDH, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et Amnesty International mettent en garde sur la brutalité de votre maintien du désordre.

Pourquoi ne pas prendre exemple sur le modèle britannique ? Pourquoi ne pas transférer le rôle de l'IGPN à la Défenseure des droits en lui confiant la tutelle d'un service spécifique, comme le demandent de nombreuses associations ?

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On constate la recrudescence d'un phénomène émeutier qui modifie le déroulement des cortèges de manifestations dans les villes de France. La stratégie de manifestation est affectée par une logique d'affrontement du fait de groupes de casseurs. Ces manifestants violents vont au contact et attaquent les policiers. L'objectif des individus radicalisés est de pousser à bout le policier, jusqu'à provoquer chez lui une réponse mal proportionnée. Il faut donc adapter la stratégie des forces de l'ordre à cette réalité, car la confrontation brutale ne fait qu'augmenter le degré de violence de part et d'autre et ouvre le champ à tous les débordements.

On ne peut se satisfaire du détournement du droit fondamental de manifester, ni de l'antagonisme croissant entre deux parties de la population. Les désordres causés par les groupes factieux devraient être systématiquement et effectivement réprimés, afin de dissuader tout passage à l'acte violent contre les forces de l'ordre. À Paris, 76 % des individus interpellés depuis le 15 mars à l'occasion du mouvement social n'ont pas été poursuivis. Parmi ceux qui l'ont été, certains ont vu leur procès renvoyé à une date ultérieure ou ont été relaxés. Les policiers interpellent, mais il n'y a pas de poursuite pénale. Cette absence de réponse pénale fait le lit de l'ultraviolence impunie dirigée contre la police.

Pensez-vous que la communication entre les services de votre ministère et ceux du ministère de la justice pourrait être améliorée, afin d'assurer un meilleur suivi entre les interpellations policières et les poursuites judiciaires ?

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Monsieur le ministre, vous avez rappelé les actions violentes qui ont été menées contre des institutions et des administrations de la République, notamment ce qui s'est passé à la mairie du 4e arrondissement de Lyon. Un poste de la police municipale dans le 1er arrondissement a aussi été attaqué avec une grande violence, tandis qu'un incendie a eu lieu au centre des impôts de Bron – où s'est rendu le ministre des comptes publics Gabriel Attal, en présence du député de la circonscription, M. Vincendet, et de moi-même.

À chaque fois c'était signé : c'était l'ultragauche, c'était les anarchistes. Or si les élus écologistes de la ville de Lyon ont à chaque fois condamné ces violences, ils n'ont jamais cité ces auteurs d'ultragauche. Il faut désigner les auteurs, comme nous le faisons lorsque l'ultradroite est à l'origine de violences et d'exactions.

Vous avez évoqué les moyens utilisés par le renseignement territorial et la DGSI. Quelles mesures supplémentaires comptez-vous prendre pour renforcer la surveillance et la neutralisation des groupuscules d'ultragauche ?

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Ce matin, c'est l'audition Paris Match : « Le poids des mots, le choc des photos » !

Mais les mots ont un sens, monsieur le ministre. Comptez-vous parmi les « terroristes intellectuels » la Défenseure des droits, qui appelle à la désescalade et s'inquiète du non-respect des principes déontologiques ? Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui rappelle que manifester est un droit fondamental qui doit être protégé ? Le rapporteur spécial des Nations unies qui s'inquiète d'un usage excessif de la force en France ? Le président Biden et son porte-parole à la Maison-Blanche ? Votre propre collègue de l'éducation nationale, qui déclarait à raison en 2020 qu'il y avait dans la classe politique française un grand déni des violences policières ? Vous êtes peut-être vous-même un terroriste intellectuel, puisque vous avez reconnu avoir sanctionné 111 policiers pour des cas de violences policières – preuve qu'elles existent bien !

Quant au choc des photos, nous avons eu un joli PowerPoint style McKinsey. Mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale, pour avoir un débat sérieux et démocratique sur le maintien de l'ordre.

Vous avez raison : toutes les violences ne se valent pas. Vous n'êtes pas personnellement responsable de celles commises par les black blocs, et nous condamnons évidemment toutes les violences qui consistent à s'en prendre aux biens et aux personnes dans les manifestations. En revanche, vous êtes responsable de la police républicaine qui, parce qu'elle a le monopole de la violence et de la force légitimes, a plus de devoirs à l'égard de la société. C'est à propos de cette responsabilité-là que nous aurions aimé que vous vous expliquiez.

Vous avez évoqué des mots et des images, mais vous avez oublié bien des faits, comme les centaines de personnes qui sortent de garde à vue sans faire l'objet de poursuites, preuve de leur innocence, ou comme les mutilés et les manifestants dans le coma.

Ce matin, vous avez esquivé vos responsabilités.

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Je salue l'engagement des policiers et des gendarmes mobiles, qui sont mobilisés depuis plusieurs semaines pour garantir la sécurité publique, et déplore les violences inacceptables auxquelles les forces de l'ordre sont confrontées, aussi bien dans les centres urbains qu'à Sainte-Soline. Ces violences ont fait de nombreux blessés, tant du côté des gendarmes et des policiers que de celui des manifestants. J'ai une pensée pour eux et pour leurs familles, qui souffrent des conséquences de ces dérives violentes intolérables.

Les forces de l'ordre exercent un métier difficile. Nous sommes confrontés au problème de leur emploi intensif. Le maintien de l'ordre est assuré par des hommes et des femmes qu'il faut former et entraîner régulièrement, de manière individuelle et collective. Ils doivent bénéficier du repos auquel ils ont droit. Il faut les attirer et les fidéliser, afin de garantir leur propre sécurité, mais aussi d'assurer un maintien de l'ordre de qualité sur tout le territoire.

Quelles sont les mesures prises pour garantir l'attractivité du métier de CRS et de gendarme mobile ? Comment est organisée la formation continue des forces de l'ordre ? Quand ouvrira le centre supplémentaire de formation au maintien de l'ordre prévu par la Lopmi ?

Enfin, comment votre ministère s'organise-t-il pour concilier l'engagement des forces de sécurité intérieure dans le cadre des grands événements sportifs à venir avec leurs activités habituelles de maintien de l'ordre et celles destinées à assurer la sécurité de tous sur l'ensemble du territoire ?

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Par-delà les événements, je m'interroge sur le manque d'anticipation du caractère violent des manifestations. Le renseignement est essentiel pour anticiper. Pourquoi n'y en a-t-il pas eu sur l'état d'esprit des manifestants, ou alors pourquoi n'en a-t-il pas été tenu compte ?

Au cours de ma carrière dans la police nationale, en tant que responsable du renseignement dans plusieurs départements, j'ai maintes fois pu mesurer combien ce travail était essentiel pour les forces de police et de gendarmerie sur le terrain. À Sainte-Soline, de véritables guérilleros armés de hachettes, de couteaux et d'engins incendiaires sont passés sous les radars. Les services de renseignement sont vos yeux et vos oreilles, et en l'occurrence, vous avez été aveugle et sourd.

On sait que le laisser faire peut cacher une volonté de discréditer un mouvement. Je n'ose croire que cela a été le cas à Sainte-Soline, pour faire passer au second plan la question de la réforme des retraites et ainsi retourner l'opinion.

La gestion du maintien de l'ordre est un exercice difficile. L'anticipation et l'analyse prospective sont absolument indispensables. Pourquoi ne pas utiliser davantage les moyens d'information et de renseignement ?

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En mai 1968, le préfet de police de Paris Maurice Grimaud a écrit aux policiers : « Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même ». Autres temps, autres mœurs… Par rapport aux dernières semaines, Mai 68 laisse le souvenir de manifestations massives, dont les dégâts humains resteront bien moindres que ceux de ces dernières semaines, alors que les dégâts matériels furent bien plus importants.

Votre doctrine de maintien de l'ordre a changé. Lors des premières manifestations contre la loi sur les retraites, les gardiens de la paix ont assuré leur service avec discernement et modération. Leur présence en marge des cortèges en assurait le bon déroulement logistique, montrant ainsi que le maintien de l'ordre et la liberté de manifester peuvent cohabiter pacifiquement. Que s'est-il passé pour que le ministre de la police dérive vers un schéma de maintien de l'ordre où l'utilisation d'armes de guerre et d'engins mutilants devient la norme, créant le chaos et mettant en danger les policiers comme les manifestants ? Combien de vies humaines, de policiers comme de manifestants, êtes-vous prêts à risquer pour des poubelles ou des trous dans la terre ?

Vous détenez les clés de l'escalade ou de la désescalade. Quel bénéfice politique espérez-vous tirer de cette mise en confrontation déraisonnable de nos concitoyens, policiers et manifestants ? Quels intérêts votre gouvernement a-t-il à défendre pour que vous adoptiez des stratégies de confrontation potentiellement létales, dénoncées par toutes les organisations internationales de défense des droits de l'homme ?

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La fracture entre la société civile et les forces de l'ordre s'est accentuée ces dernières années et la violence n'a cessé de s'accroître. Pourtant, le maintien de l'ordre est essentiel au bon fonctionnement de la société et à la préservation de certains droits fondamentaux, comme celui de manifester en évitant les débordements.

On parle souvent des violences policières, et je ne nie pas qu'il puisse y avoir parfois des comportements individuels violents. Mais il ne faut pas tomber dans le piège de la démagogie et réduire les forces de l'ordre à ces seuls comportements, qui entachent leur travail quotidien de protection de nos concitoyens. On évoque toujours les trains en retard, jamais ceux qui arrivent à l'heure.

En 2021, sur 250 000 policiers et gendarmes, 111 ont été sanctionnés pour usage disproportionné de la force. Mon propos n'est pas de légitimer la violence. Bien au contraire, je la condamne fermement. Mais il est important de relativiser et de souligner que la majorité des policiers et des gendarmes ont à cœur de bien faire leur travail.

Il est essentiel de renouer les liens entre la société civile et les forces de l'ordre pour permettre à nos concitoyens de mieux comprendre ce métier mis à mal ces dernières années, ses enjeux et ses difficultés. La société civile a beaucoup à apprendre des forces de l'ordre, et réciproquement. Protéger, c'est aussi comprendre les besoins et y répondre. Nous ne pourrons guérir les maux de notre société sans le dialogue et la compréhension.

Que prévoit le Gouvernement pour réconcilier la société civile avec les forces de l'ordre ? Ce sujet est d'autant plus important que les manifestations sont de plus en plus gangrenées par des groupuscules violents. S'y ajoutent l'usage des nouvelles technologies et la montée de la défiance de la société civile. Tout cela contribue à la pérennisation d'un climat violent qu'il convient de désamorcer, ce qui passe en premier lieu par une meilleure formation des forces de l'ordre. Qu'envisage le Gouvernement en la matière ?

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A-t-on ouvert le concours de celui qui prononcera le plus souvent le mot « ultragauche » pendant ces deux heures de débat ?

La police républicaine, que nous chérissons tous, ne supprime évidemment pas les libertés publiques. Au contraire, elle les garantit. L'ordre permet de concilier les libertés. C'est une tâche immense qui est devant vous.

Le constat que vous avez fait nous désole tous, parce qu'il témoigne d'un malaise qui nous préoccupe. Il y a une déstabilisation qui nous fait peur. Nous croyons à la police républicaine et nous voulons la sauvegarder.

Vous avez présenté les réponses de l'État. Je voudrais pour ma part aborder la question de la formation, qui me paraît tout à fait essentielle – et je le dis sans malice, parce que j'ai beaucoup de respect pour les forces de police et de gendarmerie. La formation a été accélérée. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait revenir en arrière ? J'ai entendu dire que les cours sur les libertés publiques disparaissaient des écoles de police. Si tel est le cas, il me paraît essentiel de les rétablir.

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Monsieur le ministre, vingt-huit collègues vous ont interrogé. Huit ne pourront pas poser leur question en raison de votre audition par la commission des lois du Sénat, prévue à onze heures. Nous vous entendrons de nouveau, le cas échéant dans les prochaines semaines, et ces collègues seront prioritaires pour vous interroger.

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Gérald Darmanin, ministre

Je reste évidemment à la disposition du Parlement.

En ce qui concerne les suites judiciaires, je vous invite à demander l'audition du garde des sceaux, madame Lorho. Il pourra mieux que moi décrire l'activité de ses services. Depuis le 16 mars, 1 191 individus ont été interpellés ; 1 169 ont été placés en garde à vue, sous l'autorité d'un officier de police judiciaire (OPJ) et du parquet ; 193 individus ont été déférés, soit un taux de 16,5 % ; 50 individus ont fait l'objet d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou d'une convocation par OPJ ; 68 individus ont été convoqués par le délégué du procureur de la République ; 46 personnes sont concernées par des enquêtes préliminaires. En outre, parmi les personnes interpellées 18 étaient fichées S, ce qui constitue une proportion assez importante.

Il ne m'appartient pas de commenter la réponse pénale. Je constate tout de même qu'un taux de défèrement de 16,5 % n'est pas négligeable.

Mme Karamanli et plusieurs de ses collègues ont posé des questions sur l'échange d'informations avec les manifestants ou avec les organisations syndicales. On peut toujours améliorer la coopération avec les journalistes ou des observateurs. Je constate que des journalistes ont été pris à partie lors des manifestations. Certains ont été blessés, comme le photographe du journal Sud Ouest qui a dû se réfugier du côté des gendarmes à Sainte-Soline, qui nous a tous beaucoup touchés. Nous avons proposé à la Défenseure des droits de suivre une manifestation, par exemple au sein du poste de commandement de la préfecture de police. Elle y viendra jeudi et c'est une très bonne chose.

J'encourage une nouvelle fois tous les parlementaires qui le souhaitent, dont ceux qui pensent que l'emploi de la force est disproportionné, à passer une journée demain sur le terrain, afin de mesurer par eux-mêmes la violence qui est exercée par les forces de l'ordre et celle qui est subie.

Les outils technologiques dont se dote le ministère de l'intérieur permettront d'améliorer l'information donnée aux manifestants, notamment sur les sorties disponibles en cas de nasses dans les manifestations susceptibles de dégénérer, et de mieux effectuer des sommations. Nous pourrons par exemple, grâce à Cell Broadcast, diffuser des informations pratiques sur les téléphones mobiles, ou avertir du danger que peuvent représenter des individus violents à certains endroits. Actuellement, les sommations sont effectuées avec des mégaphones, ce qui n'est pas très efficace lorsqu'il y a du monde qui crie.

Je ne savais pas que MM. Biden et Bolloré étaient des références politiques et culturelles pour M. Lucas. Je lui répondrai en citant France Inter, quitte à surprendre, où j'ai entendu ce matin Bernard Cazeneuve, qui était ministre de l'intérieur lors de l'affaire du barrage de Sivens et des manifestations contre le projet de loi El Khomri. Il a dit des choses importantes, et il me semble qu'on peut citer M. Cazeneuve sans être traité de fasciste.

Voici ce qu'il a déclaré à propos de LFI : « On savait que c'était le parti de l'outrance, maintenant, on sait que c'est le parti de l'insulte. Il paraît que c'est la gauche. Non, ce n'est pas ça la gauche. La gauche, c'est le parti de ceux qui considèrent que quiconque ne pense pas comme soi doit être respecté. Et moi, je combats LFI en raison des orientations qui la conduisent à s'exprimer comme vous venez de le rappeler. » Il fait allusion aux propos sur les violences. Il a ajouté : « Je n'attends rien d'eux. Je sais comment ils sont structurés. Je sais ce dont ils sont capables. Je ne suis pas choqué, je suis consterné… Je suis consterné parce que j'ai une autre idée de ce qu'est la politique. J'ai une autre idée de ce qu'est notre pays. […] Quand je vois un parlementaire mettre sous son pied un ballon sur lequel il y a l'effigie d'un ministre, en expliquant que ce ministre est un assassin, cela suscite chez moi un profond dégoût, parce que c'est très loin de la conception que je me fais de la politique et de la démocratie. »

Je ne saurais mieux dire que M. Cazeneuve. Ce sont des propos de bon sens, qui rappellent qu'il existe dans ce pays une gauche républicaine et démocrate qui respecte les forces de l'ordre.

M. Coulomme a tenu des propos extraordinaires, estimant que le bilan de Mai 68 avait été moins important que celui des récentes manifestations… Mais il y a eu sept morts en Mai 68 : un commissaire de police et six manifestants. Il y a eu 2 000 blessés, dont 200 graves – certains sont restés handicapés à vie. Les comparaisons que vous faites sont profondément insultantes pour les morts de Mai 68.

La Lopmi, qui a été votée par une grande partie des membres de cette assemblée, a permis de rallonger de quatre mois la formation des policiers et des gendarmes – dont, bien entendu, ceux qui sont affectés au maintien de l'ordre. Il n'y a aucune remise en cause des cours sur les libertés publiques. Le nouveau centre de formation au maintien de l'ordre situé à Villeneuve-Saint-Georges ouvrira au début de l'année 2024. La formation au maintien de l'ordre des policiers et des gendarmes est un enjeu très important. La difficulté réside dans le fait qu'ils sont très mobilisés, ce qui a des conséquences sur le temps de formation, mais aussi sur celui consacré au repos. Il faut veiller à ces points pour des raisons d'efficacité. Pour les forces mobiles, il faut revenir à un temps réparti, pour faire vite, en trois tiers bien distribués entre l'activité de maintien de l'ordre, la formation et le repos. C'est pour cela que des unités de forces mobiles supplémentaires ont été créées.

J'ai évoqué précédemment les liens entre la société civile et la police, lorsque j'ai abordé le travail réalisé à l'occasion de l'élaboration du nouveau schéma national de maintien de l'ordre, ainsi que celui effectué lors de l'examen de la Lopmi au sujet de la sécurité civile. Le collège de déontologie qui sera mis en place auprès du ministère et les travaux de recherche que nous devons développer vont permettre d'aller plus loin.

Enfin, puisque tout le monde cite des sondages sur la réforme des retraites et qu'ils ne sont pas contestés, je relève que, malgré le battage médiatique auquel nous avons assisté, sept Français sur dix continuent à soutenir les policiers et les gendarmes. C'est un niveau extrêmement haut, qui les fait figurer parmi les professions les plus appréciées.

La séance est levée à 11 heures 05.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Romain Baubry, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, Mme Blandine Brocard, Mme Émilie Chandler, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, M. Jean-François Coulomme, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Elsa Faucillon, Mme Raquel Garrido, M. Yoann Gillet, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier Valente, M. Jordan Guitton, M. Sacha Houlié, M. Jérémie Iordanoff, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Julie Lechanteux, M. Didier Lemaire, Mme Marie-France Lorho, M. Benjamin Lucas, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Thomas Ménagé, M. Ludovic Mendes, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, M. Éric Pauget, M. Jean-Pierre Pont, M. Thomas Portes, M. Éric Poulliat, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, Mme Sarah Tanzilli, Mme Andrée Taurinya, M. Jean Terlier, Mme Cécile Untermaier, M. Roger Vicot, M. Guillaume Vuilletet

Excusés. - M. Ian Boucard, M. Philippe Dunoyer, Mme Marie Guévenoux, M. Benjamin Haddad, M. Timothée Houssin, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, Mme Naïma Moutchou, M. Davy Rimane

Assistaient également à la réunion. - M. Sébastien Chenu, M. Sébastien Delogu, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Clémence Guetté, Mme Marie Lebec, Mme Marianne Maximi, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Michaël Taverne