Intervention de Olivier Falorni

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni, président de la mission d'évaluation :

Un grand nombre des interventions ont évoqué la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. C'est fort logique dans la mesure où elle constitue la grande nouveauté de la loi. En réalité, la loi Leonetti de 2005 avait déjà intégré les directives anticipées et la personne de confiance. Elle avait aussi affirmé le refus de l'obstination déraisonnable et l'accès aux soins palliatifs pour tous.

La nouveauté de 2016 correspondait à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, qui pouvait être parfois pratiquée en complément des sédations proportionnées. Cette question est au cœur des enjeux car la procédure est source d'interrogations. Nous n'avons pas accès à certains chiffres. En effet, nous sommes incapables de déterminer combien de sédations profondes et continues maintenues jusqu'au décès sont pratiquées parce que cet acte n'est pas codifié. Nous travaillons sur la base d'éléments déclaratifs qui dessinent une tendance : cette sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès serait très peu répandue. Deux raisons ont été fournies pour l'expliquer. Elles recouvrent en partie les deux analyses de la loi : il s'agirait d'un « trésor national » selon le docteur Claire Fourcade ; le professeur Martine Lombard estime la loi inappliquée car inapplicable.

Pour certains soignants, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès n'est pas forcément utile car les sédations proportionnées suffisent dans la majorité des cas. Je rappelle néanmoins que Jean Leonetti avait indiqué que « 12 % des malades hurlaient de douleur dans les hôpitaux parisiens ». Nous avons d'ailleurs repris cette formule dans le rapport.

Pour d'autres, la sédation n'est pas utilisée car elle pose un certain nombre de problèmes, dont celui de l'intentionnalité, c'est-à-dire cette limite ténue entre l'aide active à mourir et la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès. Comme son nom l'indique, elle a vocation à être irréversible : le patient sédaté ne doit pas se réveiller. Or, c'est parfois arrivé selon les témoignages de soignants.

En outre, la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès est quasiment impossible à domicile alors même que ce droit est inscrit dans la loi Claeys-Leonetti. La question de la maîtrise du temps est également source d'inquiétude pour les soignants : lorsque l'on plonge un patient dans la sédation profonde et continue, on ignore combien de temps cela va durer. Nous avons recueilli le témoignage d'un réanimateur en néonatalogie qui avait plongé un nourrisson en sédation profonde et continue... Celle-ci avait duré plus longtemps qu'il ne l'avait prévu.

Par ailleurs, la loi elle-même impose une limitation de l'accès à la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès : elle ne doit intervenir que si le pronostic est engagé à court terme, c'est-à-dire après quelques heures ou quelques jours. Deux évaluations – qui n'étaient pas le fait de parlementaires – ont été conduites en 2018, de manière trop précoce. L'Igas prônait la codification de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès, qui n'est toujours pas advenue. Le Conseil d'État, qui n'a pas l'habitude d'exprimer un jugement éthique, avait évoqué « ce malade qui n'en finit pas de mourir ».

Nous nous interrogeons sur le non-recours à ce dispositif, qui peut être interprété de deux manières. Nous ne nous positionnons pas. Mais j'ai un avis personnel sur la question.

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