Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du vendredi 5 mai 2023 à 9h00
Crise de l'hôpital public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Je voudrais d'abord avoir une pensée pour la rédactrice des comptes rendus, victime d'un malaise hier.

Lorsqu'en 2017, avec Alain Bruneel et nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous lancions le tour de France des hôpitaux, c'était pour braquer le projecteur sur la crise de l'hôpital, une crise puissante qui demeurait dans l'ombre malgré la persistance de mouvements sociaux considérables. Lors de l'examen des budgets de la sécurité sociale, on nous disait que les compressions de moyens devaient se poursuivre. La crise de l'hôpital est un choix politique de longue date !

Elle ne date donc pas de la pandémie. Celle-ci est venue aggraver la situation comme un tsunami et a imposé au regard de tous l'engagement des agents, malgré l'extrême dégradation de la situation, et le mal-être des professionnels soignants et non-soignants : fermetures subies de lits et parfois de services entiers, vacances de postes, niveau préoccupant des arrêts pour maladie, explosion de l'intérim, engorgement croissant des urgences, fonctionnement ordinaire en mode dégradé – que le plan d'urgence de l'été dernier a officialisé et, un comble pour l'hôpital, une perte de sens faute de temps pour le soin et l'humain.

Ces réalités s'imbriquent dans trois autres phénomènes : la désertification médicale, l'inégalité d'accès aux soins, des besoins sociaux et de santé croissants en raison, notamment, du vieillissement de la population, d'un retard massif de notre pays en matière de prévention et du développement des maladies chroniques.

Les différentes réponses apportées par le Gouvernement – ou plutôt, pour certaines d'entre elles, arrachées par les mobilisations –, qu'il s'agisse du pacte de refondation des urgences, du plan Investir pour l'hôpital, du Ségur de la santé ou encore des mesures d'urgence pour les soins non programmés, ont toutes été jugées par les professionnels de santé comme étant largement insuffisantes et, par certains aspects, injustes, voire délétères. Force est de constater que la crise de l'hôpital public s'accentue en pédiatrie, en soins palliatifs, en maternité ou encore en psychiatrie. C'est peut-être que les réponses apportées jusqu'alors ne veulent pas remettre vraiment en cause le cadre politique, ne s'attaquent pas aux bonnes questions et contournent les origines réelles de la crise.

Nous refusons d'acter que la crise de l'hôpital public doive durer et nous refusons qu'elle vienne fournir des raisons de remettre en cause notre sécurité sociale et notre système public d'accès aux soins. Car, en réalité, les solutions pour sortir l'hôpital public de son marasme existent et nous les connaissons. Il suffit de se tourner vers celles et ceux qui continuent, à bout de souffle, par leur travail, d'en assurer le fonctionnement au quotidien.

Je pourrais citer les organisations syndicales avec lesquelles le Gouvernement a tant de mal à dialoguer – mais avec qui y parvient-il ? – ou évoquer la séance au cours de laquelle les membres du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, malgré leur diversité et alors que ce n'est pas forcément leur mission, ont réagi à cette crise globale appelant des réponses globales. Je m'en tiendrai à la tribune publiée dans Le Monde le 21 décembre 2022 par un collectif de plus de 5 000 médecins, soignants et agents hospitaliers.

Y sont énoncées quatre propositions pour sortir à court terme et durablement de la crise : la sécurisation des soignants grâce à un service défini, avec un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmière, ce qui suppose l'embauche d'environ 100 000 infirmières ; la poursuite de la revalorisation financière dont le Ségur ne peut constituer qu'une amorce – j'ajoute qu'il faut arrêter de contourner les règles statutaires, notamment en matière de traitement, pour faire face à ces enjeux ; un changement profond de gouvernance afin que les décisions soient pertinentes du point de vue de la recherche et des besoins de santé et ne découlent pas d'arbitrages financiers ; un changement radical du mode de financement de l'hôpital avec la fin de la tarification à l'activité.

Les signataires de la tribune proposent également de poursuivre sous une forme adaptée, en se fondant sur des indicateurs simples, la garantie de financement fournie pendant la pandémie. Il faut en finir avec l'Ondam qui, depuis trop longtemps, ne fixe plus un objectif mais contraint les dépenses à outrance et organise le déficit de la sécurité sociale – cette année au moins autant que les précédentes.

Il faut beaucoup pour réparer ce qui a été abîmé depuis tant d'années et faire face aux effets de la crise sanitaire. En réalité, madame la ministre déléguée, votre politique n'affronte pas la crise, elle n'ouvre pas la perspective d'une amélioration et d'un nouveau souffle. Nous avons besoin de réformes structurelles, ancrées dans la réalité des métiers et du système de soins, qui visent à rebâtir un hôpital public fort, en rompant avec les logiques d'austérité, le néolibéralisme et la marchandisation de la santé. Elles sont possibles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion